Anne
Le Cheval
Étymologie
CHEVAL, AUX, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. Début xiie s. désigne l'animal (Lois G. le Conquérant, éd. J. E. Matzke, § 5 ; ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 890) ; spéc. ca 1195 cheval désigne le mâle (Ambroise, Guerre sainte, 8296 ds T.-L., s.v. ive) ; 1873 désigne la viande (Dumas) ; 1. ca 1100 as chevals « montés sur des chevaux » (Roland, 1095) ; d'où ca 1100 interj. as chevals ! ordre de monter à cheval (Roland, 2986) ; av. 1661 à cheval « à califourchon » (St Amand ds Fur. : à cheval sur des coquesigruës) ; 1835 fig. être à cheval sur « être très strict, ferme sur » (Ac.) ; a) 1160-70 gent a cheval « soldat à cheval » (Wace, Rou, III, 2651 ds Keller, p. 262a) − 1668, Molière, Amphitryon, I, 1 ; av. 1511 hommes de cheval « cavaliers » (Comm., IV, 1 ds Littré) ; chevaux « soldats à cheval », v. chevau-légers ; b) 1690 « équitation » (Fur.) ; av. 1866 monde du cheval (L. Reybaud ds Lar. 19e) ; 2. a) fin xiiie s. être a cheval « être insolent » (Deuxième coll. anglo-norm. des Mir. de la Ste Vierge, éd. H. Kjellman, 48, 179) ; p. ext. av. 1622 mettre son opinion a cheval « la faire prévaloir » (F. de Sal., Aut. de S.P., ms. Chigi, fo96a ds Gdf. Compl.) ; b) 1579 estre mal a cheval « être mal à l'aise » (Lariv., les Ecol., V, 3, ibid.) ; c) av. 1592 monter sur ses grands chevaulx « s'emporter » (Mont., iv, 193 ds Littré) ; 3. 1539 medecine pour les chevaulx (Est.) ; d'où fig. 1690 médecine de cheval (Fur.) ; 1690 travail de cheval (ibid.) ; 1798 fièvre de cheval (Ac.) ; 4. 1690 fig. cheval de bataille (Fur.) ; 5. emplois fig. s'appliquant à une pers. 1670 cheval de carosse « homme grossier ou brutal » (Molière, Le Bourgeois gentilhomme, II, 2) ; 1828 arg. cheval de retour « récidiviste » (Vidocq, Mém. ds Esn.) ; 1829 (Hugo, Le Dernier jour d'un condamné, 667 − Ollendorff − ds Quem.). B. 1.1512 jeux au chevau fondu (Gringore, Sottie contre Jules II, 109 ds Recueil de Sotties, Paris, éd. E. Picot, 1904, t. 2, p. 139) ; 1556 cheval de bois (Argenterie de la reine, fos1 et 13 ds Gay ); 1680 fortif. cheval de frise (Rich.) ; 1768 technol. cheval « support » (Encyclop. t. 27, ardoiserie d'Anjou, p. 12a) ; 1891 petits chevaux désigne un jeu de hasard (H. Bauer, au Soleil, Echo de Paris ds Guérin2) ; 1946 cheval d'arçon (Ambrière, Les Grandes vacances, p. 310) ; 2. 1611 cheval marin « hippocampe » (Cotgr.). Du lat. caballus d'abord « mauvais cheval » (Lucilius ds TLL s.v., 3, 67), puis « cheval hongre » et « cheval de travail » terme pop., dès Varron est le substitut du lat. class. equus qu'il supplante ultérieurement.
Lire également la définition afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Expressions populaires :
Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :
Mettre le pied à l'étrier :
Zoologie :
Selon Matt Pagett, auteur de Le petit livre de merde (titre original What shat that ?, Quick Publishing, 2007 ; édition française Chiflet & Cie, 2008) : "Le cheval est un ongulé (rassurez-vous, ce n'est pas une insulte !). On sait que cet animal a toujours été l'un des meilleurs auxiliaires de l'homme (transports, agriculture, etc.). Il faut aussi de nos jours partie du paysage sportif : pas de tiercé ou de polo sans lui. C'est donc un animal polyvalent, et il est normal que ses excréments le soient aussi.

Description : Des crottes assez grosses, brunes et arrondies. L'animal les dépose en tas. Quand elles sont fraîches, leur odeur est vraiment forte. On peut y déceler le foin et l'herbe qui n'ont pas été digérés. un cheval produit en moyenne une quinzaine de crottes par jour.
Crottin chaud : Lorsqu'il y avait ni gaz ni électricité, on utilisait le crottin de cheval pour se chauffer, en le brûlant. Cette coutume est encore en vigueur dans certains pas. La seule fermentation du crottin produit de la chaleur.
Au Moyen Âge, les alchimistes se livraient à des manipulations ésotériques, parmi lesquelles la "digestion", consistant à chauffer une substance pendant plusieurs semaines pour la décomposer en la plongeant dans une masse de crottin qui se consumait à chaleur constante.
Autre usage plus utile : le crottin de cheval mêlé à la terre permet à certaines plantes de pays froids de pousser. C'est ce qu'on appelle le compost, formé de plusieurs couches de crottin, de feuilles, d'épluchures de légumes, d'herbe coupée et d'autres végétaux.
On bâche le tout, et on le maintient humide. Comme le crottin en léger et fibreux, la chaleur générée circule, et l'air aussi.
Cigarettes : Depuis toujours on trouve au Mexique des cigarettes à la merde de cheval qui, d'après les fumeurs, pourraient rappeler le goût des fameuses Lucky Strike. On ne sait pas ce qu'en pensait le cow-boy Marlboro..."
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Croyances populaires :
Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :
La Mi-Carême passe à cheval par les routes, et elle a une hotte toute remplie de rubans. Si l'on veut avoir de ceux qu'elle distribue, il faut mettre une botte de foin près d'une croix ; lorsque le cheval a goûté du foin, elle laisse des rubans. Cette coutume s'appelle « chercher les rubans de la Mi-Carême. »
Selon Grażyna Mosio et Beata Skoczeń-Marchewka, auteurs de l'article "La symbolique des animaux dans la culture populaire polonaise, De l’étable à la forêt" (17 Mars 2009) :
Les chevaux, qui ont remplacé dans les villages les “saints” bœufs en tant qu’animaux de trait, n’ont pas réussi à recueillir la symbolique décidément positive qui permettait de les situer à la limite du monde terrestre et céleste, et de remplir la fonction de médiateur entre l’homme et Dieu. Dans de nombreuses cultures le cheval était un animal ambivalent: lié au royaume des morts et des divinités lunaires, il apparaît aussi comme un attribut des divinités solaires (Kowalski 1998 : 236-237). Dans les croyances populaires son rôle était tout au moins aussi ambigu. Il était souvent estimé être un animal impur, ayant de proches rapports avec les forces du mal (Moszyński 1967 : 559). On croyait qu’il était dirigé par Satan lui-même (Tomicki 1981 : 34). Il pouvait prêter son apparence à des démons divers et même au diable (Pełka 1987: 50). Ce dernier, figurant dans de nombreuses légendes populaires sous l’aspect d’un homme, pouvait cacher le sabot du cheval à la place du pied humain. Du fait des rapports du cheval avec les êtres démoniaques, tout contact avec lui pouvait s’avérer dangereux. Dans la région de Lublin on croyait que “là où se vautre le cheval, on ne peut passer par cet endroit (...), parce que cet homme pourrait attraper des douleurs d’estomac affreuses, ou bien des verrues sur les pieds et les mains” ( Kolberg 1962b : 129). Tout à la fois le cheval lui-même était exposé à la forte activité des démons. Il pouvait en être protégé par divers moyens apotropaïques, tels que les plaquettes de laiton et les janissaires, les rubans rouges ou les chiffons suspendus à son harnais, qui par les sons émis ou leur couleur effarouchaient les puissances nocives. Les relations du cheval avec l’au-delà avaient pour conséquence qu’il pouvait lui-même effrayer les forces du mal et être de grande aide dans les pratiques médicales. C’est pourquoi encore dans les années quarante du XIXe siècle dans la région de Cracovie il était d’usage de placer des crânes de cheval sur les barrières ou dans l’étable au-dessus de la mangeoire (Kolberg 1962a : 106). Situés à la limite de la clôture, ils devaient protéger tous les habitants des mauvaises forces et des épidémies. On croyait aussi qu’ils avaient la puissance secrète de protéger contre les voleurs (Biegieleisen 1929a : 531). Les chevaux pouvaient servir à faire des présages. On observait leur comportement pendant les rites de passage, surtout pendant les noces et les funérailles. Les ébrouements des chevaux pouvaient présager la prospérité des jeunes époux, tout comme la rencontre d’un poulain. Le trébuchement du cheval ou le renversement de la charrette qui menait le jeune couple à son mariage pouvait par contre présager la mort de l’un des époux (Kowalski 1998: 240). Le fait que les chevaux transportant un défunt s’arrêtaient devant une maison présageait la mort proche de l’un des habitants. Le cheval pouvait voir ce qui était invisible pour les autres mortels. Le piaffement du cheval attelé à un chariot funéraire signifiait qu’à cet endroit la mort s’était arrêtée et que quelqu’un mourrait sous peu dans le village (Zadrożyńska 1988 : 123-125). Le cheval apparaît aussi dans la culture populaire en tant que symbole de la fécondité et de l’abondance. D’où sa présence pendant les rites qui ont pour but de stimuler la nature à la vie et de libérer les forces de prolifération. Ce rôle était rempli par les groupes de chanteurs de noëls déambulant dans les villages dans la période des fêtes hivernales et par les personnages déguisés rendant visite aux habitants pendant le carnaval. Parmi les nombreuses figures animales souvent il y avait aussi celle du cheval. Ils chantaient : ”Là où le cheval passe, Là le seigle pousse” (Dworakowski 1964 : 55). Dans le sud de la Pologne on faisait même entrer un animal vivant dans la maison (Klimaszewska 1981 : 135). De même pendant les noces, jusqu’à la 1ère guerre mondiale sur le territoire de Dobrzyń le garçon d’honneur entrait dans la maison à cheval, ou bien l’y conduisait pour assurer la fécondité et la prospérité (Karwicka 1979 : 169). Le cheval personnifiait la sensualité et la volupté érotique. De nombreuses chansons et refrains populaires en font foi, où il trouve place dans le contexte des démarches des prétendants et de l’amour physique. Ils parlent de l’amant qui vient chez la jeune fille sur un cheval blanc, “d’abreuver le cheval” ou “de faire paître le cheval”. Ce motif figurait souvent dans les refrains chantés pendant les noces."
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Symbolisme :
Dans le Dictionnaire des symboles (1969, édition revue et corrigée 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :

