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Le Lierre



Étymologie :

  • LIERRE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1372 (J. Corbichon, Propriét. des ch., 1. 17, ch. 53 ds Gay : ung vaissel de fust de lyere). Issu, avec agglutination de l'art. déf., de l'a. fr. iere « lierre » ordinairement masc. (1re moitié xe s. edre ; Jonas, éd. G. de Poerck, 145 ; fin xie s. iedre, Gl. de Raschi, éd. A. Darmesteter et D. Blondheim, no 586, p. 81 ; fin xiie s. ierre, 1re Continuation de Perceval [ms. T], éd. W. Roach, 10482), lui-même issu du lat. hedera « lierre » fém .; le changement de genre peut s'expliquer par assimilation au genre gén. masc. des noms d'arbres et d'arbustes en fr. (FEW t. 4, p. 398a).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Hedera helix - Drienne - Herbe à cors - Herbe à dents - Herbe de Bacchus - Herbe de Saint-jean - Lierre des poètes - Lierre rampant - Lierret - Rondelette - Rondette - Rondole -

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Botanique :


M. A. Fée nous propose "Quelques Physionomies Végétales Françaises". (In : Bulletin de la Société Botanique de France, 1858, vol. 5, no 6, pp. 440-444) :


Trop faible pour se maintenir dressé, le Lierre cherche un appui sur les troncs, à l'aide des mille crampons dont sa tige est armée. Essentiellement conquérant, il s'élance au sommet des grands arbres, envahit les cimes pour chercher l'air et la lumière, puis, n'ayant plus de conquêtes à faire, redescend vers la terre en gracieux festons, qui se balancent au gré des vents.

C'est une liane aux petites proportions, en harmonie avec nos paysages d'Europe, auxquels le Lierre donne une physionomie toute particulière.. Peu de plantes sont aussi pittoresques, et il n'en est pas une seule peut-être plus connue des poètes, des sculpteurs ct des peintres. Les ruines lui doivent leur principal ornement, et il les préserve d'une complète destruction. C'est lui qui entoure les tombeaux et qui cache, sous un réseau de branches, l'orgueil des épitaphes. A-t-il été dans l'impossibilité de quitter le sol, c'est à peine un arbrisseau ; c'est au contraire un arbuste vigoureux s'il a pu être favorisé dans son développement. Souvent il survit à la plante sur laquelle il est fixé ; alors il se soutient seul, et dédaignant tout secours étranger acquiert les dimensions d'un grand arbre, capable à son tour de protéger la jeunesse d'une plante dont, par son âge, il serait le père.

Le Lierre a fourni divers emblèmes : entourant une colonne brisée, c'est la vie et la mort ; rampant sur un tombeau, le présent et le passé ; s'appuyant sur un arbre vigoureux, la faiblesse et la force.

 

Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes et s'interroge plus particulièrement sur la capacité de dépollution des plantes :

Les tests de dépollution par les plantes effectuées par la NASA ont donné des résultats surprenants ; ils montrent que la capacité destructrice des molécules toxiques par les plantes vertes varie considérablement en fonction de l'espèce considérée. On retrouve ici cette notion de spécificité, déjà signalée en ce qui concerne les effets de la musique sur les plantes : à chaque espèce sa sensibilité - son métier, en quelque sorte.

Ainsi, en vingt-quatre heures, le lierre est-il à même d'éliminer 90% du benzène de l'atmosphère. Le ficus (Ficus benjamina) s'est en quelque sorte spécialisé dans l'élimination du formaldéhyde à raison de 47% mais le chlorophytum fait mieux que lui, puisqu'il enlève à la fois 86% du formaldéhyde et 96% du monoxyde de carbone durant la même période. Quant à l'aloe, il est le champion de la détoxication du formaldéhyde avec 90%, faisant en cela un peu mieux que le chlorophytum et le philodendron. La croyance populaire selon laquelle les plantes dépolluent l'air trouve ici une brillante confirmation.

 

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Propriétés médicinales :


D'après Marc Questin, auteur de La médecine druidique (1990, nouvelle édition identique 1997),


"Attribut des petites divinités secondaires, le lierre était utilisé au point de vue médicinal contre la toux, la coqueluche et la cellulite ; mais il fallait cueillir ses feuilles sur la tête d'une statue et les appliquer sur le front, enfermées dans une étoffe de couleur rouge. Son nom latin Hedera est dérivé du celtique hedra, qui signifie "la corde". Les anciens Égyptiens l'avaient consacré à Osiris. Pour les Grecs, il préservait de l'ivresse et symbolisait la victoire du guerrier. Le lierre, chez les anciens Grecs, était un attribut de Dionysos, le dieu du vin, de la joie de vivre et de la vitalité. C’était aussi le symbole de l'immortalité. Les médecins de l'époque, tel Dioscoride, l'employaient contre toutes sortes de maladies, notamment la dysenterie, les affections de la rate, les ulcères, les otites et les rages de dents.

Employé à l'extérieur, et uniquement à l'extérieur, le lierre peut devenir un excellent remède. Il est légèrement excitant, il fat tomber la fièvre et active la production de sueur. Il régularise le cycle des femmes. Le lierre est en outre un bon anti-rhumatismal, et un remarquable calmant de la douleur.

Léonard de Vinci affirmait que les sangliers blessés se roulent sur le lierre des forets pour se soigner. En effet, les feuilles agissent comme un calmant et un modérateur très efficace de la sensibilité des nerfs périphériques. Pour en faire des applications quotidiennes externes, sous forme de compresses ou de massages, il suffit de réduire une ou deux poignées de feuilles fraîches en charpie fine, que l'on enveloppe avec de la gaze, pour appliquer cet emplâtre sur les zones cellulitiques, les ulcères ou les brûlures.

Remède contre la gale : mettez à tremper pendant vingt-quatre heures une poignée de feuilles de lierre dans un litre de vinaigre de vin. Filtrez à travers un linge. appliquez le liquide légèrement étendu d'eau sur les régions lésées en compresses, matin et soir pendant une semaine."

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C. Busser, auteur de "Baies, fruits et pseudo-fruits toxiques utilisés en médecine populaire ou en phytothérapie" (in Phytothérapie Numéro 1 : 31–3, 2007), s'intéresse au Lierre (Hedera helix L. Araliaceae) :


Composition : La plante contient des saponines triterpéniques (hederacoside C et alpha-hederine), présents dans les feuilles et les fruits, certains triterpenoïdes, et des composés polyacétyléniques (polyines) tels que le falcarinol et le didéhydrofalcarinol, des flavonoides. Falcarinol et didéhydrofalcarinol sont considérés comme étant à l’origine de la sensibilisation au lierre.


