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La Clématite des haies




Étymologie :


  • CLÉMATITE, subst. fém.

Étymol. et Hist. a) 1559 clématide (Dioscoride, trad. M. Mathée, 217a ds Rom. Forsch., t. 32, p. 32) ; b) 1572 clematite (Jean des Moulins, Comment. sur Mathiole, 378 ds R. Hist. litt. Fr., t. 6, p. 457).

a empr. au lat. impérial clematis, -idis « clématite », gr. κ λ η μ α τ ι ́ ς, ι ́ δ ο ς ; b lat. clematitis, -idis « aristoloche clématite », gr. κ λ η μ α τ ι ̃ τ ι ς, ι ́ δ ο ς ; v. André Bot., pp. 93-94.


Lire également la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

Noms vernaculaires : Aubavis ; Aubervigne ; Barbe de chèvre ; Berceau de la Vierge ; Bois à fumer ; Bois fumant ; Bois de pipe ; Bonnet à fenne ; Cheveux de la bonne dame ; Chevelure de vieillard ; Clématite ; Clématite vigne-blanche ; Clématite des haies ; Corde à lessive ; Cranvillier ; Herbe aux gueux ; Reine des lianes ; Sain bois ; Vigne blanche ; Vigne de Salomon ; Viorne des pauvres ; Vouzille.

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Botanique :


Lire la fiche Tela Botanica pour connaître les principales caractéristiques de cette liane.

 

D'après Lionel Hignard et Alain Pontoppidan, auteurs de Les Plantes qui puent, qui pètent, qui piquent (Gulf Stream Éditeur, 2008) :


"L'herbe aux gueux est une liane dont les longues tiges rappellent les cordages de navires : elles s'élancent dans les arbres et se suspendent jusqu'à une dizaine de mètres du sol. La fleur ressemble à une étoile blanche à quatre branches. Son fruit est surmonté de longues queues plumeuses de poils blancs et soyeux. Lorsqu'elle est encore verte, c'est une plante dangereuse qui irrite la peau et peut causer des allergies. Mais une fois déchée, plus de problèmes !


Pourquoi fait-elle ça ? L'herbe aux gueux est une liane, c'est-à-dire une plante qui peut devenir aussi grande qu'un arbre, mais dont le tronc est si mince et flexible qu'elle ne peut pas tenir debout toute seule. Alors elle grimpe sur les autres arbres et s'en sert comme support pour se tenir droite !


Les cigarettes de Tarzan : La clématite n'a pas la force des lianes tropicales, mais il suffit de tirer dessus pour constater qu'elle est tout de même solide. Elle peut servir de cordage, de lien pour attacher les fagots. Dans les campagnes, les enfants s'en servaient comme cigarettes en fumant en cachette ses tiges séchées.


Pourquoi l'herbe aux gueux ? Autrefois, les mendiants se frottaient les bras et les jambes avec des feuilles de clématite, ce qui provoquait aussitôt des plaies répugnantes. En sortant de l'église, les paroissiens étaient alors pris de pitié pour ces mendiants et leur donnaient de quoi subsister."

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Certaines plantes à suc âcre et irritant sont employées comme rubéfiants ou comme escharrotiques. Les feuilles de [...], le suc de la Clématite des haies, Clematis vitalba, nommée aussi herbe aux gueux, bonet à fenne sont les agents les plus actifs des plaies artificielles et les plus estimés parmi les membres de cette honorable corporation.

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Serge Schall, auteur de Histoires extraordinaires de plantes et d'hommes (Éditions La Source Vive, 2016) consacre un article à la clématite :


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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la clématite :


CLÉMATITE - ARTIFICE.

Les mendiants, pour exciter la commisération, se font avec la Clématite des ulcères factices. Cet artifice infâme finit souvent par produire un mal véritable.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Clématite - Artifice.

Parce que les mendiants de la Cour des miracles employaient la clématite pour se faire des plaies artificielles.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


CLÉMATITE - ARTIFICE.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu pour pouvoir vous défendre des embûches et des artifices du démon, car nous avons à combattre non contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air.

