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Les Fées



Étymologie :


  • FÉE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1140 (Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 3657). Du lat. Fata « Parques », de fatum « destin » (fatum*).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

 

Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :


Fairies est le pluriel de fairy en anglais. Fairyland est ainsi le royaume des fées. Il est en analogie avec fair, fête en anglais, mais peut-être aussi avec son homonyme fair, qui signifie clair, les fées ayant souvent une apparence claire, lumineuse ou transparente, mais qui veut dire aussi juste, loyal, comme dans fair-play, par exemple, soit jouer juste ou, plus exactement jouer le jeu, ce que font toujours les fées, en fin de compte.

Toutefois, "fée" en français, tient son origine du latin fata, déesse des destinées, le quel se rattache à fari, qui signifie parler, et qui a donné le mot "fable" ou fabula : récit, propos, conte. C'est encore du fata latin que dérive le fada provençal, qui désigne communément un être un peu fou, mais gentil. Et c'est ce même fada qui a donné les fameux fadets et farfadets. Enfin, la féerie, ou faerie, était en ancien français un mot désignant le pouvoir magique des fées."

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


ENFANT DE LA FÉE. « En Basse-Normandie, aussi bien qu'en Bretagne, en Ecosse et en Irlande, » dit mademoiselle Bosquet, dans sa Normandie merveilleuse, « on croyait que les fées enlevaient les enfants des mortels, et qu'elles déposaient, à la place de ces gracieuses et innocentes créatures, leurs propres enfants : méchants, criards, d'une pesanteur extraordinaire, quoique d'une maigreur excessive, et auxquels des soins assidus ne pouvaient donner aucune des apparences de la fraîcheur, de la santé et de la jeunesse. Ce qu'il y avait de supérieur dans leur essence, mêlé à la vie des mortels, devenait une monstrueuse infirmité, tant il est vrai qu'aucun être ne peut impunément se détourner de sa fin.

. Les mères redoutaient beaucoup ces sortes de substitutions. De là on croyait peut-être induire, avec justesse , que cette superstition n'amenait pas d'autre résultat que de soumettre le berceau des chers nourrissons à une surveillance plus minutieuse et plus attentive encore. Sans doute il en devait arriver ainsi chez les femmes qui avaient une vive perception du sentiment maternel ; mais celles chez qui ce sentiment avait été dépravé par une de ces monstrueuses antipathies, trop fréquentes dans une classe où l'intelligence, non développée par l'éducation, ne dirige pas les inclinations ; celles-ci, disons-nous, prenaient occasion des échanges opérés par les fées, pour accabler de leur haine barbare l'enfant que ne reconnaissaient pas leurs entrailles de mère. Elles lui faisaient endurer sans remords, comme sans pitié, tous les mauvais traitements que leur suggérait fleur animadversion, à cause de la croyance qu'il était enfant de la fée.

Un jour, selon une tradition normande, une paysanne, portant son enfant dans ses bras, rencontra une fée, également chargée du sien, et qui lui proposa bonne récompense pour l'échange de leurs nourrissons ; mais la femme rejeta bien loin cette proposition , déclarant que l'enfant de la fée fût-il neuf fois plus beau que le sien, elle ne consentirait point à un semblable marché. Quelque temps après, ayant laissé son enfant seul à la maison, pendant qu'elle était allée travailler aux champs, la mère crut s'apercevoir, à son retour, qu'on le lui avait changé.

Elle alla consulter aussitôt une voisine, qui pour s'assurer du fait, tenta l'épreuve suivante : elle cassa une douzaine d'œufs et en rangea les coques devant l'enfant ; aussitôt, celui-ci de s'écrier : Oh ! que de petits pots de crème ! Oh ! que de terrines de lait ! (Remarquez que c'était un enfant à la mamelle qui s'exprimait avec tant d'énergie.) Il n'en fallait pas davantage pour que l'échange fût valablement constaté. La voisine officieuse conseilla, afin de forcer la fée à reprendre son enfant et à rapporter l'autre, de faire crier bien fort le premier, et d'avoir l'air de le maltraiter rudement. La tentative eut plein succès ; rappelée par les cris de sa progéniture, la fée accourut tout émue, suppliant qu'on épargnât son cher enfant, qu'on le lui rendit même ; et qu'à ce prix elle rapporterait celui qu'elle avait enlevé. La fée, on s'en doute, fut prise au mot. Par malheur, ceci est une conclusion assez exceptionnelle dans l'histoire des enlèvements d'enfants. En Bretagne et dans le pays de Galles, la donnée de légende existe avec une modification dans le moyen, puérilement original, que la mère emploie pour forcer l'enfant de fée à parler, et à trahir par là sa descendance. Au lieu de présenter une douzaine de coques d'œufs devant l'enfant, la mère feint de préparer à dîner dans une seule coque pour dix laboureurs de la maison.

— Que faites-vous là ma mère ? disait le nain avec étonnement ; que faites-vous là, ma mère ?

— Ce que je fais ici , mon fils ? je prépare à dîner dans une coque d'œuf, pour dix laboureurs de la maison.

— Pour dix, chère mère, dans une coque ! J'ai vu l'œuf avant de voir la poule blanche ; j'ai vu le gland avant de voir l'arbre : j'ai vu le gland et j'ai vu la gaule ; j'ai vu le chêne au bois de Brézal, et n'ai jamais vu pareille chose.

— Tu as vu trop de choses, mon fils : clic clac clic clac ! petit vieillard , ah ! je te tiens !


FADE, FATIDICÆ ET FADES. Noms que les Gaulois donnaient particulièrement à celles de leurs fées qui habitaient à l'abri des monuments druidiques. Les Bretons croient encore à l'existence de ces fées ; ils les représentent comme de belles femmes et si lumineuses qu'elles en sont transparentes. Rarement ces fées ont des intentions bienveillantes : presque toujours au contraire elles abusent de la crédulité du voyageur pour lui jouer de vilains tours et lui tendre des pièges dont les résultats le conduisent quelquefois à la mort. Ces fées d'ailleurs partagent l'existence, les plaisirs, les rondes infernales de nains qui ont aussi pour refuges les monuments druidiques, et l'on sait combien ces horribles nains sont à redouter.

Fée
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FÉE :


FEMMES DE MOUSSE. Nom que l'on donne, dans le département du Nord, aux fées que l'on dit apparaître quelquefois aux bûcherons.


FEMMES VERTES (green women). Sorte de fées ou de nymphes, qui habitent les bois dans les îles Shetland.


HABOUDIA. Reine de la classe des fées que l'on appelle Bonnes.


HADOS. C'est ainsi que l'on nomme les fées dans les vallées des Basses-Pyrénées. Au dire des habitants, ils les ont vues maintes fois, soit au bord d'une prairie, soit au sommet d'une tour, soit au carrefour d'un bois, soit enfin au bord d'une fontaine. Ils les appellent aussi Blanquelles. Ces fées ont le pouvoir de faire croître des fleurs sur leurs pas, d'exciter ou d'apaiser les tempêtes ; et elles ne manquent jamais de se présenter dans les maisons, la nuit qui précède le jour de l'an, portant dans la main droite un enfant couronné de fleurs, qui est l'image du bonheur, et, dans la gauche, un enfant en larmes qui est l'emblème du malheur. Comme cette visite est prévue, on prépare dans une chambre reculée, isolée, un repas destiné à ces fées, lequel consiste en un pain, un couteau, un vase plein d'eau ou de vin, et une coupe. Après avoir disposé un semblable festin, on ne peut que se rendre favorables les visiteuses ; tandis que si on avait négligé cette courtoisie, on s'exposait à voir sa maison consumée par l'incendie, ses troupeaux dévorés par les loups, et ses moissons hachées par la grêle. Le matin du nouvel an, le chef de la famille prend le pain qui avait été offert aux Hados ; il le trempe dans l'eau ou le vin contenu dans le vase, et le distribue ensuite aux gens du logis pour être mangé à déjeuner.