Intoxication : L’ingestion de baies, confondues avec des fruits comestibles, est souvent le fait de jeunes enfants. Les signes irritatifs sont représentés par une sensation de brûlure dans la bouche, une hypersalivation, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et une diarrhée. En cas de contact cutané, une dermatite de contact peut apparaître avec une réaction œdémateuse. Des lésions eczématiformes peuvent survenir au niveau des zones en contact avec la plante, avec une rougeur, des lésions élémentaires à type de macules, de papules, de vésicules, voire de bulles prurigineuses. Des lésions irritatives ou eczémateuses surviennent le plus souvent lors de l’élagage du lierre, effectue´ s’il devient trop exubérant. Des manifestations allergiques peuvent survenir chez des personnes antérieurement sensibilisées au lierre lors de l’utilisation de certains thés, lotions cosmétiques ou médicaments.


Utilisations : Usage interne : le lierre a été utilisé pour ses propriétés antispasmodiques, respiratoires, dépuratives, cholagogues et excitantes. Il était de plus connu pour faciliter la menstruation. Il était ainsi supposé traiter, par voie orale, la coqueluche, la bronchite chronique, les trachéites, les laryngites, les rhumatismes, la lithiase biliaire, les règles insuffisantes, les leucorrhées et l’hypertension.

La technique de préparation variait selon les régions et les indications. Exemple : douze baies absorbées per os entraînaient une forte purgation, les baies réduites en poudre et mélangées à divers excipients avaient une activité fébrifuge. L’infusion de feuilles a une action spasmolytique (due à l’alphahédérine, un saponoside des feuilles), mucolytique et légèrement sédative, d’où une action sur les toux coqueluchoïdes ou en cas de coqueluche (Com E). L’extrait des feuilles est antibactérien.

Usage externe : les feuilles de lierre étaient également utilisées en application cutanée pour guérir les névralgies, les rhumatismes, les névrites, les séquelles de phlébite, les plaies, les brûlures, les cors, les durillons et les polypes du nez.

Les feuilles peuvent être utilisées sous plusieurs formes : en applications, confites dans du vinaigre, en décoction (200 g dans un litre d’eau), sous forme de teinture pure, de cataplasme (1/4 de feuilles fraîches incorporées a` 3/4 de farine de lin) ou de pommade a` 10 % .


Utilisation actuelle : le lierre est utilise´ dans certains cosmétiques (ex. : crèmes amincissantes), dans des lotions pour les cheveux, dans certains shampooings, dans certains médicaments tels que des expectorants et dans certains thés. Les feuilles de lierre font l’objet d’une monographie a` la Xe édition de la Pharmacopée. Les fruits sont toxiques a` forte dose ; ils contiennent les mêmes principes toxiques que les feuilles. Les laboratoires homéopathiques français préparent une teinture mère à base de rameaux frais feuillés et fleuris (propriétés expectorantes, antibactériennes et antispasmodiques).

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


LIERRE. En Normandie, autrefois, pour connaître quel saint il fallait invoquer dans une maladie, on jetait dans l'eau d'une fontaine des feuilles de lierre, sur chacune desquelles était tracé le nom d'un saint ; on les retirait aussitôt, et celles que l'eau avait transpercées indiquaient les saints dont on était malade.

 

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur


Automne -Octobre.

LIERRE - AMITIÉ.

L'amour fidèle retient avec une branche de lierre les roses passagères qui couronnent son front. L'amitié a choisi pour devise un lierre qui entoure de verdure un arbre renversé, avec ces mots : Rien ne peut m'en détacher. En Grèce, l'autel de l’hyménée était entouré d'un lierre, et on en présentait une tige aux nouveaux époux, comme le symbole d'un nœud indissoluble. Les bacchantes, le vieux Silène, et Bacchus lui-même, étaient couronnés de lierre. La verdure éternelle des feuilles du lierre était, pour cette cour joyeuse, l'emblème d'une constante ivresse. On a quelquefois représenté l'ingratitude sous la forme d'un lierre qui étouffe son soutien : l'auteur des Études de la Nature a repoussé cette calomnie ; le lierre lui paraît le modèle des amis :

« Rien, dit-il, ne peut le séparer de l'arbre qu'il embrasse une fois ; il le pare de son feuillage dans la saison cruelle où ses branches noircies ne soutiennent plus que des frimas ; compagnon de ses destinées, il tombe quand on le renverse ; la mort même ne l'en détache pas, et il a décoré de sa constante verdure le tronc tout desséché de l'appui qu'il adopta. » Ces idées, aussi touchantes que gracieuses, ont encore le mérite d'être vraies ; le lierre tient à la terre par ses propres racines, et ne tire point sa substance des corps qu'il environne ; protecteur des ruines, il est l'ornement des vieux murs qu'il soutient ; il n'accepte point tous les appuis ; mais, ami constant, il meurt où il s'attache.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Lierre - Amitié inséparable.

Car le lierre affectionne les ruines et soutient les murs qu’il décore de son beau feuillage, au lieu de les dégrader. Le lierre meurt où il s’attache.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


LIERRE - AMITIÉ.

L'ami fidèle est une forte protection, celui qui l'a trouvé a trouvé un trésor. Rien n'est égal à l'ami fidèle et l'or et l'argent ne sont pas à comparer à la sincérité de sa foi. L'ami fidèle est un remède de vie et d'immortalité.

Ecclésiaste : VI, 14, 16.

Le lierre nous présente ses fleurs au moment où les pampres des vignes découvrent leurs grappes d'émail. Le lierre est la couronne des enfants de Bacchus. Il a prêté de toute antiquité ses vertes guirlandes à leurs thyrses, que surmonte la pomme de pin. Alexandre voulut imiter dans l'Inde les triomphes de Bacchus ; mais s'il put élever ses trophées jusque dans la grande Babylone, il ne put pas y faire végéter le lierre, dont il voulait décorer sa couronne. La nature fut rebelle, et le vainqueur apprit qu'il ne suffit pas de la victoire pour imiter en tout les dieux.

L'aimable auteur des Etudes de la nature ne veut voir dans le lierre que le modèle des amis. Rien ne peut le séparer de l'arbre qu'il embrasse une fois, il le pare de son feuillage dans la saison cruelle où ses branches noircies ne contiennent plus que des frimats. Compagnon de ses destinées, il tombe quand on le renverse ; la mort même ne l'en détache pas et il décore de sa constante verdure le tronc tout desséché de l'appui qu'il adopta.

Le lierre entre dans les ornements d'architecture, il est représenté sur les lambris des appartements, sur les étoffes, etc. les Romains l'entrelaçaient avec la vigne, sur les vases, les coupes à boire, etc.


