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Le Jasmin



Étymologie :


  • JASMIN, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. xive s. oile de jasmin (Ghatrif, 56, 6 ds T.-L.), attest. isolée, à nouv. en 1573 huile de jasmin (Paré, XVIII, 63, éd. J.-F. Malgaigne, t. 2, p. 768b) ; 2. 1512 jassemin « arbuste » (J. Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, I, 29 ds Œuvres, éd. J. Stecher, t. 1, p. 215) ; 3. 1569 josmin « fleur » (Ronsard, Poèmes, l. 7, le Soucy, 17 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 15, p. 174). Empr. à l'ar. yāsamīn « jasmin » et celui-ci au persan yāsamīn, yāsaman, yāsam, moy. persan yāsman (FEW t. 19, p. 199 ; Frisk, s.v. ι ̓ α ́ σ μ η). Cf. gr. ι ̓ α ́ σ μ η « jasmin », ι ̓ α ́ σ μ ι ν ο ν μ υ ́ ρ ο ν « essence de jasmin », ι ̓ α σ μ ε ́ λ α ι ο ν « huile de jasmin »; lat. médiév. oleum iasiminum ca 1240 ds la trad. lat. de Moamin et Ghatrif (éd. H. Tjerneld, p. 364).


Lire aussi la définition du nom "jasmin" pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Jasmin fructicans ; Aléno ; Embriago ; Jansémi ; Jasmin à petites fleurs ; Jasmin commun ; Jasmin-cytise ; Jasmin turc ; Jessemin ; Jossemin ; Petit Jasmin ; Scanio ;




Botanique :


Robert Castellana et Sophie Jama, auteurs de "Floriculture et parfumerie : les origines de l’acclimatation végétale sur la cote d’azur." (Issued by The Phoenix Project, 2012) nous apprennent les vertus du Jasmin (Jasminum grandiflora) en lien avec la parfumerie :


Connues depuis l'Antiquité pour la finesse de leurs senteurs, ces essences orientales constituent l'âme de la plupart des compositions parfumées modernes.


Le jasmin, dont le nom viendrait du persan, est attesté en Méditerranée orientale dès l'Antiquité. Parmi plus de 200 espèces, surtout cultivées en Chine dont la plupart seraient originaires, les jasmins les plus utilisés en parfumerie sont Jasminum grandiflorum, Jasminum officinale et Jasminum odoratissimum. Les deux molécules jouant un rôle majeur dans la senteur du jasmin naturel sont la jasmone et le jasmonate de méthyle. Les parfumeurs azuréens auraient utilisé comme porte greffe la variété officinale, mieux adaptée au climat des Alpes Maritimes. La récolte du jasmin employait avant la guerre quelques 3000 femmes, avec 800 hectares d’une culture qui représentait la première activité agricole du département français des AlpesMaritimes, et une main d’œuvre venant pour l’essentiel des la région italienne voisine. Au printemps, on plante en rang serré les "cavillons", des boutures qui seront greffées "en fente" l'année suivante. Ce travail, consistant à inciser les tiges principales, était essentiellement féminin. Le greffeur passait ensuite et déposait les greffons, taillés en biseau, qu'une ouvrière ligaturait avec du raphia. Une équipe (composée de 4 personnes) greffait ainsi quelques 2000 plants par jour. Un hectare en compte près de 100 000. La 1° récolte venait en fin de saison. Le jasmin se récolte entre juillet et septembre, le matin après la rosée, et parfois l'après-midi ou le soir, dans des paniers. C'est un travail difficile, puisque les plants sont palissés à une hauteur de 35/40 cm. Une ouvrière récolte jusqu'à 3 kilos de fleurs, soit 25000 fleurs, au cours d'une journée de 6 heures. La fleur de jasmin est traité uniquement par enfleurage. La rose et le jasmin de Grasse séduisirent notamment Coco Chanel, lorsqu'elle lança avant la guerre son célèbre N°5. Ces essences raffinées participent toujours du succès irrésistible de ce parfum, qui ne s'est jamais démenti.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Été - Juillet

JASMIN BLANC COMMUN - AMABILITÉ.