MIRES OU BONNES DEMOISELLES. Les Grecs modernes nomment ainsi leurs fées, lesquelles président principalement aux accouchements comme cela avait lieu dans l'ancienne Grèce. Le cinquième jour de la délivrance, on leur prépare dans la maison une sorte de réception. Toutefois, on ne les voit pas, quoique l'on demeure convaincu qu'elles emportent en se retirant la fièvre de l'accouchée, et on se garde bien de laisser seule cette dernière, parce qu'on redoute que les bonnes fées ne lui tordent le cou.

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Symbolisme :


D'après le Dictionnaire des symboles (1969 ; édition revue et corrigée, Robert Laffont : 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Maîtresse de la magie, elle symbolise les pouvoirs paranormaux de l'esprit ou les capacités prestigieuses de l'imagination. Elle opère les plus extraordinaires transformations et en un instant comble ou déçoit les désirs les plus ambitieux. Peut-être représente-t-elle les pouvoirs de l'homme de construire en imagination les projets qu'il n'a pu réaliser.

La fée irlandaise est par essence la banshee, dont les fées des autres pays celtiques ne sont que des équivalents plus ou moins altérés ou compris. Au départ, la fée, qui se confond avec la femme, est une messagère de l'Autre Monde. Elle voyage souvent sous la forme d'un oiseau, d'un cygne, de préférence. Mais cette qualité n'a plus été comprise lors de la christianisation et les transcripteurs en ont fait une amoureuse venant chercher l'élu de son cœur. La banshee est par définition un être doué de magie. Elle n'est pas soumise aux contingences des trois dimensions et la pomme ou la branche qu'elle remet ont des qualités merveilleuses. Le plus puissant des druides ne peut retenir celui qu'elle appelle et, quand elle s'éloigne provisoirement, l'élu tombe en langueur.

Shakespeare a merveilleusement montré, avec la Reine Mab, l'ambivalence de la fée, qui est capable de se transformer en sorcière :


Alors je vois que la Reine Mab vous a visité

C'est l'accoucheuse des fées et elle vient

Pas plus grosse qu'une pierre d'agate

A l'index d'un échevin

Traînée par un attelage de petits atomes...

... c'est toujours cette Mab

Qui tresse la crinière des chevaux la nuit

Et dans leurs poils gluants

Fabrique des nœuds magiques

Qui débrouillés font arriver de grands malheurs.

C'est la sorcière...


(Roméo et Juliette, trad. de Pierre-Jean Jouve et Georges Pitöeff,

éditions Formes et Reflets, Paris, 1955).


En effet, les palais que les fées évoquent et font scintiller dans la nuit s'évanouissent en un instant et ne laissent plus que le souvenir d'une illusion. Ils se situent dans l'évolution psychique parmi les processus de l'adaptation au réel et de l'acceptation de soi, avec ses limites personnelles. On recourt aux fées et à leurs ambitions démesurées. Ou bien elles compensent les aspirations frustrées. Leur baguette et leur anneau sont les insignes de leur pouvoir. Elles resserrent ou défont les nœuds du psychisme.

Que les fées de notre folklore ne soient autres, à l'origine, que les Parques romaines, elles-mêmes transposition latine des Moires grecques, ne paraît guère discutable. Leur nom même, Fata, les Destinées, le prouve. Les trois Parques, précise P. Grimal, étaient représentées sur le forum par trois statues que l'on appelait couramment les trois fées - les tria fata. Elles portent encore aujourd'hui ce nom dans la plupart des langues latines, et on en retrouve la racine dans leur postérité et les innombrables petits génies que l'imagination populaire a créés à leur suite : tels les fadas provençaux, les fades de Gascogne, les fadettes et fayettes, les fadets et farfadets.

Assemblées généralement par trois, les fées tirent du fuseau le fil de la destinée humaine, l'enroulent sur le rouet et le coupent, l'heure venue, de leurs ciseaux. Peut-être furent-elles, à l'origine, des déesses protectrices des champs. Le rythme ternaire, qui caractérise leurs activités, et celui de la vie même : jeunesse, maturité, vieillesse, ou bien naissance, vie et mort, dont l'astrologie fera : évolution, culmination, involution. Selon de vieilles traditions bretonnes, à la naissance d'un enfant, on dresse trois couverts, sur une table bien garnie, mais dans une pièce écartée de la maison, afin que les fées soient rendue propices. Ce sont elles, aussi, qui conduisent au ciel les âmes des enfants morts-nés et qui aideront à rompre les maléfices de Satan.

Pour mieux comprendre le symbolisme des fées, il faut, par-delà Parques et Moires, remonter aux Kères, divinités infernales de la mythologie grecque, sortes de Walkyries qui s'emparent des agonisants sur le champ de bataille, mais qui, selon l’Iliade, paraissent aussi déterminer le sort, le destin du héros, auquel elles apparaissent en lui offrant un choix, dont dépendra l'issue bénéfique ou maléfique de son voyage.

La filiation des fées telle que nous venons de l'indiquer montre qu'elles sont originellement des expressions de la Terre-Mère. Mais le courant de l'histoire, selon un mécanisme ascensionnel que nous avons exposé en d'autres notes, les a fait peu à peu monter du fond de la terre à sa surface, où, dans la clarté de la Lune, elles deviennent esprits des eaux et de la végétation. Les lieux de leurs épiphanies montrent cependant clairement leur origine ; elles apparaissent en effet le plus souvent sur des montagnes près des crevasses et des torrents, sur les innombrables tables de fées ou dans le plus profond des forêts, au bord d'une grotte, d'un abîme, d'une cheminée des fées, ou encore près d'un fleuve mugissant ou au bord d'une source ou d'une fontaine. Elles sont associées au rythme ternaire, mais, en y regardant de plus près, elles relèvent aussi du quaternaire : en musique, on dirait que leur mesure est à trois-quatre : trois temps marqués et un temps de silence. Ce qui représente en effet et le rythme lunaire et celui des saisons. La lune est visible pendant trois phases sur quatre ; à sa quatrième phase, elle devient invisible, on dit qu'elle est morte. De même, la vie représentée par la végétation naît sur la terre au printemps, s'épanouit en été, décroît en automne, et disparaît pendant l'hiver, temps de silence, de mort. Si l'on examine de très près contes et légendes relatifs aux fées, il apparaît que ce quatrième temps des fées n'a pas été oublié par les auteurs anonymes de ces récits. C'est le temps de rupture, où l'épiphanie anthropomorphe de la fée se dissipe. La fée participe du surnaturel, pare que sa vie est continue, et non discontinue comme la nôtre, et comme celle de toute chose vivante en ce monde. Il est donc normal qu'en la saison de la mort on ne puisse la voir, donc qu'elle n'apparaisse pas. Pourtant elle existe toujours, mais sous une autre forme, relevant comme elle, en son essence, de la vie continue, de la vie éternelle. Voilà la raison pour laquelle Mélusine, le samedi, quitte son humain époux et lui demande de ne pas chercher à la voir, de respecter son secret. Il lui faut en effet, en cette phase quatrième, quitter l'apparence humaine pour prendre celle d'un serpent, épiphanie animale, comme on le sait, de la vie éternelle. Mélusine est alternativement femme et serpent, de la même façon que le serpent change de peau pour se renouveler indéfiniment. C'est le moment qui, chez les humains, correspond au temps de silence, à la mort. Aussi les fées ne se montent-elles jamais que de façon intermittente, comme par éclipses, bien qu'elles subsistent en elles-mêmes de façon permanente. On pourrait en dire autant des manifestation de l’inconscient."