"Une croyance, qui paraît ancrée dans la mémoire de tous les peuples, associe originellement le cheval aux ténèbres du monde chtonien, qu'il surgisse, galopant comme le sang dans les veines, des entrailles de la terre ou des abysses de la mer. Fils de la nuit et du mystère, ce cheval archétypal est porteur à la fois de mort et de vie, liée au feu, destructeur et triomphateur, et à l'eau, nourricière et asphyxiante. La multiplicité de ses acceptions symboliques découle de cette signification complexe des grandes figures lunaires, où l'imagination associe par analogie la terre dans son rôle de Mère, son luminaire la lune, les eaux et la sexualité, le rêve et la divination, la végétation et son renouvellement périodique.
Aussi les psychanalystes ont-ils fait du cheval le symbole du psychisme inconscient ou de la psyché non-humaine., archétype voisin de celui de la Mère, mémoire du monde, ou bien de celui du temps, puisqu'il est relié aux grandes horloges naturelles ou encore de celui de l'impétuosité du désir. Mais la nuit conduit au jour et il arrive que le cheval, suivant ce processus, quitte ses sombres origines pour s'élever jusqu'aux cieux, en pleine lumière. Vêtu d'une blanche robe de majesté, il cesse alors d'être lunaire et chtonien et devient ouranien ou solaire, au pays des dieux bons et des héros : ce qui élargit encore l'éventail de ses acceptions symboliques. Ce blanc cheval céleste représente l'instinct contrôlé, maîtrisé, sublimé, il est, selon l'éthique nouvelle, la plus noble conquête de l'homme. Mais il n'y a pas de conquête éternelle, et en dépit de cette claire image, le cheval ténébreux poursuit toujours au fond de nous sa course infernale : il est tantôt bénéfique, tantôt maléfique. Car le cheval n'est pas un animal comme les autres. Il est la monture, le véhicule, le vaisseau, et son destin est donc inséparable de celui de l'homme. Entre eux deux intervient une dialectique particulière, source de paix ou de conflit, qui est celle du psychique et du mental. En plein midi, entraîné par la puissance de sa course, le cheval galope à l'aveugle, et le cavalier, les yeux grands ouverts, prévient ses paniques, et le dirige vers le but qu'il s'est assigné ; mais la nuit, quand le cavalier à son tour devient aveugle, le cheval peut se faire voyant et guide ; c'est lui alors qui commande, car lui seul peut franchir impunément les portes du mystère inaccessible à la raison. Qu'il y ait entre eux conflit et la course entreprise peut mener à la folie et à la mort ; qu'il y ait accord, et elle se fait triomphale. Les traditions, les rites, le mythes, contes et poèmes qui évoquent le cheval ne font qu'exprimer les mille et une possibilités de ce jeu subtil.
L'animal des ténèbres et des pouvoirs magiques

La steppe d'Asie centrale, pays de cavaliers et de chamans, a conservé dans ses traditions et sa littérature l'image du cheval chtonien, dont les pouvoirs mystérieux sont un supplément à ceux de l'homme, là où s’arrêtent ceux-ci, au seuil de la mort. Clairvoyant, familier des ténèbres, il exerce des fonctions de guide et d'intercesseur, en un mot de psychopompe. L'épopée Kirghiz d'Er-Töshtük est à cet égard significative. Pour retrouver son âme ravie par un magicien, Töshtük, tout héros qu'il soit, doit en quelque sorte abdiquer sa propre personnalité pour se fier aux pouvoirs supranormaux du cheval magique Tchal-Kouirouk, qui lui permettra d'accéder au monde du dessous et d'en déjouer les embûches. Tchal-Kouirouk, ce Bayard asiatique, entend et parle, lui aussi, comme un homme ; dès le début de cette chevauchée fantastique, il avertit son maître du renversement de pouvoirs qui doit s'opérer. :
Ta poitrine est large, mais ton esprit est étroit ; tu ne réfléchis à rien. Tu ne vois pas ce que je vois, tu ne sais pas ce que je sais... Tu as le courage, mais tu n'as pas l'intelligence. Et d'ajouter enfin, ce qui résume admirablement ses pouvoirs : Je puis marcher dans les eaux profondes.
Mais Tchal-Kouirouk, qui participe à la fois des deux mondes, ne peut passer de l'un à l’autre qu'au prix des plus cruels supplices, et lui-même, chaque fois que la situation l'exige, demande à son cavalier de lui arracher à coups de fouet des morceaux de chair gros comme des moutons pour rendre ses vertus efficaces ; l'image est significative : à chaque fois s'opère un processus initiatique.
Il n'est que de lire cette épopée pour pénétrer le sens profond de certaines traditions chamaniques. Ainsi, chez la plupart des Altaïques, la selle et le cheval du mort sont-ils déposés près du cadavre, afin d'assurer au défunt son dernier voyage. Chez les Bouriates, le cheval d'un malade - censé avoir momentanément perdu son âme - est attaché près de la couche de son maître pour qu'il signale le retour de l'âme, qu'il manifeste en se mettant à trembler. Si un chaman vient à mourir, on le dépose sur son tapis de selle, la selle elle-même servant d'oreiller, on lui met en mains les rênes, un arc et des flèches.
Chez les Beltir, le cheval du mort est sacrifié, afin que son âme guide celle de l'homme, et il est significatif que sa chair soit ensuite partagée entre les chiens et les oiseaux, eux aussi psychopompes, habitués des deux mondes transcendants du dessous et du dessus. Ce sacrifice du cheval au maître défunt est si courant qu'on l'a même considéré comme un des éléments constitutifs auxquels on reconnaît les civilisations primitives de l'Asie. Il est attesté chez de nombreux peuples indo-européens et jusque chez les Anciens méditerranéens : dans l'Iliade, Achille sacrifie quatre cavales sur le bûcher funéraire de Patrocle, son ami sans reproches : elles conduiront le défunt au royaume d'Hadès. Le cheval, de par son pouvoir de clairvoyance, et sa connaissance de l'autre monde, joue également un très grand rôle dans les cérémonies chamaniques. L'esprit bénéfique du chaman altaïque qui accompagne celui-ci dans ses voyages divinatoires, possède des yeux de cheval qui lui permettent de voir à trente jours de voyage ; il veille sur la vie des hommes et en informe le Dieu suprême. La plupart des accessoires de la transe chamanique sont en rapport avec le cheval. Ainsi le tambour rituel, dont le battement rythmique provoque et entretient la crise, est-il tendu le plus souvent de peau de cheval ou de cerf ; les Yakoutes et d'autres peuples le nomment expressément le cheval du chaman. Enfin, pour se rendre dans l’autre monde, les chamans utilisent souvent une canne coudée en tête de cheval, dite canne-chevaline dont ils usent comme d'un cheval vivant ce qui n'est pas sans rappeler le manche à balai de nos sorcières.
L'homme métamorphosé en cheval : le possédé et l'initié