RÉFLEXIONS.

Quelque rare que soit le véritable amour, il l'est encore moins que la véritable amitié.

(LA ROCHEFOUCAULT.)

Il y a un goût dans la simple amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres.

(LA BRUYÈRE.)

Ce qui rend si rare la véritable amitié, c'est qu'elle exige non seulement des rapports de goûts, mais encore une certaine égalité dans l'esprit comme dans le rang, et surtout quelque force dans le caractère.

(Le duc DE LÉVIS.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


LIERRE - ATTACHEMENT.

Le lierre, dit Bernardin de Saint-Pierre, dont on couronnait jadis les grands poëtes qui donnent l'immortalité, couvre quelquefois de son feuillage, le tronc des plus grands arbres. Il est une des fortes preuves des compensations végétales de la nature ; car je ne me rappelle pas en avoir jamais vu sur les troncs des pins, sapins et des arbres dont le feuillage dure toute l'année. Il ne revêt que ceux que l'hiver dépouille. Symbole d'une amitié généreuse, il ne s'attache qu'aux malheureux, et lorsque la mort même a frappé son protecteur, il le rend encore l'honneur des forêts où il ne vit plus ; il le fait renaître, en le décorant de guirlandes de fleurs et de festons d'une verdure éternelle :

Le lierre croit trouver partout des frères. (Proverbe)

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Lierre - Amitié éternelle.

Cette plante affectionne les ruines, les vieux murs, elle aime aussi à s'attacher aux arbres et, fidèle à l'amitié qu'elle leur a vouée, elle bravera avec eux les tempêtes et les frimas. Si son ami succombe, elle l'entourera de ses feuilles, et lâchera de le préserver d'une destruction complète ; c'est ainsi qu'une fidèle amitié est préférable à tout autre sentiment.

0 toi, douce amitié, viens, reçois mon hommage ;

Tu m'as fait dans tes bras goûter de vrais plaisirs ;

Ce dieu tendre et cruel qui m'attend au passage

Ne fait naître que des soupirs.

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


LIERRE : Amitié.

0 hommes, admirons le tendre lierre ! - Admirons et imitons.

 

D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; Edition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, le lierre est :

"l'un des ornements habituels de Dionysos : vert en toute saison, il symbolise la permanence de la force végétative et la persistance du désir. De nombreuses statuettes de Tanagra s'ornent de feuilles et de baies de lierre. Elles assuraient leurs détenteurs de la protection du dieu. Est-ce pour cela que l'on a fait du lierre un symbole féminin, révélant un besoin de protection ?

Dionysos se servait de lierre, comme de la vigne, pour émouvoir d'un délire mystique les femmes qui se refusaient à son culte ; mais une fois saisies par les effluves du dieu, comme le furent les Minyades, elles couraient rejoindre les Bacchantes dans les montagnes.

Le lierre était également consacré à Attis, dont la déesse de la terre et des moissons, Cybèle, était amoureuse : il représentait le cycle éternel de la mort et des renaissances, le mythe de l'éternel retour."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Lierre (Hedera helix) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Divinités : Dionysos-Bacchus et son joyeux cortège.

Pouvoirs : Protection ; Chance ; Guérison.


Utilisation rituelle : Que les rameaux de vigne (pampres) soient les attributs traditionnels du dieu du vin, on le comprend. Mais pourquoi le Lierre ? Tout simplement parce qu'il est l'« ennemi héréditaire» de la vigne qu'il ne tarderait pas à étouffer si les vignerons n'y prenaient pas garde et ne l'arrachaient pas impitoyablement. C'est probablement là, dans cette réalité toute prosaïque de cultivateur, qu'il faut chercher l'origine lointaine de la tradition qui fit du Lierre la plante qui empêche de s’enivrer.

Voilà pourquoi, dans les dionysiaques comme dans les bacchanales, le Lierre voisinait toujours avec les pampres. Bacchus est souvent représenté avec une couronne de Lierre. Les thyrses qu'aimaient brandir les membres de son cortège en étaient garnis. Satyres et silènes, Pan et Priape se ceignaient de tresses de Lierre quand ils venaient honorer leur Maître et complice par leurs farces scatologiques. Les bacchantes et les ménades qui couraient échevelées, revêtues de peaux de bêtes sauvages, autour du char du dieu avaient la tête couronnée de Lierre et le thyrse à la main. Calliope, la muse de l'éloquence, portait la même couronne, attribuée à Osiris.

Par la partie littéraire et artistique du programme, les grandes dionysiaques athéniennes ont joué un rôle prépondérant dans l'histoire de la poésie lyrique et du théâtre grecs; les poètes et les tragédiens qui y participaient ne manquaient pas de se ceindre le front de Lierre lorsqu'ils se mêlaient aux danses, jeux, festins et orgies qui se succédaient sans interruption pendant six jours et six nuits.

On jetait du Lierre sur le cercueil d'une jeune fille vierge en signe de stérilité, et des roses blanches en signe de virginité.

Aux Indes, le sommet de la montagne sacrée de Maros était envahi par un Lierre d'une épaisseur telle « qu'un bœuf s'y enfonçait jusqu'à ses cornes ».

Au Moyen Âge, le Lierre était, avec le gui, le motif le plus souvent choisi pour les enseignes de cabarets. Au bouge de la Fosse-aux-Lions, rue du Pas-de-la-Mule, où l'on vendait, disait Beautru, la « folie en bouteilles », celle-ci était servie dans des gobelets taillés dans du bois de Lierre.

Un mai de Lierre pouvait avoir deux sens diamétralement opposés : si la fille qui le recevait devant sa maison était fiancée, c'était le symbole de l'affection constante. On l'accompagnait parfois de la devise : Je meurs où je m'attache. Si elle était libre, au contraire, cela signifiait qu'elle était un vrai crampon.


Utilisation magique : Dans beaucoup de comtés anglais, les femmes, et plus particulièrement les jeunes mariées, portaient sur elles des feuilles de Lierre pour attirer la chance. Elles les retiraient toutefois pendant les grossesses.

Dans tout le monde anglo-saxon, ainsi que dans beaucoup de pays nordiques, on aime garnir les maisons avec cette plante grimpante, au point que certaines villas en sont entièrement couvertes ; ces foyers sont très bien protégés contre les influences négatives et contre les catastrophes de toutes sortes.

Toujours en Grande-Bretagne, et par extension en Nouvelle-Angleterre, les baies noires du Lierre jouent un rôle dans les vœux de fidélité et d'amour.

