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Le Chèvrefeuille



Étymologie :


  • CHÈVREFEUILLE, subst. masc.

Étymol. et Hist. Ca 1180 chievrefeuil (M. de France, Lais, Chv., 2 ds T.-L.) ; 1680 chèvrefeuille (Rich.). Du b. lat. caprifolium littéralement « feuille de chèvre » attesté au sens de « chèvrefeuille » apr. le viie s. (Scholies de Térence ds TLL s.v., 359, 80), v. André Bot., puis au xe s. au sens de « troène » (CGL t. 3, 592, 5).


Lire également la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Lonicera caprifolium et Lonicefera periclymenum - Barbe de chèvre - Barbe de crabe - Bigaoudier - Bois de biéri - Bois-la-chèvre - Bois de tuyaux de pipe - Brou de chèvre - Broute-biqué - Cherfé - Chévertin - Chèvre-biche - Chucherolle - Chuchette - Crabe-huch - Fleur à sucre - Fleur de lait - Fleur de miel - Herbe de la Pentecôte - Lait de cabe - Lait de la Bonne-Vierge - Lonicère - Miche aux chèvres - Oriolain - Pâque laitée - Pattes de glènes - Pattes d'araignées - Périclymène - Poujo-crabo - Rampioule - Saut-de-mouton - Saute-buisson - Suço - Vervinde -

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Botanique :


Hugues Demeude, dans Les Incroyables Pouvoirs de la Nature (Éditions Arthaud, 2020) nous fait découvrir la mobilité des plantes :


Le chèvrefeuille des bois, une liane grimpante volubile


S'ils se déplacent d'innombrables manières, les animaux n'ont pas pour autant le monde de la mobilité. Comme nous l'avons vu à plusieurs reprises dans les parties précédentes au sujet de leur pouvoir de dispersion et de croissance, les végétaux ne sont ni végétatifs ni immobiles. Les enfants en sont du reste les premiers persuadés après avoir fini la lecture du conte populaire anglais Jacques et le haricot magique qui met en scène une plante capable de pousser jusqu'au ciel.


Souvent, nous faisons l'expérience de cette mobilité des plantes de façon plus familière. Qu'elles soient à fleurs, à feuillages persistants, ou fruitières, les plantes grimpantes nous environnent au quotidien. La puissante glycine « déroulant ses ardeurs opalines » comme l'écriait Colette, le jasmin, la clématite, la bignone, le lierre, le mûrier ou la vigne sont autant de plantes qui font preuve de mouvement en se hissant, s'agrippant, s'enroulant. Elles vont voir ailleurs pour bientôt y être et s'y maintenir, avant de poursuivre encore leur chemin.

Darwin s'est beaucoup intéressé à ces mécanismes de physiologie végétale qui mettent en oeuvre la mobilité. Après s'être consacré à partir de 1859 au sujet de la pollinisation, il a ensuite publié pas moins de trois livres sur la question du mouvement chez les plantes : Les Mouvements et habitudes des plantes grimpantes (1865), Les Plantes insectivores (1877), et La Force motrice dans les plantes (1880), livre capital qui a largement inspiré les recherches au début du XXe siècle et a débouché sur la découverte de l'hormone de croissance végétale - l'auxine.

Le premier mécanisme décrit par Darwin consiste pour la plante à jouer les acrobates en s'allongeant. Comme le fait le chèvrefeuille des bois qui est considéré comme une liane avec ses tiges qui s'étire jusqu'à 6 mètres de long. « Cette mobilité nommée "circummutation" par Darwin résulte de variations successives des taux de croissance des différentes faces de l'organe » [ « Ces plantes qui bougent et qui grimpent », Espèces, Museum national d'histoire naturelle, juin 2017], explique la journaliste scientifique Christine Dabonneville.

