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Le Sureau


Étymologie :


  • SUREAU, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1360 suraut (Ordonn. des Rois de France, t. 3, p. 417) ; [1527 sureau (d'apr. Bl.-W.5, s. réf.)] 1530 sureau (Palsgr., p. 193b : alder tree sureau). Dér., au moyen du suff. -eau*, de l'a. fr. seür « sureau » (1174-78, Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 312), lui-même dér., au moyen d'une finale -r d'orig. obsc., de l'a. fr. seü « sureau » (1176, Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4725), issu du lat. sabucus, var. de sambucus « sureau » (v. FEW t. 11, p. 8).


  • HIÈBLE, YÈBLE, subst. fém.

Étymol. et Hist. xiies. ybles (Gloss. Tours, 332 ds T.-L.) ; 1re moitié xive s. hieble (Recettes méd., ms. Evreux 23, 14, ibid.). Du lat. ebulum « hièble ». Écrit avec h- initial au Moy. Âge pour éviter la prononc. jèble.


Lire aussi la définition des noms sureau et hièble pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Sambucus nigra - Arbre à flûte - Arbre aux fées (île de Man) - Arbre gardien - Baie de sureau - Demoiselle sureau - Ellhorn (Allemagne) - Savu - Sureau en arbre -

Sambucus ebulus - Herbe à l'aveugle - Herbe aux yeux - Hièble - Hyèble - Yèble -

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Toponymie :


D'après Gaston Deslandes, auteur de "Les orthographes cadastrales des lieux-dits (suite)." (In : Revue Internationale d'Onomastique, 8e année N°2, juin 1956. pp. 123-129) :


Le Saül (Laviolle, Ardèche). Aucun rapport avec le nom du premier roi des Hébreux. M. de Font-Réaulx, archiviste en chef, a justement conjecturé le Sahu = sureau. — Le Sahu.

 

Selon Jacques Chaurand, auteur de "Les noms du sureau dans l'est picard : polyphonie des études dialectales et toponymiques." (Nouvelle revue d'onomastique, 2000, vol. 35, n°1, pp. 33-40) :

  • Le Sureau Ofïoy, Romescamps (60) ; Garenne des sureaux, Tracy-le-Mont (60) ; Le buisson du sureau, Parpeville (02), cadastre de 1825. [...]

Le recours à un repère végétal est des plus courants mais le choix du repère est très variable et en partie aléatoire. Le sureau se qualifie par ses vertus curatives mais, doué d'une fâcheuse tendance à proliférer, il était expulsé des jardins bien entretenus. En cas de besoin, on allait en chercher en bordure des chemins et à la lisière des champs, dans des endroits où il poussait en abondance et où il était naturel de le prendre pour repère. Les lieux-dits auxquels la plante a donné naissance ne sont pas aussi répandus que ceux qui se réfèrent à des essences telles que le frêne et le hêtre ; ils sont souvent, de plus, de petite taille et sont donc sujets à disparaître à l'occasion des remembrements. On aura donc toujours intérêt à remonter suffisamment haut pour éviter de n'avoir affaire qu'à des formes isolées obscurcissant le tracé des répartitions antérieures. [...]

  • Le Suis Couvron, Renneval, Rozoy-sur-Serre (02) ; Le Suys Margival, Marie (02), Inaumont (08).

Les dérivés relevés dans le nord de la Champagne proviennent de suis : Le suison à Jandun (08), Les suizons à Fèrebrianges (51). Le plus courant est suzon avec réduction de ui à и : à Etrepigny, pt 26 et à Marcq, pt 35 de L'Atlas de la Champagne et de la Brie (ALCB) ; à la forme [suzo] relevée dans l'atlas (c. 772) correspond le lieu-dit Le suzon. Dans la Marne, où les formes sont multiples et très dispersées, on note la présence d'un autre suffixe suzain, dont le diminutif Suzenet lieu-dit à Ville-sur-Tourbe (51) est probablement dérivé. [...]

  • Les suies Luzoir, Résigny (02) Beaumont-sur-Vesle (51).

[...] La sifflante finale, qui s'est effacée au XIIIe s., avait pu, avant de s'effacer, donner naissance à des féminins en -e : suis a donné ainsi suisse, mais aujourd'hui nous avons le suisse et non *la suisse, notamment dans les Ardennes : Fléville, Remon ville, Sommerance, Tailly. Là où le nom du sureau est le sui, nous pouvons avoir ce genre de phénomène, ex. Le Suisse à Brégy (60), à La Ferté-sous-Jouarre (77).

  • En suit Avant-les-Marcilly (10), Le suit Dohis, Grandrieux (02). Dans La suitière Masigny (08).

  • Le suyau Echelle (08), Le suyeau Rouvroy-sur-Audry (08). [...]

  • Le suin Tannières, Vauxcéré (02), La garenne aux soins Brienne-sur-Aisne (08), La vigne au souin Asfeld (08).

  • La souine, forme relevée à Tournes (08) [...]

  • La remise de schuy à Gournay-sur-Aronde (60).

  • Suivin Rumigny (08).

La toponymie des lieux habités, qui s'est constituée à des époques plus anciennes et offre un inventaire moins riche de noms de végétaux, ne peut pas être mise dans un rapport aussi constant avec les faits dialectaux. Sabucetum a donné Suzy (02) (cf. Longnon), et Suzoy (60), où le suffixe a été sauvegardé malgré le contact avec la palatale (cf. le français bourgeois). La formation attendue n'est pas absente de la microtoponymie puisque nous avons Suzi à Laval-sur-Tourbe (51) et Suzy à Bétheny (51), mais les noms du lexique sont souvent ignorés de la toponymie alors qu'ils apparaissent volontiers dans la microtoponymie. La francisation quand elle a lieu se marque plutôt par l'emprunt que par la substitution de traits : on remarque ici le peu de formes où s'est introduit le r qui caractérise le nom français ; les consonnes qui apparaissent sont plutôt s ou t. Le langage dialectal, réputé déliquescent, trouve dans la microtoponymie un lieu de conservation où ses survivances sont solidement implantées. Si, dans le discours ordinaire, séhu et sui sont menacés par le français sureau , les formes dialectales, bien amarrées parmi les noms de lieux, gardent dans ce contexte toute leur individualité et se prêtent admirablement à des études de phonétique historique et d'aréologie.

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Dans Les noms du patrimoine alpin : atlas toponymique II, Savoie, Vallée d'Aoste, Dauphiné, Provence. (Ellug, 2004) Hubert de Bessat et Claudette Germi, on découvre d'autres toponymes liés au sureau :


Bois du Saut ; Le Sault [à partir de sau = sureau]

Parmi les autres arbres et arbustes qui, dans l'arc alpin, ont connu une bonne fortune toponymique, citons |...] le sureau (Sau, Savu, Sambuy).

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Botanique :


Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In :Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne les Sureau :


Contrairement à LECLERC (1954 p. 66) qui estimait que les fruits du sureau yèble (Sambucus ebulus, caprifoliacées) peuvent être substitués sans autre à ceux du sureau noir (Sambucus nigra), REYNAUD (2002 p. 54) laisse entendre qu’ils sont légèrement toxiques. Il en serait de même du sureau à grappes (Sambucus racemosa) dont les graines sont réputées émétiques.

 

Dans Les Plantes des Druides, Symbolisme, pouvoirs magiques et recettes de la tradition celtique (Éditions Rustica, 2017) Florence Laporte nous décrit le Sureau :


Risques de confusion : En Europe, il existe principalement trois espèces de sureau. On peut confondre le sureau noir avec l'yèble et le sureau rouge (appelé également le sureau à grappes). L'yèble et le sureau noir se ressemblent beaucoup, mais il y a toutefois de grosses différences. Il est important de les connaître car les fruits de l'yèble sont toxiques.


Pour ne pas les confondre, on doit se rappeler que le sureau est un petit arbre, contrairement à l'yèble qui est une grande herbe. Le sureau a des branches, du bois, une écorce ; l'yèble a simplement une grande tige toute droite qui disparaît tous les ans. L'yèble fleurit plus tardivement que le sureau, vers le mois de juillet. Ses fruits sont tournés vers le haut alors que les baies du sureau noir sont pendantes, tournées vers le sol.

Le sureau rouge, Sambucus racemosa, est appelé également sureau de montagne. Il est présent dans presque toute la France, sauf en Bretagne, où l'on peut toutefois le trouver dans des jardins d'agrément. Les baies du sureau rouge sont comestibles à condition de les faire cuire. Les graines du fruit du sureau rouge seraient toxiques ; il est conseiller de les manger cuites et de les passer pour en faire de la gelée. Le sureau noir fleurit bien après la sortie de ses feuilles, alors que les feuilles du sureau rouge apparaissent après la floraison. Les fleurs du sureau rouge ne sont presque pas odorantes, contrairement à celles du sureau noir. Les baies mûres du sureau rouge sont de couleur rouge, celle du sureau noir, sont de couleur noire.


Précautions à prendre : Les baies crues ne doivent pas être consommées en grande quantité car elles sont indigestes et purgatives. Elles peuvent provoquer des nausées et de la diarrhée. Les mammifères et les perroquets y sont sensibles. La cuisson détruit la toxicité. On évitera également de consommer les parties vertes de l'arbuste ainsi que son écorce.


Description : C'est un arbuste rustique, à la croissance rapide, qui s'accommode de tous types de sol. Il peut mesurer jusqu'à 10 mètres et devenir un petit arbre. On le trouve dans les bois, les décombres et à proximité des maisons. Il aime les endroits plutôt humides et mi-ombragés. Les feuilles sont opposées, avec cinq à sept folioles, dentées, ovales, avec un long pétiole. Quand on les froisse l'odeur est désagréable. Elles apparaissent très tôt au printemps. Les fleurs sont très petites, d'un blanc jaunâtre ; elles ont cinq pétales et sont regroupées en ombelles d'environ 10 à 15 cm de diamètre. Le sureau noir fleurit en principe au mois de mai. Les fleurs sont très odorantes. Son bois renferme une moelle tendre que l'on peut facilement creuser et ainsi fabriquer des flûtes ou des buffadous (sortes de soufflets pour attiser le feu). Les fruits sont de petites baies de 6 à 8 mm de diamètre. D'abord vertes, puis rouges, elles deviennent de plus en plus noires et brillantes en mûrissant.

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Bienfaits du sureau :


Marcel Coquillat dans "Les Herbes de la Saint Jean (suite)." (In : Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 15ᵉ année, n°8, octobre 1946. pp. 54-56) dresse la liste des herbes de la Saint-Jean :


13. Sureau noir (Sambucus nigra L.). — Cet arbre, depuis Hippocrate, a une très grande renommée. On emploie les fleurs, les feuilles, la seconde écorce, les baies à de multiples usages domestiques ou médicaux sur lesquels nous passons tant ils sont bien connus. Beaucoup des propriétés qui ont été attribuées au Sureau sont très réelles. Quoi d'étonnant à ce qu'on ait ajouté à de tels titres de noblesse celui d'Herbe de la Saint-Jean ?

 
Le sureau _ Quand la tradition rencontre
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Usages traditionnels :

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


En Dauphiné, on a mangé de même [cuites à l'eau], d'après Villars, celles [les jeunes pousses] de l'hyèble, Sambucus ebulus, et même celles du savu, sureau en arbre, Sambucus nigra.

[...]