La place éminente occupée par le cheval dans les rites extatiques des chamans nous amène à considérer le rôle de cet animal dans les pratiques dionysiaques et, plus généralement, dans les rites de possession et d’initiation. Et d'emblée, une constatation s'impose : dans le Vaudou haïtien et africain, dans le Zar abyssin comme dans les anciens mystères d'Asie Mineure, le renversement des rôles entre cheval et cavalier, ci-dessus esquissé, se poursuit pour atteindre ses plus extrêmes conséquences. Dans toutes ces traditions, l'homme, c'est-à-dire le possédé, devient lui-même cheval, pour être monté par un esprit. Les possédés du Vaudou sont nommés expressément, en Haïti comme au Brésil et en Afrique, les chevaux de leurs Loa ; même chose en Abyssinie où, au moment de la Wadaja (danse collective des possédés), le possédé s'identifie à son Zar, n'étant plus que son cheval, qui obéit comme un cadavre aux caprices que l'esprit lui commande. Le même rituel, avec les mêmes termes, était encore pratiqué en Égypte au début de ce siècle, selon Jeanmaire.
Les pratiques dionysiaques d'Asie Mineure ne font pas exception à ce qui apparaît là comme une règle. On disait des adeptes des mystères qu'ils étaient chevauchés par les dieux. Les figures hippomorphes abondent dans l'entourage de Dionysos, le Grand-Maître des pratiques extatiques : ainsi les Silènes et les Satyres, compagnons des Ménades dans le cortège dionysiaque, sont des hommes-chevaux, tout comme les Centaures, que ce dieu enivra, provoquant ainsi leur lutte avec Héraclès. Les héroïnes des traditions légendaires relatives à l'orgiasme bacchique, précise Jeanmaire, portent des noms dans la composition desquels entre avec une fréquence remarquable le composant hippé.. ou des épithètes qui éveillent également l'idée de qualités chevalines. Sans doute peut-on comprendre par là pourquoi, dans les anciennes traditions chinoises, les néophytes étaient appelés jeunes chevaux, lors de leur initiation. Les initiateurs, eux, ou les propagateurs de nouvelles doctrines, étaient appelés marchands de chevaux. Tenir une réunion initiatique, plus ou moins secrète, se traduisait par lâcher les chevaux. Si le cheval symbolise les composantes animales de l'homme, il doit surtout à la qualité de son instinct qui le fait apparaître comme doué de clairvoyance. Coursier et cavalier sont intimement unis. Le cheval instruit l'homme, c'est-à-dire que l'intuition éclaire la raison. Le cheval enseigne les secrets, il se dirige d'une façon juste. Dans la mesure où la main du cavalier le conduit dans une fausse voie, il découvre les ombres, les fantômes ; mais il risque de devenir un allié du démon.
L'initiation chevaleresque de l'Occident médiéval n'est pas sans analogie avec la symbolique du cheval, monture privilégiée de la quête spirituelle. Son prototype est en quelque sorte le combat contre la chimère mené par Bellérophon chevauchant Pégase. Ainsi donc, après avoir été considéré comme psychopompe et voyant, le cheval devient le Possédé, adepte des divins mystères, qui abdique sa propre personnalité pour que celle d'un Esprit supérieur se manifeste à travers lui, fonction passive qui est indiquée dans le double sens du mot chevaucher et être chevauché. Il est alors à remarquer que les habitants du panthéon vaudou - les Loa - qui viennent chevaucher leurs possédés ne sont pas tous des esprits infernaux ; nombre de Loa, parmi les plus importants, sont des Loas blancs, des esprits célestes, ouraniens. Le cheval, symbole chtonien, accède donc ainsi à sa plus extrême valorisation positive, où les deux plans du dessus et du dessous se manifestent indifféremment par son truchement, c'est-à-dire que sa signification devient cosmique. On rejoint par là le symbolisme du sacrifice védique du cheval, l'Açvamedha, rituel d'un caractère essentiellement cosmogonique, comme le souligne Mircea Eliade : Le cheval est (alors) identifié au Cosmos et son sacrifice symbolise - c'est-à-dire reproduit - l'acte de la création.

