Étymologie :
LUNE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 « planète satellite de la terre » (Roland, éd. J. Bédier, 2512) ; 2. 1556 « mois lunaire » (Thevet, Cosmographie du Levant, p. 137 ds Delb. Notes mss) ; 3. 1686 « satellite d'une autre planète que la terre » (Fontenelle, Mondes, 6e soir ds Littré) ; 4. 1748 lune du miel (Voltaire, Zadig, chapitre 3, éd. G. Ascoli, t. 1, p. 13) ; 1818 (La Minerve Française, p. 253 d'apr. Barbier ds Mod. Lang. R. t. 16, 1921, p. 257 : le premier mois de cette union, ce mois précieux que les Anglais nomment énergiquement the honeymoon, la lune de miel). B. 1529 lune d'eau « nénuphar blanc » (J. et R. Parmentier, Disc. de la navigation, 56 ds Delb. Notes mss). C. 1. Ca 1495 tenir un quartier de lune « être un peu fou » (Jehan de Paris, éd. E. Wickersheimer, p. 47) ; 2. 1680 « folie, caprice » (Rich.) ; 1808 être dans sa bonne, mauvaise lune (Hautel). D. 1. 1640 pleine lune « gros visage » (Oudin, Recherches ital. et françoises, Paris) ; 2. 1872 « derrière » (Larch., p. 192). Du lat. luna « lune » et « mois lunaire » ; lune de miel est un calque de l'angl. honeymoon attesté dep. 1546 (v. NED).
Lire également la définition du nom lune afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Regarde la beauté du croissant qui, venant de paraître, déchire de ses rayons de lumière les ténèbres.
Comme une faucille d'argent qui, parmi les fleurs brillant dans l'obscurité, moissonne des narcisses.
(Ibn al-Mottaz, Xe siècle)
Le culte de la Lune serait très ancien et aurait même précédé les religions patriarcales et païennes. De tous les astres, y compris le Soleil, de tous les corps célestes, la Lune est sans doute celui qui a le plus enflammé les imaginations. Bien que régulière, la course est empreinte d'éléments de mystère : les phases lunaires se caractérisent par des variations de forme (croissant, demi-disque, etc.), de quantité de lumière irradiée, et par des positions différentes de l(astre dans les cieux. En même temps, comme les lunaisons (le cycle lunaire est d'environ 29 jours) sont plus faciles à observer que le cycle solaire, elles ont servi de base aux premiers calendriers.
Le symbolisme de la Lune est en relation avec celui du Soleil, dont la prédominance sur l'astre de la nuit est attestée dans de nombreuses mythologies : « Ses deux caractères les plus fondamentaux dérivent, d'une part, de ce que la Lune est privée de lumière propre et n'est qu'un reflet du Soleil ; d'autre part, de ce qu'elle traverse des phases différentes et change de forme. C'esrt pourquoi elle symbolise la dépendance et le principe féminin (sauf exception), ainsi que la périodicité et le renouvellement. A ce double titre, elle est symbole de transformation et de croissance ».
Plus grande des divinités après le dieu-Soleil, la Lune est en général personnifiée par une déesse : chez les Grecs, Séléné et Artémis (souvent représentée
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Francis Cransac, auteur d'un article intitulé « L’enseignement spirituel dispense par la Lune », (La chaîne d'union, vol. 79, no. 1, 2017, pp. 82-86) nous en apprend davantage :
En loge, dans ce temps privilégié de l’heure d’ouverture de nos travaux à celle de leur fermeture, le chemin parcouru par les deux astres ne lasse pas de m’inviter à chercher le sens du rendez-vous promis entre le Soleil et la Lune.
Que l’apprenti soit directement placé sous l’influence de l’astre lunaire ne pouvait que m’interpeller au commencement de mon cheminement avec vous vers la lumière. Lever de Lune, lever du jour, métamorphoses de l’astre dans ses différentes phases, autant de chemins à parcourir pour l’homme sur la terre que d’invitations à ce que la lumière du ciel se transforme imperceptiblement en lumière intérieure.
C’est à la quête de mystères entretenus par la Lune que cette planche est consacrée.
L’être et le nom de la Lune
La lune est, d’un point de vue astronomique, une planète d’une extrême complexité, qui a mobilisé l’élite des mathématiciens, des astronomes pour en comprendre le fonctionnement.
Fin 1609, Galilée établit que la comparaison avec la Terre est directe. Par la loi gravitationnelle de Newton (1687), on sait que la Lune est le corps céleste le plus proche de la Terre, celui qui a l’action la plus forte sur les phénomènes terrestres.
L’hypothèse d’une action de la lune sur les êtres vivants est également un concept très ancien. Le médecin juif Maimonide (1204), le philosophe Francis Bacon (1616) l’avaient déjà envisagée, jusqu’à Charles Darwin (1872) qui écrivait : « L’homme est assujetti, comme les autres mammifères, à cette loi mystérieuse selon laquelle certains processus normaux, tels la naissance, le développement, la durée de certaines maladies, suivent une périodicité lunaire ». Question toujours d’actualité : la Lune agirait-elle sur les comportements humains directement par magnétisme, intensité lumineuse, ou par le poids des superstitions et des croyances intégrées dans la mémoire collective ?
Les qualités physiques de la Lune qui font que sans produire de lumière, elle reflète celle du soleil, ont contribué à forger un symbolisme dual : Soleil, actif, Père ; Lune, réceptif, Mère, qui n’a pas toujours été vue sous cet angle.
Masculin ou féminin, le contraire peut-être
Dans les langues germaniques, le nom de la Lune était masculin, astre régulateur des temps, des saisons, gardien des institutions humaines. En témoignent le gothique mena, le vieux-haut-allemand mâno, l’anglo-saxon môna, l’islandais mâni, le sanscrit mâs. Les mots « mois » et Lune sont les mêmes. Au contraire, Soleil est féminin en gothique, sunnô, en anglo-saxon sunne, en vieux-norrois (islandais) sôl.
Dès que la mythologie nous contera quelque histoire sur le soleil et la lune elle se soumettra au langage. Dans l’Edda, le géant Mundilfäri fait tourner les cieux, avec son fils Mâni (la Lune) et sa fille Sôl (le Soleil).
Mais dès que la chronométrie solaire gagna du terrain, le soleil à titre de luminaire plus puissant, relégua la lune au second rang. Elle devint sa compagne, son amie, sa sœur, son épouse : elle dut changer de sexe et de personnalité mythologique.
Quelques exemples dans l’histoire du culte lunaire
Dans les temps anciens, chez les peuples pour lesquels la religion impliquait l’adoration des corps célestes, c’était plus aux agents, derrière les astres ou en eux, que s’adressaient les honneurs et les sacrifices. En se trouvant affublés de noms propres, ces corps célestes ne se concevaient pas comme de simples objets matériels.