Quant à l'écorce de racine de sureau, Sambucus nigra et racemosa, [...] leur décoction est communément administrée dans les hydropisies ; elle l'est aussi dans des cas graves où elle n'a, le plus souvent, pour effet que de précipiter le dénouement fatal ; elle l'est enfin dans d'autres circonstances sur lesquelles je n'ai jamais pu obtenir de renseignements, et qui sont certainement criminelles.

[...]

En fait de vomitifs, les paysans n'ont plus guère recours qu'à ceux tirés des pharmacies. Anciennement, ils employaient comme tels les bourgeons de sureau, [...].

[...]

Dans les vallées et les basses montagnes on administre comme diaphorétiques, les fleurs de sureau.

[...]

Les teintures végétales ne pouvant supporter la concurrence des teintures chimiques dont le prix est bien moindre, les plantes tinctoriales ont cessé d'être cultivées, et on en récolte plus guère celles qui croissent dans nos vallées et sur nos montagnes. Je me souviens d'avoir vu dans mon enfance arracher, pour la teinture, l'épine-vinette et l'Asperula cynanchica ; aujourd'hui personne n'y songe. L'énumération que je fais des plantes tinctoriales spontanées en Savoie n'a donc qu'un intérêt historique.

Teinture rouge : [...] Les baies de l'hyèble, Sambucus ebulus, servent encore quelquefois à colorer les vins faibles en couleur.

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Jean-François Charrol dans une chronique parue dans Lou Trepoun (n°37, décemre 2004) nous confie ses souvenirs :


Lorsqu’au début de la décennie 30 mes parents vinrent prendre la succession de l’épicerie de la veuve Lambert sur la « Planette », et pendant les années qui suivirent, la population jeune et enfantine était nombreuse à Séderon. Les jeux des garçons et des filles, généralement séparés, entretenaient, en dehors des horaires scolaires, une animation joyeuse et turbulente au grand dam, parfois, des adultes, gênés dans leurs propres travaux ou déplacements ; ils préféraient nous savoir à l’école et pestaient contre nous sans méchanceté : « Aqueles droles ! » Ah ! ces enfants ! [...]


Le plaisir de construire, la joie de produire des sons, voire de la musique si constant dans les préoccupations enfantines, de nos jours, comme hier, trouvaient à se manifester par d’autres voies. Après le saule, le sureau. C’est avec de jeunes branches de cet arbre que nous fabriquions le petit instrument tout à fait rudimentaire appelé mirliton dont l’usage a pratiquement disparu. Il fallait couper un morceau d’une dizaine de centimètres de longueur, environ, en expulser la moelle souple en la poussant avec une tige cylindrique rigide - un crayon par exemple. Sur le tube ainsi obtenu, on pratiquait deux encoches vers le milieu, on obturait chacune des deux extrémités avec une feuille de papier à cigarettes bien tendue et liée par un fil. Ce papier mince et fragile était utilisé par les fumeurs pour rouler le tabac gris et vendu dans toutes les épiceries sous deux marques principales « Job » et « Riz–Lacroix », en petits carnets (on disait plutôt « cahiers »). Avec ses deux membranes de papier, le mirliton fonctionnait à la manière d’une flûte : lorsque l’on soufflait en chantonnant par l’un des trous, l’autre étant alternativement fermé et ouvert par un doigt, les membranes vibraient et produisaient une mélopée dont la musicalité était largement fonction de l’art du souffleur. Le gros sureau qui s’élevait dans le jardin de Monsieur Rolland en bordure du chemin descendant vers la Méouge face à l’ancienne Poste, fournissait en abondance la matière première.

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Croyances populaires :


Jacques Collin de Plancy auteur de Le Dictionnaire infernal. Recherches et anecdotes. (1ère édition, 1825 ; Éditions Fetjaine, 2011) propose un court article concernant le sureau qu'il mentionne par ailleurs à d'autres endroits :


Sureau : Quand on a reçu quelque maléfice, de la part d'un sorcier qu'on ne connaît, qu'on pende son habit à une cheville, et qu'on frappe dessus, avec un bâton de sureau : tous les coups retomberont sur l'échine du sorcier coupable, qui sera forcé de venir en toute hâte ôter le maléfice.


Bâton du bon voyageur : Cueillez, le lendemain de la Toussaint, une forte branche de sureau que vous aurez soin de ferrer par le bas. Ôtez-en la moelle, mettez à la place les deux yeux d'un jeune loup, la langue et le cœur d'un chien, trois lézards verts et trois cœurs d'hirondelles, le tout réduit en poudre, par la chaleur du soleil, entre deux papiers saupoudrés de salpêtre ; placez par-dessus tout cela, dans le cœur du bâton, sept feuilles de verveine, cueillies la veille de la Saint-Jean-Baptiste, avec une pierre de diverses couleurs qui se trouve dans le nid de la huppe ; bouchez ensuite le bout du bâton, avec une pomme à votre fantaisie ; et soyez assuré que ce bâton vous garantira des brigands, des chiens enragés, des bêtes féroces, des animaux venimeux, des périls, et vous procurera la bienveillance de ceux chez qui vous logerez. [Le Petit Albert]

Le lecteur, qui est assez sage pour ne pas daigner s'arrêter un seul instant à de pareilles extravagances, gémira sans doute en songeant qu'elles ont eu autrefois un grand crédit, quoique personne n'ait jamais pu exécuter ces secrets qu'on admirait si sottement.

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Victor-Amédée Coremans auteur de Etudes sur les mythes. (Vol. 1. Éditions Berger, 1851) fait état des propriétés divinatoires du sureau :


En mettant pendant la nuit de Saint-David (car le peuple place toujours la fête de Saint-David au 30 décembre), des petites branches de sureau sous son oreiller, on rêve ce qui se passera au mois de juin, lorsque le sureau fleurira. De même, les branches de sureau, placées ce jour-là dans l'eau, indiqueront par le développement de leurs bourgeons, le temps qu'il fera en été. Si ces bourgeons se développent bien et s'ouvrent complètement, s'ils fleurissent même, l'été sera propice aux biens de la terre, et ajoute-t-on, aux amours des hommes ; si le contraire a lieu, il ne faut attendre rien de bon. Le sureau était l'arbre de Dame Bolla. Son nom teutonique : Holonder et Holunder se confond avec celui de la déesse. Les rêves sous le sureau sont prophétiques.

Y a-t-il une jeune fille qui l'ignore depuis Christiania jusqu'à Trieste ?

 

Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


SUREAU. Dans plusieurs localités du département du Tarn, on ne brûle point le sureau , parce qu'on craindrait que les poules de la maison ne cessassent de pondre des œufs. Aux mêmes lieux, lorsqu'un animal a quelque plaie où les vers se sont introduits, le propriétaire se rend dans la campagne, auprès d'un yèble, espèce de sureau, et tordant une poignée de cette plante dans la main, il lui dit en un patois dont voici la traduction : « Bonjour, monsieur le yèble, si vous ne sortez pas les vers de l'endroit où ils sont , je vous couperai la jambe et le pied. » Après cette cérémonie , dites à cet homme que la guérison de sa bête n'est pas plus certaine qu'auparavant, vous êtes bien sûr d'être regardé par lui comme un crétin.

Si l'on croit être l'objet des maléfices d'un sorcier qu'on ne connait pas, on peut s'en venger de la manière suivante : on pend son propre habit à une cheville, on le bat avec un bâton de sureau, et chaque coup retombe alors sur le dos du sorcier coupable, qui se trouve obligé d'accourir pour reprendre les sorts qu'il vous a jelés.

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Paul Sébillot dans ses Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne. (Éditions Lafolye, 1892) nous révèle que :

[...]

212. La fleur de haut-bois (sureau) ramassée le jour Saint-Jean guérit du mal de tête. On enveloppe la partie malade avec un linge imbibé dans l'eau où la fleur a été bouillie.

213. La fleur de sureau ramassée le jour Saint-Jean a la propriété de guérir les maladies des yeux. On la fait infuser dans de l'eau bouillante et on les lave avec.

 

Charles Lejeune dans "Superstitions." (In : Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série. Tome 8, 1907. pp. 417-437) rapporte que :


Dans la Dordogne on évite de brûler du bois de sureau encore vert, car on prétend que cela fait pondre aux poules des œufs sans coquille.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Sureau (Sambucus nigra) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Divinités : Hestia-Vesta ; les Euménides ; la nymphe Cardea

Pouvoirs : Protection ; Exorcisme ; Contre-envoûtement ; Guérison ; Prospérité.


Utilisation rituelle : Le Sureau fait partie des arbustes les plus anciens que l'humanité ait connus ; des fouilles, en Italie et en Suisse, ont mis à jour ses traces dans des sites datant de l'époque madgalénienne. Nous ne savons évidemment rien de son utilisation en ces temps préhistoriques. On a la certitude, en revanche, que des rameaux de Sureau chargés de baies jouaient un rôle dans les cérémonies funéraires que célébraient les Celtes sur leurs tumulus.

Vraisemblablement à cause de sa multitude de petites fleurs blanches, disposées en gracieuses ombelles, cet arbrisseau a été associé à de nombreuses divinités maternelles et protectrices. Celles-ci étaient supposées vivre à l'intérieur de son bois ; c'est pourquoi sa sève jaillit rouge quand on le coupe : les sylphides « saignent » et, en prêtant l'oreille, on les entend gémir...

Avant d'abattre un Sureau, les créoles des Antilles et de Louisiane chantaient :


« Dame Sambuc, dame Sambuc

Toi mourri 'nocent

Pour mé ton bois donné.

Dame Sambuc, dame Sambuc

Mé bois à toi donné, promé

Quand arbre deviendré.

Eh ! Eh ! Sambuc !

Au Ciel té attends mé. »


Ils chantaient en se balançant devant l'arbre avant de lui porter le premier coup, afin de laisser aux fées le temps de s'échapper.

Un mai de Sureau indique symboliquement que la jeune fille a les bras creux, c'est-à-dire qu'elle est paresseuse et ne sera pas une bonne ménagère.


Utilisation magique : Porté sur soi, ce bois protège contre les agressions de toutes sortes, humaines ou surnaturelles. Suspendus au-dessus de la porte d'entrée et des fenêtres, les rameaux chargés de baies empêchent le « Mal » d'entrer.

Le bois de Sureau, utilisé il est vrai d'une façon un peu particulière, contraint un magicien mal intentionné à vous délivrer des malédictions lancées contre vous. Voici comment il faut procéder dans ce cas : quand on a reçu quelque maléfice de la part d'un sorcier qu'on ne connaît pas, qu'on pende son habit du dimanche à une cheville et, pendant que les cloches sonnent la fin de la grand-messe, qu'on tape dessus avec un fort bâton de Sureau, tous les coups tomberont sur l'échine du sorcier coupable qui sera forcé de venir en toute hâte ôter le maléfice.

Lorsqu'un de ces arbustes pousse dans le jardin, il protège le foyer, non seulement contre toute « œuvre de sorcellerie », mais aussi contre la foudre.

Dans les étables qu'on vient de nettoyer, on place des branches de Sureau en croix pour finir de chasser le « mauvais air » (Guernesey).

Pour bénir la maison où vont vivre les jeunes mariés, le père de la mariée et la mère du marié, en Castille, lancent des baies de Sureau aux quatre vents en appelant par leurs noms les ancêtres défunts des deux familles ; après quoi les rameaux sont brûlés sur un feu de joie et on jette une poignée de cendres chaudes sur chacun des époux.