Le chèvrefeuille des bois est une plante grimpante dite volubile, c'est-à-dire qu'elle enroule sa tige autour d'un support. Cet enroulement correspond au deuxième mécanisme propre à toutes les plantes grimpantes : celui qui consiste à s'accrocher. « Si la tête chercheuse rencontre un obstacle, le mouvement se modifie et permet l'enroulement de la tige ou de la vrille autour du tuteur ou du point d'ancrage, observe Christine Dabonneville. Les vrilles sont donc sensibles au toucher. »

Le biologiste Guillaume Lecointre a apporté un éclairage intéressant sur cet enroulement dans un article publié sur son site Zoom Nature.fr :

« Toutes les plantes volubiles ont une propriété remarquable : pour une espèce donnée, tous les individus (en principe) tournent toujours dans le même sens lors de l’enroulement de leurs tiges ! Pour apprécier le sens de ce mouvement, il faut s’accorder sur les points de repère dans l’espace selon le l’angle de vue : par convention, on se place au-dessus du support et on regarde en direction de la tige en croissance (comme si elle allait nous enserrer !). Si l’enroulement se fait dans le sens des aiguilles d’une montre, on parle de liane dextrose (dextre pour droite car l’aiguille va vers la droite) ; pour l’inverse, on parle de liane sinistrose (sinistra = gauche). Tous les chèvrefeuilles grimpants sont dextrorses ce qui est assez rare dans le monde végétal, la majorité des volubiles étant sinistroses. »


Une liane serpent dans nos forêts », https://www.zoom-nature.fr/une-liane-serpent-dans-nos-forets/ ]

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


CHEVRE-FEUILLE. On a longtemps raconté qu'un chèvre-feuille qui perçait la pierre du tombeau d'Abeilard et d'Héloïse, au Paraclet, ne fleurissait jamais que pendant les temps d'orage.




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Printemps - Avril.

CHÈVREFEUILLE DES JARDINS - LIENS D'AMOUR.

La faiblesse plait à la force, et souvent elle lui prête ses grâces. J'ai quelquefois vu un jeune chèvrefeuille attacher amoureusement ses tiges souples et délicates au tronc noueux d’un vieux chêne ; on eût dit que ce faible arbrisseau voulait, en s'élançant dans les airs, surpasser en hauteur le roi des forêts ; mais bientôt, comme si ses efforts eussent été inutiles, on le voyait retomber avec grâce et environner le front de son ami de doux festons et de guirlandes parfumées. Ainsi l'amour se plait quelquefois à unir une timide bergère à un superbe guerrier. Malheureuse Desdemona ! c'est l'admiration que t'inspirent le courage et la force, c'est aussi le sentiment de la faiblesse qui attache ton cour au terrible Othello ; mais la jalousie vient te frapper sur le sein même de celui qui devait te protéger. Voluptueuse Cléopâtre, tu subjuguas le fier Antoine, et le sort n'épargna ni tes charmes ni la grandeur de ton soutien. Renversés du même coup, on vous vit tomber et mourir ensemble. Et toi, humble et douce La Vallière, l'amour du plus grand roi put seul subjuguer ton faible cœur et l'arracher à la vertu. Pauvre liane, le vent de l'inconstance te priva bientôt de ce cher appui, mais tu ne rampas jamais sur la terre ; ton noble cœur, élevant ses affections vers le ciel, sut porter son tendre hommage à celui seul qui est digne d'un immortel amour !

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Chèvrefeuille des jardins - Lien d’amour.

Cette plante s’attache au chêne, comme la femme à l'homme qu’elle aime et qui la protège dans sa faiblesse.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


CHÈVREFEUILLE - LIENS D'AMOUR.

Qui pourra nous séparer de l'amour de Jésus-Christ ? Sera-ce l'affliction, les angoisses, la faim, la nudité, les périls, les persécutions ou le glaive ? Mais parmi tous ces maux nous triomphons par la vertu de celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie , ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la violence... ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ Notre- Seigneur.

Romains, VIII, 35-36.

Les deux espèces les plus remarquables de ce genre sont le chèvrefeuille des jardins et le chèvrefeuille des bois. Le chèvrefeuille des bois est un fort joli arbrisseau que l'on rencontre très souvent dans les bois, dans les haies et les lieux couverts. Les tiges sont grêles, velues et flexibles, et embrassent les corps environnants qui leur servent d'appui. Ses fleurs sont grandes, d'un blanc nuancé de jaune et de rouge, et d'une odeur suave ; elles naissent en bouquets au sommet des rameaux et paraissent au commencement de l'été. – Outre les charmes que ce chèvrefeuille répand dans les bosquets champêtres, on dit que sa racine fournit une couleur bleu de ciel, que ses jeunes rameaux peuvent aussi être employés dans l'art tinctorial. On fabrique avec ses tiges et ses branches des dents pour les herses, des peignes pour les tisserands, des tuyaux de pipes à fumer.