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Goya, Les Moires, 1820-1823, Musée du Prado, Madrid

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Marianne Mesnil, autrice d'un article intitulé "UN VENT DE FOLIE : Des herbes de la Saint-Georges à celles de la Saint-Jean" (Civilisations Vol. 36, No. 1/2, Ethnologies d'Europe et d'ailleurs (1986), pp. 325-348, rapporte un phénomène roumain déjà étudié par Mircea Eliade :


[...] Tandis que s'effectuent les rites de fertilité, de pluie ou d'anti-sécheresse dont le cycle s'ouvre à cette date du 23 avril ou 1er mai, c'est-à-dire autour de l'Ascension, et se poursuit avec les "Mais", les Rogations (en Occident) ou les "Paparude" (invocations à la pluie dans les Balkans), une nouvelle menace mythico-météorologique pèse sur le monde agro-pastoral : c'est le moment où le espaces aériens s'emplissent d'êtres invisibles souvent féminins, dont les rencontres avec les humains sont généralement synonymes de folie.

Dans la tradition roumaine, ces "fées" ambivalentes, qu'il faut craindre et se concilier, nous rappellent par leur nom générique "zine", leur lointaine parenté avec un culte de Diane. Les multiples appellations par lesquelles elle sont désignées, sont généralement des formes euphémisées que suscite la crainte qu'elles engendrent : on les appelle les "Belles", Frumoasele, les "Saintes", Sfintele, ou plus simplement les "Elles", Ielele. J'en retiendrai encore trois autres noms qui marquent leur présence au cours de cette période saisonnière suivant la Saint-Georges ; ce sont les "Venteuses" (Vintoasele), les "Rosalies" (Rusalie, mot qui désigne également la fête de la Pentecôte) et les "Fées de Saint-Jean" (Sinziene, mot qui désigne aussi la fête de la Saint-Jean d'été). Les risques qu'entraînent leur présence invisible durant cette époque impose de les respecter, notamment en s'abstenant d'effectuer certaines tâches durant les jours qui leur sont particulièrement consacrés. Les femmes peuvent être leurs victimes si, par exemple, elles ont fait leur lessive lors d'un jour interdit pour ce type d'activités (en particulier, le mercredi qui précède l'Ascension) : elles risquent alors d'être soulevées par un vent qui les entraîne vers le haut. Quant aux hommes, s'ils risquent une rencontre nocturne avec elles, ils seront entraînés par leur musique dans une ronde infernale dont ils ne reviendront jamais.

Il s'agit de ce que M. Eliade a appelé la "Chute des Rusalii" : dans des villages de la région de Timoc, des femmes "tombaient" dans une sorte de sommeil léthargique, à l'approche de la Pentecôte (Rusalii). Leur "réveil" devait être provoqué par une thérapie choréo-musicale, qui prenait la forme d'une "danse du hanneton", exécutée par des hommes, parfois aussi des femmes, spécialisés dans cette pratique. Et d'autre part, à cette même date de l'année, se manifestaient des groupes de danseurs guérisseurs, les calusarii (calus signifie "cheval"), dont l'une des fonctions était de guérir par leur danse, ceux qui auraient été "pris par les fées" (luat de iele ou luat de Rusalii), ou encore "pris dans le vent" (luat de vint). C'est qu'en effet, un lien privilégié unit ces calusarii aux fées dangereuses de la Pentecôte : ce sont elles qui président à leurs rites. Et ce sont elles aussi qui se révèlent maîtresses des Herbes, en particulier de l'armoise ou de l'absinthe (pelin, pelinita) (artemisia vulgaris et artemisia absyntium L.), dont les noms indiquent à souhait le lien étymologique qu'entretiennent ces plantes avec Diane-Artémis. On comprend dès lors pourquoi l'herbe protectrice des Calusarii est l'armoise qu'ils placent sous leur chapeau ou à la ceinture, pour se protéger des risques de "folie" durant cette période.

[...] Mais les fées roumaines de la Pentecôte ne sont pas les seules à provoquer de telles pertes de conscience. Le phénomène a été rapproché à juste titre des transes des "Tarentulés" de la Saint-Paul, qui se déroulent à l'approche du 29 juin dans la région de Tarente (Italie du sud). Et c'est le cas également des non moins célèbres "Anastenaria" de villages macédoniens de Grèce et de Bulgarie bien qu'il s'agisse dans ce dernier cas, d'un phénomène de transe dont les liens avec une "maladie" sont moins marqués que dans les deux autres exemples. Mais il faut peut-être se souvenir du trait commun qui unit ces trois phénomènes saisonniers : ils font état d'une manifestation de "mélancolie" : que l'on pense à la racine grecque qui signifie "soupirer" (anastenaso).

Si, pour garder notre logique saisonnière, la date des Anastenaria (fête de Constantin et Hélène, au 21 mai) et celle de saint Paul des Tarentules (29 juin) se trouvent à plus d'un mois de distance, toutes deux peuvent cependant s'inscrire dans ce cycle qui semble bien s'insinuer, comme son souffle dangereux, dans cet espace aérien qui réunit saint Georges à saint Jean.

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Selon Jean-Louis Olive "Parfums magiques et rites de fumigations en Catalogne" (de l’ethnobotanique à la hantise de l’environnement), paru in Joël Thomas, Jean-Yves Laurichesse & Paul Carmignani (éd.), Saveurs, senteurs : le goût de la méditerranée (Actes du 1er Colloque du VECT, nov. 1997), Presses universitaires de Perpignan : pp. 145-195 :


Comme leurs homologues les sorcières, dont elles sont les inversions symboliques, les fées du domaine traditionnel catalan sont tantôt appelées « dames d’eau » (dones d’aigua), et tantôt « dames de fumée » (dones de fum). A l’instar de dame Pyrène elle-même, dont on a dit que le bûcher funéraire était à l’origine du grand Incendie des Pyrénées, elles détiennent le pouvoir de désertifier les garrigues incultes et les collines boisées, voire même d’embraser le pays et de faire fondre littéralement ses montagnes, réputées pour celer mines et trésors métallurgiques. Allusion chtonienne et tellurique aux puissances de l’ici-bas et de l’en-deçà, perçues et conçues comme terribles. Le ton employé par Adrienne Cazeilles est explicite, car elle nous apparaît comme une sorte de veuve emblématique du paysage dévasté de l’enfance : « Tous ces arbres dont je m’émerveillais de compter le nombre et la variété, dans ce pays qui cachait si bien ses trésors, tellement plus nombreux qu’il n’apparaissait à l’observateur superficiel, tous ces arbres sont à présent confondus dans la même horreur calcinée, tendant vers un ciel sec et impassible leurs branches noires et tordues comme pour un appel... ».