Dans le Gévaudan, autour de Saint-Alban-sur-Limagnole, quand on avait mal aux dents il fallait mâcher de la moelle de Sureau; on recrachait ensuite la boulette mastiquée à l'intérieur du bâton de Sureau, d'où la moelle avait été extraite, et on allait cacher le tout dans les pierres d'un vieux mur.

Pour passer une attaque de rhumatismes ou d'arthrite, on nouait sur un jeune scion souple de Sureau autant de nœuds qu'on avait d'articulations douloureuses; puis on accrochait cette couronne à la tête de son lit.

On élimine les verrues en les frottant avec de la moelle verte qu'on jette ensuite au fumier pour qu'elle y pourri se. Beaucoup de gens pensent qu'il est malsain de brûler ce bois parce qu'on risque de réveiller des forces qu'il est infiniment préférable de laisser au repos ; les Gitans, entre autres, ne s'en servent jamais.

En revanche, les baguettes magiques en Sureau sont réputées.

Les baies de cet arbrisseau étaient autrefois excellentes, mais depuis que Judas s'y est pendu elles sont devenues immangeables.

La ville de Quimper repose sur trois colonnes de Sureau ; quand celles-ci deviendront vieilles et tomberont en poussière, la ville disparaîtra sous les flots.

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Selon Micheline Lebarbier, auteure d'un article intitulé "Des plantes adjuvants du Destin, entre amour et rivalité, dans deux villages du Nord de la Roumanie" (Huitième séminaire annuel d'ethnobotanique du domaine européen du Musée départemental ethnologique de Haute-Provence, Jeudi 22 et vendredi 23 octobre 2009) :


Les arbres fruitiers médiateurs En dehors des veillées, les jeunes filles pouvaient aussi, pour amener à elles les garçons, secouer un arbuste ou un arbre comme elles souhaitaient secouer le garçon désiré en lui intimant l’ordre de venir. Elles lui adressaient le même type de menaces que ci-dessus. [...]


À Budesti, le sureau

En revanche, à Budesti, les jeunes filles s’adressaient au sureau. Cet arbuste est le support de nombreuses opérations magiques, le plus souvent considérées comme illicites. Elles secouaient le sureau comme à Breb elles secouaient le prunier et là, l’arbuste mais aussi le diable étaient invoqués (peut-être pour simplement sacrifier à la rime ?). Cependant, l’évocation du diable confirmerait la connotation sulfureuse du sureau dans les opérations magiques :

Ieu nu scutur socu Je ne secoue pas le sureau (1)

ieu scutur pe nacu je secoue le nac

nacu scutur pe dracu le nac secoue le diable

(descîntau cu dracu) (elles faisaient des incantations avec le diable)

dracu scutur pe feciori le diable secoue les garçons

sæ ne vie în Sezætori qu’ils nous viennent à la veillée

des la oi sæ vie pe furcoi Nombreux du troupeau qu’ils viennent sur la faux

des în temni†æ sæ vie pe meli†æ Nombreux de la prison qu’ils viennent sur la teilleuse

des acasæ sæ vie pe leasæ Nombreux de la maison qu’ils viennent dans la grange

sæ n-aivæ stare nici alinare qu’ils n’aient ni paix ni apaisement

de a pleca sæ stæie S’ils s’en vont qu’ils

a crepa în patru ca macu explosent en quatre comme le coquelicot

ieu sæ le fiu leacu que je lui sois remède

to†i sæ vie Petru, Ion si Væsælie Qu’ils viennent tous, Pierre, Jean, Basile


De cette dernière invocation : « Que je lui sois remède », il apparaît clairement que plus le supplice (souhaité) du garçon sera terrible, plus le soulagement apporté par la jeune fille et son amour devraient être appréciés. [...]


Le sureau, entre magie d’amour et magie noire

La mandragore n’est pas la seule plante aux vertus contradictoires, médiatrice voire réalisatrice des désirs informulables. Le sureau, que nous avons vu associé au diable et secoué par les jeunes filles de Budesti pour faire venir les soupirants, est l’arbuste duquel partent nombre de magies, bénéfiques comme maléfiques. Comme pour la mandragore, les incantations recueillies et adressées au sureau soit le flattent « doux sureau » socule abroc, « sureau, joli sureau » soc vasoc, soit l’insultent « sureau impur » soc necurat.

Nous avons vu que les fées du destin attribuaient son futur conjoint au nouveau-né, entre autres fatalités. Or, il arrive qu’un homme épouse trop vite une femme autre que celle qui lui était destinée (car les erreurs concernent toujours les femmes dans les témoignages recueillis). Et celle dont le destin a été « volé » se retrouve seule avec la magie comme unique recours, afin de découvrir et conquérir l’homme dont elle devait partager la vie et faire disparaître celle qui se trouve à la place qui devait être la sienne. Le rêve, induit par le rituel, lui révélera l’identité de ce mari que le destin lui avait attribué et que les déviations de la vie lui ont dérobé.

Maria, une autre habitante de Breb, à présent décédée, disait avoir été victime d’une agression de la part d’une voisine à l’issue d’une magie amoureuse. Celle-ci alla au sureau le mardi soir (jour des opérations magiques), avec le rouet et par neuf fois récita l’incantation où il est notamment dit : […]


Mie îmi catæ de noroc Je cherche ma chance

Du-te în lume, peste lume Pars dans le monde, de par le monde

Sæ-l visez la noapte nume Que je rêve de lui cette nuit

Pe el si pe a lui nume Et de lui et de son nom

Eu-l chem de însurat Je l’appelle pour l’épouser

De aici, din altæ sat D’ici ou d’un autre village

De-e însurat sæ-i moaræ femeia S’il est marié que meure sa femme

Eu-l chem sæ vie sæ mæ ia Je l’appelle qu’il vienne et me prenne

În vis sæ-l visez En rêve que je le voie

Cu el sæ græiesc Avec lui que je parle

No ! Na !


Puis elle fit tournoyer ce rouet en ayant soin de ne pas le faire tomber, et après avoir récité l’incantation, elle jeta de l’avoine sur le sureau. Ensuite, elle devait tuer tout être vivant qu’elle rencontrerait sur le chemin du retour. Elle rencontra une grenouille et ses deux jeunes (Maria a eu deux filles qui, alors, étaient en bas âge, la magie d’assimilation est ici évidente), mais elle ne les tua pas. Alors ni Maria ni ses enfants ne moururent mais elle fut torturée par les assauts magiques de l’attaquante.

L’acte magique avait révélé Maria comme étant l’épouse à éliminer. La magicienne, avait lancé l’avoine (le sort) sans savoir où il tomberait, ni sur qui, ce qui sous-entend qu’elle n’avait pas de desseins meurtriers envers une personne définie. C’est le destin et la magie, par l’intermédiaire des médiateurs végétaux (le sureau et l’avoine) qui auraient désigné Maria. Dans cet exemple précis, l’acte magique dégageait l’attaquante d’une quelconque responsabilité puisqu’elle ignorait au départ l’identité de la destinataire. C’est le destin enfin dévoilé qui imposait cette agression afin de rétablir le cours qu’il aurait dû suivre. C’est la pratique magique qui, grâce au sureau et à l’avoine, désigna la victime, mais une fois désignée, la magie mortifère aurait dû implacablement faire son office… s’il n’y avait pas eu contre-magie…


Note : 1) : On remarquera que le dire magique en l’occurrence nie l’acte qui est accompli en lui donnant une autre portée. Il est clair alors que si la plante (ou l’arbre) est le support de l’acte, elle est explicitement chargée de transmettre l’intention.

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D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012), le sureau noir (Sambucus nigra) représente véritablement "la baie du bonheur".


Les morts sont de la noce : La sève rouge du sureau qui jaillit quand la hache porte atteinte à son tronc fit penser que l'arbre aux jolies fleurs blanches devait être habité par des nymphes des bois. Pour ne pas provoquer le courroux de ces dames, mieux vaut acquérir leur permission avant d'abattre l'arbuste. Vous pouvez aussi chantonner devant le sureau, comme le faisaient les Créoles antillais, afin de permettre aux fées de quitter leur demeure à temps.

Témoigner du respect à l'arbuste en déposant des offrandes à son pied ou en ôtant son chapeau pour le saluer, à l'instar des Tyroliens, pouvait engendre la bienveillance de la dame logeant dans l'arbuste. Particulièrement sensible au bonheur des amoureux, le sureau serait un allié de choix auquel les mariés de Castille faisaient appel le jour de leurs noces. La mère de l'époux et le père de l'épouse jetaient des baies de sureau vers les quatre points cardinaux tout en énonçant les noms de leurs aïeux défunts. Ils prenaient ensuite un peu de cendres de sureau avant de les jeter sur les mariés en guise de porte-bonheur.


Bois protecteur : En considérant toutes les superstitions qui placent le sureau parmi les meilleurs défenseurs végétaux, on ne peut que respecter sa haute renommée. Il préserverait en effet des agressions humaines, animales, surnaturelles et météorologique, rien que ça ! Un sureau s'élevant dan un un jardin serait ainsi un paratonnerre naturel, mais sa présence écarterait aussi les maléfices jetés sur les propriétaires. Toute personne munie d'un morceau de cet arbuste ne pourrait, par ailleurs, être touchée par un acte de sorcellerie.

De la même manière, une maison dont les trous des serrures sont bouchés avec de fines branches de sureau ou dont les ouvertures sont surmontées de ses rameaux chargés de baies, ne peut être l'objet de sortilèges. Un autre stratagème fort utile consiste à ne jamais cheminer par monts et par vaux dans avoir un morceau de cet arbuste dans sa poche. Les Siciliens assurent que cette protection permet de ne pas subir d'attaques de serpents. En d'autres pays, tout voyageur qui aura la sagesse d'utiliser un bâton de randonnée taillé dans du bois de sureau n'aura rien à craindre des bêtes dangereuses ni même des voleurs. La question s'impose : un voleur peut-il voler un bâton de sureau ?

Un berceau en bois de sureau dispenserait au pauvre nouveau-né placé à l'intérieur, un mauvais somme voire des chutes.


Un feu diabolique : C'est à la branche d'un sureau que Judas choisit de se pendre et c'est de son bois que fut faite la croix de Jésus supplicié selon certaines croyances. Il n'en fallait pas plus pour que l'arbuste soit accusé de nombreux méfaits. En France, les paysans tarnais évitaient de brûler du sureau de peur que leurs poules ne pondent plus. Les Anglais se risquant au même acte, avaient bien plus à y perdre : soit le diable entrait dans leur logis, soit un membre de leur famille décédait inopinément !"

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Symbolisme :


Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


HYÈBLE OU SUREAU (HIÈBLE) - HUMILITÉ.

Les feuilles et la graine de l'hiềble sont d'un vert obscur.


Et l'hieble touffu se cache dans les plaines. CASTEL

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


YÈBLE, OU SUREAU COMMUN : Vous me consolez de toutes mes peines.

Cette plante, très-commune, fleurit au mois de juin, on lui attribue de grandes vertus médicinales.


YÈBLE DU CANADA. : Ennui ; Sottise.

— A GRAPPES : Caquet ; Bavardage.