Le chèvrefeuille des jardins est un arbrisseau sarmenteux , garni de feuilles opposées, sessiles, ovales, d'un vert glauque en dessous. Les feuilles placées vers le sommet des tiges se soudent ensemble par la base. Les fleurs sont belles, d'un doux parfum, blanches intérieurement, teintes de pourpre en dehors, disposées en bouquet terminal, composé d'un ou deux verticilles feuillés à leur base. Les rameaux sont verdâtres, longs et flexibles, et se soumettent à toutes les formes qu'on veut leur donner. Appliqués contre les murs, ils en masquent la nudité ; ils garnissent les treillages, suivent le contour des berceaux ; ou enlacés autour des arbres parmi leurs branches, ils pendent en guirlandes, chargés de fleurs rouges. La tige, quoique grimpante devient, quand on l'exige, un charmant petit arbrisseau de caisse ou de parterre. Cette espèce de chèvrefeuille croit dans les vignes et dans les bois des provinces méridionales. On la cultive également dans les bosquets et dans les parterres.


RÉFLEXION.

Tout ce qui, dans nos pensées, dans nos paroles, dans nos actions ne tend pas à reproduire les traits de Jésus-Christ, ne peut que défigurer son image qui est en nous.

(SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


CHÈVREFEUILLE - LIENS D'AMOUR.

Le chèvrefeuille est un genre de plante dont les fleurs sont monopétales et disposées en rayons. Chaque fleur est un tuyau fermé en bas, évasé par le haut, et découpé en deux lèvres. Le calice a la forme d'une petite grenade.

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Chèvrefeuille - Liens d'amour.

Le chèvrefeuille enlace amoureusement ses tiges souples autour du chêne, de l'orme et du charme. Il semble réclamer de l'arbre l'appui qu'une femme aimante demande à l'homme qui doit la protéger dans sa faiblesse. Le chèvrefeuille est encore désigné sous le nom de fleur de miel, exprimant ainsi combien il est doux de s'aimer. C'est à lui que s'adressent les vers suivants :

Aimez longtemps, aimez, madame !

Aimez sans honte et sans affront.

L'amour est dans une belle âme,

Comme une fleur sur un beau front.


Dieu, qu'on devine en toutes choses,

Dans le soleil qu'il donne au jour,

Dans le parfum qu'il donne aux roses,

Se voit tout entier dans l'amour.


L'amour, c'est la blanche corbeille

Où toujours on trouve une fleur ;

Ce n'est qu'un son pour notre oreille,

Mais c'est un chant pour notre cœur.


C'est sur un Océan sans grève,

Où tout est sombre, où tout est noir,

La chanson qui donne le rêve,

La chanson qui donne l'espoir.


Aimez ! L'amour, c'est la croyance :

C'est un ciel presque toujours bleu !

C'est encor la plus belle stance

Du vaste poëme de Dieu.


Vous seule entendez tout entière

La voix conseillant chaque jour ;

Car l'un croit qu'elle dit : Prière !

L'autre croit qu'elle dit : Amour !

Cette voix dit : Il faut que l'âme,

C'est le Seigneur qui l'a voulu,

Joigne à l'amour qui fait la femme

La prière qui fait l'élu.


Suivez donc ce double mystère,

Cueillez la double fleur de miel ;

Amour ! c'est la fleur de la terre,

Prière ! c'est la fleur du ciel. ALEXANDRE DUMAS FILS.

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


CHÈVREFEUILLE DES JARDINS : Liens d'amour.

« J'ai quelquefois vu un jeune chèvrefeuille attacher amoureusement ses tiges souples et délicates au tronc noueux d'un vieux chêne ; on eût dit que ce faible arbrisseau voulait, en s'élançant dans les airs, surpasser en hauteur le roi des forêts ; mais bientôt, comme s'il eût senti ses efforts inutiles, on le voyait retomber avec grâce et couronner le front de son ami de doux festons et de guirlandes parfumées.