Pour beaucoup de chamans des régions froides, ou tempérées fraîches, le Lierre grimpant est une plante sacrée; à mesure que l'on descend vers le sud, au contraire, ces aspects positifs disparaissent, au point qu'en Sardaigne c'était la plante favorite des empoisonneuses et des sorcières.

Pour savoir si quelque chose réussira, mettez des feuilles de Lierre dans l'eau pendant neuf jours. Si les feuilles tombent au fond, l'affaire ne réussira pas; si elles surnagent au bout de ce temps, c'est bon signe.

Si une fille envoie une feuille de Lierre dans une lettre à un homme, elle est sûre de l'épouser ; mais lui mourra jeune (Clair marais, Pas-de-Calais).

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Vert en toute saison, d'une durée de vie exceptionnellement longue (plusieurs siècles), le lierre qui, dans la mythologie romaine, représentait « le cycle éternel de la mort et des renaissances, le mythe de l'éternel retour », symbolise « la permanence de la force végétative et la persistance du désir ». Comme il pousse librement, semblant étreindre et embrasser les murs ou les arbres, il représente l'amour et l'amitié. On dit que si une jeune fille met près de sa poitrine une feuille de lierre qu'elle a cueillie sans regarder puis qu'elle la place sous son oreiller le soir, elle verra en songe son futur fiancé. Toutefois, une jeune fille qui envoie une lettre contenant une feuille de lierre à son prétendant l'épousera mais deviendra vite veuve. Les Anglo-Saxons utilisent les baies noires du lierre dans les charmes de fidélité et d'amour tandis que, selon une ancienne tradition chinoise, l'arbrisseau attache une femme à son époux.

Le lierre, dédié à Osiris

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi le Lierre :

Mot clef : Fidélité

Lierre, que tu revêts de grâce bucolique

Les ruines des monuments !

Et tu me plais encor sur le platane antique

Qu'étouffent tes embrassements.


Mais je t'aime, surtout, sombre et sinistre lierre,

A quelque fontaine pendu,

Et laissant l'eau couler, plaintive, dans la pierre

D'un bassin que l'âge a fendu.

Jean Moréas (1856-1910), Stances.


Le Lierre ne peut grimper de lui-même : il a besoin d'un support et, une fois qu'il l'a trouvé, rien ne peut l'en séparer, ce qui lui a donné sa valeur emblématique (« il meurt là où il s'attache »).

Dans l'Antiquité grecque et romaine, il était l'emblème de Dionysos, qui l'utilisait pour attirer les Ménades et les inciter à se vouer à son culte, et Bacchus et sa suite sont toujours représentés couronnés de Lierre. Une couronne de Lierre récompensait également les poètes grecs qui se trouvaient être particulièrement bien inspirés.

En Grèce encore, les statuettes en terre cuite étaient souvent ornées de feuilles et de baies de Lierre, censées attirer la protection du dieu représenté.

En Angleterre, cette grimpante vivace est associée au Houx pour décorer les maisons à Noël et, dans le passé, elle était censée protéger contre les esprits malins. On la suspendait aussi dans les étables pour empêcher le lait de tourner.

Si vous cultivez un Lierre sur le mur de votre demeure, vous serez protégé du mauvais sort, mais s'il meurt, attendez-vous à connaître le pire.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Vert en toute saison, d'une durée de vie exceptionnellement longue (plusieurs siècles), le lierre qui, dans la mythologie romaine, représentait "le cycle éternel de la mort et des renaissances, le mythe de l'éternel retour", symbolise "la permanence de la force végétative et la persistance du désir". Comme il pousse librement, semblant étreindre et embrasser les tours ou les arbres, il représente l'amour et l'amitié. On dit que si une jeune fille met près de sa poitrine une feuille de lierre qu'elle a cueillie sans regarder puis qu'elle la place sous son oreiller le soir, elle verra en songe son futur fiancé. Toutefois, une jeune fille qui envoie une lettre contenant une feuille de lierre à son prétendant l'épousera mais deviendra vite veuve. Les Anglo-Saxons utilisent les baies noires du lierre dans les charmes de fidélité et d'amour tandis que, selon une ancienne tradition chinoise, l'arbrisseau attache une femme à son époux.

Le lierre, dédié à Osiris par les Égyptiens, était chez les grecs et les Romains consacré à Bacchus (Dionysos) comme symbole de volupté mais surtout parce qu'il préservait de l'ivresse, cette vertu provenant, semble-t-il, du fait que l'arbrisseau nuit à la vigne. Les Gaulois, eux, vénéraient le lierre noir.

Faire pousser cette plante grimpante sur les murs de sa maison protège des mauvaises influences et des catastrophes de toutes sortes. Avoir sur soi des feuilles de lierre porte chance. Aux États-Unis, le lierre est l'amulette privilégiée des femmes "qui souhaitent faire carrière dans les affaires".

Le lierre sert à des opérations de divination : en ramassant dix feuilles de lierre le jour de la Toussaint, dont on glisse neuf sous son oreiller, on connaît l'avenir. Pour savoir quelles sont les chances d'une entreprise, il faut mettre des feuilles de lierre pendant neuf jours dans de l'eau : si elles tombent au fond, c'est mauvais présage mais si elles surnagent, le projet a toute chance de se réaliser. En Cornouailles, on les trempe la nuit dans un récipient d'eau de source, chacune des feuilles représentant une personne dont on veut connaître le destin : "Celles qui le lendemain sont devenues noires annoncent une mort prochaine, avant la douzième nuit au plus tard ; la mort sera violente si elles sont tâchées de rouge".

En cas de maladie, il faut écrire les noms des saints à invoquer sur des feuilles de lierre et les jeter dans une fontaine. retirées aussitôt, celles qui ont été transpercées par l'eau donnent le nom des saints qu'il convient de faire intervenir. Le malade peut aussi placer les feuilles sur des pierres et le lendemain, celle qui sera la plus abîmée lui indiquera le "bon" nom. Un autre procédé, relevé dans un ouvrage publié en 1982 destiné à identifier le mal dont souffre quelqu'un, recommande de "ramasser des feuilles de lierre sans tache sur lesquelles on fera avec un ciseau une marque différente pour chaque malade. Exemple : un rond représentera une angine, une croix un lumbago. Le soir, mettre ces feuilles dans une assiette d'eau froide. recouvrir d'une autre assiette. Le lendemain matin, il faut lire le diagnostic en regardant chaque feuille. Si la feuille portant une croix est la plus endommagée, la personne souffre d'une lumbago. Si le lierre est resté intact, l'immerger à nouveau jusqu'à ce qu'une feuille s'abîme".