Certaines figures de la mythologie grecque, dont celle de Pégase, représentent, elles, non la fusion des deux plans du dessus et du dessous, mais le passage, la sublimation de l'un à l'autre : Pégase porte sa foudre à Zeus ; il est un cheval céleste ; son origine est pourtant chtonienne puisqu'il est né, soit des amours de Poséidon et de la Gorgone, soit de la Terre fécondée par le sang de la Gorgone. On peut donc dire qu'il représente la sublimation de l'instinct, et non plus le magicien ou le possédé, mais le Sage initié.
Les chevaux de la mort
La valorisation négative du symbole chtonien fait, elle, du cheval, une cratophanie infernale, une manifestation de la mort, analogue à la faucheuse de notre folklore. En Irlande, le héros Conal I Cernach possède un cheval à tête de chien, le Rouge de Rosée, qui déchire le flanc de ses ennemis. Les chevaux de Cùchulainn, le Gris de Macha (c'est le roi des chevaux d'Irlande) et le Sabot Noir, ont une intelligence humaine : le Gris refuse de se laisser atteler au char du héros qui se prépare pour son dernier combat, et il verse des larmes de sang ; un peu plus tard, il guidera le vengeur Conal I Cernach, vers les corps de son maître ; le Noir, lui, va se noyer de désespoir.
Les chevaux de la mort, ou présages de mort, abondent, de l'Antiquité grecque au Moyen Âge, et s'étendent à tout le folklore européen. Chez les Héllènes déjà, dans l'antique version de la clef des songes qu'est l'ouvrage d'Artémidore, rêver d'un cheval est signe de mort pour un malade. Déméter d'Arcadie, souvent représentée avec une tête de cheval, est identifiée à l'une des Érinyes, ces terribles exécutrices de la justice infernale. Elle enfante, également de Poséidon, un autre cheval, Aréion, monture d'Héraclès. Les Harpies, démons de la tempête, de la dévastation et de la mort, sont représentées comme des figures ambiguës, à la fois femmes-oiseaux et juments ; l'une d'elle est la mère des chevaux d'Achille, une autre celle des coursiers qu'offre Hermès aux Dioscures. Ahriman, le diable du Zoroastrisme, se présente souvent sous la forme d'un cheval, pour tuer ou enlever ses victimes.
La plupart des chevaux de la mort sont noirs, tel Charos, dieu de la mort des Grecs modernes. Noirs sont aussi le plus souvent ces coursiers de la mort, dont la chevauchée infernale poursuivit longtemps les voyageurs égarés, en France comme dans toute la Chrétienté :
Un soir vers la minuit ...
Tout seul oultre le Loir et passant un détour
Joignant une Grande Croix, dedans un carrefour
J’ouïs, ce me semble, une aboyante chasse
De chiens qui me suivaient pas à pas à la trace.
Je vis auprès de moi sure un grand cheval noir
Un homme qui n'avait que les os, à le voir,
Me tendant une main pour me monter en croupe...
Une tremblante peur me courut par les os...
Ronsard, Hymne aux démons
Mais il en est aussi de pâles, de blêmes, que l'on confond souvent avec le cheval blanc ouranien, dont la signification est exactement contraire. Si ces chevaux blêmes sont parfois dits blancs, il faut entendre par là la blancheur nocturne, lunaire, froide, faite de vide, d'absence de couleurs, tandis que la blancheur diurne, solaire, chaude, est, elle, pleine, faite de la somme des couleurs. Le cheval blême est blanc comme un suaire ou un fantôme. Sa blancheur est voisine de l'acception la plus courante du noir : c'est la blancheur du deuil, telle que l'entend le langage commun, lorsqu'on parle de nuits blanches ou de blancheur cadavérique. C'est le cheval pâle de l'Apocalypse, le cheval blanc, présage de mort dans les croyances allemandes et anglaises. Ce sont tous les chevaux néfastes, complices des eaux tourbillonnantes, que l'on rencontre dans le folklore franco-allemand, depuis le Schimmel Reiter qui détruit les digues pendant la tempête, la Blanque Jument du Pas-de-Calais et le Bian Cheval de Celles-sur-Plaine, jusqu'au Drac, beau cheval blanc qui saisit les voyageurs pour les noyer dans le Doubs. Au Moyen Âge, la civière s'appelait cheval de Saint-Michel ; le cheval symbolisait l'arbre de mort. Ces derniers exemples illustrent la valorisation négative du cheval lunaire, associé à l'élément eau ; nous examinerons plus loin sa valorisation positive. C'est, pour finir, le lourd et inquiétant cheval au regard fixe, qui hante l'imagination d'Albrecht Dürer.

Sémantiquement, Krappe voit ce cheval sinistre, qu'il soit noir ou blême, à l'origine même du français cauchemar ou de l'anglais nightmare : la mahrt allemande (jument) est un démon chtonien, comme le mot l'indique (comparer : vieux slavon mora sorcière ; russe mora spectre ; polonais mora, tchèque mura cauchemar ; latin mors, mortis, vieil irlandais marah mort épidémie ; lituanien maras mort, peste ; lettonien meris peste et la sinistre Mor(r)igain irlandaise). Les chevaux de mort ou de cauchemar hantent le folklore celtique : le March-Malaen (Malaen, latin Malignus) est un des trois fléaux de l'île de Bretagne ; les Kelpies d'Ecosse sont des chevaux-démons et le folklore breton est rempli d'anecdotes ou de contes relatifs à des chevaux diaboliques, qui égarent les voyageurs ou les précipitent dans des fondrières ou des marais. Les chevaux noirs, dans ce folklore, sont le plus souvent soit le diable, soit un démon, soit un damné, ou une âme en peine ; ou bien ils sont la monture d'un héros de ces chasses maudites, tout à l’heure évoquées par Ronsard, et dont le plus célèbre est sans doute le roi Arthur, condamné à poursuivre dans une course sans fin un gibier inaccessible. Il est significatif, au passage, de remarquer que dans ses plus anciennes versions, la chasse Arthur est accompagnée d'une meute de chiens blancs et poursuit un lièvre, animal typiquement lunaire.
Dontenville voit dans ce roi Arthur un homologue celtique du Wotan germanique. Une légende voisine, celle de la Dame Blanche est à examiner, car elle renverse la polarisation du symbole en lui donnant une signification sexuelle, en même temps que le coursier de cette nouvelle chevauchée fantastique devient d'une blancheur éclatante : dans le Jura comme dans le Périgord, la Dame à la robe blanche passe par-dessus les bois agités et l'on entend ses chevaux, ses lévriers, les piqueurs et sa trompe aux sons harmonieux. Cette musique, d'abord guerrière, puis apaisée, doit ouvrir les portes embrasées de la volupté. Coursier d'une blancheur éclatante, musique guerrière puis voluptueuse, voilà que s'amorce l'ascension du symbole cheval, du domaine chtonien à l'ouranien.
Le sacrifice du cheval
L'enchaînement symbolique Terre-Mère, Lune-Eau, Sexualité-Fertilité, Végétation-Renouveau périodique permet de découvrir d'autres aspects de ce symbole. Bien des auteurs ont expliqué le processus par lequel les divinités chtoniennes deviennent, dans les civilisations de cultivateurs, des divinités agraires. Le cheval, dans ses métamorphoses symboliques, ne fait point exception à cette règle. Frazer en donne de multiples exemples. A Rome, les chevaux destinés à la cavalerie sont consacrés à Mars (du 27 février au 14 mars), les Equinies) : c'est le début des expéditions militaires. Quand elles prennent fin, six mois plus tard, on sacrifie, une fois l'an, le 15 octobre, au lendemain des récoltes, un cheval dédié à Mars. Sa tête est garnie de grains en remerciement de la moisson engrangée ; car Mars défend la collectivité, aussi bien contre les fléaux des cultures que contre les ennemis des hommes. La queue de l'animal était portée à la maison du roi avec une grande célérité, afin que le sang coulât sur le foyer de sa maison... Il semble en outre que l'on recueillait le sang du cheval et qu'on le gardait jusqu'au vingt et un avril ; les vestales le mêlaient alors au sang des veaux non encore nés que l'on avait sacrifiés six jours auparavant ; on distribuait le mélange aux bergers, qui, avec d'autres ingrédients, le brûlaient et s'en servaient pour fumiger leurs troupeaux. Ce sacrifice du cheval constituerait, suivant une expression de Dumézil, une sorte de capitalisation royale de la victoire. L'usage de couper la queue, remarque Frazer, ressemble à la coutume africaine (Guinée, Grand Bassam) qui consiste à couper la queue des bœufs et à l'offrir en sacrifice pour avoir une bonne récolte. Dans la coutume romaine comme dans l'africaine, l'animal représente apparemment l'esprit du blé, et son pouvoir fertilisant passe pour résider en particulier dans sa queue. Par la rapidité de sa course, qui l'associe au temps et donc à la continuité de celui-ci, le cheval, qui, d'autre part, traverse indemne les pays de la mort, et du froid, donc l'hiver, le cheval, porteur de l'esprit du blé, de l'automne au printemps, comble la faille hivernale et assure l'indispensable renouveau. Ce même rôle d'esprit du blé - ou de toute autre céréale - lui est attesté dans de nombreuses autres traditions. Ainsi était-il coutumier, en France et en Allemagne, qu'à l'époque des moissons le plus jeune cheval du village fût fêté et entouré de soins particuliers, car c'était à travers lui que devait être assurée la nouvelle germination ; jusqu'aux prochaines semailles, on disait qu'il portait en lui l'esprit du blé.

