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La Dame blanche

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 18 mai 2017
  • 34 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 nov.



Croyances populaires :


Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses: qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) évoque les dames blanches :


FEMMES BLANCHES.- Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux nymphes, ou à certaines fées qui se montraient en Allemagne ; d'autres entendent par là une espèce de fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches, dans les bois et les prairies, quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées, dont ils laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu'ils peignent et qu'ils tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sybilles et fées.

En Bretagne, des femmes blanches, qu'on appelle Lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles invitent les passants à tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.

Érasme parle d'une femme blanche célèbre en Allemagne, et dont voici le conte : « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s'est montré à la mort de la plupart des maisons des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd'hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tandis que le château de Neuhaus sera debout ; elle y apparaît, non seulement quand quelqu'un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage, ou qu'il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c'est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne avoir ouï dire au baron d'Ungenaden, ambassadeur de l'empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir, lorsqu'elle prédit en Bohême la mort de quelqu'un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s'étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l'une après l'autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s'est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui lui sont alliées.

A l'égard de ses manières d'agir, elle passe quelquefois très vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive que quelqu'un la salue, pourvu qu'on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, et une gravité de personne noble, et après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle a fait la fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours indécents, tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre fort bonne envers les pauvres, et elle se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques, lorsqu'après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu'elle a institué de son vivant. Elle fit alors un si grand charivari les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu'à ce qu'enfin un d'eux rappelât aux autres qu'il fallait faire de la bouillie, et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été fait, tout fut tranquille.

Dans ses Légendes rustiques (Éditions A. Morel, 1858), George Sand collecte des légendes de son pays natal, le Berry, qui s'ancrent dans une mémoire gauloise encore vivante à son époque :


Légende des Demoiselles =>



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Symbolisme :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


AIA, AMBRIANE ou CAIETA. Fée de la classe des dames blanches, qui habite le territoire de Gaële, dans le royaume de Naples, et qui y préoccupe autant l'esprit des personnes faites que celui de l'enfance. Comme la plupart des dames blanches, les intentions de l'aïa sont toujours bienveillantes : elle s'intéresse à la naissance, aux événements heureux et malheureux, et à la mort de tous les membres de la famille qu'elle protège. Elle balance le berceau des nouveau nés. C'est principalement durant les heures du sommeil qu'elle se met à parcourir les chambres de la maison ; mais elle y revient encore quelquefois pendant le jour. Ainsi, lorsqu'on entend le craquement d'une porte, d'un volet, d'un meuble, et que l'air agité siffle légèrement, on est convaincu que c'est l'annonce de la visite de l'aïa. Alors chacun garde le silence, écoute ; le cœur bat à tous ; on éprouve à la fois de la crainte et un respect religieux ; le travail est suspendu ; et l'on attend que la belle Ambriane ait eu le temps d'achever l'inspection qu'on suppose qu'elle est venue faire. Quelques personnes, plus favorisées ou menteuses, affirment avoir vu la fée, et décrivent sa grande taille, son visage grave, sa robe blanche, son voile qui ondule ; mais la plupart des croyants déclarent n'avoir pas été assez heureux pour l'apercevoir. Cette superstition remonte à des temps reculés, puisque Virgile la trouva existant déjà au même lieu.


BLANCHES-MAINS. Nom que l'on donne aux Dames Blanches dans les environs d'Elbeuf, en Normandie.


DAMES BLANCHES. C'est une classe de fées dont quelques unes sont graves et bienfaisantes ; d'autres sont méchantes ou simplement espiègles. Elles correspondent à la Benshie des Ecossais. Lorsqu'on les rencontre au bord des fontaines et au pied des vieux arbres, c'est toujours d'un fâcheux présage.

En Bretagne, il est de ces Dames Blanches qui s'introduisent dans les écuries portant des chandelles allumées. Elles laissent tomber alors des gouttes de suif sur le crin des chevaux, ce qui leur permet de le lisser avec plus de soin. Elle agissent de même dans les contrées du Nord.

En Allemagne, la Dame Blanche se montre dans les forêts et dans les prairies, et l'on prétend que dehors elle voit parfaitement clair, tandis que renfermée dans sa demeure elle est aveugle. Certaines Dames Blanches sont les protectrices de grandes familles, et elles apparaissent constamment lorsqu'un des membres de ces familles doit mourir. Telles sont entre autres les maisons de Neuchaus, de Rosenberg, de Brunswick, de Bade, de Brandebourg, de Pernstein, etc. Byron cite aussi la Dame Blanche de la famille Colalto.

S'il faut en croire les historiens contemporains, une Dame Blanche aurait contribué, en 1638, durant la guerre contre le comté de Bourgogne, à sauver la ville de Salins et à battre un corps d'armée de Louis XIII, commandé par Villeroy. « Il est remarquable, dit Girardot, l'un de ces historiens, qu'au même temps qu'on pourchassait les Français, une petite fille, nourrie au couvent des Ursules de Salins, étant près de mourir, dit aux religieuses assemblées autour de son lit, qu'elles n'eussent plus de crainte des Français, car elle les voyait fuir devant une femme blanche ».