Il y a des personnes douées d'un si heureux caractère qu'elles semblent être jetées dans le monde pour être le lien des sociétés : elles ont, dans les manières, tant de facilité et de grâce qu'elles supportent toutes les positions, s'accommodent à tous les goûts, et font valoir tous les esprits ; elles sont si obligeantes que toujours elles s'intéressent à ce que vous dites, s'oublient pour vous servir, se taisent pour vous entendre ; elles ne flattent personne, n'affectent rien, n'offensent jamais : leur mérite est un don du ciel, comme celui d'un joli visage ; elles plaisent, en un mot, parce que la nature les a faites aimables. Le jasmin semble avoir été créé tout exprès pour être l'heureux emblème de l'amabilité. Lorsque, vers 1560, il fut apporté des Indes par des navigateurs espagnols, on admira la légèreté de ses rameaux, le lustre délicat de ses fleurs étoilées ; et on crut que, pour conserver une plante si élégante et si mignonne, il fallait la mettre en serre chaude ; elle parut s'en accommoder : on l'essaya en orangerie ; elle y crut à merveille ; on la risqua en pleine terre, où main tenant, sans demander aucun soin, elle brave nos plus rigoureux hivers. Partout on voit l'aimable jasmin diriger à notre gré ses rameaux souples et faciles ; il les étend en palissades, les arrondit en tonnelles, les jette en buissons, les élève en massifs, et souvent les déploie en verts tapis le long de nos terrasses et de nos murailles. D'autres fois encore, obéissant aux caprices et aux ciseaux du jardinier, il élève, sur une faible tige, une tête arrondie, semblable à celle d'un jeune oranger ; sous toutes ces formes il nous prodigue des moissons de fleurs qui embaument, rafraichissent et purifient l'air de nos bosquets : ces fleurs délicates et charmantes offrent au léger papillon des coupes dignes de lui, et à nos diligentes abeilles un miel exquis, abondant et parfumé. Le berger amoureux unit le jasmin aux roses, pour parer le sein de sa bergère ; et souvent ce simple bouquet, tressé en guirlande, couronne le front de la princesse. On raconte qu'avant d'arriver en France, le jasmin séjourna en Italie : un duc de Toscane en fut le premier possesseur : tourmenté d'une jalouse envie, ce duc bizarre voulut jouir seul d’un bien si charmant ; il défendit à son jardinier d'en donner une seule tige, une seule fleur. Le jardinier aurait été fidèle s'il n'avait connu l'amour : mais, le jour de la fête de sa maîtresse, il lui présenta un bouquet ; et, pour rendre ce bouquet plus précieux, il l'orna d’une branche de jasmin. La jeune fille, pour conserver la fraicheur de cette fleur étrangère, la mit dans la terre fraîche ; la branche resta verte toute l'année, et, le printemps suivant, on la vit croître et se couvrir de fleurs. La jeune fille avait reçu des leçons de son amant ; elle cultiva son jasmin ; il se multiplia sous ses mains habiles. Elle était pauvre, son amant n'était pas riche : une mère prévoyante refusait d'unir leur misère ; mais l'Amour venait de faire un miracle pour eux, la jeune fille sut en profiter : elle vendit ses jasmins, et les vendit si bien qu'elle amassa un petit trésor, dont elle enrichit son amant. Les filles de la Toscane, pour conserver le souvenir de cette aventure, portent toutes, le jour de leurs noces, un bouquet de jasmin ; et elles ont un proverbe qui dit qu'une jeune fille, digne de porter ce bouquet, est assez riche pour faire la fortune de son mari. Pour moi, j'aime à penser que tous nos jasmins français descendent de celui qui fut heureusement cultivé par les mains des Amours.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Jasmin commun - Amabilité.

A cause de la grâce de son feuillage et de la beauté et de l’agréable odeur de sa fleur.


Jasmin d’Espagne - Sensualité.

Ce jasmin, à l’odeur si enivrante, est la fleur obligée de toutes les couronnes de jeunes mariées en Espagne.


Jasmin jaune - Bonheur.

A cause de la suavité de son parfum.


Jasmin de Virginie - Séparation.

Cette espèce porte le nom de la Virginie du roman touchant de Bernardin de Saint-Pierre. [Paul et Virginie]

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


JASMIN - AMABILITÉ.

Plante de la famille des jasminées L'espèce la plus remarquable est le jasmin blanc, originaire de la côte de Malabar. Les fleurs du jasmin servent à la préparation des liqueurs, des essences et des huiles. Les parfumeurs en font un grand usage.

Là du jasmin doré, la précoce famille

Brille avec le rosier, à travers la charmille. (ROUCHER)


Le jasmin blanc qu'un fil savant dirigé,

De jets nombreux enrichit l'espalier. (CAMPENON)

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


JASMIN BLANC - AMABILITÉ.

L'homme aimable en société sera plus aimé qu'un frère.

Proverbes : XVIII, 24.

Le jasmin commun, originaire des Indes, a été apporté chez nous par les Espagnols en 1560 et s'y naturalisa si bien qu'on le trouve partout. C'est un arbrisseau plein d'élégance qui se complait dans tous les terrains, se prête à toutes les formes soit qu'un en palissade les murs, soit qu'on en garnisse les terrasses et les treillages, ou qu'on le force malgré ses rameaux grimpants, à prendre la forme d'un petit arbre à tige droite, pour en orner les plates-bandes, les cheminées ou les croisées : partout il produit un très bel effet par son feuillage d'un beau vert, de longue durée, et composé de feuilles opposées, en aile, à folioles ovales et aiguës; aussi en a-t-on fait le symbole de l'amabilité, qui, mieux que les attraits d'un joli physique plait à tout le monde, parce qu'elle est à l'abri des outrages du temps. Il est peu de fleurs dont l'odeur soit plus recherchée, plus douce et plus agréable que celle du jasmin, mais il faut pour la conserver des opérations particulières. Il est très prudent de placer quelques paillassons sur les tiges de jasmin pendant les grands froids et de couvrir son pied avec de la litière.


DE L'AMABILITÉ.

Etre aimable , c'est réunir en soi les vertus et les qualités indispensables pour plaire et se faire estimer. L'amabilité serait donc constituée d'après cette définition, par la réunion de la franchise, de la prévenance, de la patience, de l'affabilité et même de la bienfaisance ; nul ne méritant le titre d'aimable s'il ne réunit en lui toutes ces qualités, ou du moins le plus grand nombre d'entre elles.

Si nous voulons donc être aimé des hommes, témoignons leur de l'estime et de l'amabilité ; celui à qui personne ne plait, pour l'ordinaire ne plaît à personne. Cherchons dans la société à être bien avec tous si nous voulons y goûter du plaisir, car on est toujours bien où l'on est agréable et l'on s'ennuie nécessairement où l'on ne plaît pas. Voulez-vous que tout le monde vous aime et vous estime ; ayez pour tout le monde beaucoup d'honnêteté, de douceur, de patience, etc. C'est par là que vous gagnerez tous les cœurs et que vous vous les attacherez. « L'homme, dit Salomon, dont la société est aimable, sera plus aimé que ne l'est un frère. »