C’est précisément à ces forces destructrices que l’on opposait autrefois les parfums et les sacrifices, ou leurs fumées subtiles et volatiles, en forme d’exorcismes et d’adorcismes. A l’instar ou à l’inverse des vapeurs carboniques et sulfuriques, des esprits et éthers industriels. On imagine volontiers Notre-Dame la Méditerranée refermée sur elle-même et traversée par une alchimie de fumées allogènes, à la fois jeune et odorante, vieille et polluante. Subtilement fleurie et parfumée d’essences naturelles, culturales, cosmétiques; lourdement embaumée de fards, d’huiles et d’onguents ; mais aussi ombrée de terre, de kohl ou de mascara, et enfumée du noir de suie qui caractérise les mascarades nocturnes de l’hiver, l’intérieur de la cheminée ou l’arbre foudroyé, les vêtements du deuil qui euphémisent la vieille femme en noir, ou bien la sorcière. Saveurs et senteurs à la fois éphémères et brûlantes, résinées et acides, délicates et tragiques. Et chaque année, pour qu’il y ait encore une nouvelle année, la « vieille » part dans la fumée. La nature se commue en culture, et la culture, à son tour, dévore son paradigme. Tel est le destin prométhéen de notre civilisation, intelligible au sens, au goût et à l’odeur.

 

Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), les fées sont intimement liées au monde de la mort :


"Royaume des fées, séjour des morts : Qu'elles habitent des palais au fond des eaux, d'anciens tumuli ou tertres, sous les collines ou au creux des dolmens, les fées partagent leurs résidences avec le peuple des défunts. de la Banshee irlandaise aux dames blanches françaises, les exemples ne font pas défaut lorsqu'il s'agit d'illustrer ces êtres aussi bien fées que fantômes. Quant aux Chasses fantastiques qui épouvantent les forêts, leur cortège se compose de revenants mais aussi de fées grimaçantes et de lutins aux yeux flamboyants."

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Dans L'Oracle des Esprits de la Nature (Éditions Exergue, 2015), Loan Miège nous propose une carte intitulée "fées en leur royaume", à laquelle elle fait correspondre le petit texte suivant :


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« Apprends que les événements, situations et relations sont porteurs d'enseignements,

intègre-les et manifeste-les au monde. »

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Vivant dans une dimension parallèle à la nôtre, ces fées ont à la fois accès au plan terrestre et à d'autres dont la nature nous échappe. elles sont ici pour apprendre. La planète Terre est celle de la manifestation et offre un intérêt particulier pour bon nombre d'êtres venus étudier. Leur société est organisée et hiérarchisée selon l'expérience de chacune. le mot « fée » est trompeur, car, en fait, elles sont à la fois de tonalité féminine et masculine. Lors de ma rencontre avec elles, elles ont montré un palais richement décoré à l'allure victorienne et des accoutrements dans le même style. Leur situation était inattendue : elles étaient poussées à la guerre par des êtres de basse vibration, envahisseurs et destructeurs. L'atmosphère était tendue. Des interférences énergétiques perturbaient la communication. Il a fallu faire un effort pour qu'elles restent connectées et pour maintenir un bon niveau vibratoire dans la Lumière.


A propos du message : Parfois, la vie nous chahute. Nous voudrions sortir à tout prix d'une situation difficile et fuir le plus loin possible. Nous en voulons à la terre entière. Nous crions, pleurons... mais rien n'y fait ! Nous devons prendre notre courage à deux mains et faire face. Allons-nous entrer en conflit pour autant ? Ou y a-t-il une autre voie ? Cette voie, les fées pourraient l'appeler celle de « l'apprentissage ». Comme elles, nous sommes venus sur Terre pour apprendre. Nous vivons dans notre dimension humaine et progressons selon notre propre expérience. En considérant ce qui nous arrive sous cet angle, les choses prennent du sens et deviennent des moteurs d'évolution.

Pratique : Prenons un papier, un stylo, la carte et le nécessaire pour instaurer un espace sacré : bougie, encens, images, musique, etc. Installons-nous. Puis, jetons sur le papier la situation qui nous pose problème. Décrivons-la tout en laissant les mots se suivre les uns après les autres, d'une manière spontanée. Cela étant fait, relisons une première fois et reposons le papier. Attrapons la carte et plaçons-la entre nos paumes. Cette carte agit telle une porte entre la dimension des fées et la nôtre. Fermons les yeux. Laissons notre espace vibratoire se transformer. Connectons-nous au royaume des fées. Elle s'avancent pour nous aider et nous faire profiter de leur sagesse. Ouvrons les yeux et relisons une deuxième fois. Certains mots sonnent différemment et sortent du texte. Les fées pointent notre attention sur des aspects spécifiques. Elles nous invitent à y réfléchir. Voyons ce que cela évoque en nous. Essayons de prendre de la hauteur. Progressivement, de nouveaux éléments apparaissent et nous permettent de mieux comprendre ce qui se joue. Réécrivons la situations à la lumière de ces derniers. Il est possible que d'autres viennent. Dans ce cas, faisons des modifications jusqu'à obtenir un texte reflétant bien notre perception. Ce que nous sommes en train d'apprendre à travers la situation est maintenant sous nos yeux. Aussi difficile soit-il, cet apprentissage est un trésor qui nous permet de réparer une partie de notre être (abîmée lors d'une vie antérieure ou de celle-ci) et de monter une marche d'évolution. Finissons par mettre nos mains au-dessus du nouveau texte et baignons-le de Lumière (intention qui se manifeste dans l'invisible). Le mantra intérieur est « Acceptation et Gratitude ». remercions les fées pour leur intervention bénéfique et nous-mêmes, pour nous être donné l'opportunité d'évoluer.


Mot-clé : Apprendre.

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Selon Philippe Walter, dans Ma Mère l'Oie, Mythologie et folklore dans les contes de fées (Éditions Imago, 2017),


"Si le mot "fée" vient du latin fata "destinées", il dérive aussi du verbe latin fari signifiant "parler". Autrement dit, la fée est d'abord celle qui parle, avant d'agir. Elle est une divinité de la parole. elle est la parole incarnée et toute-puissante. Ce lien de la féerie et de la parole ordonne une part décisive de la mythologie des fées. Il s'accorde avec une conception basique de nombreux mythes : seule la divinité incarne une parole vraie car conforme à l'ordre du monde. Il en découle une réelle importance accordée à la bonne parole, à la fois dans la codification liturgique de son usage et dans la croyance en son action : pour une divinité, dire c'est agir.

Il reste à se demander si la conception de la déesse Parole particulièrement illustrée dans le monde indo-européen, et qui éclaire bien des motifs de la mythologie des fées, ne se trouverait pas également dans d'autres aires culturelles et d'autres mythologies. C'est la thèse défendue dans un ouvrage où dialoguent des spécialistes de quatre civilisations : l'Inde védique, les Géorgiens du Caucase, les Bugis de Célèbes-Sud et les Indiens Cuna du Panama [M. Détienne et G. Hamonic éd. , La Déesse Parole. Quatre figures de la langue des dieux, Flammarion, Paris, 1995]. Tiendrait-on là une sorte de conception extrêmement primitive ("archétypale" ?) pouvant remonter à notre passé intra-utérin ? La seule parole, qui nous soit vraiment première et créatrice, n'est-elle pas celle de la mère, celle entendue par le fœtus lors de l'expérience auditive prénatale ? La parole ne serait-elle alors que féminine ? Un proverbe basque a tranché : Hitzak dire emeak eta obrak harrak, autrement dit : "Les paroles sont femelles et les effets sont mâles."