En Irlande, selon le récit d'un témoin oculaire, également rapporté par Frazer, au cours d'une cérémonie des feux de la Saint-Jean, après que tous les paysans eurent sauté par-dessus les braises, on vit apparaître une grande construction en bois d'environ huit pieds de longueur, munie à l'une de ses extrémités d'une tête de cheval, et recouverte d'un drap blanc qui cachait l'homme qui la portait. On l'accueillit par des grands cris : Le Cheval Blanc ! Le Cheval Blanc ! Le masque sauta par-dessus le feu, puis se lança à la poursuite des spectateurs. Quand je demandai ce que représentait le cheval, conclut le narrateur, on me répondit : tout le bétail. D'esprit du blé, le cheval est donc devenu le symbole de toute abondance, ce qu'expliquent son dynamisme et sa force impulsive et généreuse. Le détail d'autres cérémonies agraires souligne cette interprétation. Ainsi, en Assam, chez les Garo, pour célébrer la fin des moissons, un cheval en effigie, de couleur blanche, et assez semblable à celui de la Saint-Jean d'Irlande, est jeté à la rivière après une danse au cours de laquelle on le bombarde avec des œufs. On sait que les esprits des eaux font partie du cycle lunaire et qu'ils régissent la germination et la croissance des plantes. L'association cheval-œufs renforce les pouvoirs de cet esprit du riz. La tête du masque, noter Frazer, est conservée jusqu'à l'année suivante, de même qu'à Rome la tête du cheval sacrifié était conservée, clouée sur la porte d'une citadelle.
L'affinité du cheval et des eaux courantes est clairement soulignée par cette ancienne tradition des pêcheurs du fleuve Oka (affluent de la Volga) qui voulait qu'au début du printemps, le 15 avril, date à laquelle fondaient les dernières glaces, les pêcheurs volent un cheval pour l'offrir (en le noyant) au Grand-Père des eaux, qui s'éveillait ce jour-là - Tiens, Grand-Père, disaient les pêcheurs, accepte ce cadeau et protège notre famille (c'est-à-dire notre tribu). Ce sacrifice du cheval par immersion dans les eaux d'un fleuve semble avoir été pratiqué par d'autres peuples indo-européens, dont les premiers Grecs, soi l'on en croit cette imprécation d'Achille aux meurtriers de Patrocle (Iliade, 21) : Le beau fleuve aux tourbillons d'argent ne vous défendra pas. Vous aurez beau lui immoler force taureau et jeter tout vivants dans ses tourbillons des chevaux aux sabots massifs ; vous n'en périrez pas moins d'une mort cruelle.
Une divinité des eaux.
Participant du secret des eaux fertilisantes, le cheval connaît leur cheminement souterrain ; c'est ce qui explique que, depuis l'Europe jusqu'en Extrême-Orient, il passe pour avoir le don de faire jaillir des sources du choc de son sabot. Ce sont, en France, les sources ou fontaines Bayard, qui jalonnent, dans le Massif central, le périple des quatre fils Aymon, portés par le célèbre cheval magique. Pégase lui-même inaugure cette tradition en créant la source Hippocrène - Source du cheval - non loin du bois sacré des Muses ; les Muses s'y réunissaient pour chanter et danser, son eau passait pour favoriser l'inspiration poétique. Le cheval, ici, éveille l'imaginaire, comme il éveillait précédemment la nature, au moment du renouveau.

On comprendra dès lors que le cheval puisse également être considéré comme un avatar, ou un auxiliaire, des divinités de la pluie. En Afrique, chez les Ewe, le dieu de la pluie sillonne le ciel sur une étoile filante, qui est son cheval. Chez les Bambara du Mali, les initiés de la société Kwore, dans leurs rites pour appeler la pluie, enfourchent des chevaux de bois, qui représentent les chevaux ailés, sur lesquels les génies qu'ils évoquent mènent leurs batailles célestes contre ceux qui veulent empêcher la chute des eaux fécondantes. Plus généralement parlant, le symbole du cheval chez les Bambara, selon Zahan, englobe les notions de vitesse, d'imagination, d'immortalité : il est donc très voisin de Pégase. Analogiquement, ce cheval des Bambara correspond à l'enfant et à la parole, ce qui explique que la même plante (le koro) qui évoque l'énergie du discours et l'abondance des paroles soit utilisée indifféremment pour fortifier les enfants débiles et pour rendre fécondables les juments stériles.
Cet exemple ajoute aux images déjà mentionnées celle de l'enfant qui, comme la source, manifeste l'éveil des forces impulsives et imaginatives.
L'impétuosité du désir.
Mais, que l'on passe le seuil de la puberté et c'est alors que le cheval devient pleinement, selon le mot de Paul Diel, le symbole de l'impétuosité du désir, de la Jeunesse de l'homme, avec tout ce qu'elle contient d'ardeur, de fécondité, de générosité. Le Rig-Véda l'évoque en ces termes, dans L'Hymne à Agni :
Comme une abondance agréable, comme une riche demeure,
Comme une montagne avec ses puissances, comme un flot salutaire,
Comme un cheval qui se précipite d'un élan sur la route,
Comme une rivière avec ses flots, qui pourrait t'arrêter !
Il est significatif que dans ces vers les notions d'eau courante et de feu (Agni) soient associés. Symbole de force, de puissance créatrice, de jeunesse, prenant une valorisation sexuelle autant que spirituelle, le cheval participe dès lors symboliquement des deux plans chtonien et ouranien. Cela nous conduit à évoquer le cheval blanc, dans son acception solaire, lumineuse. Il est intéressant, au passage, de noter qu'il y a aussi deux acceptions symboliques du cheval noir ; dans la poésie populaire russe, en effet, celui que nous avions jusqu'alors exclusivement considéré comme le coursier de la mort devient le symbole de la jeunesse et de la vitalité triomphante.
Le cheval noir court, la terre tremble, et de ses naseaux, la flamme sort, de ses oreilles la fumée, sous ses sabots jaillissent des étincelles.
Ce sont ces chevaux noirs que l'on attelle, dans les contes de fées, au carrosse du mariage ; ce sont donc bien les chevaux du désir libéré ; ce sont eux encore qu'évoque avec nostalgie une chanson populaire toute récente :
Ohé mes jeunes années !
Ohé mes chevaux noirs !
Et la même image est reprise en 1964, dans la Desna enchantée par le cinéaste soviétique Alexandre Dovjenko :
Mes années ont passé, mon jour décline, je ne vole plus ; je regrette le passé et j'ai tant envie de seller mes chevaux noirs... Où êtes vous, où êtes-vous !
A l'extrême, les mots de cheval et de poulain, ou de jument et de pouliche, prennent une signification érotique revêtant la même ambiguïté que le mot chevaucher. Plus d'un poète s'en est inspiré ; F.G. Lorca, par exemple, dans la célèbre Romance à la femme infidèle :
Cette nuit-là j'ai couru
la plus belle de mes routes
monté sur une pouliche de nacre
sans bride et sans étriers.
(trad. F. Gattegno, in Romancero Gitan, Charlot, Alger, 1942).