L'arbrisseau, surnommé parfois "guérit tout" joue un rôle actif pour de nombreuses affections : une ceinture de lierre préserve des "douleurs de l'âge" (Poitou), un collier composé d'un nombre impair de ses racines vertes facilite la poussée des dents d'un enfant tandis qu' "en raison, à la fois des dentelures de sa feuille, de ses propriétés résolutives, panacée contre les blessures, le lierre, symbole d'attachement, ne peut que raffermir les dents branlantes". Le lierre soulage aussi une migraine (s'en couronner la tête), guérit les rhumatismes (l'appliquer le jour de la Saint-Jean), les cors aux pieds - en Hollande, on y applique des feuilles qi ont trempé trois jours dans du vinaigre -,  et in zona si on s'y prend de la manière suivante :  "Confectionnez neuf paquets de chacun trois feuilles de lierre terrestre. Faire couler sur ces paquets neuf gouttes de cire d'un cierge bénit. Les asperger d'eau bénite. Frotter la partie malade avec les neuf paquets en disant : "Azerole, Azerole, toi qui es belle et qui souffres. Tu es la première de toutes les herbes et tu en tiens les clefs. Notre Seigneur au ciel t'a laissé tous les remèdes pour guérir toutes les plaies et douleurs". Ensuite brûler les neuf paquets en disant : "Cette Azerole va brûler comme le mal va te quitter".

Enfin, ses feuilles, qui mises sous l'oreiller remédient aux insomnies, sont censées également guérir les maux d'yeux ; on en mâchait même pour les cracher dans l’œil malade d'un coq.

Les Flamands appellent le lierre fil du diable mais l'origine de cette appellation reste mystérieuse. Les Sardes en ont fait "la plante favorite des empoisonneuses et des sorcières".

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Selon Pierre Dubois et René Hausman qui ont écrit et illustré L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons - Automne-Hiver (2013),


"Bien que des esprits tordus le surnomment "fil du diable" et le prétendent "plante favorite des empoisonneuses et des sorcières", le lierre est une des plantes les plus sacrées et bienfaisantes de Féerie. Lien d'éternité, mythe de l'éternel retour, il sert non seulement de "passage" entre notre monde et l'au-delà, mais entre également dans la composition des philtres d'amour et élixirs de longue vie. Porté en bracelet, il assure la fidélité aux amants. Il protège la maison des démons et des mauvaises influences. C'est en mai et septembre que ses pouvoirs sont les plus puissants.

Sa ceinture éloigne les douleurs de l'âge. Sa couronne attire vers soi l'amitié du Petit Peuple. La "musique du lierre", qui s'obtient en pliant une des feuilles à l'extrémité d'un petit bâton fendu, dans lequel on souffle d'une certaine façon, facilité l'approche et le dialogue avec les fées.

Le lierre revêt l'Homme Vert, les hommes sauvages, le Lechiy, le Févert, sert de parure aux Dames vertes et Verdelettes ainsi qu'à de nombreux génies sylvestres."

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Éditions Québec-Livres, 2013), présente ainsi le Lierre (Hedera) :


"Le lierre est une plante grimpante que l'on retrouve un peu partout dans les pays tempérés, à l'état sauvage. Les vrilles qui le supportent peuvent très facilement se transformer en racine lorsqu'elles viennent en contact avec le sol. Elles peuvent aussi pénétrer le bois des arbres lorsqu'une plante grimpe le long du tronc. Le lierre, très robuste, pousse un peu n'importe où et résiste bien au fond de l'hiver.


Propriétés médicinales : On se sert peu du lierre de nos jours pour ses propriétés médicinales ; pourtant, elles sont nombreuses.. Les baies de cette plante s'avèrent un diurétique très puissant, mais le goût de l'infusion est particulièrement désagréable. On peut aussi l'utiliser dan le traitement des maladies du foie. Les feuilles peuvent servir de cataplasme pour soulager des douleurs musculaires ou sous forme de liniment.


Genre : Féminin.


Déités : Bacchus - Osiris.


Propriétés magiques : Protection - Guérison - Joie.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • Le lierre est réputé pour protéger contre les ennemis cachés.

  • Comme le houx est la plante masculine par excellence pour attirer la chance, le lierre est une plante féminine pour ce même but. En magie, ces deux plantes vont de pair, car elles représentent les attributs mâle et femelle, la complémentarité des énergies.

TALISMAN DE CHANCE POUR LES FEMMES

Ce dont vous avez besoin :

  • une chandelle verte

  • de l'encens de cèdre

  • assez de lierre pour tresser une couronne

  • du fil ou de la ficelle verte

Rituel : Allumez la chandelle et faites brûler l'encens. Faites une couronne avec les tiges de lierre (vous pouvez vous servir de fil ou de ficelle pour fixer celle-ci). Passez ensuite la couronne au-dessus de l'encens plusieurs fois en disant :

Que les dieux de la chance soient avec moi

Je leur consacre cette couronne afin qu'elle m'apporte

La chance au jeu, la chance en amour, la chance en affaires

Que la chance se manifeste sous toutes ses formes pour moi

Afin que je sois bénie des dieux et n'aie plus rien à faire

Que ceux-ci sourient dans ma direction

et m'en ouvrent la porte.


Portez votre couronne de lierre pendant sept soirs afin que la chance se manifeste pour vous.

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Symbolisme celte :


Dans L'Oracle druidique des plantes (1994, traduction française 2006) de Philip et Stephanie Carr-Gomm, les mots clefs associés à cette plante sont :


en "position droite : Prophétie - Connexion - Mort et Renaissance

en position inversée : Ambivalence - Ténacité - Soutien.


Le lierre est une plante grimpante à feuilles persistantes qu'on trouve dans la plupart de l'Europe, de l'Asie du Nord et de l'Asie Centrale. A la différence du gui, ce n'est pas un parasite se nourrissant de son hôte. Elle peut pousser sans soutien, mais aime grimper et peut atteindre 30 mètres de hauteur. seule liane de Grande-Bretagne, elle pousse de 50 centimètres ou plus par an.

La carte montre le lierre poussant à côté d'un bassin sacré. Ses baies noires mûrissent lentement pendant l'hiver, nourrissant les oiseaux. Ses fleurs offrent la dernière source de nectar et de pollen de l'année aux abeilles. Autour du bassin, on voit des sculptures : l'homme vert, une double spirale et le glyphe oghamique pour gort.


Sens en position droite. Le lierre a été associé depuis l'époque classique à l'ivresse prophétique recherchée par les druides pour la créativité, visant un travail inspiré par quelque chose de plus grand que leur seule personnalité. Tirer cette carte annonce qu'une telle inspiration arrive ou que vous devez la chercher. Pour être réceptif, vous devez apaiser votre mental, autrement dit, régler d'abord tout conflit ou confusion vous perturbant. Le moyen de vous sentir libre et d'oublier se trouve dans la direction apparemment opposée de la conscience accrue de vous-même et de ce qui vous limite. Le poète Robert Frost dit : "La meilleure façon d'arriver à s'en sortir est toujours de se frayer un chemin". Vous devrez remettre d'aplomb les questions qui vous perturbent avant de pouvoir vous en libérer.