Les auteurs du Rig-Véda (vers -1200) appelaient dêva le ciel, le soleil et la lune, un terme qui désignait une qualité indéfinissable que tous ces agents possédaient en commun, et signifiait jadis « lumineux » avant d’être traduit par « dieu ». Le soleil fut surnommé la lumière du jour, l’œil de Mitra (l’agent du matin lumineux), la lune devenant la splendeur de la nuit, l’œil de Varuna (l’agent du ciel du soir, du couvercle obscur) et l’œil des esprits des morts. La Lune prendra également le nom de Selênê (en grec ancien) qui peut se traduire par Lueur brillante. Eschyle la surnomme d’ailleurs « l’œil de la nuit ».
Un autre aspect remarquable tient au signe de fertilité, de fécondité, dont la Lune est investie. Mircea Eliade relève que dès l’Aurignacien (30 000 av. JC) les figurines féminines, identifiées une corne à la main, étaient porteuses d’un symbolisme lunaire. À Sumer (-2500), la lune est représentée par un taureau, elle est le dieu Nanna (« Le lumineux ») affublé d’une grande barbe bleue de lapis-lazuli et coiffé d’une tiare à grandes cornes, mais également du croissant lunaire. En Égypte ancienne, le dieu Osiris féconde l’œil d’Isis, la vache céleste, à œil de Lune, qui engendrera Horus. En Grèce, Héra, l’épouse de Zeus, est elle aussi investie de fonctions matrimoniales et génitales.
La Lune comme mère universelle
Cette conception de la Lune comme mère universelle ne se limite pas au bassin méditerranéen. Elle prévaut également dans la culture aztèque, où les divinités lunaires présentent le double aspect de dieux de l’ivresse et de la fécondité ; chez les Incas pour lesquels la Lune, épouse incestueuse de son frère le Soleil, est la mère primordiale ; chez les Hurons d’Amérique du Nord qui voient en Ataensic, la Lune, la créatrice du monde ou encore chez les Pygmées qui considèrent la Lune, Pe, comme un principe de génération.
En Chine, l’adoration de la Lune se traduisait dans l’habitude des femmes de la cour impériale d’avoir les sourcils en forme de croissant. Les concubines royales étaient choisies selon l’aspect de leur visage, il devait être de type lunaire : plat, circulaire et pâle. Et on disait : « belle comme Heng Ugo qui serait descendue de la Lune » ! Symbole du Yin par excellence !
De symbole de mort et de résurrection, la lune est devenue un paradis. En Islam, le croissant de lune figurait dans les rites funéraires, sur les tombes ou sous forme d’amulettes ensevelies avec le défunt, avant de représenter le paradis par association d’un croissant de lune et d’une étoile. Un mythe esquimau raconte que si l’on regarde avec fixité la lune, un homme descend sur un traîneau et emporte le badaud sur notre satellite. Là-bas vivent les âmes des morts qui s’y livrent à des jeux et fêtes. Et Cyrano de Bergerac dans son Voyage dans la lune ne découvre-t-il pas un véritable paradis, comme il retrouve une seconde jeunesse ?
Un double pouvoir maléfique et bénéfique…
Le Tao pousse jusqu’à dire que l’homme naît de la lumière conjuguée de la lune et du soleil, et, que la conjugaison de l’énergie des deux astres lui confère l’immortalité.
Chez les Khoï-Khoï, d’Afrique australe, le mythe de « Khab (la lune), raconte que la lune envoya le lièvre dire aux hommes que, comme elle mourait et réapparaissait toujours, eux aussi seraient appelés à mourir et à renaître.
Les superstitions et croyances populaires sont nombreuses à évoquer ce double pouvoir lunaire, maléfique et bénéfique.
La Lune serait néfaste aux malades lors de son décours, l’on ne meurt pas en lune montante, et l’agonisant ne trépasse qu’après la pleine lune.
En Inde, les soirs de pleine lune, insectes et reptiles sont supposés être plus dangereux, tandis que la vertu curative des plantes augmente à ces moments-là.
Puissance symbolique pour les maçons
Dans le temps sacré de notre rituel, Soleil et Lune, sont ces deux aspects de la lumière - jour et transmission, nuit et gestation, régénération - qui forment une totalité, un cycle complet.
Dès les premières tenues, je m’étais demandé si le silence imposé et le placement des apprentis du côté de la Lune correspondaient avec l’image stéréotypée féminine, passive de cet astre.
Mes recherches sur l’être et le nom de la Lune révélant une androgynie et une inversion des genres, me firent renoncer à ce cliché pour découvrir que l’action pouvait se développer au cœur même du silence, que la Lune avait pour fonction médiatrice l’éveil de la conscience comme dans cette invocation populaire : « Salut beau croissant, fais-moi voir ! »
La « maîtresse du serment »
Sur le chemin de la connaissance, la Lune est la première forme de lumière pour que le voyage commence. N’est-elle pas représentée sous forme de barque chez les Sumériens et les Égyptiens ? Celui qui cherche la lumière doit guetter le passage de cette barque, tenter de monter à bord, faire partie de l’équipage. Pour les Anciens, la Lune était également « maîtresse du serment », la parole donnée nourrie par les actes. Comment ne pas penser à cette responsabilité de l’initié qui consiste à incarner son serment ?
Dans de nombreuses traditions, la Lune est la coupe qui contient l’élixir de vie, lequel est un composé de Lune, d’eau et de végétation. L’invitation à en boire correspond à une invitation à transformer le désir initiatique en certitude. Franchir la porte de la Lune, c’est permettre de “devenir”, c’est passer de la puissance contenue en soi à l’acte.
Une bonne part de mon travail d’apprenti a consisté à distinguer le temps de la conception, celui de la maturation pour arriver à celui de la formulation qui à son tour devra retourner au silence pour se renouveler. Un travail sur le discernement, symbolisé par le croissant de lune, faucille qui invite à trancher pour aller dans la voie de la connaissance, pour espérer toucher un jour à la lucidité.
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Alberto Villoldo, Colette Baron-Reid et Marcela Lobos ont imaginé un jeu de cartes intitulé L'Oracle du chaman mystique (Éditions Véga, 2019) dans lequel une carte concerne La Lune :
La signification : Tous les 28 jours, la Lune suit une progression constante de l'obscurité à la lumière, et le cycle recommence. Ce phénomène dans notre ciel a un impact puissant sur notre psychisme humain. Il nous offre la certitude qu'après des périodes de vide et d'obscurité, une lumière nous attend pour que nous puissions renaître dans une nouvelle phase. Cela évoque une prière à la Lune des autochtones d'Afrique : « Que nos vies soient renouvelées comme le sont les vôtres. »
La Lune a également une forte influence sur le flux et le reflux des eaux sur la Terre. Ce même pouvoir affecte, à son tour, les sentiments et les émotions des humains, et reflète leur apparition ou leur retour dans l'inconscient.