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Symbolisme celte :


Voici ce que nous rapporte Ernest Bosc, auteur de Bélisama, l'ésotérisme gaulois (1910) :


"Sur les fées

Comme tous les peuples de l’Antiquité, les Celtes croyaient aux Fées, aux bons et aux mauvais génies. Pomponius Méla dénomme Garrigenæ, ce que les bardes Gallois appellent Koridgwen, où Korrigan est le nom le plus commun des fées de la Bretagne. Ce qui est curieux, c’est que le même poète latin désigne sous le même nom de Garrigenæ, les neuf Prêtresses ou druidesses de l’île de Sena. Le terme de Korrigan dérive de Korr petit, diminutif de korrik et de gwen ou Gan génie, petit génie, fée, lutin ; mais ce terme Gan signifie aussi en breton "Ingénieux", tandis que Ganaz signifie "astucieux", ce terme de Gan correspond à l’Alp Germanique, d’où est dérivé le terme Elfe ou Fée. Quant au terme Korr qui est armoricain, il s’écrit en gallois et en cornique cor, corres au féminin et en gaëlique on l’écrit Gearr, enfin le terme latin Curtus. Les termes korandon et Gwazigan sont synonymes de korrigan, de même qu’un vieux terme français Cort. La mythologie phénicienne a beaucoup d’analogies avec la mythologie celtique, aussi nous ne devons pas être autrement surpris, quand nous lisons dans Strabon (Strabon, X, pp. 466 et suiv.) les termes Carikines et Curètes, ce ne sont que les korrigans et les Correds bretons."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Les fées, qui descendent des Moires grecques et des Parques romaines, comme leur nom dérivé de fatum (destin) le montre, ont aussi une origine celtique : elles « apparaissent comme le dernier, le plus persistant, de tous les vestiges que le druidisme a laissé empreints dans les esprits ».

Si ces créatures merveilleuses appartiennent aujourd'hui aux contes, où elles sont le plus souvent bienveillantes (à l'exception de la fée Carabosse), il faut savoir qu'il y a des fées qui, usant de leurs pouvoirs à mauvais escient, sont franchement maléfiques, frappent les mortels de paralysie ou abattent le bétail. elles s'apparentent alors aux sorcières. Shakespeare a résumé, avec la Reine Mab, cette dualité :


Alors je vois que la Reine Mab vous a visisté

C'est l'accoucheuse des fées [...]

... C'est toujours cette Mab

Qui tresse la crinière des chevaux la nuit

Et dans leurs poils gluants

fabrique des nœuds magiques

Qui débrouillés font arriver de grands malheurs.

C'est la sorcière... Shakespeare, Roméo et Juliette, 1597.


Du point de vue symbolique, la fée « maîtresse de la magie, [...] symbolise les pouvoirs paranormaux de l'esprit ou les capacités prestigieuses de l'imagination. Elle opère les plus extraordinaires transformations et en un instant comble ou déçoit les désirs les plus ambitieux ».

Dans l'est de la France, la fée Herqueuche passait pour une méchante sorcière « dont l'unique occupation [était] de mal faire » : grande, raide, édentée, portant un large chapeau de paille et des haillons, elle s'attaquait aux jeunes gens qui s'attardaient le soir et donnait des coups de bâton à celles qui faisaient la lessive.

Les Bretons croyaient en l'existence de jolies fées qui entraînaient les voyageurs dans des lieux isolés, « puis au moment où les pauvres dupes se croyaient sur le point d'obtenir ce qu'ils [étaient venus chercher, les fées malicieuses les acccabl[ai]ent de railleries, de ricanements, et les abandonn[ai]ent dans les déserts où ils s'[étaient] laissé conduire ».

Dans le Quercy, les fées se métamorphosaient en chattes noires pour étouffer les bébés. En Normandie, la « Bête Avette » était une fée des fontaines qui aimait tant les enfants qu'elle les noyait afin de les garder près d'elle.

En Normandie, en Bretagne, en Ecosse, et en Irlande, les fées enlevaient les enfants dans leur berceau et les remplaçaient par leurs propres enfants, « méchants, criards, laids ». Cette croyance était communément admise par les Celtes. Certaines mères, persuadées que leur bébé était en réalité un « enfant de la fée » leur faisaient subir de mauvais traitements.

Selon une tradition très répandue - et qu'a illustrée Perrault dans La Belle au bois dormant -, il y a toujours une ou deux fées présentes au berceau du nouveau-né, qui décident de son avenir. Ces créatures sont sans doute une survivance des « Carmenes », déesses tutélaires des enfants chez les Anciens, qui présidaient à la naissance et déclamaient l'horoscope du nourrisson.

En Angleterre, au siècle dernier encore, on ne prononçait pas le mot « fée » car cela portait malheur.

Même les plus gentilles des fées doivent être traitées avec respect, sinon elles jouent des tours. Leur donner du lait est une délicate attention car c'est leur boisson favorite.

Les fées, qui habitaient les forêts (parfois les mégalithes), venaient « danser sur le gazon au clair de lune ».


« Noires, grises, vertes, blanches fées,

O joueuses du clair de lune, ombres nocturnes,

De l'immuable destinée orphelines créatures

Soyez, à votre office, à votre personnage... »


dit la reine des pseudo-fées qui, à la fin des Joyeuses Commères de Windsor, conduites par un Satyre tenant un flambeau, assaillent Falstaff et le démasquent. « Ce sont des fées ! s'écrie celui-ci, qui leur parle est mort ! »

« Fermons les yeux et face à terre ! Nul ne doit voir leur œuvre ! »

Les fées ont laissé des traces de leur passage ; il y a, en France notamment, nombre de « grottes aux fées », « roches-aux-fées », « château des fées », « fontaines des fées », « pont-aux-fées », « ruisseau des fées ». Dans les Vosges, par exemple, on montre le « Four des Fées » près du Thillot ; « Ce four, assez profond et creusé en plein roc, servait autrefois aux fées à cuire des gâteaux, des friandises, dont les bergers d'alentour avaient, paraît-il, la plus grosse part ».

Parmi les fées les plus connues, citons la Fée Morgane, sœur du roi Arthur, élève de Merlin qui lui enseigna la magie. La fée Estérelle ou Estérel - qui a donné son nom au massif ou forêt du même nom (Provence) où elle habitait - était célèbre au Moyen Âge. Elle composait des breuvages magiques qui rendaient les femmes fécondes.

La Tante Arie, que certains font dériver d'Aeria ou Junon l'aérienne, est une bonne fée du Jura et de Haute-Saône, qui récompense les enfants sages : à Noël, au jour de l'an, à l'Épiphanie, notamment, elle entre, la nuit, dans les maisons et dépose jouets et friandises sur la table. La Tante Arie répand ses bienfaits dans les foyers où règnent l'ordre et le travail ; tout en restant invisible, elle aide les mères de famille, les jeunes filles à filer, les paysans à faucher le blé et fait tomber les prunes sur les chemins.

En Wesphalie, Héra est aussi une bonne fée qui parcourt les airs entre Noël et l'Épiphanie, « répandant sur la terre l'abondance et le bonheur ».