Ephésiens. VI, 11-12, 1 ܕ

La clématite brûlante est un arbrisseau grimpant et volubile de trois à quatre mètres, dont les feuilles sont amples et ailées. Au milieu de cette sombre verdure sortent des panicules de fleurs blanches d'une odeur douce, de peu d'éclat. On trouve cette plante presque partout, dans les haies, sur les vieux murs. Elle porte le nom vulgaire d'Herbe aux gueux, par l'usage que les mendiants font de ses feuilles acres et brûlantes pour faire paraître sur leur peau de larges ulcères sans profondeur, qui se guérissent facilement en les couvrant de feuilles de poirée et en les garantissant du courant de l'air. Les tiges flexibles servent à faire des liens et sont employées dans la grosse vannerie ; on a fabriqué du papier avec l'aigrette de ses se semences.


RÉFLEXION.

La Fontaine a dit dans une de ses fables que c'est un double plaisir de tromper le menteur ; cela est vrai, mais c'est un de ces plaisirs qu’un honnête homme ne voudrait pas se permettre et un plaisir qu'il n'ambitionnera jamais.

(OXENSTIERN.)

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Clématite - Artifice - Tromperie.

C'est avec le jus de la clématite des haies que les mendiants se frottent pour simuler des ulcères et exciter ainsi la charité publique ; de là le symbole artifice appliqué à cette jolie fleur qui est très recherchée des jardiniers pour en orner les berceaux et en garnir les clôtures.

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi la Clématite :


Mot clef : Beauté de l'esprit

Dans un grand jardin en cinq actes

Conforme aux préceptes du goût,

Où les branches étaient exactes,

Où les fleurs se tenaient debout,


Quelques clématites sauvages

Poussaient, pauvres bourgeons pensifs,

Parmi les nobles esclavages

Des buis, des myrtes et des ifs. [...]


Ces fleurs, tremblantes et pendantes,

Dont Zéphyre tenait le fil,

Avaient des airs de confidentes

Autour de la reine d'avril.

Victor Hugo (1802-1885), "Égalité".


Le mot grec klema a désigné un sarment de vigne, mai s'est également appliqué à la Clématite, parce qu'elle s'enroule sur les arbustes pour émerger un grand soleil. La Clématite des haies, très commune dans nos campagnes, s'est aussi appelée Vigne blanche et Berceau de la Vierge (toutes les fleurs blanches étant dédiées à la pureté) ; elle a été largement utilisée pour garnir les treillages et les tonnelles.

Selon une légende, la Vierge Marie, lors de la fuite en Egypte, se serait même reposée à son ombre, avec Joseph et l'Enfant. Ses feuilles étant légèrement toxiques et irritantes, autrefois les mendiants s'en frottaient la peau pour attirer la compassion, d'où ses autres noms d'Herbe aux gueux ou de Viorne des pauvres.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mots-clefs : La Beauté spirituelle ; Le dénuement.


Savez-vous ? : Au Moyen Âge, elle était le symbole de la pauvreté. La clématite adore entourer les arbres. Elles apprécient tout particulièrement les troncs des oliviers.


Usages : Autrefois, les jeunes tiges séchées de la clématite se mélangeaient au tabac pour adoucir son goût âpre. Les tiges des clématites servaient jadis pour fabriquer de solides martinets utilisés pour faire avancer les bêtes de somme récalcitrantes. Riche en sels minéraux, la clématite était prescrite pour stimuler l'activité intellectuelle.


Légende : Lors de la fuite d’Égypte , Marie se serait reposée avec l'Enfant à l'ombre d'une clématite.


Message : "Vous êtes si bonne pour moi."

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"Comme vous qui la recevez, ou comme la personne qui vous l'offre, la clématite dit tout bas : "désir" et chuchote : "je ne cesserai jamais de vous aimer". Elle voit loin et table sur un attachement profond. Azurée, elle incite à l'amour platonique et s'écrie : "votre beauté m'a ébloui(e)". Blanche, elle soupire : "puis-je arriver à votre cœur ?". "J'espère vous toucher,", ose-t-elle, bleue. Enfin, dans toutes les couleurs, elle a ce cri : "je crève d'un désir fou". Paradoxalement, à côté des amours solides et durables qu'elle annonce, elle chante aussi, à l'occasion, les liens fugaces d'un amour virtuel. Un de ceux qui "auraient pu être", à la faveur d'une rencontre furtive au bord des chemins comme aux carrefours des villes. Mais qu ne s'oublient pas. Un regard avec un(e) inconnu(e), quelques mots échangés, un lien créé et sitôt brisé, on ne se reverra pas.