Nous empruntons aux Traditions populaires comparées, de M. Désiré Monnier, les fragments qui suivent.

« Nous nous faisons un devoir de conserver dans nos pages un monument écrit qui pourrait se perdre de vue aux lieux mêmes où il se produisait en 1840 : nous le tirons du journal lyonnais le Réparateur, organe des préoccupations populaires de la fin de cette année calamiteuse. On sera frappé du singulier conflit d'idées religieuses et païennes qui se réveillèrent, et l'on reconnaîtra combien il est naturel au peuple de recourir à des prodiges pour expliquer les catastrophes qui le frappent.

En présence des calamités que le ciel vient de faire peser sur notre pays, beaucoup d'esprit sont abattus et sous l'empire d'une terreur secrète : il circule dans le peuple une foule de récits plus ou moins extraordinaires. Un correspondant du Réparateur lui adresse le résumé de tout ce qu'il a entendu raconter dans le peuple.

Voyez, dit-il, comme l'instinct populaire se rattache à tout : on vous parle de sécheresse extraordinaire qui, au printemps, a laissé nos rivières sans eau, et de cette pierre au fond du Rhône sur laquelle une main inconnue a tracé une menace qui ne s'est que trop réalisée : Qui m'a vue a pleuré, qui me verra pleurera. Les récits les plus effrayants, les contes les plus absurdes sont dans toutes les bouches. Ici, c'est le prophète de Salons, en Provence, qui annonce pour 1840 une inondation telle que les hommes n'en virent jamais depuis le déluge ; là, c'est le prince Hohenlohë qui a prédit que Lyon périra par l'eau, aussi en 1840. Les uns annoncent que, le 24 novembre, Lyon sera enseveli sous les eaux ; d'autres disent le 6 décembre. On se rit de ces sinistres prophéties ; mais on ne peut se défendre de la peur.

On dit qu'à Grenoble, il y a quelques mois, à la veille de celle fatale année, une vieille femme apparut sur le haut de je ne sais quel clocher, tenant en ses mains deux flacons, l'un rempli d'eau, l'autre plein de sang : l'eau, vous disent les commentateurs, signifiait l'inondation ; le sang, c'était la guerre. A Fourvières, ajoute un autre, on a trouvé, la nuit, la chapelle illuminée comme aux grands jours de fête, et la statue de la Vierge implorant, à genoux devant l'autel, la miséricorde divine en faveur de la ville dont elle est la protectrice.

« Sans doute aussi, vous aurez entendu parler d'une Dame Blanche qui s'est montrée, la nuit, sur les hauteurs, se promenant silencieusement près l'un des forts qui nous dominent. Une première fois, elle passe non loin d'une sentinelle, elle porte une coupe remplie d'eau ; au Qui vive ! du soldat, elle ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et cette fois elle porte une torche d'où jaillit une flamme livide ; même Qui vive ! même silence ! Elle reparaît une troisième fois tenant à la main un pain ; toujours même silence ! Enfin elle revient une dernière fois un glaive flamboyant à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses Qui vive ! et menace de faire feu. La Dame Blanche s'arrête et répond d'une voix lugubre et solennelle : « Quand j'ai passé près de toi avec une coupe pleine d'eau, c'était l'inondation et tous ses désastres ; tu vois... la torche signifiait la peste ; le pain, c'est la famine, et ce glaive, c'est la guerre. Malheur, malheur, malheur à vous tous ! » Et elle disparut, sans qu'on ait pu savoir qui elle était.

Voilà ce qui se raconte dans le peuple, et bien autres choses encore ! Ne diriez-vous pas que nous sommes revenus au moyen âge ? Tout cela est absurde, sans doute ; tout cela est incroyable dans le siècle des lumières, au milieu d'une révolution qui prétend avoir régénéré l'esprit humain et avoir fait justice de l'ignorance et des préjugés ; mais tout cela explique la situation des esprits, et prouve jusqu'à quel point ils sont frappés de terreur. Faut-il en croire ces rumeurs populaires, et les menaces de 1840 ne seraient-elles pas toutes accomplies ? »

Dans ses Souvenirs de voyages, M. Xavier Marmier s'exprime ainsi sur la Dame Blanche : « Peu de traditions anciennes sont aussi généralement répandues que celle-ci, et se sont aussi longtemps maintenues dans la croyance non seulement du peuple, mais des gens éclairés. Qu'elle soit fondée sur un fait historique, c'est ce dont il est impossible de douter ; seulement, les chroniqueurs diffèrent d'opinion sur l'origine de la Dame Blanche. Les uns la font descendre de la célèbre maison de Méran, et, selon eux, elle épousa le comte Henri d'Orlamund ; d'autres disent que son image se trouve dans le château de Nehaus en Bohême. Du reste, on sait que la Dame Blanche doit apparaitre dans les châteaux de Berlin, Bayreuth, Darmstadt, Carlsruhe, Bade, etc. Yung Stillingen parle comme d'une chose certaine dans sa Théorie des esprits. Or, voici ce que l'on raconte dans le pays de Bade sur la Dame Blanche :