Cette métaphore d'un poète moderne puise aux sources du symbolisme indo-européen. De même que le cheval a représenté la force fécondante, l'instinct et par sublimation l'esprit, il est arrivé que la jument incarne le rôle de la Terre-Mère dans la hiérogamie fondamentale Terre-Ciel, qui préside aux croyances des peuples d'agriculteurs. Nous avons cité la Démeter à tête de cheval, déesse de la fertilité. Il est dit qu'elle s'unit à un mortel - le plus beau Jason - dans les sillons d'un champ fraîchement labouré. Ce théâtre dionysiaque ne faut pas seulement mythique. Dans les rites d'intronisation des rois d'Irlande, au XIIè siècle, tels qu'ils sont rapportés par Schröder, le futur roi, au cours d'une cérémonie solennelle, devait s'unir à une jument blanche. Celle-ci était ensuite sacrifiée et sa chair, bouillie, partagée dans un festin rituel, auquel le roi seul ne prenait point part. Mais il lui fallait ensuite se baigner dans le chaudron contenant le bouillon de l'animal. L'analyse de ce rite est éloquente. Il apparaît en effet que, par leur accouplement, l'homme et la jument reproduisent le mariage ourano-chtonien ; le futur roi se substitue à la divinité céleste pour féconder la Terre représentée par la bête. Mais, dans la dernière épreuve de ce rituel, celle du bain de bouillon, il opère un véritable regressus ad uterum : le chaudron représente le ventre de la Terre-Mère et le bouillon les eaux placentaires. De ce bain, au caractère typiquement initiatique, le futur roi renaît, ayant reçu, comme au cours d'une seconde gestation, communication des pouvoirs les plus subtils, les plus secrets, de la Terre-Mère qu'il avait éveillée sous la forme de la jument. Il quitte par cette double opération la condition humaine pour se hisser au niveau du sacré, inséparable de la condition royale.
Le coursier solaire.
Chtonien à l'origine le cheval devient peu à peu solaire et ouranien. Il est frappant, après l'exemple précédent, de constater que les Ouralo-Altaïques représentent, eux, la hiérogamie Terre-Ciel par le couple Cheval Blanc-Bœuf Cendré. Le cheval, - mâle bien entendu - est ici une épiphanie céleste.
Les chevaux tirent le char du soleil et lui sont consacrés. Le cheval est l'attribut d'Apollon, en sa qualité de conducteur du char solaire. N'oublions pas que, dans le folklore, les chevaux voient et entendent. Dans une miniature de l'Hortus deliciarum d'Herrade de Landsberg, le char du soleil est tiré par deux ou quatre chevaux, et celui de la lune par des bœufs. Il s'agit de la reprise d'un thème antique. Dès les temps préhistoriques, le soleil est représenté sur un char pour signifier son déplacement. Ce char deviendra celui d'Apollon. Elie, tel Mithra remontant au ciel dans le char du soleil, s'élève sur un char de feu traîné par des chevaux. Dans la Bible (II, Rois, 23, 11), il est fait allusion au char du soleil. On voit aussi le char du Pharaon englouti par la mer Rouge, sur une fresque de Saint-Savin.
Tel est aussi le cheval indien asha, qui signifie littéralement le pénétrant ; sa pénétration est celle de la lumière. Les Ashvins à tête de cheval, qui sont en rapport avec le cycle quotidien du jour et de la nuit, sont fils d'un cheval et d'une jument - tous deux symboles solaires - qui incarnent le Dharma (la loi) et la Connaissance.
L'isomorphisme des Ashvins et des Dioscures a été souligné par Mircea Eliade. Emblème tantrique du Boddhisattva Avalokiteshvara, le cheval symbolise la puissance de sa grâce, diffusée aux quatre orients. Dans le Bardo Thôdol, Ratnassambhava, Bouddha du Sud et symbole solaire, est assis sur un trône fait de chevaux. C'est aussi, assure-t-on, un symbole de sagacité et de beauté formelle. Paul Valéry l'a décrit sous les traits d'une aérienne danseuse :
Le réalisme et le style, l'élégance et la rigueur s’accordent dans l'être luxueusement pur de la bête de race. Le cheval marche sur les pointes. Quatre ongles le portent. Nul animal ne tient de la première danseuse, de l'étoile du corps de ballet comme un pur-sang en parfait équilibre, que la main de celui qui le monte semble tenir suspendu et qui s'avance au petit pas en plein soleil.

Dans les textes bouddhiques aussi bien que dans ceux de l'Inde et même de la Grèce platonisante, les chevaux sont surtout les symboles des sens attelés au char de l'esprit, l'entraînant ici et là, s'ils ne sont guidés par le Soi, qui est le maître du char. D'une manière analogue, l'enseignement du Bardo est dit être semblable au contrôle de la bouche du cheval par les brides. Tout cela n'est pas sans rappeler le symbolisme de Pégase. Ici apparaissent, non seulement tous les chevaux ailés, mais aussi les associations cheval-oiseau, dont mythologies et traditions nous offrent d'innombrables exemples, toujours associés à un contexte ourano-solaire : ainsi dans le Rig-Veda, le soleil est-il étalon ou oiseau. Poussant plus loin cet enchaînement d'analogies, la vivacité du cheval en fait souvent, dans son acception ouranienne, une épiphanie du vent : quatre chevaux, dans les contes arabes, représentent les quatre vents, et, en Chine, il est la monture de Vâyu, divinité du vent. Borée, son homologue de la mythologie grecque, se fait cheval pour séduire les cavales d'Erichtonios, qui engendreront ainsi douze poulains si légers que, lorsqu'ils couraient sur un champ de blé, ils ne courbaient pas les épis sous leur poids, et quand ils couraient sur la surface de la mer, ils ne la ridaient pas. Mais le même Borée engendre également des chevaux d'une Érinye, puis d'une Harpie : cette fois le cheval naît donc d'un mariage chtono-ouranien, porteur de violence. Dans ce mécanisme ascensionnel qui - comme on le voit par cet exemple - ne le coupe pas de ses origines, le cheval devient peu à peu un symbole guerrier, et même l'animal de guerre, par excellence.
On a vu que le cheval sacrifié annuellement à Rome était consacré à Mars. Le Guerrier, en effet, participe des deux plans ouranien et chtonien ; semeur de mort, infernal dans sa lutte, il s'élève aux cieux, par son triomphe ou pas son sacrifice. Ce cheval-guerrier est omniprésent dans les épopées celtiques. Il est souvent caractérisé par sa robe alezane, couleur de feu. On a retrouvé dans un trésor celtique, à Neuvy-en-Sullias (Loiret) un cheval votif accompagné d'une inscription à Rudiobus (Le Rouge) : c'est le cheval roux de l'Apocalypse, annonciateur de guerre et d'effusion de sang.
Dans la tradition védique, le cheval sacrifié symbolise le Cosmos. Le char du Soleil, dans le Rig-Veda, est tiré par un ou par sept chevaux. Le cheval participe du double symbolisme solaire et de sa double valence : force féconde quand il brille, force meurtrière quand il sombre dans la nuit. Les chevaux sont attelés aussi aux chars funéraires.
Le cheval de majesté.
Solaire, attelé au char de l'astre, le cheval blanc devient l'image de la beauté accomplie, par le règne de l'esprit (le Maître du Char) sur les sens.