Pour faire venir une fée « prenez d'abord un épais cristal carré, ou verre de Venise, de trois pouces de long et d'autant de large ; placez ensuite ce verre ou cristal dans le sang d'une poule blanche, trois mercredis ou trois vendredis de suite ; après cela, retirez-le et lavez-le avec de l'eau bénite, et faites une fumigation ; ensuite prenez trois baguettes de noisetier de l'année, pelez-les blanches et belles, faites-les assez longues pour y pouvoir écrire le nom de l'esprit ou de la fée que vous appelez trois fois sur chaque baguette ; après les avoir aplaties d'un côté, enterrez-les sous une colline que vous croyez fréquentée par les fées, le mercredi, avant que vous l'appeliez ; et le vendredi suivant, retirez-les, et appelez la fée à huit, dix ou à trois heures, qui sont très favorables à cet objet. Mais quand vous appellerez, que votre vie soit pure, et tournez le visage vers l'Orient. Quand vous tiendrez la fée, attachez-la à cette pierre ou au verre. »

Pour Roger de Lafforest (Présence des Invisibles, 1983), l'existence des fées ne fait aucun doute : « Elles continuent aujourd'hui, dit-il, d'interférer dans notre vie quotidienne comme elles l'ont fait au cours des millénaires passés ». L'auteur, qui a vu un jour une fée, dans une forêt proche de Paris, dresse le portrait suivant de la « fée occidentale du XXe siècle » : « Ce qui surprend tout d'abord, c'est sa petite taille. D'ailleurs, elle a des ailes de libellule, et elle volette gracieusement autour des fleurs. Son corps miniature est celui d'une fine jeune femme. Quand elle se pose, sur un brin d'herbe ou sur votre doigt, elle adopte toujours une posture gentiment érotique. Son habillement a, lui aussi, de quoi surprendre : un justaucorps, des bas noirs moulant les longues jambes de danseuse, des ballerines. La coiffure est impeccable, sans la moindre fantaisie. Rien de mystérieux, rien de magique dans cette apparence ; plutôt une espèce de style 1900, très conventionnel, genre carte postale début du siècle. »

Certaines fées « s'incarnent même dans le règne humain ; comme elles sont foncièrement féminines, ce sera toujours dans une femme qu'elles s'incorporeront le plus parfaitement ». Voici comment, toujours selon Roger de Lafforest, on reconnaît une femme-Fée :

  1. Une des caractéristiques les plus singulières de la femme-Fée, c'est qu'elle a horreur de dire son prénom. Jamais elle ne dira son nom de fée, évidemment ! Mais inexplicablement elle répugnera aussi à donner son nom de femme. Bizarre mais symptomatique.

  2. La fée choisira toujours pour s'incarner un corps de fillette ou de femme gracile, allongé, aérien, qui ne pèse pas lourd sur la terre. Si c'est un enfant qu'elle habite, elle lui communiquera, à mesure de sa croissance, une grâce légère incomparable.

  3. On reconnaît la femme-Fée à ce qu'elle sait des choses qu'elle ne devrait pas savoir et dont elle est incapable de dire comment elle les a apprises.

  4. Elle est douée d'une intuition fulgurante, qu'elle ne peut s'empêcher de manifester. On peut même dire en quelque sorte qu'elle souffre de prémonition.

  5. Malgré son apparence de gentillesse et d'insouciance, elle est terriblement rancunière : elle n'oubliera ni ne pardonnera jamais l'insulte ou même le simple manque d'égard.

  6. Elle aime exagérément la vitesse.

  7. Elle est le plus souvent insomniaque.

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*

Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :


Pour nos ancêtres les Celtes, le pouvoir magique des fées existait. Voici comment et pourquoi. La vie serait-elle un conte de fées ? Oui, sûrement. Sauf que nous avons vidé la plupart de ces contes - que l'on dit aujourd'hui de nos grands-mères avec un mélange d'affection, de nostalgie et de dérision, qui prouve à quel point tout cela n'est pas très sérieux à nos yeux lucides et réalistes - de leur sens, du subtil écho qu'ils peuvent avoir en nous, du rôle d'éveilleurs ou d'initiateurs de la conscience endormie des êtres, qu'il jouait en un temps où la transmission du savoir, des connaissances, des expériences de la vie se faisait par voie orale, et non par l'écriture.

Que savons-nous des contes de fées, des héros, des héroïnes, des personnages fantastiques qu'ils mettent en scène ? Sont-ils de purs produits de l'imagination des hommes et des femmes du passé, d'un passé si lointain que nous avons perdu jusqu'à l'origine et les raisons de ces créations tout droit issues de nos rêves communs, ou bien furent-ils inventés par quelques poètes ancestraux qui, déjà, savaient transformer la réalité souvent trop brutale en rêveries plus digestes ?

Nous ne le saurons sans doute jamais, mais nous pouvons supposer que, comme toujours dans l'histoire des hommes et des femmes, en tout conte, légende ou mythe, il y a toujours une part de vérité, de vécu, et une part de sublimation, de spéculation, de poésie pure. Essayons donc de faire la part des choses, et entreprenons ensemble une enquête au cours de laquelle nous parviendrons peut-être à démontrer que les elfes, faunes, gnomes, lutins, fadets et farfadets, toutes les fées de la forêt, ont existé, ou existent encore...

Qui sont les fairies ? Surtout, ne dites jamais ce mot à haute voix, et ne le faites pas non plus trop souvent tourner dans votre tête. En effet, le prononcer, c'est souvent invoquer ceux qu'il représente. Or on ne peut jamais présumer des intentions, actions ou réactions du "Petit Peuple" ou de ceux du "Monde du Dehors", comme on les surnomme. Ils sont capables du pire comme du meilleur, leur comportement n'étant absolument pas cohérent, leurs pensées et attitudes, leurs faits et gestes, étant imprévisibles.

Selon les légendes qui s'y rattachent, leur origine est angélique, divine ou nécromancienne. Il s'agit donc soit d'anges déchus, que Dieu, dans sa clémence, a sauvés de la destruction, et qu'il a autorisés à vivre sur Terre, soit de divinités descendues sur la Terre, vivant à la fois dans ce monde et dans l'Autre-Monde, soit de morts vivants, d'âmes errantes, ayant un pied dans la tombe et l'au-delà, et un autre sur Terre et dans le monde visible.

Toutefois, par bien des aspects, les fairies s'apparentent beaucoup aux esprits de la nature et aux génies qui, quant à eux, furent à l'origine du concept de la hiérarchie des anges - l'ange ayant aussi un rapport avec le corps astral.

C'est ainsi qu'on les rencontre souvent dans les sous-bois, les clairières, près des arbres centenaires, des sources ou des étangs, au cœur des forêts impénétrables, dissimulés par les hautes fougères, les buissons ou dans la brume, qu'ils sont ainsi les maîtres d'un lieu ou d'un endroit précis, et qu'ils exercent certains pouvoirs en correspondance avec les grandes forces de la nature et les éléments.

Toutefois, les fées de la forêt, les elfes, lutins, gnomes, faunes, fadets et farfadets, qui sont aussi considérés comme des fées - d'où leur nom d'origine anglo-saxonne de fairies - , présentent d'autres particularités que l'on ne trouve pas chez les génies, les esprits de la nature ni chez les anges : ils ont des qualités humaines, souvent outrancières ou caricaturales.

C'est ainsi que les psychanalystes américains Bruno Bettelheim et allemande Marie-Louise von Franz ont vu dans les personnages des contes de fées des caractéristiques inhérentes aux comportements humains et inconscientes (lire à ce sujet : Bruno Bettelheim, La Psychanalyse des contes de fées, éditions Robert Laffont, 1976 et Marie-Louise von Franz, L'Interprétation des contes de fées, éditions Albin Michel, 1995).