On rencontre parfois des personnes qui s'inquiètent fort peu de plaire à tout le monde, mais qu'elles comprennent bien mal leur intérêt ; et en effet, celui qui se fait aimer de tout le monde entreprend peu d'affaires qui ne lui réussissent, chacun s'empressant à l'obliger, et n'y aurait-il pas en effet de quoi rougir que de faire de la peine à celui qui ne cherche qu'à faire plaisir aux autres, qu'à s'en faire ai mer. L'illustre Fénelon l'éprouva un jour. Des personnes envieuses et jalouses, car il ne pouvait avoir d'autres ennemis, avaient envoyé exprès de Paris à Cambrai un homme d'esprit qui, sous prétexte de rendre visite à monseigneur l'archevêque, devait examiner de près sa conduite. Cet homme resta plusieurs mois à Cambrai, et fut à la fin tellement pénétré du mérite de ce prélat, de ses manières affables et de sa conduite édifiante, qu'un jour parlant à Fénelon, il lui avoua, les larmes aux yeux, le mystère odieux de son voyage et retourna à Paris rempli d'horreur pour ceux qui voulaient rendre ce prélat suspect à la cour. Aimé et révéré de ses diocésains, les étrangers les plus distingués lui payaient avec plaisir le même tribut d'estime et d'amour. Durant la guerre de la succession d'Espagne, le prince Eugène et le duc de Marlborough le prévenaient par toutes sortes de politesses. Ils envoyaient des détachements pour garder ses prairies et ses blés. Ils firent même transporter et escorter jusqu'à Cambrai ses grains, de peur qu'ils ne lui fussent enlevés par les fourrageurs de leur armée. Lorsque les partis ennemis apprenaient qu'il devait faire quel que voyage dans son diocèse, ils lui faisaient dire qu'il n'avait pas besoin d'escorte française et qu'ils l'escorteraient ; les hussards mes des troupes impériales lui rendaient ce service, tant la douceur, l'amabilité et la vraie vertu ont d'empire sur les esprits.

Le bonheur de nous faire aimer dépend souvent de nos discours et de nos entretiens, et c'est là principalement que la sagesse veut que nous cherchions à nous rendre aimables. Souvent les bons offices et les présents gagnent moins de cœurs que les paroles honnêtes et polies. Les femmes mêmes qui se font le plus considérer et le plus aimer dans le monde, ne sont pas celles qui ont le plus de grâces extérieures et le plus d'esprit ; ce sont celles qui savent le mieux conduire leur langue, et qui sont les plus sages dans leurs paroles.

Il semble donc qu'il serait facile de se faire aimer. Néanmoins cela est rare, parce que au lieu de parler de la manière qui plairait aux autres, nous voulons dire ce qui plait à notre humeur. Nous aimons mieux déplaire que de retenir quelques paroles indiscrètes, ou de parler avec bonté et patience. Il faudrait aussi sacrifier souvent son amour-propre, combattre ses penchants et résister à ses goûts, pour s'accommoder à ceux des autres : ce qui est difficile quand on ne s'y est pas accoutumé de bonne heure, ou qu'on n'est pas animé par l'esprit de la religion, qui veut que nous soyons affables et complaisants pour tout ce qui est bien, pour l'édification, comme l'apôtre le recommandait aux premiers fidèles. En rendant par nos bonnes manières la vertu aimable , et en lui gagnant tous les cœurs, nous avons encore l'avantage de gagner pour nous-mêmes et d'en recueillir les heureux fruits.


MAXIMES.

Ce n'est point la beauté qui seule rend aimable C'est l'esprit, le bon cœur et l'air toujours affable.

(MOREL-VINDÉ, Morale de l'enfance.)

Les gens les plus aimables dans le monde sont ceux qui choquent le moins l'amour propre des autres.

(LA BRUYÈRE.)


JASMIN D'ESPAGNE - SENSUALITÉ.

Malheur à vous qui dormez sur des lits d'ivoire et vous étendez mollement sur votre couche, qui mangez les agneaux choisis et les génisses les plus grasses, qui chantez aux accords de la lyre, qui buvez dans de larges coupes et qui répandez sur vous les parfums les plus exquis.

Amos. VI , 4, 5. 7

Le jasmin d'Espagne ou à grande fleurs est un fort joli arbuste originaire de l'Inde ; ses feuilles sont persistantes, à sept folioles oblongues et obtuses. Ses fleurs paraissent de juillet en novembre, sont grandes, blanches, rouges en dehors et exhalent une odeur des plus suaves. Les Turcs et les Maures sur les côtes de Barbarie , font avec les rameaux de ce jasmin des tuyaux de pipe. Dans le Malabar un homme riche serait ; très mal à son aise si ses appartements, ses meubles et son lit n'étaient pas tous les jours parfumés avec des fleurs de jasmin ; on fait de très grandes dépenses pour se procurer cette sensualité de bon ton. Les jeunes Grecques ont aussi un goût passionné pour cet arbuste, elles tressent des rameaux fleuris en couronnes dont elles parent leurs cheveux noirs. Dans l'Inde on cultive avec le plus grand soin toutes les espèces de jasmins odorants.


RÉFLEXION.

Toute joie sensuelle s'insinue doucement, mais à la fin elle blesse et tue.

(L’Imitation de J.-C., I, 20.)

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Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte les équivalences de l'Horloge de Flore :


Il est des fleurs qui s'ouvrent invariablement à la même heure ; les horticulteurs profitent de cette horloge naturelle pour régler leur temps, et les amoureux emploient ce moyen pour indiquer le moment où ils passeront sous les fenêtres de celle à qui ils offrent leurs vœux.


Neuf heures du soir = Le nyctanthe de Malabar.


L'autrice évoque également le symbolisme de cette fleur dans le langage des fleurs :


Jasmin blanc - Amabilité.

Cette gracieuse plante est originaire de l'Asie. Ses tiges sarmenteuses, qui atteignent quatre à cinq mètres de longueur, se couvrent de fleurs odorantes dont le parfum est très recherché et forment de charmantes palissades.

Le jasmin blanc qu'un fil savant dirige,

De jets nombreux enrichit l'espalier.


Jasmin jaune - Bonheur.