Blanc, mais d'une blancheur éclatante, le cheval est le symbole de la majesté. Il est le plus souvent monté par celui qui est nommé Fidèle et Véritable (Apocalypse, 19, 11), c'est-à-dire par le Christ. Suivant le texte de l'Apocalypse, les armées célestes qui l'accompagnent chevauchent des coursiers blancs. C'est pourquoi l'on verra dans les miniatures des anges sur des chevaux. Dans la cathédrale d'Auxerre, une fresque partagée par une croix grecque présente dans son centre le Christ sur un cheval blanc. De la main droite, il tient un bâton noir qui figure le sceptre royal signifiant son pouvoir sur les nations. Dans les quatre anges, des anges, les ailes déployées et montés à cheval, lui font escorte. Un cheval blanc porte un nimbe croisé et remplace l'agneau à l'autel souterrain de Notre Dame de Montmorillon.
Au terme de cette ascension, domine la figure symbolique du blanc cheval de majesté, monture des Héros, des Saints et des conquérants spirituels. Toutes les grandes figures messianiques montent de tels coursiers. Ainsi en Inde Kalki, l'avatar futur, cheval lui-même, reviendra cheval blanc. C'est encore sur un cheval blanc qu'est attendu le prophète Mohammed, à son nouvel avènement. Monture du Bouddha pour le Grand Départ, le cheval blanc est enfin, sans cavalier, la représentation du Bouddha lui-même.
En conclusion, il apparaît que le Cheval constitue un des archétypes fondamentaux que l'humanité ait inscrits dans sa mémoire. Son symbolisme s'étend aux deux pôles - haut et bas - du Cosmos, et par là est réellement universel. Dans le monde du dessous, le Chtonien, nous avons vu en effet que le cheval apparaît comme un avatar ou un ami des trois éléments constituants, feu, terre, eau, et de son luminaire, la lune. Mais nous l'avons vu aussi dans le monde du dessus, l'Ouranien, associé à ses trois éléments constituants, air, feu et eau - ces deux derniers entendus cette fois dans leur acception céleste - et à son luminaire, le Soleil. Des chevaux mènent le char du Soleil, des chevaux mènent le char de la Lune, au fronton du Parthénon. Le cheval passe avec une égale aisance de la nuit au jour, de la mort à la vie, de la passion à l'action. Il relie donc les opposés dans une manifestation continue. Il est essentiellement manifestation : il est Vie et Continuité, par-dessus la discontinuité de notre vie et de notre mort. Ses pouvoirs dépassent l'entendement : il est donc Merveille et il ne faut pas s'étonner que l'homme l'ait si souvent sacralisé, de la préhistoire à l'histoire. Un seul animal le dépasse peut-être en subtilité dans le bestiaire symbolique de tous les peuples : le serpent, plus également réparti sur tous les continents, et qui, comme lui, à l'image du temps, coule incessamment, de bas en haut et de haut en bas, entre les enfers et les cieux. Dans ce perpétuel va-et-vient, les chemins secrets du cheval et du serpent sont ceux de l'eau : tous deux hantent les sources et les fleuves. Aussi chevaux et serpents sont-ils souvent les héros interchangeables de maintes histoires merveilleuses ; ou bien ils s'unissent, donnant naissance à un monstre étrange, hippo-ophidien. C'est le cheval-dragon Long-Ma qui, en Chine, apporte le Ho t'ou -diagramme du fleuve, appelé aussi Ma t-ou, diagramme du cheval - à Yu-le-grand : évidente relation avec le symbolisme du Verbe, qui appelle à nouveau le parallèle avec Garuda. Le cheval se substitue au dragon dans d'innombrables légendes chinoises, du Li-sao de Kiu-yuan au Si-yeou ki. Dans l'un et l'autre de ces deux cas, ils contribuent à la quête de la Connaissance ou de l'Immortalité. Ce n'est sans doute pas un hasard non plus si les ancêtres des sociétés secrètes, les colporteurs de la science taoïste, les propagateurs de l'Amidisme au Japon, prirent l'aspect de marchands de chevaux. Ni si le propagateur du Zen en Chine, Matso, par suite d'un jeu de mots sur son nom, est dit être un jeune poulain s'élançant et foulant tous les peuples du monde.

La monture des dieux.
Force, rapidité : ce sont les qualités que le Yi-king attribue au cheval. Le cheval est parfois la monture de Vâyu, divinité du vent, de l'élément air. Les huit chevaux du roi Mou correspondent-ils aux huit vents comme le suggère Granet ? Ce n'est pas impossible. Le cheval est en tout cas, en Chine, un animal typiquement Yang. On sacrifiait anciennement au Premier Cheval, qui était une constellation, mais qui évoquait une tradition d'éleveurs. La fréquente présence de chevaux (vivants ou figurés) dans les temples shintoïstes du Japon n'est plus guère expliquée de façon satisfaisante. Il semble qu'ils soient la monture des kami. Le cheval est aussi lié, au Japon, aux notions de protection et de longévité (c'est aussi le cas du cheval-dragon chinois).
C'est encore, sur un chapiteau de l'église de Tavant (XIIè siècle) le même monstre, chevauché par un cavalier nu, à la poursuite d'une sorcière, également nue, qui s'enfuit à quatre pattes.
Dans sa valorisation, négative, c'est la monture infernale du Sieur de Gallery, Chasseur maudit, dont la geste est comparable à celle du roi Arthur :
Entendez-vous la sarabande ?
O l'é la Chasse-Gallery
Ici, au long, va passer pre bande
Et la garache (garou ?) et l'alouby (vampire ?)
Gallery va-t-en-tête,
Monté sur un cheveau
Qu'a le cou d'ine bête
(la queue d'un serpent)
Et la péa d'un crapaud.
Au lieu de s'unifier en une seule figure mythique, le binôme cheval-dragon peut aussi se scinder en ses deux composants qui, prenant alors une valeur contraire, s'affrontent en une lutte à mort, qui devient celle du bien et du mal. C'est évidemment le cheval qui est alors valorisé positivement, car il représente la face humanisée du symbole, le dragon figurant, lui, la Bête-en-nous, qu'il faut tuer, c'est-à-dire rejeter. Le mythe de Saint Georges en est un exemple."
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Selon Les Cartes médecine, Découvrir son animal-totem (édition revue 1999 ; traduction française 2010) de Jamie Sams et David Carson,
"Les Amérindiens disaient souvent : « Voler un cheval, c’est voler la puissance » ; cela indique bien l’estime dont jouissaient les Chevaux dans les cultures amérindiennes.
Le Cheval jouit à la fois de puissance physique et de puissance surnaturelle. Dans les pratiques chamaniques à travers le monde entier, le Cheval permet aux chamans de voler dans les airs et de rejoindre le ciel.