L'interprétation : La Lune passe autant de temps dans l'obscurité que dans la lumière du Soleil, et elle vient vous rappeler cet équilibre. Avez-vous été trop axé sur les accomplissements dans le monde extérieur, la productivité ou les engagements sociaux ? Où avez-vous passé trop de temps caché du monde extérieur, ne voulant pas interagir ou montrer votre visage ? Méditez sur la signification du cycle lunaire et laissez-le vous guider doucement hors de vos profondeurs abyssales. Retournez dans le monde de l'expression extérieure et de la connexion avec les autres. Laissez-le vous aider à prendre du temps pour vous-même, vos sentiments et vos besoins essentiels, humains et spirituels.
La stratégie : Cette carte vous invite à entamer une démarche de renouvellement, comme la fait la Lune tous les mois, afin que vous puissiez vous libérer, que ce soit d'une situation précise ou de la vie en général. Pour cela, vous devez prendre du temps pour vous pencher sur vous-même, sans les distractions de la société moderne, et avoir le courage de regarder les parties non désirées ou non aimées de votre être jusqu'à ce que vous arriviez à trouver une solution. Les traditions chamaniques expliquent que les plus beaux trésors de l'humanité sont cachés là où les gens ont le plus peur d'aller.
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Symbolisme astrologique :
Pour Charles E. Vouga qui propose Une Astrologie pour l'ère du Verseau (Éditions du rocher, 1979) :
La Lune est le mouvant par excellence. Dans le thème astrologique, elle représente le cercle qui est autour de la croix. La Lune, « le monde des sensations », est ambivalente, d'une part elle limite la somme des choses que nous pouvons vivre et dont nous pouvons avoir conscience, et d'autre part elle nous donne la somme des choses dont nous pouvons avoir conscience.
La première chose que le Soi expérimente, c'est sentir, ensuite d'autres choses viennent s'ajouter à sa sensation d'être. Il y aura l'impulsion d'agir, l'impulsion d'aimer, de rayonner, l'impulsion de se contracter, de se dilater. Tout cela viendra ensuite ; mais toujours, fondamentalement, sentir est la note dominante, et cette note dominante, la conscience elle-même dans son essence, c'est la Lune qui la lui donnera.
Elle commande toujours, par sa position dans le thème, le pôle de la sensibilité, et dans le Zodiaque, dans les douze bras de croix, elle commande le quatrième signe, le Cancer, pied de la Croix cardinale, quatrième maison astrologique, c'est son monde à elle. Donc, quand on dit Lune en astrologie, on dit sensation, émotion : ce n'est pas un affect au sens psychologique moderne du terme, c'est le premier contact qui vous touche, mais sans que nécessairement cela vous plaise ou vous déplaise. Le premier contact avec le monde extérieur, ce sera toujours par la Lune de votre thème que vous le ferez, parce qu'elle représente vraiment le zodiaque de toutes les formes de la conscience de vous-même que vous avez. Par elle, dans les rails de la Lune, va passer tout le monde, le kaléidoscope de toutes les couleurs que représentent les différentes énergies de votre nature : la puissance de propagation qui est le sexe, la puissance de conservation de vous-même, le don de vous-même, votre puissance de rayonner ou au contraire de vous retirer, la peur, l'audace, tout ce qui fait partie de vous-même. C'est la Lune qui animera tout cela et vous en fera prendre conscience.
Le principe du mouvant, c'est donc avant tout la Lune qui vous tourne autour. Elle est satellite de la Terre, inséparable d'elle, les deux sont Un. Or, la Terre, ici représente le Soleil qui est axial, autour duquel tourne la Lune. On appelle un Soleil ce qui est axial, ce n'est pas celui de notre système solaire, mais c'est, par rapport à la Lune, la chose dont elle s'occupe, autour de laquelle elle tourne.
Voilà pourquoi elle représente le principe maternel qui toujours tourne autour de son enfant. Pour la Lune, la Terre est toujours son enfant, et la puissance de la Lune, au départ, est plus grande que celle de la Terre ; mais, par l'exercice de sa puissance maternelle, organique, l'enfant grandit pour un jour égaler sa mère, et même normalement la dépasser. Voilà pourquoi l'évolution, non seulement de l'homme, mais des races et des générations.
Donc, l'élément maternel par excellence, est la Lune, ce mouvant perpétuel qui constamment donne et limite à la fois, protège et nourrit son enfant, qui est ici au centre avec ses douze bouches (les douze pointes de maisons du thème) à qui elle apporte ce qu'elle trouve ! Ce qu'elle trouve, elle l'apporte en proportion de ce que lui veut ; et ce qu'il veut va être indiqué par ses attributs à lui, qui sont ses planètes. Celle qui nous entoure partout et toujours, comme elle va vite autour de nous ! Elle travaille bien, en vingt-huit jours elle a fait le tour de tous les berceaux du petit être, du petit Soleil que nous sommes. La Lune, puissance formidable, sur laquelle il faut toujours compter dans toutes les situations, sans laquelle rien n'arrive. Il faut la permission de la maman pour que l'enfant soit touché, et l'enfant est ce qu'on appelle le « Soi », le petit Soleil qui commence maintenant à s'incarner dans le champ de l'espace et de l'existence présente.
Il y a une hiérarchie de la valeur des astres. En découvrant la signification de chaque astre, on découvre sa position dans cette hiérarchie, qu'il faut connaître par ailleurs.
La Lune occupe une place toute spéciale, comme satellite de la Terre, car elle n’intéresse pas le système héliocentrique en tant que tel. La Lune est intéressée aux planètes du système solaire de la Terre, qui est le nôtre (celui personnel de chacun de nous) et non pas au système solaire du ciel. La Lune est notre astre, à nous seuls, c'est elle qui détermine l'extension du géocentrisme et du géopsychisme.
Donc la Lune est une puissance quantitative, elle est convertible, elle montrera le pire comme le meilleur. c'est une masse de conscience de l'existence et c'est pour cette raison qu'elle est si puissante, car c'est elle qui déclenche tout.
Regardez combien l’acoustique est capitale pour la musique. Sans acoustique, on n'entend presque rien, il faut cette caisse de résonance, il faut cette masse de vibrations qui relie l'instrument à votre oreille ; la Lune est l'instrument de relation qui relie tout à tout. Elle est toujours télépathique, puisque pathos veut dire « sensible à », c'est donc la conscience quantitative que l'être a de l'existence, sans définition quelconque de la qualité. Les qualités vont venir des rapports des autres astres avec elle ; mais en elle-même, elle n'est intéressée qu'à l'existence. Sa fonction est de tirer l'être, de l'actualiser dans l'existence, elle le sort de son état potentiel et l'attire dans l'existentiel.
Alors, que sont les planètes, par rapport à elle ? Si la Lune est la puissance quantitative de conscience que le natif peut avoir de l'existence, les planètes sont la puissance qualitative de la conscience même de l'être du natif. (C'est toute une nuance.) Les planètes sont les attributs de l'être et doivent toujours, pour finir, avoir priorité sur la Lune, si ce n'est pas le cas, vous êtes perdus, et c'est là tout le drame de la vie.