Cette plante , originaire de l'Inde, se rencontre très souvent dans le Midi ; elle donne des fleurs jaune d'or, d'une grande suavité.

Là, du jasmin doré la précoce famille

Brille avec le rosier à travers la charmille.


Nyctanthe - Rêverie mélancolique.

Cet arbrisseau, originaire de l'Inde, est une espèce de jasmin dont les fleurs s'ouvrent le soir et répandent un parfum délicieux. Aux premiers rayons du soleil elles tombent et les jeunes filles du pays les ramassent pour s'en faire des colliers et des couronnes. On prétend que ces fleurs inspirent la rêverie et font apparaitre les images de la réalité ; aussi la plante qui les produit porte-t-elle le nom populaire de somnambule.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Jasmin blanc (Jasmin fructicans) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Lune

Élément : Eau

Divinité : Vishnou

Pouvoirs : Amour ; Gains matériels ; Rêves prophétiques.


Dans le midi de la France, plus particulièrement dans la région de Grasse, on cultive pour l'industrie de la parfumerie le Jasmin à grandes fleurs (Jasmin grandiflorum). Cette variété asiatique, originaire du Népal, est en Europe greffée sur des souches de Jasmin blanc, indigène et plus résistant. Pour nos propos, l'emploi des deux Jasmins est identique et celui des parfumeurs, méditerranéen, peut parfaitement être substitué à l'espèce commune.


Utilisation magique : Les fleurs, séchées ou fraîches, entrent dans les sachets d'attachement ; souvent elles figurent aussi dans divers mélanges destinés aux vœux d'amour.

Portées sur soi, ou répandues dans la maison, elles favorisent les rentrées d'argent et la prospérité, d'une manière générale.

Brûlé dans la chambre à coucher sur un réchaud en terre, le Jasmin provoque, dit-on, des rêves médiumniques ; un résultat presque similaire, bien que de moindre intensité, peut être obtenu en plaçant des bouquets de Jasmin dans la pièce où l'on dort. Une croyance très répandue, et justifiée du point de vue de ceux qui la professent, veut qu'on ne mette jamais de fleurs odorantes dans cette pièce. La raison en est justement celle dont nous sommes en train de parler: sur des personnes nerveuses, ou psychiquement instables, le parfum entêtant de certaines fleurs, dont le Jasmin, peut facilement provoquer des hallucinations, des délires mineurs, d'où panique et révolution parmi les gens c normaux» de l'entourage. Au contraire, d'autres personnes, dont nous sommes, recherchent cette déstabilisation momentanée des états de conscience. Le tout est d'être initié et de savoir ce que l'on fait. Surtout de savoir pourquoi on le fait !

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi le Jasmin :

Mot clef : Jasmin jaune : Grâce et élégance

Jasmin blanc : Impatience amoureuse

Jasmin d'Espagne : Sensualité


[...] Moi qui n'aurais aimé, si j'avais pu choisir,

Qu'une existence calme, obscure et sans désir,

Une pauvre maison dans quelque bois perdue,

De mousse, de jasmins, et de vigne tendue.


Gérard de Nerval (1808-1853), "Rêverie de Charles VI".


Le mot Jasmin vient de l'arabe jas (désespoir) et min (mensonge), évocateurs des méandres amoureux. La plante est aussi somptueuse par ses senteurs que par sa floraison ; elle exhale un parfum puissant, exotique, assez entêtant le soir.

Au XVIe siècle, le duc de Toscane aurait été le seul à posséder un pied de Jasmin, son jardinier - amoureux de sa fille - en ayant dérobé une branche.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Couper les ongles à un enfant sous un jasmin lui donne une belle voix tandis que, dans la Vienne, porter un brin de cette plante protège de la morsure des lézards.

Dans la région de Menton, au siècle dernier, on déconseillait formellement à un jeune marié d'offrir du jasmin, pourtant emblème de la douceur, à sa nouvelle épouse, sous peine de la voir tomber malade, voire mourir dans l'année.

Les fleurs du jasmin blanc, portées sur soi ou répandues dans la maison, attirent l'argent et la prospérité. Elles peuvent également être utilisés dans les amulettes destinées à procurer l'amour. Leur parfum entêtant favorise les rêves prophétiques ; ce pouvoir est renforcé si on brûle du jasmin sur un réchaud en terre dans la chambre à coucher.

Les Arabes en font le fleur de Fatima, fille de Mahomet.

 

Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : La Volupté ; L’Élégance.


Savez-vous ? : Le premier pied de jasmin est arrivé en Toscane, en provenance de Perse, au XVIe siècle. L'été, toute la Tunisie est embaumée par la capiteuse odeur du jasmin. Fleur emblématique de ce pays, il est partout, dans les jardins, les terrasses et même sous forme de colliers portés par les dames, ou bien encore en petits bouquets que les hommes portent à l'oreille. Il a par ailleurs ravi la première place aux roses blanches dans les bouquets des mariées. Les feuilles de jasmin sont extrêmement toniques. Il ne faut jamais les laisser à portée des jeunes enfants, ni des animaux domestiques.


Usages : En Chine, le thé à la fleur de jasmin est considéré comme un des plus succulents breuvages. Il accompagne les mets les plus raffinés de la cuisine chinoise. En Orient, les femmes ajoutent encore de nos jours des fleurs de jasmin à l'argile avec laquelle elles s'enduisent le corps et les cheveux.


Légendes : Dans certaines régions de la Sicile, les fleurs de jasmin ont des vertus divinatoires. Elles servaient aux sorcières pour arracher l'amour du cœur des hommes.


Message : Je vous fais le vœu de mon amour."