Exhalant un parfum discret mais voluptueux, sauvage, elle est seulement blanche. Cultivée sur les bords de la Méditerranée, elle se décline dans tous les tons d'incarnat. Sur les collines de l'Himalaya ou les montagnes de Chine ou du Japon, ses corolles atteignent parfois jusqu'à vingt centimètres.

La fleur au sarment (en latin clematitis signifie sarment) porte aussi une connotation d'artifice. Peut-être parce que les mendiants croupissant à l'ombre de Notre-Dame de Paris, comme le conte Victor Hugo, l'utilisaient pour simuler des plaies, susciter la pitié et récolter plus d'aumônes."


Mots-clefs : "Rencontres fugitives et inoubliables".

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Dans les Leçons d'elficologie, Géographie, Histoire, Leçons de choses (2006) de Pierre Dubois, Claudine et Roland Sabatier on peut lire la notice suivante :


"La clématite des haies (Clematis vitalba) : Liane entortillée, aux souples arabesques fleuries de blanc, de feuilles en cœur et parfumées d'un encens discret. En hiver les sytiles plumeux des fruits disposés en étoiles argentées le long des guirlandes servent de décoration aux fées, pour décorer leurs façades, portes et fenêtres et les branches dénudées des jardins."

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


CLEMATIS INTEGRIFOLIA. — L’un des noms populaires que l’on donne à cette plante dans la Petite-Russie est Tziganka (plante des Bohémiens), ou zabii kruéa, ou sinii lomonos. A propos de cette plante, on raconte ce qui suit : « Les Cosaques étaient jadis en guerre avec les Tartares. Ces derniers avaient l’avantage et les Cosaques commençaient à fuir ; l’hetman des Cosaques, indigné à cette vue, se frappa le sinciput avec le manche de sa pique. De suite éclata un orage qui souleva en l’air les Cosaques traîtres et fuyards, et, après les avoir brisés en mille pièces, mêla tous ces morceaux avec la terre des Tartares. C’est de cette terre que sortit la plante tziganka. Mais les âmes des Cosaques, malheureuses de sentir leurs ossements mêlés avec la terre des étrangers, prièrent Dieu d’aller les semer en Ukraine, où les jeunes filles auraient cueilli la clematis integrifolia, pour en faire des guirlandes. Dieu exauça leur prière chrétienne et patriotique ; c’est à quoi précisément fait allusion le chant populaire petitrussien qui commence ainsi :

Pociyav v Ukraini,

To pid liçamî,

To pid skirdamî, etc.


On prétend, dans la Petite-Russie, que si tout le monde suspendait à sa ceinture, par derrière, la bryonie, tous les morts Cosaques reviendraient à la vie. J’ai rattaché à la clematis integrifolia ce conte petit-russien et non pas à la bryonie, vitis alba, clematis vitalba, parce que je trouve que le nom populaire de la clematis vitalba en Petite-Russie est borodavnik, d’où le proverbe : « Il ne faut pas prendre le borodavnik dans ses mains ; autrement poussent des tumeurs. »

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Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), cherche à déterminer les plantes associées par leur dénomination aux divinités antiques :


[...] Le père des dieux, Jupiter, est celui qui a sans conteste le plus de plantes sous son « patronage ». En effet le génitif singulier de Jupiter, en latin Jovis, se retrouve dans plusieurs noms de plantes [...]

John Gerard, de nouveau (au chapitre 327 du livre II de son Histoire des plantes), mentionne la flammula jovis surrecta comme autre nom de ce qu’il appelle l’Upright Virgin’s Bower. Il s’agit d’une espèce de clématite. Aujourd’hui le nom de Flammula Jovis est attribué à Clematis recta (Clématite droite).

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque brièvement la Clématite :

11 novembre

(Beaulieu-sur-Mer)


Feuilles redivisées, fruits-pompons tissés d'argent : les clématites flammules jettent une fourrure pudique sur les déchets des hommes. [...]

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