La Lune est à comparer à une pâte, la planète à un levain. Avoir la conjonction Lune-Vénus, voilà le levain qui est dans la pâte, c'est le levain vénusien qui apporte sa qualité à la puissance quantitative de la conscience, et c'est le charme...
Je reviens à cette chose capitale : dans l'opposition d'une planète quelconque, même Vénus, et même Mercure, à la Lune, il faut que la Lune cède à l'autre, à tous les autres. Mais précisément, dans le thème, si l'on est né avec cet aspect on sait que l'individu ne pourra obtenir que la Lune cède la priorité à Vénus que dans la seconde partie de la vie, c'est là son problème. cela veut dire qu'il ne relie pas du tout la puissance de sa conscience de l'existence, la Lune, à son cœur, elle est complètement détachée de son cœur. Alors, il apprendra à ses frais, au cours de la vie, et fera apprendre à d'autres ce qu'est cette opposition. Et il apprendra précisément à équilibrer le rapport formidable qu'il y a entre le satellite de la Terre et le système solaire de l'homme ; car dans ce cas, la puissance qui lie, Vénus, est en opposition à la planète qui relie.
Les oppositions sot toujours dures à vivre, pour l'être. Avec Pluton, c'est un régime tout spécial, car toutes les planètes sont sacrées, sauf lui. Toutes ont le droit, et doivent mettre leur levain dans la pâte de la Lune ; mais si Pluton peut mettre son levain dans la Lune, il le fera, ce sera de la pourriture. Si c'est une planète qui fait opposition à Pluton, cela signifie qu'elle s'est placée aussi loin que possible de lui, il ne s'agit pas de faire une synthèse, ici.
Vous avez deux situations extrêmement intéressantes au point de vue de l'évolution même de la planète Terre, car vos thèmes reproduisent à leur étage, dans leurs qualités, dans leur dimension, le drame même de la croissance de l'âme de la terre. Et l'on peut voir dans vos thèmes comment la Terre elle-même a pu devenir ce qu'elle est pour avoir comme enfant la race humaine. Cela n'a pas été donné à la Terre tout de suite de mériter la race humaine, comme enfant. Nous sommes vraiment la couronne de la terre, son fruit le plus magistral.
Deux situations peuvent aussi se produire, dues premièrement à un carré de Pluton, celui où Pluton est devant, exigeant d'un autre astre qu'il s’engouffre en lui... Alors vous voyez là, répété, un phénomène qui s'est fait dans l'évolution de la terre, à une époque où la Terre était encore elle-même absolument branlante dans sa force formative. Alors est rappelé dans le thème humain une des phases antérieures ; nos thèmes, quand ils sont mauvais, représentent des phases antérieures de l'évolution même de la croissance de la Terre.
Lorsque la Lune est devant une planète et lui fait carré, sa puissance alors est énorme ; par ce carré elle emportera la planète, ce qui encore traduira le drame de la Terre : se faire respecter par son satellite, la Lune. car la Terre est mâle, par rapport à la Lune, et la Lune est femelle ; et il faut que la femelle respecte le mâle et le suive, autrement tout est perdu. Et quand la Lune est en carré devant une planète, ce sera pour cette planète une difficulté de rester mâle, par rapport à la Lune. Mais elle peut et doit le faire. Et pour finir, elle transformera cette pâte car elle s'engouffre dedans, jusqu'à finalement s'y noyer quelquefois. Et vous voyez que le drame de la Terre a été de savoir si elle allait être engouffrée par la Lune ou si elle allait se faire respecter par elle, et se faire servir par elle. Les émotions qui doivent nous servir et ne jamais nous maîtriser, tut est là, et revient astronomiquement à définir la position de la Lune, satellite de la Terre. Et vous imaginez le drame qu'il y a eu dans l'histoire de la Terre et de la Lune, pour que graduellement la Terre puisse se dégager suffisamment de la Lune pour affirmer sa propre identité face à elle. Au début, c'était une identification de la matrice et de sa graine, qui était l'âme de la Terre. Graduellement, par le jeu de la croix, la Terre s'est détachée de la Lune, s'est désidentifiée, a affirmé son individualité et c'est ainsi qu'elle a grandi. Nous le voyons dans tous les thèmes.
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Selon Solange de Mailly-Nesle auteure d'un ouvrage intitulé L'Interprétation du thème astral (Éditions Nathan, 1989 sous le titre Le Thème astral ; Éditions du Rocher, 2000) :
Le symbole représente selon qu'il est ouvert vers la gauche ou la droite les "lune montante ou lune descendante".
Tout comme la Lune reflète la lumière du Soleil, elle symbolise sir le plan psychique la connaissance indirecte, l'intuition, l'imagination, l'inspiration, le rêve... mais aussi la réceptivité, la passivité... Elle représente tout ce qui a été dévolu traditionnellement à la femme dans notre civilisation patriarcale, tout ce qui est inhérent au féminin : la protection, la sécurité, la continuité, la conservation, la répétition, les habitudes...., mais aussi la sensibilité, la vulnérabilité. Elle symbolise la femme. Tout comme elle est le satellite de la Terre aux multiples phases périodiques, elle représente la dépendance, la mobilité, les changements d'humeur. Sorte de cocon protecteur de la Terre, faisant écran entre elle et le Soleil, elle est ce qui permet de donner une forme à la vie, de croître à l'abri, avec tout le mystère que suggère la nuit dont elle est la reine.
Dans la mythologie grecque, elle représentait trois divinités : croissant lunaire tourné soit vers le ciel, soit vers la terre, elle incarnait Artémis-Diane, la sauvage déesse de la nature ; pleine Lune, quand elle s'oppose au Soleil, elle symbolisait Séléné-Hélène ; enfin, Lune obscure dans les nuits les plus noires, elle fut associée à Hécate, déesse des morts qui règne sur l'Hadès et guide vers l'initiation.
Sur le plan biologique, elle représente les fonctions qui sont spécifiquement féminines et qui permettent la reproduction : les seins, les ovaires, mais aussi celles qui concernent la digestion : l'estomac. Elle serait en rapport avec l'œil droit chez la femme, l'œil gauche chez l'homme. D'un point de vue circonstanciel, la Lune est en relation avec les périodes (la vie intra-utérine, l'enfance), les lieux (le sol, l'habitat, la patrie) qui forment l'individu, la ou les personnes qui l'aident à croître, qui influencent son patrimoine génétique, moral, affectif (la mère, l'héritage maternel) ou qui assurent la continuité de ce patrimoine (la femme, l'épouse). La Lune est aussi en rapport avec les circonstances qui manifestent la croissance d'un individu dans le collectif : la renommée, par exemple, mais aussi les facteurs qui portent cette renommée : la foule, le public,. Enfin, tout comme elle est liée aux débuts de la vie sur terre, elle participe à la fin de celle-ci et représente aussi la mort.