Une brève historie des fairies et l'origine d'halloween. De nos jours, seuls les Bretons, les Écossais, les Gallois et les Irlandais ont su préserver les traditions et croyances de la grande culture celtique. Or nous savons que les Celtes s'adonnaient à des cultes naturistes, qu'ils dédiaient aux grands éléments de la nature : les forêts, montagnes, collines, sources, rivières lacs, étangs, plantes, herbes, animaux, etc. L'un de ces cultes se produisait durant la nuit de Samain, le 1er novembre, le premier jour de l'année lunaire celtique.

Selon la légende, cette nuit-là, les fairies, héritiers des dieux, maîtres de la magie, tantôt malicieux ou méchants, tantôt généreux et bienveillants à l'égard des humains, quittaient le monde visible pour retourner dans leur univers, le royaume mythique de Sid, l'Autre-Monde. Ils étaient alors particulièrement actifs et omniprésents, dans les forêts, durant la nuit de Samain, et le peuple celte partait à sa rencontre, pour danser, chanter, s'enivrer avec eux, nus le plus souvent, fêtant à la fois leur nouvelle année et le passage des fairies d'un monde à un autre. Il s'agissait de la fameuse nuit d'Halloween, qui, à l'origine donc, était honorée dans toute l'Europe celtique !

[...]

Les fées, comme les anges, étaient-ils des bons génies et des esprits de la nature. Comment sont-elles devenues des sorcières ? Aujourd'hui, nous sommes tous d'accord pour dire que la fée et la sorcière en sont que des personnages de contes dont toute personne adulte, raisonnable et sensée sait qu'ils n'ont aucun fondement réel. Et si nous possédons quelques vagues informations historiques à propos de chasses aux sorcières qui se seraient produites au cours du Moyen Âge, là encore nous avons tendance à croire qu'il s'agissait plutôt d'un fantasme malveillant, ou d'une forme de puérilité dans l'esprit de nos ancêtres, que d'une traque au démon. Car nous sommes convenus de croire et de dire que le démon n'existe pas. Mais en sommes-nous si sûrs ?


Les sorcières et l'inquisition. Certes, si nous voulons donner au démon ou à ce que nous entendons comme tel - c'est-à-dire au Diable, aux forces du mal, aux puissances des ténèbres, etc. - une ou des figures réelles, nous sommes bien obligés de nous plonger dans notre passé et de nous référer aux images de l'Europe des XVe et XVIe siècles, qui furent ceux de la chasse aux sorcières et aux démons.

Poussés par un fanatisme religieux dont s'inspirent, sans le savoir peut-être, les intégristes contemporains de toute croyance ou religion, les grands et petits inquisiteurs d'alors torturèrent, brûlèrent, massacrèrent tous ceux et celles qui, à leurs yeux, n'étaient pas en odeur de sainteté et ne se conformaient pas aux règles, aux lois, aux normes d'un ordre religieux qui se montrait alors totalement arbitraire et tyrannique. De telles abominations ont été commises au nom de l'amour et de la foi, dans toute l'Europe - notamment en Allemagne et en Espagne -, durant cette sombre période, qu'elles ont marqué notre imaginaire et notre mémoire de leur sceau.

Ainsi, lorsque nous faisons allusion aux sorcières ou que nous nous les représentons, nous le voyons toujours tells que furent contraintes de se décrire, sous la torture, ces femmes dénoncées, traquées, condamnées avant même d'être jugées, dans la seconde moitié du XVe siècle, au sortir de la guerre de Cent Ans : femmes nues ou vêtues de noir, chevauchant un bâton, un manche à balai ou un animal monstrueux, produisant des maléfices, jetant des sorts, ayant bien sûr signé un pacte avec le Diable dont elles portaient des marques sur le corps.


De la fée à la sorcière. Toutefois, l'histoire et la naissance des fées sont bien antérieures à cette période noire et troublée de l'Inquisition. Car il est clair que, à partir du XIVe siècle, on assista à un pillage orchestré des croyances, des connaissances, des mythes et des symboles qui furent ceux de nos ancêtres et dont nous avons la nostalgie parce que sans eux, nous manquons cruellement de repères, nous ne savons plus d'où nous venons, qui nous sommes ni où nous allons. Les fées peuvent-elles nous aider à les retrouver ?

Sans doute, c'est même la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous assistons à un regain d'intérêt pour tout ce qui nous fait rêver, qui peut nous éloigner de ce monde confortable matériellement, mais inconfortable moralement, spirituellement et de plus en plus désenchanté. En effet, à l'origine, les fées avaient les mêmes attributions, les mêmes pouvoirs, et l'on pourrait dire les mêmes devoirs et responsabilités, que ceux que nous attribuons aujourd'hui aux anges gardiens. Elles étaient assimilées aux bons génies des lieux, des bois, des forêts, des vallées, des sommets des collines, des monts, des montagnes, des sources, des rivières, des rochers, des grottes. Lorsque les Romains envahirent la Gaule et l'Europe des Celtes, ils donnèrent ces génies, le plus souvent figurés sous les traits de femmes et auxquels s'adressaient les druides, le nom de fati ou fata, "la déesse de la destinée", dérivant du latin fatum, 'le destin', dont dérive notre nom de "fée".

De la fileuse de destinée qu'est la fée qui tisse les mailles du destin de l'enfant dans le ventre de sa mère à la jeteuse de sort qu'est la sorcière, il n'y avait qu'un pas que les esprits bornés, avides de pouvoir et de richesse franchirent pour se donner raison en commettant les mires horreurs. Surtout que la femme fée avait la réputation d'être capable de se métamorphoser, de prendre l'apparence d'une renarde, d'une belette, d'une biche ou d'une licorne, qu'on lui attribuait des pouvoirs surnaturels tels que procurer la fortune et l'amour, guérir miraculeusement les malades et les blessés, séduire les hommes et s'unir à eux pour avoir des enfants magiciens, ou leur donner force, courage, héroïsme, victoire dans les combats guerriers, toutes vertus suspectes.

[...]

C'est ainsi que les esprits féminins de la flore et de la faune de l'Europe celtique, les bons génies de nos ancêtres, auxquels les femmes surtout rendaient grâce, se transmettant oralement, de génération en génération, les rites, les usages et les connaissances acquises depuis des siècles - notamment dans le domaine de la médecine empirique des simples (ce qu'aujourd'hui nous appelons phytothérapie ou soins par les plantes) - furent, dès le XIIe siècle, assimilés à des esprits mauvais par l'introduction de la procédure inquisitoriale de la bulle Vergentis in senium du pape Innocent III, mais surtout à partir du XVe siècle où elles furent considérées comme un véritable fléau en Europe. Les fées devinrent ainsi des sorcières.

"Parmi les fées les plus connues, citons la fée Morgane, sœur du roi Arthur, élève de Merlin qui lui enseigna la magie. La fée Esterelle ou Estérel - qui a donné son nom au massif d'une forêt du même nom (Provence) où elle habitait - était célèbre au Moyen Âge Elle composait des breuvages magiques qui rendaient les femmes fécondes. (Eloïse Mozzani, Le Livre des superstitions, Robert Laffont, 1995, d'après A. de Chesnel, Encyclopédie théologique, Éditions Lechevalier, 1856)."

*

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Selon les recherches de Carole Chauvin-Payan qu'elle communique dans le préprint de l'article intitulé "Les noms populaires des champignons dans les populations européennes mycophobes" (Quaderni di Semantica, 2018, Perspectives de la sémantique, pp. 159-189) :


Si aujourd’hui, le phénomène des ronds de champignons, ronds de sorcières, cercles de fées, corros de hadas, corros de brujas s'explique par le fait que lorsqu’un mycélium s'installe dans la prairie, il fructifie là où il est, et qu’une fois le sol épuisé, il s'étendra et ainsi de suite tous les ans, pendant très longtemps les ronds de sorcières ou cercles des fées ont donné lieu à toutes sortes de croyances et de superstitions. Les ronds de champignons ont souvent été considérés comme des lieux de rassemblements des danses des fées ou des lieux de sabbats des sorciers et du diable.