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion 2000) :


"Il n'y va pas par quatre chemins, le jasmin, lorsqu'il prend la parole dans les mains de celui ou de celle qui en fait cadeau. Il commence par déclarer : "je vous propose la passion et la volupté des sens." Ensuite, il nuance son offre selon sa couleur. S'il est blanc, il recommande avec autorité : "commencez donc à m'aimer". S'il est jaune, il exige : "je veux être tout pour vous" et réclame en prime "une grande amabilité". Sûr de lui, il garantit le bonheur sensuel. Cependant, il reste honnête puisqu'il prévient : "notre bonheur sera émaillé de séparations". Il est judicieux de l'offrir aux jeunes fiancées car il leur murmure :" je vous apporte un calme bonheur".

Les Romains qui, en toutes occasions, publiques, solennelles, familiales, tristes ou gaies, se coiffaient de couronnes de fleurs, y glissaient du jasmin, cette fleur très ancienne qui poussait déjà en Grèce quatre siècles avant notre ère. Ils le faisaient avec parcimonie tant son parfum grise et fait tourner la tête. Les Hindous, à la même époque, le préféraient blanc et un poète le chantait ainsi :


"Le créateur a fait tes yeux

avec un lotus bleu

Tes lèvres avec de jeunes

boutons de rose

Et tes dents avec le jasmin".


Plus près de nous, à la Belle Epoque, les jeunes gens si bien élevés décrits par John Galsworthy dans sa Saga des Forsyte se l'offrent ainsi :

"Ne voudrait-elle pas accepter cette "chétive fleur" ? Il lui tendit un jasmin. Elle ferait tout à fait bien dans ses cheveux. "Oh, merci, c'est impossible". Elle s'était soudain rappelé les mots "manque de sobriété".


Mots-clefs : "Plaisirs et passion"

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Editions Québec-Livres, 2013), présente ainsi le Jasmin (Jasminum officinale) : "Le jasmin fleurit sur une vigne qui pousse à l'état sauvage dans toutes les régions chaudes du globe. Ses fleurs sont extrêmement odoriférantes et le parfum que l'on en extrait est prisé depuis l'Antiquité.


Propriétés médicinales : Cette plante est un clamant reconnu depuis très longtemps pour son effet bénéfique sur les conditions nerveuses. On s'en sert surtout en infusion. Les Chinois en consomment beaucoup, car c'est une des plantes de longue vie et ils croient que le thé au jasmin équilibre les courants d'énergie yin et yang. D'autres traditions insistent sur ses propriétés aphrodisiaques. D'autre part, on affirme que quelques gouttes d'huile essentielle de jasmin mêlées à de l'huile d'amande douce en massage sont suffisantes pour guérir de la frigidité. En Inde, on se sert d'une infusion de ces feuilles pour les problèmes de la vue.


Genre : Féminin.


Déités : Diane - Vishnu - Kwan Yun.


Propriétés magiques : Amour - Argent - Rêves prophétiques.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • Traditionnellement, cette fleur était consacrée à Diane ; par la suite, l’Église de Rome en fit une fleur dédiée à la Vierge Marie.

  • Dans la tradition chinoise, elle est consacrée à Kwan Yun, déesse de la compassion.

  • Idéal pour vous assurer un avenir doré si vous en portez sur vous.

  • Brûlé en encens dans la chambre à coucher, le jasmin permet de se souvenir plus clairement de ses rêves.

  • On considère que l'huile de jasmin est idéale pour oindre les chandelles, car elle assure une protection psychique contre les énergies négatives et apporte une nouvelle brillance aux couleurs de l'aura.

  • Le jasmin est relié au chiffre 9 en numérologie, lequel symbolise l'aspect maternel de l'univers.

  • C'est une excellente herbe pour charger un cristal d'énergie positive.

  • On recommande de toujours placer un petit cristal de quartz dans le pot où vous conservez vos fleurs de jasmin séchées.

RITUEL POUR ATTIRER VOTRE ÂME SŒUR : Malgré sa réputation aphrodisiaque, le jasmin n'attire pas vers vous un amour passionnel. Son pouvoir réside surtout dans sa capacité d'attirer vers vous votre âme sœur, celui ou celle qui représente votre partie manquant, qui vous complète. Mais attention, trouver son âme sœur ne garantit pas le bonheur.


Ce dont vous avez besoin :

  • une chandelle blanche

  • de l'encens de jasmin

  • une coupe remplie d'eau de source

  • un petit bol de sel

  • des fleurs de jasmin (facultatif)

Rituel : Allumez votre chandelle et faites brûler l'encens. recueillez-vous et méditez plusieurs minutes sur la signification qu'a pour vous la recherche de l'âme sœur. Soyez certain que c'est ce que vous voulez et débarrassez-vous de vos idées préconçues, car, comme nous l'avons dit, rien ne garantit que votre âme sœur corresponde à vos attentes. Tournez-vous ensuite vers le nord en tenant le sel dans vos mains et en prononçant ces mots :


Avec le sel, je demande l'aide de la terre

Afin de trouver celui (celle) qui me complète.


Maintenant, prenez le bol d'eau en vous tournant vers l'est.


Avec l'eau du ciel et des rivières,

je demande l'aide de cet élément.

Afin de trouver celui (celle) qui doit voguer

avec moi dans l'océan de la vie.


Prenez la chandelle et tournez-vous vers le sud en disant :


Avec le feu sacré, je demande l'aide du feu

Afin de trouver celui (celle) dont l'âme brûle du même feu.


Prenez l'encens et tournez-vous vers l'ouest en disant :


Avec de l'air parfumé, je demande à cet élément

De m'aider à découvrir mon âme sœur

qui me complète parfaitement.


Une fois que c'est fait, laissez brûler la chandelle et l'encens, et méditez sur le sujet pendant 15 à 30 minutes."

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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle du Jasmin :

Nom botanique : Jasmimum spp.