Par ailleurs la carte réaffirme l'idée que la vie est cyclique et que rien ne se perd vraiment.


Sens en position inversée. Le lierre fleurit plus tard que toutes les autres plantes - offrant aux abeilles du nectar et du pollen à la fin de la saison. Pourtant, ces qualités sont cachées et la plupart des gens ne voient que le côté destructeur du lierre - qui étouffe les arbres, rend les murs instables envahit les jardins. Chacun a la capacité d'être autant destructeur que créatif - les deux sont nécessaires pour que la vie s'épanouisse. Si vous tirez cette carte inversée, vous devez examiner cette ambivalence de votre personnalité et de vos relations, et déterminer si vous devez commencer à vous comporter différemment.

Le lierre est une plante extrêmement tenace et vigoureuse. Si vous êtes capable de canaliser ces deux forces de manière appropriée, vous trouverez plus facile de poursuivre vos objectifs et d'accéder à votre vitalité innée.

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Lien de gerbe et porteur de vie éternelle

Pour certains, le lierre est une plante destructrice, qui ronge les murs et étouffe les arbres. Le lierre a cependant une autre facette : il protège les bâtiments de l'humidité, revêt les murs laids d'un riche feuillage, ses fleurs et ses baies sont une importante source de nourriture pour les abeilles et les oiseaux, ses feuilles toujours vertes offrent abri à de nombreuses créatures pendant les mois d'hiver.

Jadis, de par ses associations avec Bacchus et Dionysos, le lierre était censé accroître les effets positifs de l'alcool tout en protégeant de ses pires effets. Les gobelets à vin étaient façonnés en bois de lierre. A l'époque médiévale, l'idée que le lierre pouvait neutraliser les effets négatifs de l'alcool était tellement ancrée que des perches recouvertes de lierre servaient d'enseigne aux tavernes.

Dans le monde classique, on couronnait de guirlandes de lierre les jeunes mariés et les poètes. Cette coutume a été perpétuée par les druides modernes au Welsh National Eisteddfod. Au XIXème siècle, le Ivy Bush Inn de Camarthen a accueilli le premier Eisteddfod de l'époque moderne, incluant des cérémonies druidiques honorant les réalisations culturelles, où on couronnait de lierre les lauréats.

Dans l'alphabet celtique des arbres, le lierre est représenté par gort et associée aux idées de ténacité, d’implacabilité, d'accomplissement, de restriction et de soutien, ainsi que de quête de soi. En Angleterre, le lierre est indélébilement associé au houx, pas seulement en raison de la chanson "Le houx et le lierre" et au fait qu'ils vont bien ensemble pour les décorations de Noël, aussi de par la coutume de Yule où les jeunes hommes houx et les jeunes filles lierre jouaient aux gages et se taquinaient mutuellement. Quelques traces de cette coutume remontent aux Saturnales romaines du solstice d'hiver.

Lier la dernière gerbe de blé avec du lierre, associé à la Déesse en tant que "tueuse du blé", était une autre coutume anglaise. Le lierre incarne la nature double de la Déesse - qui donne et qui prend. En tant que lierre, elles est sombre et apparemment destructrice, pourtant elle est toujours verte, ce qui représente la vie éternelle. Les feuilles de lierre étaient tenues pour sacrées pour la déesse de la lune. Les druides modernes décorent l'autel de la lune de lierre blanc. Dans son enfance, le héros irlandais Fionn avait été protégé de ses ennemis par un arbre recouvert de lierre."

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


LIERRE (Hedera). — Le lierre, qui embrasse, a été adopté comme symbole de l’amour et de l’amitié. L’amour cependant est quelquefois concupiscence ; c’est pourquoi, dans une strophe indienne (cf. Böhtlingk, Ind. Spr., III, 4670), après s’être demandé le nom du lierre de la vie mondaine (bhavavallî), le poète répond que ce lierre est la concupiscence (trishnâ) ; l’amour parfois est un incendie qui atteint et qui dessèche tout, ainsi que le lierre ; voici donc ce qu’on lit dans la légende du Pandjab « Hir et Ranjhan », traduite par feu le professeur Garcin de Tassy : « Le vénérable schaïkh Saad et le vénérable schaïkh Mina ont écrit ceci dans le Majma-i-Sulûk, collection relative à la voie religieuse : « le mot ischc (amour) dérive de iscloqua, qui est le nom du lierre en arabe. Or, la propriété de cette plante, c’est de dessécher l’arbre auquel il s’attache, comme l’amour dévore le cœur de celui qui le ressent. »

D’après Plutarque, le prêtre de Zeus devait éviter la vigne pour ne pas devenir ivre, et toucher le lierre, lequel cependant était censé lui donner une sorte de fureur prophétique. La ressemblance des feuilles du lierre avec celles de la vigne, leur qualité commune de plantes grimpantes ont pu faire rapprocher le lierre et la vigne dans le mythe ; seulement on a prétendu que le lierre neutralisa la vigne et se préserva de l’ivresse. C’est pourquoi, dit-on, on couronnait de lierre la tête et le thyrse de Bacchus. Mais ce thyrse a été déjà identifié avec la foudre. La foudre était l’arme victorieuse du dieu, et le tonnerre proclamait la volonté divine. Bacchus, couronné de lierre, était donc un dieu à la fois victorieux et prophétique. Par imitation, Alexandre se couronna de lierre après son expédition aux Indes. Lorsque Hostus Hosthius entra le premier à Fidène, comme symbole de force et de victoire, Romulus couronna son front de lierre. Le lierre qu’on voit sur la porte des tavernes a la même signification que la branche de chêne. C’est une précaution pour rendre le vin innocent. Mais, à l’origine, cet usage superstitieux devait avoir un autre motif. Le chêne est l’arbre de Zeus ; le lierre aussi lui est cher : symbole de force, sans doute, et de génération, il aide peut-être aussi le buveur de vin à dire la vérité, c’est-à-dire la prophétie. Chez les Lettes, on appelle le lierre Pehrkones, d’après le nom du dieu de la foudre Pehrkon. Chez les Allemands, pour invoquer la rosée, le lait du ciel, qui doit accroître le lait des herbes, on prend de l’eau bénite et on bénit l’étable ; on y porte la Gunrebe, le lierre (hedera terrestres), la Meerlinse, lentille de mer (pancratium maritimum) et du sel, et on dit : « Ichgib dir Gunreben, Merlinsen und Salz, gang ûf durch die Wolken und bring mir Schmalz, Milich und Molken. » Le regretté professeur Mannhardt, dans ses Germanische Mythen nous apprend que le lierre, à cause de sa couleur semblable à la foudre, était consacré au dieu de la foudre Thunar et offert au farfadet son messager. Lorsqu’en Allemagne on conduit pour la première fois les vaches au pâturage, on les trait avec une branche de lierre pliée en couronne ; on prétend aussi que celui qui porte sur sa tête une couronne de lierre acquiert la faculté de reconnaître les sorcières.