Quand on l'interprète dans un thème natal, la Lune évoque la façon dont nous nous percevons intérieurement, l'image de soi en regard du Soleil qui est plutôt l'image que nous désirons avoir de nous-même, ou l'idéal du Moi. Les différents aspects qu'elle entretiendra avec les autres planètes rendront compte de la façon dont un individu réagira pour assurer sa sécurité intérieure, sentiment qui a été formé principalement par le type de relations entretenues avec la mère et que l'individu tend à faire durer. La Lune est un des symboles les plus polyvalents, c'est pourquoi nous l'avons un peu plus développé que le Soleil qui est mieux connu.
[...]
Symbole | Fonctions psychologiques, tendances, aptitudes, capacités. | Modes d'expérience, circonstances, événements. | Fonctions biologiques et physiologiques. |
Nuit, mémoire, souvenir. Eau, fécondité, féminité, femme, mère, ce qui donne une forme à la vie. Reflet, connaissance indirecte, intuition, imagination, rêve. Satellite, dépendance, mobilité. | Image de soi. Sécurité intérieure que l'on cherche à conserver. Mode d'adaptation, de réaction inconsciente. Façon de concrétiser son idéal. Habitudes innées ou acquises. Changements d'humeur. | Vie intra-utérine. Enfance, le sol, l'habitat, la patrie. Relations à la mère. Pour un homme : relations au féminin, à la femme. Pour une femme : comportement extérieur, mode de manifestation. | Fonctions de reproduction : ovaires, seins. Fonctions digestives : estomac. Œil gauche. |
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Fanchon Pradalier-Roy, astrologue et auteure de L'Univers de l'homme (Éditions du Rocher, 2000) explique ainsi le symbole et le principe planétaire de la Lune :
La coupe de l'âme et la dualité de l'être humain :
Observons la Lune dans ses différentes phases. D'abord simple pinceau de lumière, laissant juste entrevoir un arc de cercle, jusqu'à l’épanouissement global de la pleine Lune.
Images en séquence des phases de la Lune, de la nouvelle Lune à la pleine Lune :
L'arc de cercle se déploie vers la totalité du cercle qui finit par se replier à nouveau vers l'arc. L'âme en tant que partie d'un Tout est traditionnellement représentée par un arc de cercle, plus joliment appelé coupe.
Ce symbole évoque l'incomplétude, pour ne pas dire le déchirement ou la séparation d'avec une autre partie avec laquelle elle formait un double (le mythe de l'âme sœur, l'unité primordiale perdue), de son complémentaire et plus généralement son aspiration à la plénitude.
On stylise un peu ce symbole jusqu'à lui faire figurer réellement le croissant de Lune, pour représenter justement la Lune en astrologie.
La croix de l'existence : incarnation et orientation de l'être
Ainsi armée de sa coupe, l'âme n'est pas tout à fait viable. Divisée, fragilisée, désolidarisée d'avec le Tout de l'esprit, elle est perdue et désorientée. Telle une coquille de noix sur le vaste océan, elle risque de flotter au gré des courants, sans prise sur son environnement, sans aucun moyen de se diriger, et donc impuissante rejoindre sa moitié perdue ou sa totalité. Pour se diriger, se mettre en route et avancer vers son but, elle va devoir se munir d'un drôle d'instrument qui lui donnera enfin des informations sur l'environnement et surtout les moyens d'avoir une prise sur lui : un corps !
Traditionnellement la matière et le corps, s'agissant de l'homme, sont représentés par une croix.
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Dans son ouvrage de vulgarisation intitulé Décryptez votre thème astral, Éclairez votre chemin de vie grâce à l'astrologie (Éditions Hachette Livre, 2019), Julie Gorse donne le B.A Ba de chaque planète, et, en ce qui concerne la Lune, des luminaires :
Elle est reliée à Séléné chez les Grecs (et Luna chez les Romains), la sœur d'Hélios. Artémis (chez les Grecs et Diane chez les Romains) en est la déesse (elle est la sœur jumelle d'Apollon, dieu du Soleil). Artémis est aussi la déesse des chasseurs et des archers. Elle préside à la naissance et au développement des êtres.
La Lune est le maître du Cancer. Dans le thème, elle symbolise le subconscient ; c'est l'énergie émotionnelle, maternelle et nourricière. Son interprétation illustre le sentiment du foyer, la façon dont les émotions influencent les humeurs et où se situe le besoin de sécurité. Là où est la Lune se trouve notre imaginaire.
Les personnages représentés par la Lune sont la mère, l'épouse, l'âme.
L'énergie de la Lune mal orientée pourra donner naissance à l'inhibition, la peur, l'insécurité, les addictions alimentaires, l'infantilisme, le besoin de régresser, etc.
En regardant la position de la Lune dans votre thème, posez-vous les questions suivantes : Quels sont les automatismes qui me maintiennent dans ma zone de confort ? Comment est-ce que je laisse vivre mon enfant intérieur ? Qu'est-ce qui me nourrit ?
Mots-clef : L'âme ; la mère ; l'épouse ; le principe féminin en soi ; le public ; le foyer ; la nourriture.
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Les cycles de la Lune :
Dans La terre des femmes et ses magies (Éditions Laffont, 1988) Jocelyne Bonnet explicite le lien analogique qui existe entre la Lune et les lunes :
LES NOMS DU SANG SECRET : Dans de nombreux langages, les mots pour « menstruation » et « lune » sont les mêmes ou du moins ont les mêmes racines étymologiques. Ainsi « menstruation » signifie « changement de lune », la racine latine « mens » donne menstrues et mois. Les phases de la lune permettaient de compter le temps des paysans primitifs et les menstrues permettaient les prévisions féminines. Les paysans européens utilisent pour la période menstruelle l'expression « avoir ses lunes ». Briffault relève d'autres exemples de l'analogie femme-menstruée et lune. Le Mandingue emploie le terme carro dans le sens de lune et de menstruation, le mot congolais njonde a cette double signification. Il en est de même dans le détroit de Torres, en Inde. Les Indiens d'Amérique du Nord pensent que la lune est une femme réelle, la première à avoir existé. Lorsque la lune est décroissante, ils disent la lune « indisposée », au sens où ce même mot est utilisé en France comme synonyme de menstruation. Il en est de même chez les Maoris. Dans le domaine européen, les paysans croient que la lune a ses menstrues. La lune rousse du mois d'avril est une lune menstruée qui brûle, grille, « rouille » la nature.