Variétés communes : Jasmin d'Espagne ou royal (Jasmimum grandiflorum) ; Jasmin commun (Jasmimum officinale). Propriétés énergétiques : Procure la paix, aide à la méditation profonde, permet de se concentrer sur ses objectifs, concrétise et apporte la sagesse. Archange correspondant : Raziel.

Chakras correspondants : chakra du troisième œil ; chakra coronal.


Propriétés curatives : Le jasmin procure un sentiment de paix et de tranquillité. Il vous aide à mieux vous concentrer sur vos désirs profonds. Le jasmin vous permet également d'atteindre une meilleure maîtrise de la pratique contemplative, ce qui explique qu'il soit, depuis fort longtemps, célébré par les moines bouddhistes. Les effluves de ses fleurs sont également source de guérison.


Message du Jasmin : « Je peux approfondir votre pratique de la méditation. Ensemble, nous pourrons écarter tous les obstacles jusqu'à ce que vous ayez pris contact avec l'énergie véritable de votre âme : un état de paix et de bien-être intérieurs. Je calmerai votre esprit et vous permettrai de vous concentrer. En présence de mon énergie, vous sentirez une grâce et un calme merveilleux se répandre dans votre corps tout entier. Vous serez en mesure de vous concentrer sur vos désirs et de les réaliser beaucoup plus vite. Votre sagesse se fera plus profonde tandis que je vous transmettrai les enseignements des nombreuses générations qui vous ont précédé. »

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


AT'T-AHASAKA, proprement semblable au dieu Attahâsa (c'est-à-dire celui qui rit tout haut), qui n'est autre que Çiva. Attahâsa a les cheveux hérissés ; par une allusion nouvelle, attahâsaka désigne, en sanscrit, le Jasminum hirsutum. La même plante s'appelle aussi Kunda ou Kundapushpa, c'est-à-dire la fleur kunda ; les deux termes sont synonymes : Kunda est, en effet, le nom de l'un des trésors du dieu de la richesse Kuvera, l'une des formes bien connues du dieu Çiva.

[...]

JASMIN (en sanscrit navamallikâ). — Le jasmin fournit à la poésie orientale d’innombrables images. Dans le drame indien de Kàlidâsa, les cheveux d’or d’Urvaçî sont comparés à la fleur du jasmin jaune. Çakuntalâ, de même qu’Urvaçi, est comparée à la navamallikâ. Une strophe indienne (Böhtlingk, III, 4842) nous représente très vivement les propriétés enivrantes du jasmin : « Un jasmin en fleur sur la tête, du santal avec du safran sur le corps, une femme très chère et attrayante sur le corps, tout ceci est un reste du paradis céleste. » Cependant, si un jasmin pousse au cimetière, on doit l’éviter ainsi que la femme publique (Böhtlingk, I, 1458). Cf. Attahâsaka. Dans les Allégories d’Aziz Eddin, traduites par le regretté Garcin de Tassy, nous lisons : « Alors le jasmin proclama cette sentence avec l’éloquence expressive de son langage muet — Le désespoir est une erreur (l’auteur, écrivait Garcin de Tassy, joue ici sur le nom arabe du jasmin « yâs-min » qui se compose du mot yâs « désespoir » et min « mensonge »). Mon odeur pénétrante l’emporte sur le parfum des autres fleurs ; aussi les amants me choisissent-ils pour m’offrir à leurs maîtresses. On me tire des trésors invisibles de la divinité, et je ne me repose que dans les sortes de piéges que forment sur le sein les plis de la robe. »

[...]

MALATI (jasminum grandiflorum L.). — Une strophe indienne (Böhtlingk, Ind. Spr., I. 680) dit qu’une guirlande de mâlalî, quoique privée de parfum, égaye la vue. Cette comparaison est devenue un proverbe (cf. Ketakî).

[...}

MALIKA, nom indien d’une espèce de jasmin à fleurs doubles. Kalidâsa, dans le premier acte de la Çakungitalâ, nous représente la mâlikâ comme la lumière de la forêt, et l’épouse préférée du sahakâra (espèce de manguier). Au second acte, Çakuntalâ elle-même est comparée à la mâlikâ ; de même que le pénitent Kanva à l’arbre du soleil (arkopari, arkapushpa, espèce de Asclepias ou Calotropis gigantea).

[...]

NYCTANTHES ARBOR TRISTIS L. — Espèce de jasmin qui fleurit la nuit ; ses noms sanscrits sont atyûhâ (excessivement pensive) et nílikâ (sombre, noire). Sa fleur ressemble à la fleur d’orange, mais son parfum est encore plus délicat et sa forme plus gracieuse. Un voyageur italien du XVIIe , siècle, le missionnaire Vincenzo Maria da Santa Càterina, Viaggio all’ Indie Orientali, 9, nous la décrit ainsi : « Il flore diviso in cinque foglie bianche ha la gambetta gialla, che posta nell’acqua la tinge come il nostro zafferano e serve per il medesimo effetto. La pianta è médiocre, carica molto di foglie piccole, strette, lunghe, alquanto dure, aspre e scolorite, di notte stese, di giorno un poco incartocciate come quelle dell’olivo. Non apre li fiori che dopo l’occaso del sole, e li chiude con il risorgere del medesimo ; perô, se con l’aurora si cogliono e si ripongono ne’ sotterranei, molte ore si conservano con le foglie spiegate. » Garcia da Horto nous apprend qu’à Goa, on l’appelait parizataco. C’est le sanscrit pârigâtaka ou pârigâta qui figure parmi les cinq arbres du paradis indien. Mais le pârigâta, d’après le dictionnaire de Saint-Pétersbourg, serait l’Erythrina indica L., ou l’arbre du corail. Le docteur portugais Garcia da Horto ajoute que l’arbre s’appelle singadi à Malacca. Le nom de Pârigâtaka, d’après le même auteur, lui serait venu à la suite d’un évènement tragique, dont voici la légende : « Un gouverneur nommé Parizatacos (Pârigâtakas), avait une fille très belle dont le soleil tomba amoureux. Mais bientôt après, il s’amouracha d’une autre, et la pauvre délaissée en conçut un tel désespoir que, de ses propres mains, elle se tua. Sur elle, poussa l’arbre Parizatacos, dont les fleurs ont le soleil en horreur, de manière qu’elles l’évitent toujours. » On ne peut pas douter de l’origine mythologique de ce conte indien et de ses rapports avec les mythes de l’aurore et du soleil ; l’Indienne Urvâçî et la Daphné hellénique sont de la même famille que cette jeune fille changée en arbre après avoir été aimée par le soleil.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; le Jasmin raconte la sienne dans un conte venu de Java et intitulé "Le turban magique, la dague enchantée et l'écriture merveilleuse" :