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Selon Pierre Leutaghi, auteur d'un article intitulé "Aux frontières (culturelles) du comestible" (Éditions Presses Universitaires de France | « Ethnologie française », 2004/3, Vol. 34 | pages 485 à 494) :

[...]

Quelques arbrisseaux et arbustes à fruits charnus de vaste répartition en Europe sont d’excellents témoins de la variabilité de perception du couple comestibilité/toxicité. Sans revenir en détail sur le cas exemplaire du sureau [Lieutaghi, 1998 : 231-244], on rappellera seulement que cet arbuste des plus familiers, en relation avec nos sociétés dans l’ordre symbolique aussi bien qu’à de nombreux niveaux d’usage où toutes ses parties sont concernées (bois, moelle, jeunes pousses et feuilles, écorce, fleurs, fruits), a un statut très polysémique où la notion de poison interfère avec celle d’aliment et de remède. Considérées au même titre que les mûres dans certaines régions (en particulier dans les pays germanophones et contrées limitrophes de l’Europe centrale), les baies de sureau sont regardées comme vénéneuses ailleurs, ainsi dans une grande partie de la France. Dans notre pays, cette perception s’est transformée ici et là sous l’influence des occupants allemands durant la guerre de 1939-1945.

[...]

Aliment ou condiment ici, poison ailleurs... C’est seulement de nos jours qu’on décèle, sous l’influence des « nouveaux habitants » des campagnes, une certaine chute de méfiance à l’égard des fruits longtemps frappés d’interdit. Sans que la suspicion disparaisse partout, loin s’en faut : la plupart des sureaux français ne nourrissent que les merles ?

 

Olga Velickina-Kane et Corinne Hewlett dans l'article intitulé "L'instrument de musique et le corps humain : le cas de la musique villageoise russe." (In : Cahiers slaves, n°9, 2008. Le corps dans la culture russe et au-delà. pp. 227-243) présentent le rapport entre la flûte et la main :


[...] La flûte de Pan russe, dite kugikly ou kuvikly, se compose de deux, trois ou cinq tuyaux produisant chacun une seule note. La flûte à sons harmoniques, généralement appelée travjanaja dudka ou « flûte d'herbe », n'a pas de trous mais peut produire plusieurs sons en même temps : les sons sont issus de deux séries d'harmoniques, qui alternent grâce au mouvement d'index ouvrant ou fermant l'orifice à l'extrémité inférieure de la flûte. Ces deux flûtes sont fabriquées à partir de plantes à tige creuse (roseaux ou ombellifères, en général), qui se trouvent en abondance dans les prairies humides.

La colonne d'air, source du son, est déjà « donnée » dans ce type de plante et la transformation de celle-ci en instrument ne nécessite que quelques gestes. Selon Anatolij Ivanov, la flûte à sons harmoniques « ne fait que mettre en évidence, dévoiler la construction déjà présente dans la nature. Elle sert d'amplificateur aux sons construits naturellement, qui sont déjà inclus dans la tige de la plante [...].

La fabrication des flûtes de Pan dans la région de Brjansk révèle aussi cette continuité entre l'instrument et la nature. Dans cette tradition, l'instrument est « emprunté » à la nature puis jeté, rendu à la nature, tout de suite après avoir servi. Lev Kulakovskij décrit ainsi la fabrication des flûtes de Pan en 1940, dans le village de Doroževo : « Une femme casse une grosse et une petite tige de dudnik, plante qui pousse dans les champs ou dans la forêt. Se servant "de ses dents et de ses griffes", selon l'expression très caractéristique des habitantes de Doroževo, elle casse ou ronge l'extrémité des tiges et égalise les irrégularités en les frottant d'un mouvement vif sur le col ou la manche de sa chemise en toile. » (Note : Dans le village même de Doroževo, qui a fait l'objet de l'étude de Kulakovskij, les flûtes de Pan pour jouer en hiver étaient fabriquées avec des branches de sureau.)

Le modèle de la main et du bras

Dans la tradition de la région de Kursk, les tuyaux de la flûte de Pan sont pensés comme les doigts de la main. Ils ne sont jamais plus de cinq et leurs noms rappellent ceux des doigts. À la différence des autres traditions de flûtes de Pan, les tuyaux ne sont pas liés entre eux ; l'interprète les tient serrés entre le pouce et l'index d'une main et les enveloppe de l'autre, jusqu'à les cacher.

Pour ce qui est de la fabrication, la musicienne prendra pour modèle une flûte ancienne si elle en possède. Dans le cas contraire, elle détermine la longueur des tuyaux de la façon suivante : la taille du premier des cinq tuyaux de la flûte qui joue la partie principale est égale à l'écart maximum entre le pouce et le majeur ; chaque tuyau est ensuite raccourci de la largeur d'une phalange d'index par rapport au précédent. Ainsi la gamme de l'ensemble de flûte de Pan est définie par les proportions de la main. Les femmes jugeront que les tuyaux sont bien coupés si ces dimensions sont respectées, plutôt qu'au son produit qui reste secondaire. La gamme ainsi définie est variable mais son étendue ne dépasse pas la quinte. [...]

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Maïa Toll, auteure de L'Herbier du chaman, 36 cartes divinatoires, A la rencontre de la magie des plantes (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs du Sureau noir (Sambucus nigra) :


Mot-clef : Célébrez les cycles


Le sureau vit habituellement au milieu du jardin, racontant des histoires d'hivers passés et de printemps à venir. Souvent broussailleux, ses trois visages incarnent la Divinité : la jeune fille au printemps, avec ses abondantes fleurs blanches ; la mère en été, lorsque des baies rouges foncé ornent ses branches ; et la vieille femme l'automne, alors que ses feuilles tombent (le sureau semble presque mort l'hiver, avec ses branches nues et ses tiges creuses). L'évolution annuelle du sureau vous apprend à chasser avec les cycles étroitement imbriqués de la vie, de la mort et de la renaissance. Quel que soit votre âge, il vous rappelle que pour mériter votre place au centre du jardin, vous devez accepter les cycles de l’existence.


Rituel : La sagesse du retour

Dans le monde moderne, le temps peut nous paraître assez linéaire. Nous allons de la naissance à la mort, oublieux de la sagesse ancienne du retour. Vivre en ayant pleinement conscience des cycles à la base de notre existence peut changer profondément notre vision des choses.

NOTRE RESPIRATION EST NOTRE PREMIER CYCLE : inspirez, expirez. Puis il y a le cycle du jour et de la nuit, de l'aube au crépuscule et du crépuscule à l'aube. Sans oublier le cycle lunaire de vingt-huit jours. Et ainsi de suite.

Choisissez un cycle à célébrer. Par exemple, vous pouvez accueillir le soleil chaque matin et lui dire au revoir le soir ou vous engager à rester debout dehors pendant quelques minutes à la nuit tombée pour observer le mouvement de la Lune. Un cycle est une totalité, alors si vous célébrez le crépuscule, célébrez aussi le lever du soleil qui suit. Si vous aimez observer la Lune, engagez-vous à suivre ses différences phases sur un mois - nouvelle lune, premier quartier, pleine lune, dernier quartier.


Réflexion : La spirale ascendante

Notre évolution est une spirale ascendante : nous répétons des leçons et gagnons en sagesse à chaque répétition. Mais si nous passons d'une chose à l'autre, sans jamais rien répéter, déclarant que ces choses sont terminées et point barre, nous nous refusons cette évolution, cette capacité à devenir la divinité au centre du jardin.

Prenez-vous le temps de creuser les choses en profondeur pour permettre aux cycles d'accroitre votre compréhension ?

Autorisez-vous vos nouvelles connaissances à prendre racine dans vos mains et votre cœur à travers la pratique, ou votre savoir reste-t-il dans votre tête

(auquel cas vous vous empêchez d'apprendre vraiment et de gagner en sagesse) ?


« Chose étrange, nous ne remettons jamais en question le fait qu’une équipe de football s'entraîne pendant des heures pour jouer un match : mais dans l'écriture, nous nous donnons rarement un espace de pratique. »

(Nathalie Goldberg, Les Italiques jubilatoires)

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Symbolisme celte :


Selon L'Oracle des druides, Comment utiliser les plantes magiques de la tradition druidique (édition originale 1994 ; traduction française 2006) de Stephanie et Philip Carr-Gomm, le sureau fait partie de la carte des Gardiens au même titre que l'aubépine et le bouleau. Pour ces trois arbres, les mots clefs sont :


en "position droite : Immunité - Force - Longévité

en position inversée : Lenteur - Combinaison - Synergie.


Les gardiens sont trois arbres qui, ensemble, préservent la santé humaine et prolongent même la vie en fortifiant le système immunitaire, le cœur, le système circulatoire, le foie et les reins. Tous font partie de l'ogham de 18 arbres et 7 plantes formant le mystérieux alphabet des arbres, appelé parfois la "langue des druides".


La carte montre un bouleau poussant entre un sureau et une aubépine. Les trois arbres sont les gardiens du bassin sacré, dans lequel pousse la véronique cressonnée, appelée aussi pimprenelle aquatique. Selon Pline, elle pourrait être le mystérieux samolus révéré par les druides.


Sens en position droite. Si vous avez choisi cette carte une situation ou une relation apparemment en difficulté peut être préservée et fortifiée en agissant. Parfois, s'il n'y a aucune chance de "remède rapide", un problème peut être lentement réglé au fil d'une période de temps par une série d'ajustements infimes. Les trois gardiens fortifient progressivement les principaux organes du corps. De même, si vous tentez de renforcer des aspects spécifiques d'une relation, avec le temps ce la affectera toutes ses facettes. Au lieu de vous concentrer sur les zones de faiblesse du couple, identifiez les bonnes connexions et fondez-vous sur elles. Les relations durables ont besoin d'un "système immunitaire" sain, capable de gérer les stress inévitables apparaissant entre deux individus.


Sens en position inversée. Les plantes agissent parfois mieux quand elles sont administrées en tant que remède et parfois en association avec leurs semblables. Si vous avez choisi cette carte, on fait appel à vous pour travailler dans un groupe. Votre indépendance est menacée, mais il se peut que la synergie générée en équipe soit plus efficace que le travail solitaire.

La carte suggère par ailleurs que vous devez avoir confiance dans vos capacités et vus fier à la vie afin de ralentir et de ne pas accepter n'importe quelle offre. Nous nous précipitons souvent à travers la vie, anxieux à l'idée que si nous nous arrêtons nul ne voudra de nous. C'est généralement faux. En ralentissant ou en faisant une pause, nous donnons à la vie une chance de nous indiquer de nouvelles directions.

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Toniques et fortifiants

Les trois gardiens agissent d'une certaine façon comme la famille archétypale, avec le sureau comme mère, l'aubépine comme père et le bouleau comme le jeune enfant apportant fraîcheur et renouvellement. Chaque arbre offre des dons extraordinaires.

Le sureau pousse en Grande-Bretagne depuis des millions d'années. Vers 400 av. J. C., Hippocrate dit qu'il est son "remède pour la poitrine". Il est associé à la vieille femme et jadis il était autant révéré que craint. Lié à la mort et l à la sorcellerie malfaisante, mais également avec la protection contre l'éclair et les sorcières, ces associations contradictoires se font l'écho de la nature de l'arbre, dont l'écorce et les feuilles sont toxiques, mais dont les fleurs et les baies ont de puissantes propriétés curatives et fortifiantes. Les baies et les inflorescences du sureau servent à la préparation d'un excellent tonique et vin. Ses capitules sont utilisés en encens. Boire régulièrement du jus de baies de sureau stimule le système immunitaire, atténue le stress, aide à maintenir une circulation saine, entretient la santé cardiaque et prévient le durcissement des artères.