 

D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


CHEVREFEUILLE. — D’après une communication de M. Sébillot, dans la Bretagne française, on plante (et surtout on plantait) des mais ou verts, devant la porte des jeunes filles ; si on n’en met pas, c’est que personne n’aime la jeune fille, ou que sa vertu est soupçonnée. Le bouquet a des fleurs emblématiques — le chèvrefeuille (en patois gallot cherfeu) veut dire chère fille ; le thym, putain, etc. Le mai doit être en épine blanche, sans fleur ni bouton ; s’il y avait des fleurs épanouies, cela voudrait dire que la fille n’est plus vierge.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Chèvrefeuille (Lonicera caprifolium et Lonicera periclymenum) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Jupiter

Élément : Terre

Pouvoirs : Argent ; Pouvoirs psychiques ; Protection


Utilisation magique : Du Chèvrefeuille dans la maison est toujours bénéfique; vous pouvez en faire de grands bouquets tout l'été. Mais si votre but précis est un gain d'argent, il est encore conseillé d'allumer une bougie verte que l'on fait brûler au milieu d'un amas de Chèvrefeuille en fleurs. On s'assied devant ce bouquet illuminé et, contemplant fixement la flamme à travers l'enchevêtrement du feuillage et des inflorescences, on pense très fort, le plus longtemps possible, à cette somme que l'on souhaite faire rentrer.

Pour renforcer les pouvoirs psychiques et favoriser, par exemple, la montée des images mentales, on écrase délicatement une poignée de fleurs fraîches; puis on se masse le front, les tempes, la nuque et le cou avec cette pâte juteuse et odorante.

Si du Chèvrefeuille pousse à l'état sauvage aux abords de votre domicile, c'est un excellent signe : vous habitez un lieu privilégié où les vibrations telluriques sont très bonnes. Le test contraire est tout aussi juste : dans un endroit franchement mauvais, cette plante grimpante dépérira toujours et finira par mourir de façon apparemment inexplicable, en dépit de tous les soins que vous lui aurez donnés pour essayer de l'acclimater dans votre jardin.

Faites grimper un Chèvrefeuille sur votre porche, au-dessus de la porte d'entrée; son odeur suave, particulièrement forte pendant les chauds crépuscules d'été, gardera à distance non seulement les fièvres et miasmes, mais aussi « Celles et Ceux dont il vaut mieux ne pas parler ».

Seules les jeunes filles peuvent toucher au Chèvrefeuille ; Si une vieille y touchait, elle tomberait amoureuse de quelqu'un.

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi le Chèvrefeuille :

Mot clef : Attachement éternel

Le jour que le roi s'en alla,

Tristan est revenu au bois,

Sur le chemin où il savait

Que le cortège devait passer.

Il trancha un coudrier par le milieu

Et le tailla en carré.

Quand il eut paré le bâton,

De son couteau, il écrivit son nom. [...]

De tous d'eux il en était

Comme du chèvrefeuille

Qui au coudrier se prenait :

Quand il s'est enlacé et pris,

Et tout autour du tronc s'est mis,

Ensemble ils peuvent bien durer,

Mais si l'on veut les séparer,

Le coudrier meurt rapidement

et le chèvrefeuille également.

« Belle amie, ainsi en est de nous :

Ni vous sans moi, ni moi sans vous ! »


Marie de France (1154-1189), Le Lai du chèvrefeuille.


Les rameaux ligneux du Chèvrefeuille s'enroulent sur les supports les plus abrupts, et c'est peut-être cette agilité de chèvre qui lui a valu son nom - à moins qu'il n'évoque le goût de ces animaux à barbichette pour les feuilles de Lonicera. Quoi qu'il en soit, les poètes et les amoureux ont toujours été sensibles à son parfum suave. La légende veut qu'un Chèvrefeuille ait brusquement surgi du tombeau d'Héloïse et Abélard, symbole de l'union indissociable des amants dans la vie éternelle.

Le Chèvrefeuille est très fréquent dans les haies de nos chemins, et l'on dit qu'il assure la protection de la maison près de laquelle il s'épanouit et exhale ses capiteux effluves.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Le chèvrefeuille a des pouvoirs de protection : c'est pourquoi il est recommandé d'en avoir chez soi. Celui qui pousse de manière spontanée près de la maison est également bénéfique : il signifie que « vous habitez un lieu privilégié où les vibrations telluriques sont très bonnes ». A l'inverse, lorsqu'un chèvrefeuille se refuse à prospérer dans un jardin et dépérit sans raison, c'est que le lieu est « franchement mauvais ».

Pour se protéger des fièvres, des miasmes, et de « celles et eux dont il vaut mieux ne pas parler », il suffit de faire grimper la plante sur sa porte d'entrée : « Mais si votre but précis est un gain d'argent, il est encore conseillé d'allumer une bougie verte que l'on fait brûler au milieu d'un amas de chèvrefeuille en fleur. On s'assied devant ce bouquet illuminé et, contemplant fixement la flamme à travers l'enchevêtrement du feuillage et des inflorescences, on pense très fort, le plus longtemps possible, à cette somme que l'on souhaite faire rentrer ».