Selon G. Kastner [1858 : 106] “Les traditions celtiques nous représentent les Fées comme également adonnées à la danse. La place où elles ont dansé est aisément reconnaissable ; elle est circulaire, et l’herbe y est comme brûlée. C’est ce que le peuple appelle cercle de fées. […]” Selon E. Rolland “Les cercles mystérieux que forment les pas de fées, dans leurs rondes nocturnes, passent, en beaucoup d'endroits, pour des asiles inviolables, toutes les fois que, sous le coup d'un danger quelconque, tel que poursuites de bêtes malfaisantes, embûches et attaques de Georgeon (le diable) et de ses suppôts, on est à portée de s'y réfugier. (Croyances du Centre) [1967 : 179] ” En Aveyron, et dans d’autres nombre de régions, il est dit que l’herbe ne croît plus où les fées ont dansé, ces lieux s'appellent les bals des fées [1904-1907, réed. 1968 : 201-203]. Mais près de Mont-Fol, il est aussi dit qu’une partie de prairie où les sorcières tiennent leur sabbat est sans herbe. Au revers du Puy de Pège, entre la chapelle et la bastide, le chemin du Diable est une sorte de cercle où l'herbe ne peut pousser; les gens du pays disent que c'est autour de ce cercle que Satan et ses adeptes viennent danser chaque nuit.

En Côtes d’Or, fées, sorciers, lutines et diable se retrouvent ensembles dans ces cercles. “C'est là disent les vieillards, que se tient le sabbat, où lutins et sorciers, fées et diables, se réunissent au clair de lune et dansent des rondes qui forment des cercles magiques où l'herbe se dessèche sous leurs pieds. Cette croyance s'appliquait tout particulièrement à l'un des plus réguliers, que l'on voyait au Vic du Chastenay, non loin d'une voie romaine appelée Chemin des fées, d'un arbre légendaire, et d'un lieu dit la Grosse-Borne, ce qui semble indiquer la présence, au temps jadis d'un menhir […]. [Sébillot, 1904-1907, réed. 1968 : 202-204] ”

Pour certains, les danses des fées ou les sabbats de sorcières que nous avons présentées ci-dessus sont d’anciens vestiges de cérémonies païennes. Pour Kastner [1858 : 109] :


“Tout ce qu’au moyen-âge on a raconté des danses et des sabbats de sorcières a très probablement son origine dans les mythes dont nous avons parlé sur la danse des Elfes, des Fées et des Nains. D’anciens contes qui remontent au XIVe siècle, mettent en scène des femmes nocturnes Nachtfrauen, qui sont au service de dame Holda, et qui, pendant certaines nuits, traversent les airs, montées sur des animaux. […] Holda présidait les danses. On entendait près des montagnes l’orchestre du bal mystérieux exécutant l’air favori de la déesse, le merveilleux chant d’Holda. Personne n’ignore le rôle que jouait la danse dans certaines cérémonies religieuses du paganisme. […] C’est dans ces danses païennes, dans les danses aériennes des Elfes, et peut-être dans le sautillement des feux follets que l’idée des rondes de sorcières a pris naissance.”


Pour cet auteur, les esprits enchanteurs des peuples du Nord : fées, lutins, elfes et nains ainsi que les cérémonies et fêtes qui leur étaient associées sont devenus avec le christianisme des objets malfaisants. Il écrit :


“L’endroit où se tenaient les rondes infernales était presque toujours un de ces lieux maudits où le christianisme avait eu à détrôner quelques divinités des anciens cultes. […]. Le Venusberg, d’où s’échappent les accords d’une musique mystérieuse, est le séjour enchanté d’une Vénus germanique présidant aux joies impures de l’amour des sens. Ceux qui s’abandonnent aux séductions de dame Vénus, qui se rendent aux fêtes célébrées en ce lieu, et qui prennent part aux rondes des esprits diaboliques dont cette reine reçoit les hommages, sont à leur tour frappés de réprobation. [1858: 38]» Cette réprobation de la religion chrétienne a fait que les danses des fées sont devenues pour la population des sabbats de sorcières. ”


Selon Kastner ces mythes et croyances expriment en général l’horreur qu’inspirent les croyances et pratiques du paganisme aux prêtres chrétiens. Ils vont de pair avec cette autre série de mythes qui transforment en une chasse éternelle la procession d’Odin ou Wuotan, disant que ce dernier était maudit pour avoir assuré qu’il donnerait sa part au paradis s’il pouvait être éternellement à la chasse. “Voilà comment la superstition chrétienne arriva peu à peu à confondre de simples mortels avec des êtres qui autrefois étaient considérés comme des êtres immatériels et comme des divinités d’un ordre inférieur. Bientôt, on compta même parmi cette troupe d’esprits, les enchanteresses ou sorcières humaines, désignant par ce terme certaines vieilles femmes de mauvaise réputation restées plus ou moins attachées à des cérémonies, à des pratiques toutes païennes. [1858 :111] ”

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Sylvain Tesson, auteur de Avec les Fées (Éditions des Équateurs / Humensis, 2024) renouvelle le sens du mot "fée" :


L'été commençait quand je paris chercher les fées sur la côte atlantique. Je ne crois pas à leur existence. Aucune fille-libellule ne volette en tutu au-dessus des fontaines. Le monde s'est vidé de ses présences. Au XIIe siècle, les hommes cheminaient au milieu des visions.

Un Belge pâle, Maeterlinck avait dit : « C'est bien curieux les hommes... Depuis la mort des fées, ils n'y voient plus du tout et ne s'en doutent point. »

Le mot fée signifie autre chose. C'est une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d'attraper le monde et d'y déceler le miracle. Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles d'un hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de bête : là sont les fées.




Littérature :


J. M. G. Le Clézio, dans son roman Alma (Gallimard, 2017) nous parle des fées de l'île Maurice :


Aditi ne répond pas. "Quand j'étais petite fille, mon grand-père me racontait qu'il allait toujours dans la forêt, à son époque il n'y avait pas de cartes, pas de secteur protégé, il pouvait aller où il voulait sans rencontrer personne, seulement les singes et les cochons marron. Il partait toute la journée, quelquefois il passait la nuit en forêt, il disait qu'il entendait des voix, des pleurs, des cris, il racontait que c'étaient les fées, elles cherchaient les points d'eau, comme les marrons autrefois quand ils étaient poursuivis par l'armée des planteurs. Tu connais Grand Bassin, tu vois tous ces temples et ces machins, et la statue géante de Shiva avec son trident ?" Elle hésite comme si elle livrait un secret. "C'est mon ancêtre Ashok qui a découverte le lac, au siècle dernier. C'est lui qui l'a vu la première fois, il courait dans la forêt, comme tous les enfants de son âge, et il est arrivé là, par hasard, les Péris se baignaient dans le lac, alors il a nommé l'endroit Péri Talao, le lac des fées, et maintenant ça s'appelle Grand Bassin..." Je dis : "S'il revenait maintenant, il serait étonné de voir ce que c'est devenu." Aditi ne répond pas à cette remarque. Elle n'est pas de ces gens qui parlent pour avoir l'air intelligent.

 

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Arts visuels :



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