L'aubépine, qui fleurit en mai, à Beltaine, chargeant les haies de fleurs, est aussi appelée noble-épine. Ses baies rouge sang sont si bonnes pour le cœur et le système circulatoire que l'arbre a parfois été appelée "le père du cœur". Le druidisme et la tradition populaire associent l'aubépine au monde des fées et de la sexualité. Elle est devenu l'un des arbres les plus importants pour la phytothérapie. Les feuilles, les fleurs et les baies contiennent des antioxydants qui protègent les tissus cardiaques. Les préparations à base d'aubépine fortifient par ailleurs les pulsations du cœur et abaissent la pression sanguine. Prises quotidiennement en tisane elles protégeront le cœur et la circulation.

Le bouleau a été l'un des premiers arbres à coloniser la Grande-Bretagne lors de la fonte des glaces. Il est associé au druidisme pour la purification, la naissance et les nouveaux commencements. Les badines en bouleau étaient utilisées sur les mécréants - et dans les saunas scandinaves - pour éliminer les impuretés. Les berceaux étaient traditionnellement façonnés en bouleau. L'effet purifiant de cet arbre attirant est également physiologique. Les feuilles, la sève et l'huile extraite de son écorce ont des utilisations médicales. La sève, en plus de faire un bon vin, est un tonique au printemps et en automne - améliorant surtout le métabolisme des protéines et l'élimination des déchets hépatiques et rénaux. Les herboriste anciens prescrivaient du bouleau pour les rhumatismes et les calculs rénaux. On a découvert actuellement que les composantes du bouleau sont efficaces pour le traitement du cancer et du VIH. Prises régulièrement en tisane, les feuilles et l'écore prolongent apparemment la vie."

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Sandra Kynes, auteure de Murmures de la Forêt, Traditions et Magies des arbres (Édition originale, 2006 ; Éditions Danaé, 2020), explore à son tour la dimension symbolique du Sureau :


Les branches de sureau étaient utilisées pour les flûtes, ce qui lui a donné le nom d'« arbre à flûte ». On dit qu'une musique jouée avec une flûte de sureau a autant de pouvoir qu'une baguette magique. Son bois était également utilisé pour les piques des bouchers et les chevilles de bois des cordonniers.

Les baies sont utilisées pour le vin, la confiture, le vinaigre et les sirops. Sur le plan médicinal, les fleurs étaient utilisées pour les maux de gorge, la fabrication d'expectorant et de lotion pour guérir et adoucir les peaux irritées. Le sureau était aussi utilisé pour traiter les rhumatismes, les verrues et la grippe. L'écorce, la racine, les baies et les feuilles étaient utilisées pour la teinture. Les Romains utilisaient le jus de baies de sureau pour se teindre les cheveux.

Les fleurs et les feuilles étaient utilisées pour la consécration et les bénédictions.

Les sureaux étaient parfois cultivés uniquement pour leurs baies dans le but de faire du vin. Elles n'étaient pas seulement utilisées pour la fabrication du vin, mais aussi pour leur apporter plus de couleurs. La falsification des clarets, des bordeaux et du porto se développa si largement qu'en 1747, les Portugais interdirent toute utilisation du jus de sureau dans leur produit.

Dans la tradition orale irlandaise, on dit que si vous vous tenez sous un sureau, la veille de la Saint-Jean, vous pourrez voir les fées. Abattre ou couper un sureau n'était pas conseillé, car cette action ne plaisait pas aux fées qui avaient l'habitude d'y trouver refuge.

Il est dit qu'une couronne tissée de tiges de sureau à Beltane apporte le don de double-vue. Une branche utilisée lors de la procession de Beltane consacre le cercle.

Le sureau symbolise la Déesse dans son rôle de donneuse de vie, de porteuse de mort et de transformatrice. A une époque, on pensait que sentir l'odeur des fleurs de sureau causait la mort. Cela en fit un bois attractif pour les boucliers.

Certains disent que le sureau a été utilisé pour la croix de crucifixion de Jésus. Le tremble, le chêne et le figuier sont d'autres arbres desquels il est dit la même chose. Cependant, les sources varient et il est dit que de nombreux arbres ont leur propre distinction (1). Dans l'Europe médiévale, il était vu comme portant malheur, à cause du fait que Judas Iscariote se pendit à un sureau. Pendant un temps, les sureaux étaient un symbole de peine et de mort, et les branches étaient transportées dans les processions funéraires.

Le cocher d'une calèche portait souvent un fouet de sureau. En Autriche, il était planté sur les tombes - s'il fleurissait, cela signifiait que le défunt était heureux.

En Sicile, le bois de sureau était utilisé pour faire fuir les serpents et les voleurs. Cette croyance trouve aussi une connexion avec saint Patrick car son bâton, fait de ce bois, fut décisif pour éconduire les serpents hors d'Irlande (2). Au Danemark, durant le Moyen Âge, les sureaux étaient appelés arbres gardiens, parce que les marins liaient une partie de leurs âmes à un sureau pour s'assurer sécurité en mer et un retour chez eux.

Rêver de baies de sureau indique que des événements sociaux plaisants arrivent. Si vous les cueillez dans vos rêves, vous obtiendrez des gains financiers. Les manger dans un rêve symbolise l'abondance.


Notes : 1) Nathanael Altmann, Sacral Trees, Sierra Club Books, San Francisco 1994, p. 157.

2) Puisque le serpent était un symbole de la Grande Déesse mère, débarrasser l'Irlande des serpents était un euphémisme pour convertir les païens au christianisme. Cela aurait été ironique pour saint Patrick d'utiliser un bâton de sureau lui-même associé à la déesse.


Noms latins : Sambucus nigra (sureau européen) ; Sambucus canadensis (sureau commun) ; Sambucus pubens (sureau rouge).

Détails saisonniers : petites fleurs blanches odorantes avec des chatons denses et plats, juin-juillet ; baies violettes / noires, août-octobre ; le sureau rouge fleurit, avril-juillet ; les fruits apparaissent, souvent rouges, en juin-septembre. Pouvoirs / attributs : Abondance ; Bénédiction ; Consécration ; Créativité ; Chance ; Guérison ; Connaissance de la magie ; changement positif ; Prospérité ; Protection ; Sommeil ; Succès ; Transition.

Élément : Air ; Terre ; Feu ; Eau.

Dates du calendrier celtique : 25 novembre - 22 décembre.

Lettre ogham : ᚏ ; Nom : Ruis ; Lettre : R.

Lettre runique : ᚠ ; Nom : Feoh / Fehu ; Lettre : F.

Secteurs feng shui : Nord-Est ; Sud-Ouest ; Sud ; Ouest ; Santé ; Zones négatives.

Déesses : Toutes les formes de la Grande Déesse mère ; Audhumla ; Boann ; Cailleach ; Beara ; Danu . Hel / Hela ; Vénus.

Dieux : Frey ; Pryderi ; Vulcain.

Autres êtres / personnages : Les dryades ; les elfes ; Hyldemoer / Hylde-vinde.

Zodiaque : Bélier ; Taureau.

Corps célestes : Saturne ; Vénus.

Plante : Pissenlit.

Pierres : Héliotrope ; Jais ; Jaspe rouge.

Vie sauvage : Cheval noir ; Faisan ; Corbeau ; Corbeau freux.

Énergie : féminine.

Autres associations : Lundi ; Sagesse druidique ; Sabbats = Beltane ; Litha / Solstice d'été ; Veille de Midsummer (Saint-Jean) ; Arbre buisson celte.

Sortilèges et rituels : Guérison ; Sorts de protection et d'attraction ; En offrande dans le rituel et en guise de nettoyage avant le rituel.

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Dans Les Plantes des Druides, Symbolisme, pouvoirs magiques et recettes de la tradition celtique (Éditions Rustica, 2017) Florence Laporte nous présente ainsi le Sureau (qu'elle nomme l'Arbre des fées) :


La mère Sureau ou Grand-mère Sureau ou Fée du Sureau serait une présence féminine, gardienne du sureau et de la mère Terre. Cette Mère Sureau serait peut-être la femme du dieu Pan, dieu de la Nature, de la Forêt et des Animaux.


Dans la tradition celtique : Le Sureau est le treizième arbre du calendrier des arbres celtiques, placé en fin d'année. Il est l'un des derniers à perdre ses feuilles à l'automne, et le premier à les sortir au printemps. Il représente le lien entre la mort et la vie. On a retrouvé beaucoup de graines lors de fouilles archéologiques. Le Sureau était déjà utilisé à une époque très lointaine pour le culte des morts.

Le Sureau a la capacité de se régénérer très facilement. Il suffit de planter une baguette de sureau dans la terre et il y a de fortes chances qu'elle se réimplante et redevienne un arbuste l'année suivante. Pour les Celtes, il représente la vitalité, la vie éternelle, la mort et la renaissance. Il facilite le passage entre les mondes. Les Celtes s'en servaient pour confectionner des flûtes magiques pour faciliter les conversations avec les morts.

Le Sureau était considéré comme un arbre sacré dont le bois creux abritait des divinités, des esprits de la forêt, des fées. Si jamais l'on osait couper cet arbre malgré l'interdiction, cela portait malheur. Il est le lien avec les esprits de la nature. Le bois creux du Sureau permettait de fabriquer des baguettes magiques, dans lesquelles on pouvait glisser des objets aux pouvoirs guérisseurs.

C'est une plante de protection que l'on porte sur soi ou que l'on suspend au-dessus des potes et des fenêtres. On dit que le Sureau n'est jamais frappé par la foudre.


Potins du Sureau : Mettre des feuilles fraîches de sureau dans les terriers permet d'en éloigner les rongeurs. Pour éloigner les mouches, on suspendra dans la maison des feuilles fraîches de sureau.

Des fleurs de sureau séchées, étalées dans le fond d'un cageot de pommes, permettront de conserver ces fruits plus longtemps, et leur donneront en plus un léger goût d'ananas.

Le sureau influence le sommeil et les rêves.

Il est possible d'utiliser les baies de sureau pour se teindre les cheveux. Cela permet en plus de les nourrir et de leur redonner de la force.


Au jardin : La décoction de feuilles de sureau ou bien le purin de feuilles de sureau (1 kg de feuilles mises à macérer dans 10 litres d'eau pendant quelques jours) sont utilisées en pulvérisations contre les pucerons, la piéride du chou, les altises, la teigne du poireau. Ils servent également de répulsif pour les chenilles et les taupes. Les feuilles de sureau mises dans le compost en accélèrent la décomposition.


Croyances : Certains estiment que le sureau pousse sur des zones de courants telluriques et qu'il révélerait la présence de sources cachées. Le sureau a inspiré de nombreuses légendes, un peu partout dans le monde. [...]


Loi des signatures : La vitalité du Sureau ainsi que son grand pouvoir de régénération pourraient nous signaler sa capacité à booster notre système immunitaire. Son bois creux, dont on se sert pour faire des flûtes, semble nous dire de mettre de la légèreté dans notre vie ; c'est l'action principale de son élixir floral.


Propriétés médicinales : Ses propriétés anti-inflammatoires ainsi que sa richesse en antioxydants en font une plante médicinale précieuse.