Se passer des fleurs fraîches de chèvrefeuille sur le front, les tempes, la nuque et le cou renforce les pouvoirs psychiques.

Si une vieille femme touche cette plante, elle tombe amoureuse.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : L'attachement ; La longévité.


Savez-vous ? : Déjà connue par les Égyptiens, les Grecs, les Romains et les Arabes, cette fleur était appréciée pour ses vertus curatives mais également ses essences délicates. Autrefois, en Bourgogne, offrir un bouquet de chèvrefeuille à une jeune fille était une véritable insulte. Cela sous-entendait qu'elle était de mœurs légères. Le chèvrefeuille peut vivre en pot pendant quarante ans ! A cause de ses tiges qui se mêlent et s'entremêlent, le chèvrefeuille est depuis toujours l'emblème d'un amour durable.


Légendes : La légende voulait qu'un chèvrefeuille poussa sur la tombe d'Héloïse et d'Abélard. Depuis, l'enchevêtrement de ses tiges symbolise les étreintes des amoureux. Dans la campagne française, on disait qu'une maison construite au même endroit qu'un chèvrefeuille serait une maison robuste. Offrir au pied de chèvrefeuille est le gage d'une amitié qui résistera au temps. En revanche, le chèvrefeuille rouge ne s'offre qu'entre époux, en référence à la tendre longévité de leur union.


Message : Ni vous sans moi, ni moi sans vous."

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Editions Québec-Livres, 2013), présente ainsi le Chèvrefeuille (Lonicera caprifolium) :


"Il s'agit d'une plante grimpante aux brillantes fleurs orangées ; celles-ci font le délice des oiseaux-mouches qui se délectent de leur nectar. Elle fleurit de juin à août.


Propriétés médicinales : C'est dans le système chinois que l'on retrouve les propriétés médicinales de cette plante. Ses feuilles et sa tige sont associées aux méridiens du cœur et des poumons. C'est une herbe utilisée pour réduire la fièvre et faire baisser la température du corps. En infusion, elle désintoxique le corps et ouvre les méridiens afin que l'énergie puisse circuler librement. On s'en sert également pour traiter la dysenterie et l'hépatite virale.


Genre : Masculin.


Déités : Déméter - Perséphone.


Propriétés magiques : Argent - Pouvoirs psychiques.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • Elle favorise les gains d'argent au travail et au jeu.

  • Elle accentue les pouvoirs psychiques et permet parfois de découvrir des talents latents.

  • L'huile essentielle de cette plante active les vibrations de la chance chez celui ou celle qui la porte.

CHAUDRON DE CERRIDWEN (pour entrevoir l'avenir) :

Ce dont vous avez besoin :

  • huile essentielle de chèvrefeuille

  • une chandelle blanche

  • un récipient

  • de l'eau de source

  • une baguette de cerisier ou de chêne

Rituel : Allumez votre chandelle et l'encens. Versez quelques gouttes d'huile essentielle dans un récipient rempli d'eau de source, que vous agitez trois fois du bout de votre baguette en répétant :


Cerridwen, Cerridwen,

Par les pouvoirs du chèvrefeuille

Ouvre-moi les portes de l'avenir

Afin que je découvre ce qui me concerne.


Installez-vous confortablement et regardez dans le chaudron, des images s'y formeront pour vous.

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Contes et légendes :


Jacques Lefrêne (pseudonyme d'Elie Reclus), auteur de Physionomies végétales, Portraits d'arbres et de fleurs, d'herbes et de mousses (In : La Science sociale, 1er avril-19 août 1870 ; Éditions Héros-Limite, 2012) raconte "Les Amours du Rouvre et de la Lonicère" :


Dans la forêt de Meudon poussait un jeune chêne, droit et fier, vigoureux. Moi aussi, pensait-il, je serai un grand chêne. Avec mes puissantes racines, j'étreindrai le roc, je prendrai possession de la terre. Je monterai haut dans l'air, bien haut ; je lutterai contre les vents et la tempête, je braverai la foudre, je serai roi de la forêt, roi de moi-même, de mes centaines de branches, de mes milliers de branchilles, de mes millions de feuilles. Je produirai des millions de fleurs ; rien qu'avec ce que je produirai de glands, je perpétuerai la noble race des chênes, toute une famille de héros, la gloire des forêts. il travaillait par en bas, il travaillait par en haut, il poussait, il poussait, le bon et beau petit rouvre.