"Je m'appelle Jasmin", dit un prince en se présentant devant la reine. "Ma patrie s'étend loin à l'Orient, aussi vais-je vous raconter une légende que le vent d'est m'a murmurée. Écoutez plutôt."


Il y a longtemps de cela, un vieux sage nommé Ayi Saka vivait dans un lointain pays. Un jour, il prit la décision de s'éloigner des hommes pour chercher à pénétrer, dans le silence et la solitude de la forêt, le mystère de la vie. Pendant sept jours et sept nuits. Ayi Saka se tint immobile au milieu de la jungle pour y écouter en silence, sans manger et sans boire, les voix énigmatiques de la terre et du ciel. Son âme se remplit de paix, son cœur fut pénétré par un pouvoir magique, celui qui couvre les fleurs de la forêt. Ayi Saka devint magicien.

Après avoir quitté sa réclusion pour retourner dans le monde des simples mortels, il convoqua ses deux serviteurs, Sembada et Doro, et leur dit :

"Lorsque j'attendais dans le silence de la forêt que mes mains se chargent d'un pouvoir surnaturel, le vent d'est m'apporta un parfum de jasmin et, avec lui, un songe étrange. J'ai rêvé une île merveilleuse, baignée par une mer transparente. Le peuple de ce pays, pauvre et inculte, avait pour roi un ogre affreux, nommé Sang Prabu. J'ai entendu en rêve une voix inconnue qui m'appelait au secours. Je vous demande donc, mes fidèles serviteurs, de m'accompagner dans ce lointain voyage."

Sambasa et Doro acceptèrent avec empressement tout en interrogeant leur seigneur et maître sur la meilleure façon de traverser la mer jusqu'au royaume de cet ogre terrible. Ayi Saka sourit de leur inquiétude : "Le parfum de jasmin a su me trouver, c'est donc lui qui décidera."

Sur ce, le sage cueillit une fleur de jasmin, la laissa tomber par terre et étendit au-dessus d'elle ses mains au pouvoir magique. La fleur se mit à grandir, jusqu'à pouvoir abriter confortablement les trois hommes. Elle s'envola avec eux vers le ciel, comme un tapis volant étincelant. Ils survolèrent longtemps les mers et les continents, la longue barbe blanche d'Ayi Saka flottant comme un pan de brume arachnéen. Un jour, la barbe s'accrocha sur les montagnes d'une île inconnue, dont les sommets disparaissaient dans les nuages. "Nous sommes arrivés", dit Ayi Saka. la fleur de jasmin se posa au bord d'un lac de montagne sans fond. "Restez sur vos gardes, mes mais", dit le vieillard pour prévenir ses compagnons. "Nous sommes dans le royaume des spectres et des démons chargés de garder la voie qui mène au pays du roi et sorcier Sang Prabu. Sembada et moi, nous allons pénétrer au cœur du pays, mais toi, mon fidèle Doro, tu resteras ici, dans la montagne, pour empêcher les démons de voler au secours du roi-ogre. Prends cette dague magique qui te permettra de vaincre tous les monstres de la montagne. N'oublie pas, cependant, que les esprits savent changer de visage et revêtir l'apparence de tes amis. Aussi ne remettras-tu cette dague qu'à moi-même, car ils n'ont pas le pouvoir de se faire passer pour moi."

Doro promit de suivre les instructions du maître. Celui-ci, accompagné du fidèle Sembada, descendit de la montagne pour fouler enfin le sol du Mendang, royaume du puissant ogre. En chemin, nos deux voyageurs ne crisèrent pas âme qui vive. On aurait dit qu'un charme pesait sur tout e pays. Après avoir marché pendant longtemps, ils aperçurent un vieillard qui tressait des paniers en fibres de palmier.

"Honorable vieillard," l'appela Ayi Saka, "où est donc passé le peuple du Mendang ? Tout est désert et désolé comme dans un pays enchanté."

"Tu dis vrai, home au turban et à la barbe blanche", répondit le petit vieux. "Le pays du Mendang est un royaume maudit. tous les matins, notre vice-roi conduit à notre souverain un beau jeune homme qui est dévoré le jour même. toutes les mères de ce pays qui ont des fils craignent l'aube et tous les pères serrent les poings d'impuissance lorsque le soleil apparaît au firmament. Le peuple déserte le royaume du Mendang ou bien fuit les sbires du roi, en se cachant loin dans la frêt. Demain matin, le vice-roi présentera à Sang Prabu son propre fils, car tous les habitants du pays se sont enfuis."

"Conduis-moi chez le vice-roi", demanda Ayi Saka. Après avoir longuement hésité, le vieillard fit selon la volonté du sage. Celui-ci s'inclina respectueusement devant le trône.

"Notre vice-roi et exécutant de la volonté du puissant Sang Prabu," s'adressa-t-il à l'homme mélancolique de peuple, sage et magicien, "la nouvelle du malheur qui frappe votre pays est parvenue jusqu'à moi. Lorsque cette nuit s'achèvera, jette-moi en pâture à ton souverain. Tu verras que j'arriverai à débarrasser votre royaume de cet ogre cruel."