Contre-indications : En dehors des précautions à prendre concernant la cuisson, citées plus haut, il n'existe aucune contre-indication connue.

Parties utilisées : Les fleurs récoltées avant le plein épanouissement, fraîches ou avec un séchage rapide, les baies cuites, l'écorce des jeunes branches.

Usage interne : Les fleurs de sureau sont diurétiques, sudorifiques et anti-inflammatoires (surtout pour la gorge). On utilisera l'infusion de fleurs séchées contre l'hydropisie, la rétention d'eau, les œdèmes, la néphrite avec œdème, la goutte, les refroidissements (grippes, rhumes, bronchites), les angines, les laryngites, les inflammations.

Infusion : Une poignée de fleurs bien sèches par litre d'eau, 3 à 5 tasses par jour.

L'écorce est diurétique, vomitive et légèrement laxative.

Les baies de sureau, cuites et sous forme de sirop, ont été utilisées à travers les siècles pour soigner les rhumes, les états grippaux, la fièvre, les brûlures, les diarrhées et beaucoup d'autres affections. Elles sont diurétiques, dépuratives, antigrippe, laxatives, anti-inflammatoires. Les baies de sureau noir sont particulièrement riches en flavonoïdes et en particulier en anthocyanines, qui sont de puissants antioxydants pour aider le système immunitaire à se défendre. On trouve principalement les anthocyanines dans les pigments des fruits, violet ou bleu foncé. Le jus de baies de sureau peut servir de thérapie complémentaire contre le cancer. Le colorant bleu y joue un rôle important car il modifie la respiration cellulaire.

On dit que certains vins, auraient été coupés avec du jus de sureau. Une légende qui date de la fin du XIXe siècle veut qu'un marin américain qui s'était enivré avec du porto additionné de jus de sureau ait été guéri de ses rhumatismes.

Usage externe : La décoction de fleurs est efficace en gargarismes contre les angines, les pharyngites et les stomatites. Elle calme et adoucit les yeux malades. Pour les rhumatismes, il est recommandé de dormir sur un matelas rempli de feuilles de sureau séchées.


Sirop de baies de sureau noir : 2 kg de baies de sureau noir, environ 1 kg de sucre, 1 ou 2 citrons (facultatif). Avant de commencer, placez une soucoupe vide dans le congélateur ; elle servira à vérifier la prise du sirop. Égrenez les baies à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne, en retirant les baies vertes. Rincez rapidement les fruits. Faites-les cuire dans une casserole pendant 10 minutes jusqu'à ce qu'elles éclatent. Passez à l'extracteur de jus, à la centrifugeuse ou au moulin à légumes, pour éliminer les graines et ne garder que le jus noir.

Pesez le jus : pour 1 litre de jus, comptez 1 kg de sucre. Versez le jus de sureau et le sucre dans une grande casserole, mélangez et ajoutez éventuellement le jus de 1 ou 2 citrons. Portez à ébullition et faites cuire à feu vif en remuant, tout en surveillant la consistance. Versez de temps en temps quelques gouttes dans la soucoupe : quand le sirop se fige, c'est prêt ! Mettez en petits pots ou en petits flacons, fermez à chaud et, pour plus de sécurité, conservez-les au réfrigérateur.

Emploi : ce sirop pourra être utilisé à titre préventif contre le rhume ou la grippe, à raison d'une cuillerée à soupe par jour pendant l'hiver. Vous pouvez le consommer pour votre plaisir, dans de l'eau de boisson, pour faire un kir ou un punch, napper un gâteau aux pommes ou un sorbet, parfumer un yaourt.

Conservation : quand le flacon est entamé, il ne se conserve guère plus de 15 jours. C'est pour cela qu'il vaut mieux utiliser de petits récipients.


Élixir floral : L'élixir floral de sureau nous aide à retrouver notre enfant intérieur et notre joie de vivre. Il nous donne de la vitalité et nous aide à nous régénérer. Il nous permet de contacter notre magie, notre force intérieure et notre confiance en nous.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Le Jus et le sirop de Baies de Sureau

Les Baies de Sureau peuvent être comparées aux parties primitives du cerveau, au tronc cérébral, au petit cerveau chez l'être humain. Aux processus vitaux inconscients, y compris tout ce qui se produit tout seul, naturellement, sans que l'on doive y réfléchir. Par exemple : la puissance que possède l'être humain de se savoir maître de son existence.

La Baie de Sureau recèle en elle l'achèvement ainsi que la jouissance des belles choses, la jouissance des formes, de la manière dont la nature et/ou l'homme ont créé les éléments dans leur beauté et les ont parachevés. Consciente et satisfaite d'elle-même, elle porte son regard, à la manière d'un Napoléon, sur les champs qui s'étendent à perte de vue, et caresse doucement d'une main approbatrice les reliefs joliment maçonnés des murs. Elle aime à se choyer, à se délecter d'elle-même, comme à choyer et savourer ses créations, ainsi que ce qui se trouve dans son entourage, par exemple un beau mur, une maison à la façade blanche peinte avec délicatesse. L'arbuste de Sureau affectionne les bords, ce qui borde ou délimite les belles choses.

Les Baies de Sureau elles-mêmes souhaitent la bienvenue, ouvrent la bouche en quelque sorte, à tout ce qui s'offre de délicieux, et permettent que l'on entre dans leur chambre. Elles veulent aussi rassurer, faire en sorte que quelqu'un se sente en sécurité dès qu'il répond à l'invitation du Sureau. Elle est noble et sincère, n'« attirera » jamais une personne à l'intérieur pour qu'ensuite un piège se referme sur celle-ci. Ses intentions sont bonnes, et elle souhaite que chaque personne qui lui rend visite se sente à l'aise, tranquille et en sécurité. Elle laisse à tout un chacun le loisir d'aller et venir sans aucune obligation, en toute liberté. Dans son chant de bienvenue résonnent de doux accents ; elle s'ouvre dans l'amour sans vouloir saisir celui qui ou cela qui se présente chez elle. Dans cette atmosphère, le cœur et le thymus respirent paisiblement. Pas une ombre de dureté, de stress ou de précipitation. Elle affectionne de laisser le temps s'arrêter et s'abandonne à sa propre douceur, à celle de la nature. Elle partage avec d'autres cette tendresse pour la vie. Elle est capable de lâcher prise. Toute souffrance et toute tension s'évanouissent dans cet état de détente.

Elle s'apparente en tout ceci à la sphère psychique des Tilleuls.

La personne qui aime le Jus ou le Sirop de Baies de Sureau, qu'il soit ou non sucré ou allongé d'eau, laisse entendre par là qu'elle souhaite choyer le mur autour de la maison, la couleur sur un objet, la pelure d'un jaune somptueux enveloppant la banane, la Peau enveloppant son corps. Elle veut savourer ce qui se manifeste ou se montre à l'extérieur. L'interaction avec la « lumière », le soleil qui rayonne doucement et fait en sorte que les choses, et elle-même, puissent se montrer joyeusement au-dehors, en tant que fleur, feuille ou baie...

Peut-être s'est-elle trop emmurée, s'est-elle trop enterrée de façon dure et carrée peut-être s'est-elle, avec une sorte de morosité, enfoncée jusqu'à disparaître comme un pieu dans un sol en béton. Les Baies de Sureau adoucissent ces sphères de fermeture et s'ouvrent ; elles souhaitent la bienvenue, font en sorte que le cœur puisse se frayer un chemin librement, se délivrer d'une répression trop dure. Les sentiments sont maintenant autorisés à exister et rayonnent de manière originale, extraordinaire.

Au fond, la personne qui a envie de Jus de Baies de Sureau veut laisser remonter à la surface son côté féminin sensible, le mettre en évidence, le manifester. Cette noble douceur réclame son attention. Vivait-elle jusque-là trop plongée dans les livres, cachée derrière une page sur laquelle était stipulé ce qu'il « faut » faire, sans toutefois prendre « vie » elle-même ? Se terrait-elle honteusement sans oser manifester son contenu, ses sentiments et ses désirs humains ? Alors le Jus de Baies de Sureau l'y incite : montre tes fruits et laisse les fluides vitaux circuler en toi et trouver leur chemin vers l'extérieur. Ses reins et ses voies urinaires, ses vaisseaux lymphatiques ainsi que les artères vitales dans son corps ressentent ces courants de sentiments comme des vagues de la mer qui déferlent, amenant la pureté. Apaisée et heureuse, contente et adoucie, elle baigne dans cette atmosphère des Baies de Sureau.

Les Baies de Sureau elles-mêmes abandonnent toute résistance ; elles se livrent à ce que la vie veut laisser circuler en elles. Les pancartes de protestation ou de contestation et les calicots tombent ; dans la sphère psychique des Baies de Sureau, l'être humain n'offre plus aucune résistance. Le combat intérieur est rompu. C'est l'abandon à la douceur, à ce que le vent de la vie demande de lui. Ayant cessé de lutter, l'être humain en contact avec cette atmosphère se relie à la terre. Il s'étend sur l'herbe douce et chaleureuse et se délecte d'être sur terre. Il éprouve le sentiment sensuel d'être relié à la terre. Plus aucun blocage, aucune résistance ou aucun combat, ne subsiste. L'être humain s'avoue vaincu et permet que les choses se produisent : que le vent de la vie vienne choyer son corps et caresse son visage d'une tiède caresse. Dans cette énergie bienfaisante qui lui procure la sensation d'être au paradis terrestre, il est tout près de lui-même dans son corps, il se sait porté par la vie en lui. Il en vient à dire oui pleinement à ce que la vie veut lui faire ressentir, lui offrir. C'est un abandon total au « sentiment », à ce bonheur en soi-même qui caresse la peau.

Il se peut que la personne qui aspire au goût des Baies de Sureau ou du Jus de Sureau ait gardé ses ailes repliées, comme un avion qui, en souriant, serait resté immobilisé sur la piste de décollage, dans l'expectative. Un sentiment qui dit : c'est réservé aux autres, mais pas à moi ; je ne fais pas partie, ou encore : eux ont le droit, et moi pas. Les écailles du tronc restent hermétiquement et durement fermées, tandis qu'il se languit et contemple envieusement tout ce qui dans la vie démontrer sa capacité de se propulser en avant. Comme l'écorce d'un cocotier, il vit dans une fermeture trop dure et racornie.

Un regard tourné là-bas, les yeux tristes, comme ceux d'un chien qui ne fait qu'attendre le signal de son « maître » et ne pense pas pouvoir « vivre » véritablement, corps et âme : je n'ai pas le droit ou ne suis pas capable de m'élever dans la vie ; je dois accomplir mon devoir / ma tâche, m'abaisser, et j'ose à peine ouvrir mes narines, mes bras, mes ailes, je demeure hermétiquement fermé. Le désir est là, ainsi que le savoir, mais inhibés par un sentiment de ne pas avoir le droit de savourer et, au contraire, de devoir rester sagement figé dans une position de fermeture.

Les voies respiratoires appellent l'oxygène. Le cœur, le cerveau et le système nerveux en général demandent à ressentir le moment présent dans toute sa douceur.