A côté de lui naquit une Lonicère, élégante chèvrefeuille des haies. Elle aussi voulait grandir, elle voulait devenir fraîche et jolie, parfumée, la joie des yeux, la volupté de l'odorat. Je veux vivre, pensait-elle, une vie de bonheur et d'amour. Je donnerai l'amour, et je prendrai le bonheur en échange.

Sa tigelle qui, au moindre vent, allait de-ci, allait de là, cherchant aventure, rencontra bientôt le jeune chêne, son voisin.

- Beau chêne, bon chêne, tu me plais et je te veux du bien. Je suis faible, laisse-moi enrouler mes rameaux autour de son tronc si ferme, si droit, à l'écorce grise si propre, si jeune. A ta mâle vigueur, le poids de mon corps mince et souple ne pèsera guère. Tu nous protègeras tous, un jour, contre les vents froids et mauvais, mais moi, tu me protègeras de plus près. Je suis faible encore, mais je serai belle, crois-moi, et quand au milieu de tes rameaux austères, de ton feuillage un peu sombre, le passant verra éclater mes longues grappes blanches et roses, il demandera émerveillé : « Quel est ce chêne tout fleuri de fleurs embaumées ? » De grâce, j'ornerai ta force, et la douceur sourira dans ta noble puissance. Jeune chêne, mon bon rouvre, sois mon amant, je serai ta maîtresse. laisse-moi entortiller ma vie autour de la tienne.

- Volontiers, répondit le beau jeune chêne.

isl grandirent ensemble. Lonicère, toutefois, beaucoup plus vite. Bientôt ils furent de même taille, bientôt même Lonicère, maigre et svelte, eût dépassé le chêne, si elle ne se fut pas repliée en nombreux détours, en courbes gracieuses. Ses longs rameaux pliants couraient autour du bois solide et vigoureux, comme les fils électriques autour du fer qui s'aimante, et retombaient ensuite en courbes et arceaux.

Lonicère avait dit vrai. De fleurs elle entremêlait le sombre feuillage. Attirés par le suave parfum du miel embaumé accoururent les foules de papillons au vol palpitant, les abeilles affairées, les insectes bourdonnant de la forêt. Jamais le chêne n'avait rêvé pareille fête. Jusque-là, il n'avait connu que la force, la lutte, le combat, il n'avait admiré que l'immobile résistance du roc stupide, la fureur de l'ouragan et la terrible majesté des éclairs fulminants : il avait ignoré ce que pouvaient être la grâce et la souriante douceur ; pour les couleurs et les odeurs, pour le vent tiède qui fait gazouiller les feuilles et les nids, pour tout ce qui est féminin et doux, en un mot, pour tout ce que nous appelons amour, il avait eu le mépris triomphant de qui l'ignore.

Et tandis que le rossignol charmait de ses doux accords le silence des nuits :

- Que nous sommes heureux ! pensait-il. Vraiment, nous étions faits l'un pour l'autre.

Et Lonicère était fière de son Rouvre, et le rouvre se complaisait dans Lonicère, qui l'enveloppait. Autour de lui se tordait Lonicère et étreignait de douces et puissantes caresses le tronc et les rameaux.

- Serre-toi plus près, serre-toi toujours plus près, s'écrie l'heureux rouvre. Enchaîne-moi dans tes lacs d'amour.

Et l'heureuse Lonicère multipliait ses nœuds, elle l'embrassait de plus en plus étroitement.

Cela dura quelques printemps, plusieurs étés, plusieurs hivers. Pour Quercus Robur, issu d'une race de centenaires, ce fut bien peu ; ce fut beaucoup pour la fille de Chèvrefeuille.


Donc, l'arbre grandissait et l'arbrisseau vieillissait. Pauvre Lonicère ! Ses branches cessèrent d'être élastiques et souples, leurs enlacements n'étaient plus mous et résistants, ardents et voluptueux.

Et le Rouvre de grossir et de grandir toujours. Peu à peu, il se trouva à l'étroit dans tous ces nœuds, ces guirlandes, ces spires, ces volutes.

- Écarte un peu ces charmants anneaux, demanda le Rouvre.