« Le lierre, écrit M. Lenormant, dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et modernes, était un des symboles primitifs de Dionysos, et ce dieu lui-même adoré à Ouharnae sous le nom de Kissos, le lierre ; ailleurs, Cissos est un compagnon de Dionysos. Aussi le lierre formait-il sa couronne aussi souvent que la vigne, d’où les épithètes de ..., ..., la première employée déjà dans les hymnes homériques. Chez les poètes latins, Bacchus est appelé Corymbifer aussi bien que Racemifer, par allusion aux fruits de lierre ; c’est ce qu’on appelait ... La fête dionysiaque de Phlionte était nommée ... Le convolvolus, ... est appelé par Dioscoride ... ; à cause de la ressemblance qu’exprime ce nom, il était attribué à Bacchus comme la vigne et le lierre. » Chéruel, en nous apprenant l’usage français de suspendre le lierre à la porte des cabarets, ajoute qu’on le considérait aussi comme un symbole d’amour. Un chant anglais du moyen âge, que M. Zernial nous a fait connaître (Thiere und Pftanzen in der Indogermanischen Volkspoesie, Berlin, 1876), célèbre le lierre, ivy (allemand Epheu), comme le meilleur, le plus digne des arbres, celui dont on attend toutes les bénédictions.


The most worthye she is in towne ;

He that seyth other, do amysse ;

And worthy to bere the crowne ;

Veni, coronaberis.

Ivy is soft and mek off speech,

Ageynst all balt she is blysse ;

Well is he that may hyre rech.

Ivy is green, with coloure bright,

Off all treis best she is ;

And that I preve well non be right.

Ivy beryth berys black ;

God graunt us all his blysse

Fore there shall we nothing lack.

Veni, coronaberis.


On prétend que Kissos était le nom de Bacchus enfant, qui, abandonné par sa mère Sémélé, s’étant caché sous le lierre (cf. Genévrier, Myrte, etc.), lui aurait donné son propre nom. C’est comme symbole de volupté que, selon Eustache, le lierre était consacré à Bacchus. On sait que le thyrse de Bacchus, entouré de lierre, représentait à la fois la foudre et le phallus ; par le thyrse, on peut mieux comprendre le rôle érotique prêté au lierre, même sans tenir compte de plante grimpante qui embrasse fort. Un autre mythe hellénique, dont la signification est peut-être phallique, fait de Kissos un fils de Bacchus, lequel, dansant devant le dieu son père, en mourut ; la déesse Gaea, la Terre, en eut pitié et le changea en lierre, plante qui porte son nom, Kissos. Les poètes indiens comparent souvent l’étreinte des bras des amoureux aux enlacements de la liane (latâ).

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), le lierre est associé à des "vêtements persistants".


Métamorphose végétale : Au sud du pays de Galles, la Dame verte de Caerphilly hante chaque nuit la forteresse médiévale du même nom. Elle laisse parfois échapper de lugubres gémissements qui résonnent jusque dans les campagnes alentour et font frémir les habitants réunis comme un seul bloc autour de la cheminée. Selon la légende, cette créature était autrefois une princesse venue de France pour épouser le lors de Caerphilly. Quand ce dernier apprit qu'elle en aimait un autre, il l'exila de son château pour ne plus jamais revoir celle qui lui avait brisé le cœur. Mais une fois décédée, la femme rejoignit en esprit les murs de son ancienne demeure. Elle apparaît toujours vêtue d'une longue robe verte et détient la capacité extraordinaire de se changer en lierre de façon à se confondre avec la végétation croissant sur les murs en ruine.

La mythologie grecque fait également état d'une métamorphose mis qui serait due cette fois à Bacchus. La plupart des auteurs s'accordent à dire que ce dieu changea en lierre un de ses suivants prénommé Cissus qui décéda après avoir chuté en dansant. Mais selon Béatrice Phillpotts, auteure britannique, c'est une nymphe pleine d'entrain qui aurait été ainsi transformée après avoir dansé au point d'en périr d'épuisement. toujours est-il que Bacchus fut élevé par des nymphes du nom de Nysiades, sous les feuilles de lierre, d'où son attachement pour cette plante.


Parure verte : Le lierre offre une couverture parfaite pour se dissimuler avec la végétation. Voilà pourquoi, à l'instar de Puck qui porte une ceinture de cette plante et des frondaisons dans ses cheveux, de nombreux êtres féeriques sylvestres ont l'habitude de se parer avec ses feuilles persistantes. Bien des Dames vertes endossent cette tenue de camouflage tout comme le Févert dans les bois ou l'Homme vert, esprit de la nature par excellence. Ce dernier est souvent représenté dans les églises et cathédrales sous forme de masques feuillus gravés dans la pierre, un moyen comme un autre de christianiser ce symbole païen. Dans la cathédrale d'Amiens, on allait même jusqu'à personnifier l'Homme vert en habillant un membre de la confrérie avec une chemise réalisée avec les feuilles de lierre. Il distribuait de petites couronnes de fleurs en cire aux chanoines chaque 13 janvier, jour de la saint Firmin. Mais cette mise en scène fut abolie au XVIIIe siècle par l'évêque qui trouvait qu'elle ressemblait trop aux rites du paganisme.


Le favori des fées : Les fées sylvestres aiment le lierre fidèle qui habille les troncs des arbres alors que l'automne les a dépossédés de leurs feuilles et qui tapisse le sol transi de froid pour le réchauffer de ses longues tiges rampantes. Voilà pourquoi les Bonnes Dames du Jura se parent souvent d'une couronne de cette plante, ornée de petites fleurs et de gouttes de pluie. Quant aux enchanteresses roumaines des Carpates, elles dansent et batifolent de préférence dans les clairières habillées de lierre."

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Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), cherche à déterminer les plantes associées par leur dénomination aux divinités antiques :


[...] Il existe un certain nombre de plantes qui sont revendiquées d’un côté par la mythologie et de l’autre par la religion. [...]