La Peau désire s'ouvrir plus en douceur au vent et à de vastes espaces aériens. C'est une pulsion intérieure vers l'autolibération. Au contact de cette sphère psychique des Baies de Sureau, l'être humain ouvre chaque antenne cellulaire de sa peau, chaque particule réceptrice de son corps, aussi bien dans sa tête que dans les paumes de ses mains, aux extrémités de ses doigts. Il accueille avec douceur et permet que des énergies électromagnétiques relaxantes et aimantes parcourent tout son corps.

Les Baies de Sureau disent à cet être humain de faire ce que le sentiment en son cœur lui inspire de faire. Que la Vie lui demande de jouir de lui-même, de son propre être physique, des fleurs qu'il diffuse et laisse s'épanouir vers de somptueux espaces. Une présence à soi-même, dans son corps, empreinte de délectation ; s'ouvrir instinctivement, largement, à soi-même et du fond de soi-même, à la beauté qui vit en lui, qui ne demande qu'à se révéler à lui. Une ouverture à l'amour, à la douceur et à un ressenti de jouissance.

Les bras largement étendus, s'abandonner à un sentiment de bonheur exquis, en étant conscient qu'il n'existe rien de plus beau que de faire partie de cet « être » sensoriel, sensuel, à la fois physique et spirituel. Se savoir porté dans les bras de la vie et céder en souplesse, se laisser bercer dans une totale flexibilité par les ondulations du vent de la vie qui le caresse. En lui-même et avec lui-même. Une sensation bienfaisante. Cette énergie vitale doucement caressante délivre, ouvre le cœur, adoucit l'esprit, permet à chaque cellule de se libérer, permet un échange avec tout qui s'accorde sur cette longueur d'onde de la liberté, de l'attendrissement, de l'ouverture, de la délectation, de la sensualité aimante. Le sentiment de bonheur absolu que l'on éprouve à « être » en tant que « je » dans son corps qui permet de sentir, étant bordé par une peau exquise.

Au contact de l'ambiance psychique des Baies de Sureau, on ne verse pas, même s'il s'en faut de peu, dans un état euphorique éthéré, car l'aspect terrestre, physique continue à agir fortement. Mais le calme qu'engendre cet abandon au merveilleux « Sentiment Vital » traduit bien comment l'être humain n'a aucun souci à se faire lorsqu'il est en totale confiance. Il ne pense pas, ne se met pas martel en tête, se fonde sur sa base intérieure plus profonde, et sait parfaitement que tout est pour le mieux lorsqu'il lâche prise et permet l'harmonie, savourant avec gratitude la beauté en lui-même, dans la nature. Sans rien saisir ni rien forcer. Il EST simplement, dans un abandon absolu au merveilleux Courant vital qui circule à travers lui. La peau et les sens s'ouvrent de bonne grâce à la main aimante qui veut les toucher, de la même manière que lui-même veut, dans l'amour, couronner, caresser, gratifier, donner, ressentir, avec ceux qui se trouvent sur la même longueur d'onde que lui.

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Mythes et légendes :


Dans Souvenirs d'une cosaque (Éditions A. Lacroix, 1874), Robert Franz rapporte une légende qui est peut-être l'aboutissement folklorique du mythe irlandais des trois airs de musique magiques :

[...]

Je mettais le récit des superstitions locales bien au-dessus des contes de fée qu'on m'offrait parfois pour me garder à la maison, et que je refusais avec dédain. Je passais des heures entières à me faire conter des légendes. La steppe se peuplait alors de fantômes d'un glorieux passé ; la mémoire du vieux Zaporogue faisait défiler à mes yeux éblouis ces expéditions d'armées cosaques avec leurs tentes de campagne doublées de brocart, leurs selles brodées d'or, leurs sabres couvertes de perles et de pierreries. D'autres fois, c'étaient de touchantes histoires d'amour, sous une forme naïve et d'une morbidesse inexprimable ou bien « le grand mystère national », l'amour de la patrie, se révélant sous une ondée des plus charmantes images :

« L'étranger assassine un fier jeune berger. Celui-ci demande à être enterré au pré de ses brebis, pour être toujours avec elles, et derrière la bergerie, pour entendre encore la voix de ses chiens. Puis il demande à sa petite flûte de hêtre qui joue si doucement, à sa petite flute en os qui joue si tristement, à sa petite flûte de sureau qui joue avec flamme, de ne point parler d'assassinat aux brebis qui s'assembleront et le pleureront avec des larmes de sang, mais de leur dire simplement qu'il s'est marié à une fière reine, la reine du monde (la liberté) ; qu'à sa noce, une étoile à filé, le soleil et la lune ont tenu sa couronne, qu'il a eu pour témoins les pins et les chênes, pour prêtres les grandes montagnes, pour musiciens les oiseaux, des milliers d'oiseaux, et pour flambeaux les étoiles. »

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D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


SUREAU. — Le sureau joue un grand rôle dans les superstitions germaniques ; mais aussi dans l’antiquité classique, on lui attribuait des pouvoirs magiques. En Allemagne, au Danemark et en France, on le supplie encore avant de s’en servir : « Lorsque les habitants du canton de Labruguière, écrit De Nore (Couttumes, mythes et traditions des provinces de France), ont un animal malade de quelque plaie envahie par les vers, ils se rendent dans la campagne auprès d’un pied de yèble « sambucus ebulus » et, tordant une poignée de cette plante dans leurs mains, ils lui font un grand salut et lui adressent les paroles suivantes en patois « Adiù siès, monsu l’aoûssier, sé né trases pas lous bers de moun berbenier, vous coupi la cambo, maï lou pey ! » ce qui veut dire : « Bonjour, monsieur le yèble ; si vous ne sortez pas les vers de l’endroit où ils sont, je vous coupe la jambe et le pied. » Cette menace effectuée, la guérison est assurée, ou peu s’en faut. » Eh bien, nous trouvons déjà quelque chose de semblable chez Apulée, De Virtutibus Herbarum : « Herbam ebulum tene ; et, antequam succidas eam, ter novies, (ainsi vingt-sept fois, autant de fois qu’il y a de jours dans un mois lunaire), dices : « Omnia mala bestiae canto » utque eam ferro quam acutissimo secundum terram trifariam praecidito, et id faciens, de eo cogitato cui medeberis, reversus ita ne respicias, post tergum et ipsam herbam contritam morsui apponito, statim sanabitur. » Chez le même : « Ad splenis dolorem : Herbae ebuli radicem siccatam et in pulverem mollissimum redactam, ex vini cyathis quatuor, pulveris cochlearia tria, in limine stans, bibat, et ebulum semper secum habeat, sine ferro lectum. » Par Adrovandi (Ornithologia, XIV), nous apprenons que les pâtres coupent le sureau pour en faire des flûtes, dans un endroit où l’on ne puisse entendre la voix du coq, je suppose, pour que la flûte ne donne pas un son aussi enroué que le chant du coq. En Sicile, on croit que la tige de sureau frappe à mort les serpents et éloigne les voleurs, bien mieux que toute autre baguette. M. Pitré m’écrit, à propos des branches de sureau, ce qui suit : « Nel festino di Santa Rosalia in Palermo. soleano, fino a pochi anni fa, sovraccaricarsi i ragazzi del volgo legandosene attorno al capo e alla vita, in segno di gioia e di trionfo. Essi voleano cosi emulare i barberi del palio ; onde si attaccavano pure alle tempie sonagli e campanelluccie. I vicoli di tutta la città continuano per detta solennità ad adornarsi con canne verdi, si per gioia e sì per appendervi lampioncini di carta a colore. Non sarà inutile a questo proposito il ricordo di due fatti, cioè che la canna verde liga i serpi velenosi, e li fa morire ; mentre pur battendoli con nodosi bastoni non si riesce a tanto ; ragione per cui, andando d’estate pei campi, o pe’monti, si tiene un bastone di canna verde ; e che la canna secca, piantata ai limiti d’un terreno, rende avilatu, cioè intangibile, quel limite, e sacra la proprietà, vero Dio Termine de’ nostri contadini. »

Dans le Tyrol on a pour le sureau un tel respect, qu’en passant devant lui, on ôte son chapeau. On pense peut-être que la flûte magique, la flûte enchantée de la tradition populaire, est faite avec le bois de cet arbre, consacré, dans la mythologie du nord, au dieu Thunar, au dieu du tonnerre. Un chant populaire russe nous apprend que les sureaux éloignent les mauvais esprits, par compassion envers les hommes, et qu’ils promettent une longue vie. En Allemagne, on a recours au sureau contre le mal de dents ; en Danemark, on croit que le sureau est le génie protecteur de la maison ; en Suède, les femmes enceintes le baisent. On n’endommage pas un sureau impunément. Les Lettes supposent que le dieu de la terre, Puschkaitis, demeure sous les racines du sureau. Une branche de sureau est employée, en Savoie et ailleurs, pour le mai ; en Volynie, chez les Serbes et ailleurs, comme bâton de bon augure pour les noces. (Cf. pour de plus amples informations, sur les croyances populaires du nord qui concernent le sureau, Mannhardt, Baumkultus der Germanen.)

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), le sureau (sambucus nigra) est l'arbre des "déclarations orales".


Permission accordée : de l'entaille d'une branche de sureau s'échappent quelques gouttes de sève rouge pouvant rappeler le sang. Il n'en fallait pas plus pour que l'imagination populaire fasse de cet arbrisseau l'habitat de fées ou de sorcières. Mais le plus célèbre personnage vivant à l'intérieur de cette plante reste sans conteste la Vieille Mère du sureau. La croyance en cet être est née au Danemark mais a rapidement conquis plusieurs pays tels que l'Allemagne, la Suède ou l'Angleterre. Voir cette petite femme est un rare privilège qui ne se produit qu'au printemps et à l'automne. Les couleurs de sa tenue vestimentaire sont similaires à l'arbre : un tablier foncé comme les baies et un châle blanc comme les fleurs. Comme sa démarche est claudicante, la créature âgée, également appelée Vieille Dame, se déplace en s'appuyant sur une branche.


Le Bois de sureau est réputé pour la confection de flûtes et de baguettes magiques mais il peut être dangereux de s'en servir pour d'autres usages. Les propriétaires d'une maison maintenue avec des poutres de cet arbre ne connaîtront ainsi jamais la prospérité. Les petits Danois couchés dans un berceau fait de ce bois ne pourront se développer normalement ni goûter à un sommeil réparateur. la Vieille Mère tiraille en effet les jambes des pauvres nourrissons quand elle ne les étouffe pas....

Si vous n'avez pas d'autre choix que d'utiliser du sureau, demandez la permission à son habitante. Cela vous évitera son courroux et les malheurs qu'elle ne manquera pas d'occasionner tout au long de votre vie. La méthode est simple. Afin de permettre à la Vieille Mère du sureau de quitter l'arbuste avant qu'il ne tombe à terre, prononcez la formule suivante : "Vieille Dame, donne-moi un peu de ton bois et quand je serai un arbre, je te donnerai du mien." A l'instar des Créoles de Louisiane et des Antilles, vous pouvez aussi chanter en vous balançant devant Dame Sambuc, tel est le nom de la gardienne du sureau en ces lieux.


Un souffle évocateur : Pour trouver le temps moins long, les bergers d'autrefois confectionnaient souvent des flûtes, pipeaux et autres instruments à vent en sureau. Il faut dire que l'arbrisseau se prête à merveille à l'exercice car ses tiges sont creuses et sa moelle facile à enlever. Or jouer d'un tel objet peut parfois amener des surprises. Une légende bretonne raconte ainsi la particularité du roi Guivarc'h pour le moins étrange puisqu'il avait des oreilles de cheval. Ce seigneur dissimulait sa tare sous un bonnet et seules les barbiers ayant la tâche de le raser et de lui couper les cheveux découvraient son secret. Mais à en croire une ancienne version de ce conte, chaque professionnel était mis à mort dès sa tâche effectuée pour que l'inavouable ne sot jamais divulgué...