- Comment, fit Lonicère, inquiète, nous ne sommes plus au temps où tu n'en avais jamais assez ?

Et, risquant une dernière caresse, elle voulut l'étreindre encore comme par le passé.

- Vrai, tu me serres un peu trop fort, répliqua-t-il.

Plus tard, il revint à la charge :

- Écarte donc tes anneaux. Ils m'incommodent, te dis-je, même ils me gênent très fort. Ne serais-tu plus complaisante, serais-tu devenue difficile à vivre ?

Lonicère essayait en vain. Elle ne pouvait, depuis qu'elle avait vieilli. Elle s'était ankylosée dans la plus gracieuse des positions. Elle s'était figée dans une attitude délicieuse de charme et d'abandon. Elle s'était bossuée avec mignardise... Et elle serrait, serrait ferme... Flexible jadis autant que rameaux du saule, autant que rameaux de la vigne, ses membres ne lui obéissaient plus, ses multiples rameaux s'étaient ossifiés ; à travers les canaux obstrués, la sève ne circulait plus que lente et rare dans les veines.

Comme Laocoon enveloppé par le serpent, le chêne perdait la respiration ; ses membres autour desquels se tondaient les anneaux comme de cercles de fer, étaient blessés et sanguinolents. Il se débattait sous les multiples étreintes d'une douleur incessante.

- Mais écarte donc tes anneaux ! Ils me blessent, vois-le, ils me meurtrissent, ils m'entrent dans les chairs comme un couteau.

- Hélas ! Je ne puis, gémissait la douloureuse Lonicère.

- Écarte, écarte donc tes anneaux qui m'étouffent; Tu m'assassines lentement, minute à minute, ingrate ! Sont-ce là tes liens d'amour, ô Lonicère ? J'ai patienté, j'ai espéré que tu reviendrais à toi-même, que tu te souviendrais enfin de ce que tu as été pour moi, de e que j'ai été pour toi. Et mes aspirations... et ma liberté... et ma nature supérieure... et mon idéal...

- Nous sommes mariés... Tu n'as pas le droit de me dépasser, de m'abandonner... Quand j'étais jeune, tu as joui de moi... et tu m'abandonnerais ?

- De grâce, de grâce, tu me tues ! crie le chêne.

- Meurs ! riposte Lonicère devenue Boa constrictor.

- Ah ! c'est comme ça ? C'est assez maintenant, j'en ai trop. Puisque tu m'assassines, je te tuerai, mauvaise ! Je me défendrai et, puisque tu m'étouffes, je t'étoufferai, moi aussi. Nous verrons bien qui sera le plus fort.

- Hélas ! si tu pouvais encore attendre, je mourrais bien toute seule ! gémit l'être délicat qui étouffe et écrase le robuste.

Le chêne se défend ; il s'isole. La séparation est d'autant plus absolue que l'union avait été plus intime. Les spires du chêne répondent aux spires de la chèvrefeuille, comme les parallèles des assiégeants aux circonvolutions des assiégés, comme les contre-mines des assiégés aux mines des assiégeants.

L'arbre grossit, grossit sans cesse. il avait bientôt le double de grosseur à la partie malade qu'aux parties inférieures et supérieures.

Les bourrelets du tronc dominent la chèvrefeuille. Chèvrefeuille ne lâche pas, ni le chêne non plus, qui avait, pendant ce temps, suspendu ses fonctions. Il ne croit plus, ne monte plus, reste stationnaire... mais il porte toutes ses forces sur le théâtre de la lutte, contre l'ennemie qui s'est cramponnée autour de son cœur.

A la fin, il l'a entourée, l'a enveloppée, l'a pressée son tour.

- Grâce ! crie Chèvrefeuille.

Les yeux de la malheureuse s'obscurcissent.

Othello étouffe Desdémone avec rage, avec délire, heureux de détruire si beau corps, ravi d'écraser chair molle. « Ah ! scélérate ». Ses cris le mettent en extase : « Ah ! scélérate, crie, pleure. Moi aussi, j'ai crié, j'ai pleuré. Tu auras la pitié que tu as eue pour moi. »

Et Chèvrefeuille meurt.

Tout est fini pour elle.

Quant à lui, il a tué son amour ; il mourra toute sa vie. Blessé, malade, déformé, chagrin, il est accouplé au cadavre enchâssé dans son corps vivant, il conserve ce pauvre corps étranger comme souvenir d'un amour mort, d'une amitié ancienne.