"Ton corps est efflanqué, tes cheveux sont blancs", objecta le vice-roi avec dépit. "Sang Prabu refuse de se nourrir de vieillards." Ayi Saka sourit, toucha son front et, aussitôt, un beau jeune homme se tint devant e vice-roi. Seule la longue barbe blanche continuait à orner son visage. Le vice-roi s'étonna :

"Je m'aperçois que tes pouvoirs sont immenses, noble sage. Si tu arrives à débarrasser notre pays d terrible tyran, j'accéderai à tous tes désirs."

Ayi Saka répondit : "J'ai un souhait modeste. Je veux un lopin de terre que l'on peut couvrir avec mon turban." "Tu es bien original, mais soit ! Ton vœu sera exaucé, je t'en fais un serment solennel", jura le vice-roi. Le lendemain matin, lorsque l'aurore teinta de rose l'horizon, il conduisit Ayi Saka devant le trône du terrible ogre, le roi Sang Prabu. Sang Prabu se réjouit dans son cœur en voyant le beau jeune homme à la barbe blanche. Il retroussa ses babines et déglutit, attirant le jeune homme par la barbe blanche plus près de son trône.

"Quelle est cette barbe, mon garçon ? On peut la manger ? " grogna-t-il.

"Goûte, seigneur, " sourit Ayi Saka, "tu n'as rien mangé de meilleur de ta vie."

Le roi Sang Prabu prit la barbe du jeune homme dans sa bouche et commença à l'avaler avec voracité. Soudain, la barbe se mit à pousser comme si elle était sans fin. Elle s'embrasa dans le corps de l'ogre et le cruel roi mourut dans les flammes, ne laissant derrière lui qu'un petit tas de cendres.

Tout le royaume fut en liesse en apprenant la mort de son méchant souverain. Le vice-roi convoqua Ayi Saka dans la salle du trône pour le remercier. "Tu as demandé une piètre récompense, noble Ayi Saka", estima-t-il. "J'accéderai facilement, et le cœur léger, à ton désir. Prends toute la terre que ton turban peut couvrir. Elle t'appartiendra pour toujours."

Ayi Saka demanda en souriant à son serviteur Sembada de dérouler la pièce de tissu qui lui protégeait la tête. Le zélé Sembada eut beau se hâter, le tissu ne diminuait pas, recouvrant rapidement la jungle et les montagnes, les rivières et les lacs, tout le pays du Mendang. De cette façon, Ayi Saka devint le seigneur et maître d'un grand royaume. Il se mit à l'administrer avec sagesse et bienveillance. Un jour, il se souvint de son compagnon Doro. Il convoqua son serviteur Sembada et lui ordonna :

"Retourne dans la montagne et demande à ton ami de fonder au pied de la chaîne une grande ville qui aura pour fonction de garder l'accès de notre royaume. Rapporte-moi aussi ma dague magique, symbole de mon rang et de mon pouvoir."

Sembada se mit aussitôt en route. Après d'interminables pérégrinations, il retrouva Doro, épuisé par d'incessants combats avec les démons de la montagne. Il lui transmit le message du vieillard et lui demanda de lui remettre la dague. Mais Doro s'y refusa.

"Ton visage est celui de mon fidèle ami Sembada," dit-il, mais Ayi Saka m'a mis en garde contre les esprits qui savent revêtir l'apparence de n'importe quel homme. Aussi me suis-je engagé à ne remettre la dague qu'à Ayi Saka lui-même."

"Moi non plus je ne peux pas revenir sur mon engagement", répondit Sembada. "Je ne partirai pas d'ici sans la dague d'Ayi Saka. Ma fidélité m'y oblige."

Ainsi, les deux amis inséparables se livrèrent un combat à mort pour accomplir la tâche que leur maître vénéré Ayi Saka leur avait confiée. A l'issue de leur combat long et acharne, ils s'effondrèrent, expirant dans les bras l'un de l'autre.

Ne voyant pas revenir Sembada, Ayi Saka partit à sa recherche. Il découvrit les corps inanimés de ses deux serviteurs qui gisaient au pied de la montagne des démons. Le vieux sage se rappela avec regret l'ordre qu'il avait donné à Sembada et la tâche qu'il avait confiée à Doro, comprenant qu'ils avaient payé de leur vie la fidélité et l'amour qu'ils lui vouaient. Il ramasse, les larmes aux yeux, la dague magique pour graver dans la roche une inscription magique, souvenir éternel de ses chers serviteurs :


"Ha na tsa ra ka - "Des serviteurs fidèles

Da ta sa wa la - Luttèrent ensemble.

Pa da ia ya nya - Tous deux de force égale

Ma ga ba ta nga" - Devinrent cadavres inanimés."


A peine eut-il gravé la dernière lettre qu'un miracle se produisit. Doro et Sembada sortirent de leur sommeil de mort, remerciant avec effusion Ayi Saka.

"Moi aussi, je vous remercie de votre fidélité", dit le sage. "Que cette inscription magique devienne pour toujours l'écriture du peuple de ce pays, en souvenir de la noblesse de vos âmes !" Et il en fut ainsi.

Si un jour le vent de l'Orient qui embaume le jasmin vous fait parvenir des mots mystérieux : Ha na tsa ra ka, sachez que sur une merveilleuse île perdue dans l'océan, les petites filles et les petits garçons javanais sont en train de réciter leur alphabet sur les bancs de l'école."

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Littérature :


Le Jasmin


Pour hier, aujourd’hui, demain,

Faites des bouquets de jasmin,

Cueillez, cueillez à pleines mains,

Jasmin d’Espagne ou de Madère,

Jasmin de Perse ou Cavalaire,

Cueillez des bouquets de jasmin.


Robert Desnos, "Le Jasmin" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

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