Un sureau noir poussa sur la sépulture d'un de ces pauvres gens. Un matin, un joueur de biniou coupa un rameau pour en faire une anche et s'en alla à une noce. Quand il en souffla dans son instrument, ce n'est pas un son musical qui en sortit mais une voix chantant à tue-tête : "Le roi Guivarc'h a des oreilles de cheval ! L'assistance accueillit la nouvelle dans un grand silence, d'autant plus que le sire en question était présent dans la salle. Ce dernier somma ses gardes de lui amener le musicien pour le tuer de ses propres mains. L'homme se défendit en arguant qu'il n'était pour rien dans l'étrange phénomène et invita le roi à souffler à son tour dans l'anche. Et, à sa grande stupeur, la même phrase retentit dans l'air... L'histoire ne dit pas quelle suite fut donnée à cet incident et c'est bien dommage.

Toujours est-il que, de mémoire de Celtes jamais un tel phénomène ne s'est produit quand les druides soufflaient dans les flûtes en sureau. Ils se livraient à cette pratique pour communiquer avec le monde des esprits, des fées et des morts. Sachez enfin que jouer d'une flûte en sureau protégerait des sortilèges.

Selon une tradition de la Haute-Bretagne, chaque petite fleur de sureau abriterait une fée ayant fui la persécution des chrétiens. Les Tyroliens quittent leur chapeau devant un sureau pour saluer la dame de l'arbre et les Suédoises enceintes lui envoient des baisers.


Visions nocturnes : Selon une croyance danoise, la nuit de la Saint-Jean offre une occasion unique de voir défiler le roi des fées et sa suite. Il suffit de se placer sous un sureau quand sonnent les douze coups de minuit. Les heures sombres du 30 avril glissant au 1er mai sont plus propices à voir les êtres de l'autre monde. Encore faut-il porter à cette occasion sur la tête une guirlande confectionnée avec des rameaux de sureau.


Délices féeriques : Par une chaude journée de juillet, quand le parfum des fleurs de sureau noir embaume l'air ambiant, cueillez six ombelles de cette plante et faites-les macérer durant deux jours dans 20 cl de vin blanc sec ou doux. Retirez les fleurs et filtrez le tout avec un linge fin à trois reprises. Versez le liquide dans une bouteille en verre, ajoutez 150 g de sucre et 20 cl d'alcool de fruits. Mélangez bien le tout et laissez reposer deux semaines avant de goûter votre délicieux breuvage au doux nom de "vin des fées". Pour enchanter les plus jeunes, nous vous recommandons de reproduire l'artifice inventé par les Tziganes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Lorsqu'ils installaient leur camp près de sureaux, les parents envoyaient leurs petits pour aller chercher du bois sec. Le temps de leur absence, les mères penchaient les branches de l'arbre de façon à tremper les ombelles dans de la pâte à beignet. A leur retour, les enfants émerveillés regardaient les cadeaux préparés par la fée des sureaux.


Bienvenue chez moi ! Si l'on en croit les Russes, on a tout à gagner à planter un sureau devant sa maison : L'arbuste protège des esprits malveillants et promet une longue vie à son propriétaire. Par contre, la précaution la plus élémentaire vous fera renoncer à entourer votre chez-vous avec des barrières réalisées avec son bois. Il est dit que les fées ne sont dès lors plus libres de circuler comme bon leur semble. Qui sait si ces bonnes dames n'en prendraient pas ombrage !


Ambivalence : Alors que le sureau passait pour protéger des mauvais esprits et des sortilèges, les Anglais d'Oxfordshire et des Midlands pensaient que les plus vieux arbres de cette espèce étaient, en réalité, des sorcières métamorphosées. On dit que par ailleurs que ces personnages maléfiques coupent une branche de sureau pour confectionner leur bâton magique avec lesquels ils frappent les vaches pour tarir le lait."

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Littérature :


Rabelais termine le chapitre 62 du Quart Livre (1552) par une petite fable à décrypter qui concerne les flûtes en sureau :


[...] Attendu pareillement que le Suzeau croist plus canore & plus apte au ieu des flustes en pays on quel le chant des Coqs ne seront ouy : ainsi qu’ont escript les anciens sages, scelon le rapport de Theophraste, comme si le chant des Coqs hebetast, amolist & estonnast la matière & le boys du Suzeau : au quel chant pareillement ouy le Lion animant de si grande force & constance devient tout estonné, & consterné. Ie sçay que aultres ont ceste sentence entendu du Suzeau saulvaige, provenent en lieux tant esloignez de villes & villages, que le chant des Coqs n’y pourroit estre ouy. Icelluy sans doubte doibt pour flustes & aultres instrumens de Musicque estre esleu, & preferé au domesticque, lequel provient au tour des chevaulx & masures. Aultres l’ont entendu plus haultement non scelon la letre, mais allegoricquement scelon l’usaige des Pithagoriens. Comme quand il a esté dict que la statue de Mercure ne doibt estre faicte de tous boys indiferentement, ilz l’exposent que Dieu ne doibt estre adoré en façon vulgaire, mais en façon esleue & religieuse : pareillement en ceste sentence nous enseignent que les gens saiges & studieux ne se doibvent adonner à la Musique triviale & vulguaire, mais à la celeste, divine, angelique, plus absconse & de plus loing apportée : sçavoir est d’une region en laquelle n’est ouy des Coqs le chant. Car voulans denoter quelque lieu à l’escart & peu frequenté ainsi disons nous, en icelluy n’avoir esté ouy Coq chantant.

 

Mireille Huchon dans « Rabelais allégoriste », (Revue d'histoire littéraire de la France, vol. vol. 112, no°2, 2012, pp. 277-290) nous propose une explication de cet extrait :


Le dernier exemple [de l'emploi du terme allégorie], à la fin de l’épisode de messere Gaster, relève de l’interprétation des sentences pythagoriciennes. Les anciens sages selon Théophraste ont écrit que le sureau serait de meilleure qualité pour les flûtes dans le pays où le chant du coq ne serait pas entendu, comme si le chant du coq amollissait le bois ; pour d’autres, il s’agirait de sureau sauvage (variété à préférer pour les flûtes) provenant de lieux si éloignés des villes et des villages que le chant des coqs ne pouvait pas y être ouï. Après ces explications littérales, le narrateur ajoute : « Aultres l’ont entendu plus haultement non scelon la letre, mais allegoricquement scelon l’usaige des Pithagoriens » (LXIII, p. 687). Il prend une sentence pythagoricienne pour comparaison. Pour les pythagoriciens, la sentence selon laquelle la statue de Mercure ne doit être faite de tous bois indifféremment est à interpréter par le fait que Dieu ne doit pas être adoré de façon vulgaire, mais de façon élue et religieuse. De même manière, dans l’exemple fourni par Rabelais, les gens sages et studieux sont invités à ne pas s’« adonner à la Musique triviale et vulgaire, mais à la celeste, divine, angelique, plus absconse et de plus loing apportée : sçavoir est d’une region en laquelle n’est ouy des Coqs le chant. Car voulans denoter quelque lieu à l’escart et peu frequenté, ainsi disons nous, en icelluy n’avoir oncques esté ouy Coq chantant » (LXII, p. 687). En fin de geste, on retrouve donc les symboles pythagoriques et les lectures parallèles, laissées à la discrétion du lecteur.

Comme le montrent les variantes qui introduisent le terme d’allégorie, Rabelais a accordé un soin particulier à ces passages, manifestes de sa conception de la littérature allégorique. La lecture autre est appelée par des marqueurs polysémiques qui entraînent des lectures parallèles à valider selon les préceptes melanchthoniens.

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Andersen, La Fée du sureau
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Hans Christian Andersen, propose un conte intitulé "La fée du sureau", paru pour la première fois en 1844.


Selon la présentation de Caroline Ouazana et Mary Simon sur le site de France Inter :


Le récit original opère à trois niveaux correspondant chacun à des perceptions différentes du temps. Un petit garçon a un rhume. Sa mère lui fait boire une infusion de sureau tandis qu'un vieil homme amusant, qui habite en haut de leur maison, lui raconte des histoires... et l'enfant finit par s'endormir. A l'intérieur de la première histoire, le récit bascule dans un tout autre temps, entraînant l'auditeur dans l'atmosphère merveilleuse du conte... Faisant écho aux interrogations d'Andersen sur son travail d'écrivain, La fée du sureau évoque la limite entre le genre du conte et celui de l'histoire.

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Dans un étrange roman policier intitulé M. Malbrough est mort (1ère édition, 1937 ; Librairie des Champs-Élysées, 1991), Pierre Véry évoque un autre instrument que la flûte :


- Où est Désiré ?

Une détonation retentit dans le parc. Odet a eu un réflexe révélateur : le buste qui s'abaisse et la tête qui rendre dans les épaules ; le tout très rapide, à peine perceptible. Ensuite, sourcils froncés, bouche réduite à rien, il guette. Désiré arrive en courant. Il montre glorieusement une « pétoire » : c'est une tige de sureau vidée de sa moelle ; on obture chaque orifice par un bouchon de chanvre, on enfonce à force l'un de ces bouchons au moyen d'une sorte de piston ajusté à la dimension de l'orifice, et l'air, comprimé, expulse bruyamment l'autre bouchon. Odet frappe sur la table :

- Désiré est insupportable avec ses inventions ! Flanque des émotions sans arrêt ! Etc...

- Hai !... hai !... hai !... fait l'innocent, imperméable.

Après le thé, Désiré me donne à examiner sa pétoire.

-Savez-vous ce que c'est ?

- Une pétoire parbleu !

- Non, ! C'est un colt-frontière !

- Ah, diable !

 

Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque brièvement le sureau :

30 mai

(Fontaine-la-Verte)


Le parfum des sureaux en fleur rend fou. Quiconque s'endort à l'ombre de ces arbustes à cent plateaux d'ombelles blanches quitte les contrées organisées de la raison pour les espaces confus du rêve.

Les bourdons et les cétoines, toxicomanes connus des services de la police, viennent compulsivement alimenter leur cauchemar sur ces fleurs pentamères, qui exhalent des molécules de délire.

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Ogham :


Voir la fiche dédiée à l'Ogham Ruis.

 

Il est intéressant de noter d'ailleurs que le sureau peut être utilisé comme encre pour l'écriture comme le prouve Nathalie Colin, artiste peintre calligraphe enlumineresse, en nous offrant sa recette :


"Tout d'abord il vous faut quelques grappes de sureau, disons 5 à 6 belles grappes.

Mettre vos baies cueillies fraichement dans une vieille casserole les écraser avec un pilon afin de faire ressortir leur jus . Laisser macérer cette préparation pendant une semaine. Couvrir hermétiquement la préparation.

Le temps venu , faites bouillir le jus avec les baies afin de faire réduire la préparation. Ajouter 8 gr d'alun en poudre puis 8 gr de gomme arabique hors du feu... Laisser refroidir puis filtrer le tout. Ajouter quelques clous de girofles pour la conservation.

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