Les expressions: avoir « ses mois », « ses lunes », « ses périodes », « ses règles », « ses ourses », font référence aux rythmes lunaires et aux temps où la femme est sous son apparence d'ourse, c'est-à-dire encore sauvage, bientôt nubile. Ces expressions font référence aux cultes antiques, tel celui des jeunes Athéniennes astreintes au service temporaire d'Artémis de Braurôn : « Les jeunes filles devaient imiter l'ourse avant leur mariage. [...] » Avant d'avoir des rapports sexuels, elles entraient au service d'Artémis pour le rachat de leur virginité. Le mythe expliquait que l'ourse était l'animal favori d'Artémis qu'on avait fait périr. Le caractère sacré des premières menstrues trouve son expression dans l'offrande par ces vierges grecques de leur premier linge menstruel à Artémis Braurônia. Ensuite, ces jeunes femmes nubiles entraient au gynécée, accédant au statut social de femmes respectées par les hommes, protégées par les lois. La femme en relation avec la lune, ou la Grande et la Petite Ourse, est en rapport symbolique avec les astres, les constellations, le monde cosmique (1).
La Grande Ourse est le principal mythe grec du pôle céleste. Dans les légendes celtiques, elle est également nommée le Char d'Arthus (Artos - l'ours royal, le guerrier, le chasseur, opposé au sanglier sacré de la classe sacerdotale). L'ourse, divinité des montagnes, est dans le légendaire grec (2) la constellation, repère de navigation, toujours au-dessus de l'horizon, jamais immergée, c'est-à-dire éternellement vierge, car interdite du rite prénuptial grec : le bain.
Les jeunes filles, émules d'Artémis, fille de Zeus et vierge, protectrice de la virginité, sont avant leur nubilité comme la chasseresse. « Dame des animaux sauvages », Artémis (Diane) est également la Lune (Séléné, Phœbé), sœur d'Apollon-Soleil, et la « déesse aux trois formes », Séléné régnant dans le ciel, Artémis régnant sur la nature terrestre, Hécate régnant dans les Enfers, la nuit, aux croisées des chemins.
Les femmes qui ont leurs lunes ou leurs ourses restent légendairement en relation avec Artémis, la déesse non mariée.
[...]
LES RYTHMES FÉMININS : L'activité périodique de l'ovaire et de l'utérus produit une ponte ovulaire vers le quinzième jour et se termine vers le vingt-huitième jour par un flux de sang, la menstruation. Elle correspond à un cycle de quatre semaines, permettant d'établir des séries de pronostics et de liens analogiques qui, autrefois, dépendaient d'un vieux savoir féminin.
La lune règle le flux et le reflux des marées; la lune croissante ou décroissante règle la croissance des plantes, la mise en terre des graines ou la taille des branches ; généralement, les pousses et semis, la taille des jeunes arbres sont conseillés en lune montante, la taille des vieux arbres, la taille en général, en lune décroissante.
La croyance critique devint proverbiale et longtemps répandue que « les jeunes ont leur mois en nouvelle lune et les vieilles au contraire en pleine lune ou décroissante ». Aristote précise « Le déclenchement des règles se produit à la fin du mois. Aussi certains faiseurs de mots affirment-ils que la lune est de sexe féminin parce qu'il y a coïncidence entre les règles des femmes et le décours de la lune et qu'après les règles et le décours, les femmes et la lune deviennent également pleines! »
Saintyves analyse l'influence de la lune sur les rythmes féminins, mais il se fait l'écho des opinions savantes et masculines qui depuis longtemps s'intéressent à ce mystère. Après Aristote, ils construisent des hypothèses sur les impossibles accords entre les règles obéissant aux rythmes individuels et le rythme mensuel de la lune. Pour mieux comprendre ces cycles, il faut lire les vieilles conceptions féminines qui survivaient dans les réunions entre femmes, comme en porte témoignage l'Évangile des quenouilles.
Enfin, ce savoir doit être analysé grâce au code d'analogie (voir figure 1). La femme ne suit pas la lune, elle est comme la lune. Elle a son rythme de vingt-huit jours qui passe par une lune pleine au quatorzième jour du cycle. Cette pleine lune féminine correspond à l'assurance de fécondité; ce qui fait dire que lorsque la lune, c'est-à-dire le mois féminin, est pleine, la femme est pleine, féconde. A l'opposé du milieu du mois féminin qui correspond à sa pleine lune, l'éclipse de lune correspond aux fonctions de stérilité qui culminent avec les flux menstruels. Par analogie, la femme est alors, comme la nouvelle lune ou l'éclipse de lune, dans un cycle d'ombre, de mort, de stérilité. D'où une nouvelle explication de l'expression : « C'est à la même époque que les femmes ont leurs évacuations épuratives et que la lune a son décours, et qu'après l'écoulement et le déclin les femmes et la lune deviennent pleines à nouveau. » La femme est pleine, au milieu de son cycle, comme la lune l'est au milieu de son cours. Femmes et lune sont pleines quand elles réfléchissent les ardeurs mâles et solaires, elles sont dans l'ombre et maléfiques quand il y a éclipse de lune. Les enfants ne peuvent être enfantés au temps où leur lune « fait défaut », qui est lorsque les menstrues coulent aux femmes. « L'enfant né d'une telle union est malheureux dans toutes ses entreprises : " C'est pisser contre la lune. " »
D'autre part, les sages-femmes connaissent toutes les rapports entre la lune et les accouchements; un changement de lune apporte un changement par rapport à la période précédente, pour le sexe des enfants à naître. On croit encore que les filles naissent dans le décours de la lune et les garçons en lune montante.
Sur le plan cosmique, le Soleil, par l'entremise de Jupiter, est en rapport avec l'aspect masculin. La Lune, elle, est en relation avec Junon, dont le nom évoque les rajeunissements successifs de sa force lunaire. Elle est aussi appelée Lucina, par référence à sa lumière. Souvent invoquée par les femmes au moment des enfantements, elle est censée les faciliter.
Astres qui fournissez votre course admirable,
Lune aux enfantements propices et favorables.
Concevoir en jeune lune fait un enfant de sexe fort. (Plutarque)
Les rythmes féminins sont normalement associés à la lune, et parmi ceux-ci, le principal rite, l'accouchement, est placé sous la protection de l'astre qui préside à ces cycles. Ce n'est cependant pas dans ces rythmes que le savoir populaire féminin a pu trouver ses plus grands effets.
Plus communément, les femmes établissaient des pronostics sur leurs chances personnelles, à partir du calendrier de leurs menstrues. Leur rythme mensuel régulier était tout d'abord un « brevet de bonne santé ». Leur comportement se mesurait à une attitude de sagesse en fonction des phases de la lune.
Pendant la nouvelle lune et la lune croissante, la femme doit être prudente dans ses propos, réfléchie, discrète. A la pleine lune, elle doit maîtriser son ambition, son imagination, sa nervosité. En lune décroissante, elle est sujette au découragement, et doit ménager ses forces. Ces aspects sont renforcés par l'arrivée des menstrues en telle ou telle phase.