Il est triste mais satisfait. il ne se repent pas, mais il est malheureux. Il a un squelette dans son cœur, un cadavre dans son âme. Ce cadavre retombe dans ses branches comme des bras ; le vent le secoue et le casse.

il grince des dents et ricane.

C'était pourtant un brave cœur de chêne.

Si cet arbre droit, à l'échine inflexible, avait tué son amour, c'est qu'il ne pouvait autrement.

Et la Chèvrefeuille fringante et délicate, jolie et coquette, la Lonicère suave, souple et capricieuse n'est non plus à blâmer ; n'avait-elle pas été l'initiatrice du chêne, sa révélatrice de la grâce, de l'amour, du parfum ?


Ce Quecus Robur malade et chétif qu'attend la habche du bûcheron, cette Lonicère, je les ai vus dans la frêt de Meudon. Naguère, ils avaient vécu parmi les hommes mais sous d'autres noms.

Je crois reconnaître plusieurs de leurs frères, maintes de leurs sœurs.

*

*



Littérature :


Le Chèvrefeuille


Chèvrefeuille à midi s’endort.

Chèvrefeuille à minuit s’éveille.

Chèvrefeuille aimé des abeilles

En Messidor

Tu parfumes la nuit.

Bien malin celui

Qui peut la faire à l’oseille.


Robert Desnos, "Le Chèvrefeuille" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

*

*

Dans Camino 999 (Éditions Après la lune, 2007) de Catherine Fradier, le commandant Montalban reçoit un message pour le moins énigmatique :


Un dong sonore provenant de son ordinateur se fit entendre. Un message. Son intitulé l'intrigua : Mésalliance. Elle l'ouvrit. C'était un poème.

Le Chèvrefeuille droitier

Dit à la Belle gauchère :

« Marions-nous donc

Si nos parents y consentent,

Nous nous aimerons et serons inséparables,

Inextricablement enlacés,

Nous serons heureux éternellement »

Dit le Chèvrefeuille à la Belle-de-jour,

Et dessous était rajouté en lettres majuscules :

ET S'IL ÉTAIT AMBIDEXTRE ?

Carla relut le poème, ne comprit rien. L'adresse de l'expéditeur était masquée. Elle imprima le message, le donna à lire à Félix.

- Tu fréquentes des poètes, maintenant...

Un nouveau dong. Elle ouvrit le message qui venait d'arriver. La suite du poème.

Ce fut un choc pour les parents du Chèvrefeuille.

« Les Belles-de-jour sont de souche inférieure », s'écrièrent-ils.

Elles sont incultes et sans éducation.

Nous nous enroulons à droite, et elles à gauche !

Une autre annotation en lettres majuscules terminait le message.

DANS LES SUICIDES PAR ARME A FEU, L'ARME NE RESTA DANS LA MAIN DU SUICIDÉ QUE DANS 24% DES CAS.

*

*

Dans son ouvrage poétique La Grande Vie (Éditions Gallimard, 2014) Christian Bobin évoque très souvent la nature et sa beauté sacrée. Ici, le chèvrefeuille :


Je voudrais vous écrire des choses à la fois déchirantes et apaisantes. Apaisantes parce que déchirantes. Et surtout que l'air passe entre mes mots, beaucoup d'air comme entre les cornes jaunies de la fleur du chèvrefeuille. Ah celle-là. Son parfum me blesse, son vêtement déchiré de petite mendiante de Lewis Carroll me comble.

[...]

Une maison singulière : elle est faire de milliers de chambres. On les traverse. On y laisse quelque chose à chaque fois. Quelque chose ou quelqu'un. Je me souviens de celle où il n'y avait rien qu'un flocon de neige. Celle aussi qui ne contenait, posée sur une table rouge, qu'une grosse larme plus précieuse qu'une perle. Autant de chambres que de jours. Une sorte de jeu de marelle. Il ne s'y trouve rien à gagner, rien à perdre - juste vivre, tout bonnement, comme fait le chèvrefeuille qui apparaît et écrit peu à peu sa phrase en déployant ses petites cornes d'ange entravé dans le buisson. Et que dit-elle, cette phrase ? Elle ne dit rien de vrai rien de faux - juste un je-ne-sais-quoi de pauvre qui passe et puis s'écrit, un rayon d'encre dans une chambre d'or.

*

*


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