Même chose pour le lierre, plante phare de Dionysos, d’où le phytonyme tardif du lierre Nysias. Mais dans la mythologie égyptienne, le lierre est la plante d’Osiris. Plutarque mentionne que le lierre porte en Égypte le nom de Chenosiris. Chen-Osiris signifie arbre d’Osiris. Diodore de Sicile nous dit à ce sujet dans sa Bibliothèque Historique : « mais pour le lierre, la découverte en est attribué à Osiris : cette plante lui est encore consacrée, comme elle l’est chez les Grecs à Bacchus et porte, dans la langue du pays, un nom qui, traduit dans la nôtre, signifie plante d’Osiris ».

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Croyances populaires :


D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012), le lierre (Hedera helix) est très efficace "pour se cramponner au bonheur".


Un amour attachant : Pour ses longues tiges enlaçant les murs ou les arbres et sa longévité pouvant atteindre plusieurs centaines d'années, le lierre symbolise des liens affectifs durables, tels l'amitié et l'amour. "Je meurs ou je m'attache", tel est l'adage qui accompagne souvent le lierre sur les anciennes cartes postales représentant de jeunes couples. Afin que la passion et la fidélité soient toujours au rendez-vous, les Anglo-saxons confectionnaient des charmes d'amour avec des baies de lierre. en France, les femmes amourachés rêvant au mariage prélevaient une feuille de cet arbrisseau sans la regarder et la plaçaient sur leur cœur. Le soir venu, elles glissaient l'élément végétal sous leur oreiller et s'endormaient en rêvant de noces futures avec leur bien-aimé. Grâce à ces agissements, leurs songes nocturnes avaient toutes les chances de se réaliser prochainement.

Sans le savoir, les jeunes femmes du Pas-de-calais recouraient à une méthode plus risquée. Elles ajoutaient une feuille de lierre dans leur missive adressée à leurs aimés afin qu'ils se marient tous deux bientôt. Ignorantes d'une autre superstition, elles condamnaient les futurs époux à périr précocement...


Vengeance amère : Dépités d'avoir été supplantés par un autre aspirant, les hommes de Chouppes (Vienne) plaçaient sur le chemin de noces des mariés quelques graines de lierre afin que l'épousée ne puisse jamais enfanter...


Bonheur avorté : Une superstition commune aux pays anglo-saxons et nordiques fait placer le lierre grimpant sur les maisons comme un excellent porte-bonheur pour leurs habitants. en dehors de son logis, on peut tout autant profiter des vertus bénéfiques du lierre en portant sur soi une feuille attirant la chance et le succès. Je ne sais pas si vous gagnerez au loto ou si vous trouverez un emploi grâce à ce subterfuge mais vous pouvez toujours interroger le lierre. Le seul hic, c'est qu'il met neuf jours à donner une réponse qui peut arriver après coup. La méthode, pas très efficace, brille pourtant par sa simplicité puisqu'il suffit de placer des feuilles de lierre dans l'eau. Si elles flottent toujours au bout du temps imparti, le succès sera au rendez-vous. An Amérique, les femmes d'affaires ont fait du lierre leur amulette spécifique alors que les jeunes mariées anglaises recouraient fréquemment au végétal pour mener une vie heureuse. Lors de leur grossesse, ces dernières se séparaient néanmoins du lierre par crainte de faire une fausse couche. Il faut dire que la plante, tout comme la rue ou le persil, était jadis utilisée pour avorter...


Je t'aime moi non plus... Pour témoigner de leur attachement éternel à leur fiancée, les jeunes hommes disposaient des tiges de lierre devant la porte de leur promise durant la nuit précédant le 1er mai. Les célibataires de la gent féminine qui avaient la mauvaise surprise de trouver au petit matin les mêmes végétaux devaient comprendre qu'elles étaient trop collantes !"

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi le Lierre :

2 octobre

(La Bastide)

Par-dessus la route, le gros buisson de lierre est en fleur, et c'est une planète végétale. Ses rameaux aux feuilles entières soutiennent dix mille boules de boulettes au parfum spermatique. Pour chacune : cinq sépales vert pâle, cinq étamines aux anthères de soufre, un ovaire ventru et un petit style raide.

Les insectes se pressent à cette table de banquet tardif. J'y vois des hyménoptères de toutes les tailles, des mouches vertes, des mouches grises, des syrphes à l'allure de guêpes, des physocéphales à l'abdomen fil de fer, de rondes volucelles fauve et noir. Et le peuple incertain des lépidoptères - mosaïques aériennes, tapis d'Orient qui volent... Tircis ocre et brun ; argus d'argent bleu pâle ; vulcain de flammes et de ténèbres ; morio de velours noir liséré d'hermine...

J'ai les yeux trop humains pour tout observer, le nez trop grossier pour tout sentir, la cervelle trop polluée de culture pour tout comprendre. Cela s'arrangerait encore si j'avais la langue assez longue pour butiner.

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Régine Detambel consacre un ouvrage à Colette. Comme une flore, comme un zoo (Éditions Stock, 1997) dans lequel elle s'intéresse aux métaphores botaniques et zoologiques :


Lierre

« (Elle) s'en va, après un regard de scandale vers le lierre, l'épine et la ronce rougie qui étreignent, amoureux et libres, une verte tombe abandonnée... » Dans la Foule


Le lierre ouvre le livre. Il est le premier cité, dans Claudine à l'école, à quelques paragraphes de la fraise et du muguet : « [Montigny] s'étage en escalier, au-dessous d'un gros château, rebâti sous Louis XV et déjà plus délabré que la tour sarrasine, épaisse, basse, toute gainée de lierre, qui s'effrite par en haut, un petit peu chaque jour. »

Le lierre est une plante grimpante. Ainsi, il tue par suffocation. Inlassable, opiniâtre, il chasse à l'affût : « Ce pleur épais au long d'une bûche, c'est l'agonie d'un très ancien sapin, que le lierre patient a tué. » Il a la puissance destructrice, les mêmes proies, les mêmes cruelles manies que la glycine ou l'ampélopsis. Pourtant, Colette ne le dote pas de la morphologie reptilienne des autres plantes grimpantes. Au contraire, elle l'arme de bras et de griffes : « Le lierre remplace la glycine, tord la gouttière, matelasse le toit qu'il escalade et, ne trouvant plus où grimper, tend vers le ciel un robuste bras tordu, aigretté de graines vertes et d'abeilles vibrantes. » Le lierre se hisse « comme une bête grimpeuse qui s'étire, [il] enfonce ses mille griffes courtes dans l'écorce des arbres. » Il est animal à sang chaud.

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Ogham :


Lire la fiche dédiée à l'Ogham Gort.

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