Si les périodes arrivent tel ou tel jour de la semaine, on peut faire des pronostics sur les chances du moment, aussi s'il s'agit de jours pairs : lundi est jour des pleurs, mardi des nouvelles, mercredi des affronts, jeudi des petits ennuis, vendredi de la tristesse, samedi des visites inattendues, dimanche de grande consolation. Si le jour est impair, lundi est le signe d'une déclaration d'amour, mardi d'un cadeau, mercredi d'un rendez-vous, jeudi d'une surprise joyeuse, vendredi d'une lettre, samedi d'une proposition, dimanche de joie et triomphe.
De véritables calendriers existaient autrefois, établissant des relations avec certaines fêtes et l'arrivée des menstrues. Ainsi, si le mois féminin commence le 1er janvier et s'il s'agit d'un dimanche, le bonheur est assuré pour tout le mois. Les rythmes menstruels, lorsqu'ils commençaient le 3 ou le 7 du mois, étaient le signe d'une grande harmonie des mondes. Cette sagesse populaire féminine classe l'harmonie universelle selon un ternaire représenté par :
- les trois mondes : ciel, terre, eau ;
- les trois plans : divin, naturel, physique ;
- les trois temps : passé, présent, avenir ;
- les trois règnes : animal, végétal, minéral ;
- les trois états : gazeux, solide, liquide.
Le chiffre 3, favorable, représentant de l'harmonie, peut justifier des retards ou avances de règles de un à trois jours. Au-delà, il y a anormalité. Les jours de la semaine représentent l'harmonie sous le signe du septénaire, et annoncent des relations privilégiées selon le jour d'apparition des règles :
- le dimanche, jour du Soleil, représente le mari et le père ;
- le lundi, avec la Lune, est le signe d'amitiés féminines, de fécondité-fertilité, et récoltes ;
- le mardi, jour de Mars, représente l'amant, l'amoureux ;
- le mercredi, Mercure est en relation avec les enfants nés ou à naître ;
- jeudi, Jupiter est le jour du patron ou des gens influents ;
- vendredi, Vénus est le signe d'amour, d'amitié, de charité ;
- samedi, Saturne est en relation avec les vieilles gens et l'entourage de personnes âgées.
Ainsi, selon le premier jour d'apparition des flux cataméniaux, des prévisions et pronostics sur les chances des jeunes femmes s'établissaient. Ces connaissances visaient à calmer l'angoisse et l'inquiétude naturelle en ces jours de perturbations physiologiques. Les conseils des femmes plus âgées répétaient d'ailleurs qu'il fallait « être confiante pour éprouver le bonheur », que « les difficultés ne sont pas insurmontables », qu' « aucun cas n'est désespéré », et qu'enfin « la chance et l'intuition » sont comme une « baguette magique ».
Il semble que le sang cataménial ait été considéré comme à l'origine de l'intuition féminine, décuplée ces jours-là. L'analogie avec les rythmes lunaires garants des succès explique ces traditions de pronostics propres aux milieux féminins et destinés à favoriser et maîtriser la chance et la vie des femmes. Ces savoirs s'estompent puisqu'ils ne sont plus utilisés; cependant, ils éclairent les origines du pouvoir féminin. Ils établissent le rôle de l'intuition des femmes, source de connaissances permettant l'équilibre fondé sur les rythmes cataméniaux et la lune. Ces connaissances, qui ont leur origine dans un lointain passé, mériteraient le respect de la recherche scientifique et médicale, qui oublie trop souvent de replacer le corps féminin dans l'univers de relations où il peut trouver ses analogies, garantes d'équilibre.
Notes : 1) La Grande et 1a Petite Ourse, voisines du pôle arctique, sont aussi appelées Grand et Petit Chariot ou encore Char d'Arthus ou de David. Ces constellations enferment l'étoile Polaire. Elles représentent par analogie une roue, un chariot, éléments qui tournent autour du pôle: axe immobile, tète et milieu du ciel qui dans la mythologie grecque est un bouclier, une montagne
2) D'après le mythe grec, Zeus s'éprit de Callisto, fille d'un roi d'Arcadie, alors qu'elle chassait en compagnie d'Artémis. Héra, jalouse, transforma Callisto en ourse. Zeus pour protéger son amante enleva l'ourse et la plaça parmi les étoiles, ainsi que l'enfant auquel elle donna naissance: Arcas. Ils devinrent la Grande et la Petite Ourse. Furieuse de cet honneur, Héra persuada le dieu de la mer d'empêcher que ces ourses descendent se baigner dans l'Océan comme le font toutes les étoiles. De toutes les constellations, elles sont les seules à toujours demeurer au-dessus de l'horizon et comme telles elles servent de repères et de moyens de mesure notamment pour la navigation. Selon les traditions grecques, ces étoiles sont toujours vierges car elles ne se baignent jamais, le bain étant considéré comme un rite prénuptial fécondant.
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Svetlana Tolstaïa, autrice de "La mythologie et l’axiologie du temps dans la culture populaire slave." (In : Revue Russe n°8, 1995. La culture populaire slave. pp. 27-42) explore les croyances relatives au cycle de la Lune dans l'aire culturelle slave :
[...] Les différents cycles du temps sont considérés comme isomorphiques : le printemps en tant qu'unité du cycle annuel est assimilé à l'aube ou au matin (cycle journalier), à la première pousse des semis (cycle végétal), et à la naissance, début de la vie humaine (cycle de Vie). Le solstice d'été correspond à midi et à la pleine lune, et le solstice d'hiver à minuit, à la phase zéro de la lunaison (nouvelle lune) et à la mort. [...]
[...] On peut observer la même relativité d'appréciation dans les coutumes, interdits et prescriptions populaires ayant trait au temps lunaire. A la différence du calendrier solaire, qui détermine les cycles de temps annuel (saisonnier) et journalier (sur 24 heures), le calendrier lunaire régit le temps dans les limites, si l'on peut dire, des cycles mensuel et hebdomadaire (cf. la superposition de sens entre « mois, tranche de temps annuel » et « astre » dans le mot slave mesjac « croissant de lune »). La conjonction des décomptes du temps solaire et lunaire engendre un système qui équivaut au calendrier julien, sans pour autant lui être identique. Il est à noter que le rôle de la composante lunaire s'y avère dominant par rapport à celui de la composante solaire, et que le temps lunaire s'y trouve pour sa part intégré d'une façon plus intime dans le système global de la vision du monde traditionnelle. Cela tient à cette propriété qu'a la lune d'être changeante et de posséder un cycle relativement court, aisé à observer. C'est pourquoi la lune est devenue dans les représentations populaires symbole du cycle biologique, celui de la vie depuis la naissance jusqu'à la mort. Cf. la terminologie populaire des phases lunaires : « la lune naît », « la jeune lune, le jeunot », « la vieille lune, le vieillard ».