Quand l’humanité a domestiqué le Cheval, ce fut une aussi grande découverte que celle du feu. Avant la venue du Cheval, les humains étaient attachés à la Terre et chargés de fardeaux, ce qui ralentissait leur marche. Aussitôt qu’ils purent monter le Cheval, ils furent libres et légers comme le vent ; ils pouvaient porter tout à leur aise de lourds fardeaux pendant de longues distances. À travers le lien spécial qui les rattachait au Cheval, les humains ont grandement modifié l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. Le Cheval fut la première médecine animale ; l’humanité a contracté une dette inestimable envers cet animal qui a ainsi facilité leurs déplacements. En effet, la marche à la rencontre de nos frères aurait été longue et dure si le Cheval ne nous avait pas servi de monture. Aujourd’hui, nous mesurons la capacité des moteurs en « chevaux vapeur», ce qui nous rappelle le temps où le Cheval était un partenaire hautement respecté chez les humains.
Marcheur de rêve, un homme-médecine traversait les grandes plaines pour aller visiter la nation Arapaho. Il apportait sa pipe. La plume piquée dans ses longs cheveux noirs pointait vers le bas, indiquant qu’il était un homme de paix. Sur la pente d’une colline, Marcheur de rêve vit un troupeau de mustangs sauvages qui venait vers lui en courant.
Étalon noir s’approcha de lui et lui demanda s’il cherchait une réponse au cours de son voyage. Étalon noir lui dit : « Je viens du Vide où les réponses se trouvent. Chevauche sur mon dos et tu connaîtras la puissance qui surgit quand on pénètre dans la Noirceur et qu’on y trouve la Lumière. » Marcheur de rêve remercia Étalon noir et consentit à le visiter quand il aurait besoin de sa médecine au cours de l’espace du rêve.
Étalon jaune s’approcha lui aussi de Marcheur de rêve et lui offrit de l’amener vers l’Est, où se trouve l’illumination. Marcheur de rêve pourrait partager avec les autres les réponses qu’il y trouverait et les amener vers l’éveil. Une fois de plus, Marcheur de rêve remercia Étalon jaune et affirma qu’il utiliserait ces dons de puissance au cours de son voyage.
Étalon rouge s’approcha, se cabrant, enjoué. Il renseigna Marcheur de rêve sur la joie qui résulte d’un bon équilibre entre le travail, les médecines importantes et les joyeuses expériences du jeu. Il rappela à Marcheur de rêve les bénéfices de l’humour par lequel on peut retenir l’attention de ceux à qui on enseigne. Marcheur de rêve le remercia et promit de se rappeler du don de la joie. Marcheur de rêve était maintenant presque rendu à destination. La nation Arapaho était toute proche.
Étalon blanc s’avança. Marcheur de rêve monta sur le dos de ce cheval fougueux, messager de tous les autres chevaux, celui qui représentait la sagesse du pouvoir. Ce magnifique coursier incarnait l’équilibre du bouclier. « Aucun abus de pouvoir ne peut mener à la sagesse », dit Étalon blanc. « Toi, Marcheur de rêve, tuas fait ce voyage pour guérir un frère dans le besoin, pour partager la pipe sacrée et pour guérir la Terre-Mère. En toute humilité, tu sais que tu es un instrument du Grand Esprit. Comme je te porte sur mon dos, ainsi tu portes ton peuple sur le tien. Avec sagesse, tu comprends que le pouvoir va de pair avec l’engagement ; le pouvoir n’est accordé qu’à ceux et celles qui acceptent sereinement de prendre des responsabilités. »
Marcheur de rêve, le chaman, avait été guéri par la visite des chevaux sauvages. Il savait que sa visite chez les Arapahos avait pour but de partager ses dons avec eux.
En intégrant la médecine du Cheval, vous verrez plus clairement comment travailler à obtenir un meilleur équilibre de votre bouclier. Le véritable pouvoir réside dans cette sagesse : saisir l’ensemble de votre cheminement et vous souvenir des sentiers où vous avez voyagé dans les mocassins des autres. Compassion, tendresse, enseignement, amour, partage des dons, talents et habiletés vous ouvriront le chemin du pouvoir.
A l’envers : Si votre ego se met de la partie, vous ne savez peut-être pas reconnaître quand les autres vous manquent de respect. D’un autre côté, il se peut que vous vous battiez contre d’autres qui abusent de leur pouvoir. « Devrais-je dire quelque chose ? Devrais-je lutter contre mon désir de les remettre à leur place ? » vous demandez-vous. Rappelez-vous les moments de votre vie où vous vous êtes éloigné de la grâce du Grand Esprit, et éprouvez de la compassion pour les frères qui font actuellement la même chose.
Si vous dominez quelqu’un d’autre ou si vous sentez que quelqu’un vous accable, la médecine du Cheval, tant à l’endroit qu’à l’envers, vous rappelle simplement comment il vous faut équilibrer vos boucliers.
En permettant à toutes les voies d’avoir une valeur égale, vous constaterez la puissance et la gloire de la famille humaine unifiée. Voilà le cadeau du guerrier de l’Arc-en-ciel. Le « moi » n’a aucune place dans cet Arc-en-ciel qui tournoie, venu du Grand Mystère ; on l’y a remplacé par le « nous ». Toutes les couleurs et toutes les pistes de l’Arc-en-ciel ne forment qu’un seul tableau et méritent donc d’être considérées comme égales les unes aux autres.
Intégrez ce savoir et appliquez-le ; reprenez ainsi ce pouvoir auquel vous avez renoncé en oubliant d’aller avec compassion au-devant de tout être et de toute situation. Éclaircissez la situation actuelle et comprenez que chaque être humain doit suivre ce sentier vers le pouvoir avant de galoper enfin sous les vents de la destinée.
Mot-clef : puissance."
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A lire : Canalisation de Caroline Leroux qui communique avec les devas des animaux.
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
« De même que le cavalier est le type le plus distingué du héros, le cheval qui le porte est l'animal le plus noble de la mythologie » : les chevaux, attributs d'Apollon, tiraient le char solaire tandis que le héros Bellephoron franchissait la mer sur Pégase, cheval ailé auquel il devait ses victoires. Un cheval était représenté en outre sur le casque de Pallas, déesse guerrière. c'est en effet dans les guerres que celui qui fut considéré par les peuples de l'Antiquité comme le confident des dieux servait principalement d'augure. Avant de partir en campagne, les Saxons « interrogeaient » leur cheval sacré. S'il posait d'abord la patte droite en sortant du temple, ils poursuivaient leur projet mais renonçaient s'il s'agissait de la gauche. On dit toujours qu'un cheval qui pose la patte droite en premier est de bon augure, ce qui n'est pas le cas si c'est la patte gauche. Chez les Celtes, recourant à un mode de divination appelé Hippomancie, les grands prêtres tiraient des oracles du moindre hennissement ou de toute attitude de certains chevaux blancs qui avaient l'honneur de marcher juste derrière le char sacré. Les Romains, eux, sacrifiaient le 15 octobre, après les récoltes, un cheval à Mars, protecteur des cultures, et, comme les Grecs, poussaient des chevaux dans les fleuves pour se concilier les divinités ou les laissaient dans des prairies voisines en guise d'offrande. Jules César, avant de franchir le Rubicon, et donc de transgresser l'ordre du sénat, offrit au fleuve des chevaux en les laissant près de ses rives. Selon Suétone, les coursiers de César, après que leur auguste cavalier eut franchi le Rubicon et quelques jours avant sa mort, pleurèrent beaucoup et refusèrent toute nourriture. C'est en outre, toujours d'après Suétone, la particularité du cheval de César, doté d'orteils aux pasttes (!), qui fit prédire aux aruspices que son maître serait empereur du monde. Les rites chamaniques accordent également une grande place au cheval, en raison de « son pouvoir de clairvoyance et [de] sa connaissance de l'autre monde ».

Après avoir été consacré aux anciens dieux, Mars, Apollon, Zeus, Pluton ou le Wotan germain auquel il servait de monture, le cheval devint l'attribut des saints : saint Georges, saint Michel, saint Jacques, saint Maurice, saint Étienne, saint Vladimir, saint Martin, furent des cavaliers et des guerriers glorieux, « en l'honneur desquels les principaux ordres de chevalerie de l'Europe ont été fondés ». Traditionnellement, c'est saint Éloi - saint Aloi en Sicile - qui est le patron des chevaux, d'où la coutume au XVIIe siècle de laisser les chevaux à l'écurie le jour de la fête et de la translation de ce saint, et celle qu'ont les Bretons de saluer les bâillements d'un cheval par « saint Éloi vous assiste ». Pour preuve qu'il manifeste lui-même un certain sens du religieux, on croyait, dans les Vosges, ferrer sans difficulté le cheval le moins docile, en lui disant : « Je te conjure au nom de Dieu, et te commande d'avoir à te laisser ferrer pour homme porter, ni plus ni moins que Jésus fut porté en Égypte par la sainte Vierge ». En Irlande, réciter le Credo le vendredi dans l'oreille droite et le mercredi dans la gauche calme pendant une semaine le cheval le plus impétueux. Par ailleurs, s'il refuse d'être monté, d'embarquer sur un bateau ou de traverser un pont, il faut lui dire à l'oreille : « Cheval, aussi vrai que meschine de prêtre [sic] est cheval du diable, souffre que je monte sur toi ». L'animal devient alors coopératif et va où on lui dit d'aller.
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Selon Nicki Scully, auteure de Méditations de l'animal pouvoir, Voyages chamaniques avec les alliés esprits (éditions originales 1991, 2001 ; traduction française : Guy Trédaniel Éditeur 2002),
"Les chevaux ont été révérés dans toute l'historie par de nombreuses cultures, dont les anciens Chinois, les Peaux-Rouges, de nombreuses traditions européennes... Ils incarnent l'esprit de liberté. Et rien n'incarne aussi bien cet esprit que les quelques mustangs qui restent, qui gardent une farouche indépendance. Les Chevaux sont considérés comme des véhicules sûrs pour le voyage dans les mondes physiques ou spirituels ? Les chamans chevauchent sur leurs mustangs dans le monde supérieur et le monde inférieur, avec une égale facilité.

Le don du mustang est la capacité de vivre pleinement sur le moment. Le voyage du Mustang a pour dessein la chevauchée même, non un but quelconque. Avec son esprit aventureux, le Mustang vous invite à vous rendre pleinement à l'expérience de la vie. chaque fois que vous vous sentez enfermé, vous pouvez grimpé sur le dois du Mustang, ne faire plus qu'un avec votre cheval, connaître la joie du souffle du vent dans les cheveux, et voler. Le Mustang vous apprend à avoir foi dans le moment, et vous rappelle la nécessité de reconnaître votre propre magnificence. Vous pouvez faire ce voyage n'importe quand, mais je choisis le Mustang pour le dernier voyage, dans cette nouvelle édition, pour que le point culminant de ces voyages soit la puissance et l'exultation de cette expérience de liberté.
[Le Voyage du Mustang fait partie, au même titre que celui du Chameau, de la Girafe, du