L'ensemble des travaux journaliers, de même que les comportements dans la vie quotidienne, les usages et rites familiaux, sont réglementés par les phases lunaires, encore que les prescriptions en ce domaine soient bien souvent contradictoires : la même phase peut être considérée tantôt comme bénéfique et tantôt comme maléfique, périlleuse, pour telle ou telle entreprise. Parmi les règles à observer, les plus nombreuses et universelles sont celles qui sont liées à l'opposition entre la lune naissante et la lune à son déclin. Le temps de la jeune lune, la lune croissante, est habituellement posé comme bénéfique au commencement de tous travaux, spécialement ceux qui ont trait à la croissance, à tout ce qui pousse, se développe. En Polésie on dit : « Sème le grain au jeunot — tu auras d'abondants et beaux épis, alors que si tu sèmes aux jours descendants les épis seront rabougris » ou bien « II faut planter son jardin un jour jeune (c'est-à-dire un jour de lune croissante), alors que si c'est en fin de mois il mettra longtemps à pousser ». De même chez les Bulgares on sème ou bien par pleine lune ou bien lorsque la lune « prend de la rondeur ». En Biélorussie on ne cueille les plantes médicinales que dans la première moitié du mois, considérant que ce n'est que dans ce cas qu'elles auront un effet salutaire, cependant que les plantes cueillies au déclin du mois seraient susceptibles de nuire au malade. Chez les Serbes, quand un enfant commence à marcher, on le tire par les oreilles durant la pleine lune, « afin qu'il pousse mieux ». On considère qu'un enfant né en période de jeune lune sera toujours de visage jeune, c'est-à-dire qu'il sera jeune d'aspect.
Parallèlement à cela, de nombreuses traditions tiennent le temps de la nouvelle lune pour défavorable au commencement des travaux agricoles et certains autres travaux. C'est ainsi qu'à la lune dans son premier quartier les Serbes frontaliers de l'Empire autrichien ne semaient rien, ne fauchaient pas l'herbe, ne taillaient pas la vigne. En Polésie également on considérait souvent que les jours les plus propices n'étaient pas ceux de la lune nouvelle mais ceux du podpovno, c'est-à-dire proches de la pleine lune. Dans la région de Rovno, il était recommandé de n'entamer nulle action « juste au jeunot » : il fallait que la lune eût surmonté trois ou quatre jours. Ces mêmes jours de lune croissante sont choisis de préférence pour badigeonner une maison, sinon « la peinture ne tient pas ».
On connaît en tous lieux l'influence néfaste qu'exerce la lune naissante sur les femmes enceintes et les nouveau-nés. Chez les Bulgares, on pense qu'un enfant né à la nouvelle lune est particulièrement vulnérable au « mauvais œil », aux maléfices, à l'action des forces occultes. En Dalmatie, on n'ôtait jamais un enfant du sein les jours de lune nouvelle.
La pleine lune est connotée à la notion de temps propice aux travaux agricoles, car sa plénitude est gage de riche moisson. En Polésie, on dit : « Si l'épi a été planté à la pleine lune, les jeunes épis seront remplis de grain ». C'est ces mêmes jours qu'on s'efforçait d'affecter au tramage et au tissage, « afin que la trame soit pleine, afin que les écheveaux soient grands ». On cherche également à poser les fondations d'une nouvelle maison « au plus près du plein », afin qu'y règne un « plein » bonheur.
De ce qui vient d'être dit, cependant, il ne découle pas que la deuxième moitié du mois, c'est-à-dire la période du déclin, de la décroissance de la lune, soit uniment perçue comme temps maléfique. Il n'est pas rare que l'on recommande de planter les choux, les concombres, les arbres précisément « au mois âgé », car plantés « au jeunot », ils auraient du mal à mûrir, demeureraient « jeunesse ». C'est au conditionnement pour l'hiver de réserves de grain, de légumes, de viande, que les jours du « mois âgé » sont particulièrement propices. La croyance populaire veut qu'à ce moment-là les souris ne mangent pas le grain, les vers n'attaquent pas les légumes et la viande, car le mois ancien, déclinant, retient toute croissance et ne permet donc pas que les nuisibles se multiplient. Il n'est pas rare que l'on préfère le « mois âgé » pour pratiquer des soins par sorcellerie, espérant que le dépérissement de la lune entraîne le dépérissement de la maladie.
C'est l'absence de lune, temps précédant la naissance de la lune nouvelle, qui fait l'objet de l'interprétation la plus unanime au sein de la conscience populaire et dans les comportements au quotidien. En tous lieux on la considère au plus haut point maléfique et périlleuse, à l'instar de toute frontière spatiale ou temporelle (seuil, borne ; minuit, midi, etc.) C'est un temps impur, un temps qui appartient aux forces occultes. Selon les Bulgares, un être humain ou un animal conçu en de tels jours est destiné à ne pas vivre, promis à une mort précoce. Chez tous les Slaves on retrouve la croyance selon laquelle un enfant né un «jour pourri », « aux bornes », « au changement », restera stérile, n'aura pas de descendance. En Polésie on prend garde à ne commencer quelque activité que ce soit durant les « jours vides » : on ne sème pas et on ne plante pas, on n'accouple pas le bétail, on n'achète pas de bêtes, on n'engrange pas les récoltes, on ne part pas en voyage lointain. Dans la région de Brest-Litovsk on relève la croyance selon laquelle l'absence de lune survenant un jour de Pâques (ce qui, bien entendu, est impossible) entraînerait la fin du monde. Toutes ces conceptions de périls attachés à l'absence de lune procèdent de croyances qui veulent que durant ce temps la lune éclaire l'au-delà, le monde des morts.
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Pascal Wagner-Egger et Vincent Joris, auteurs d'une étude intitulée "L’obscure clarté de la lune : croyances et représentations" (Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2004, no 63, pp. 3-28) s'intéressent à la pérennité des croyances sur la pleine lune :
Résumé : Le présent article se propose d'explorer une forme de croyance de type “marginale” — c'est-à-dire non reconnue par certaines institutions sociales (science, religion officielle) —, les croyances quant aux effets de la pleine lune sur le monde vivant et le comportement humain en particulier. Pour ce faire, des entretiens, des associations de mots, un questionnaire et une manipulation expérimentale ont été menés sur le thème de la représentation sociale de la pleine lune. Les principaux phénomènes observés ont été la présence de principes organisateurs dans les propos des personnes interrogées (à savoir des oppositions symboliques entre science et croyance, hommes et femmes, “fous” et personnes “normales”, “sauvages” et “civilisés”, etc.) et le phénomène de confirmation d'hypothèses.
Mots-clefs : représentations sociales, croyances, pleine lune, confirmation dʼhypothèses, principes organisateurs.
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Marcel Otte et Pierre Noiret dans un article intitulé "La lune façonne notre pensée."
(in : Éclats de lune : entre science et imaginaire, 2013) propose une synthèse intéressante du symbolisme de la Lune conçu comme un repère temporel primordial : =>
Voir aussi : Lunes poétiques
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