« Bertha de Rosenberg épousa, en 1449, Jean de Lichtenstein. Ce mariage fut on ne peut plus malheureux ; la comtesse se sépara de son mari, et se retira avec la haine dans le cœur en Bohême, où elle fit bâtir le château de Neuhaus. L'esprit de Berthaap paraît le plus souvent pendant la nuit, quelquefois aussi pendant le jour. Elle porte une robe blanche comme celles que l'on portait de son temps ; son visage est couvert d'un voile épais, et éclairé par un pâle rayon. Ce qu'il doit surtout y avoir de terrible dans son apparition, au dire de tous ceux qui l'ont vue, c'est le regard fixe, perçant, immobile, de ses grands yeux noirs, qu'elle arrête en silence sur l'homme à qui elle se montre. Ce regard pénètre jusqu'au fond de l'âme et glace la pensée d'effroi. Quiconque l'a entrevue une fois ne l'oubliera de sa vie.

Quelquefois aussi la Dame Blanche apparaît avec un enfant à la main. Son apparition est toujours l'indice de la mort prochaine d'un des membres de sa famille, ou d'un grand malheur. Souvent on l'a vue se pencher sur le lit d'un jeune prince dans son sommeil, et peu de jours après l'enfant était mort. Elle se montre tantôt dans les galeries, tantôt dans la chapelle, et quelquefois aussi dans le jardin du château. »


MILLORAINES OU DEMOISELLES. On nomme ainsi, dans le département de la Manche une sorte de dame blanche qui ont une taille gigantesque, des formes peu distinctes et se tiennent habituellement immobiles. Mais lorsqu'on les approche elles prennent aussitôt la fuite avec rapidité et par bonds, et leur passage à travers les arbres détermine un bruit pareil à celui d'un ouragan.


VIERGE MERE DE POLIGNY. La forêt qui s'étend à l'est de Poligny, département du Jura, est habitée par une fée qu'on nomme dans la contrée vierge mère et dame blanche. On croit même que, dans les temps reculés, on lui avait élevé un sanctuaire au même lieu. « On m'a raconté d'un enfant, dit M. Désiré Monnier dans ses Traditions populaires comparées, que ses parents l'avaient envoyé au bois de Poligny chercher soit un berger, soit du bétail ; qu'il s'égara, et qu'il ne lui fut plus possible de retrouver le chemin de son village. On l'attendit en vain, on l'appela sans succès toute la nuit, tout le lendemain. Mais le surlendemain, sur le soir, ou le troisième jour, on retrouva enfin le petit garçon. Il était tranquillement assis sur la pelouse, dans une clairière, frais, riant, se portant à merveille. Il dit qu'une belle dame était venue régulièrement lui apporter à manger. On n'eut pas besoin de s'informer de cette dame ou c'était la sainte Vierge envoyée par la Providence, ou c'était la fée si connue dans le pays sous le nom de la dame blanche. »


WITTE VYVEN. On désigne, dans la Frise, sous ce nom, les fées que nous appelons Dames blanches.

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Sur le site http://www.france-pittoresque.com/, on peut lire la notice suivante, établie d’après le Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés et traditions populaires paru en 1856 :


"Les dames blanches constituent une classe de fées dont quelques-unes sont graves et bienfaisantes ; d’autres sont méchantes ou simplement espiègles. Elles correspondent à la Benshie des Écossais. Lorsqu’on les rencontre au bord des fontaines et au pied des vieux arbres, c’est toujours d’un fâcheux présage. En Bretagne, il est de ces Dames Blanches qui s’introduisent dans les écuries portant des chandelles allumées. Elles laissent tomber alors des gouttes de suif sur le crin des chevaux, ce qui leur permet de le lisser avec plus de soin.

Elles agissent de même dans les contrées du Nord. En Allemagne, la Dame Blanche se montre dans les forêts et dans les prairies, et l’on prétend que dehors elle voit parfaitement clair, tandis que renfermée dans sa demeure elle est aveugle. Certaines Dames Blanches sont les protectrices de grandes familles, et elles apparaissent constamment lorsqu’un des membres de ces familles doit mourir. Telles sont entre autres les maisons de Neuchaus, de Rosenberg, de Brunswick, de Bade, de Brandebourg, de Pernstein, etc. Byron cite aussi la Dame Blanche de la famille Colalto.

S’il faut en croire les historiens contemporains, une Dame Blanche aurait contribué, en 1638, durant la guerre contre le comté de Bourgogne, à sauver la ville de Salins et à battre un corps d’armée de Louis XIII, commandé par Villeroy. « Il est remarquable, dit Girardot, l’un de ces historiens, qu’au même temps qu’on pourchassait les Français, une petite fille, nourrie au couvent des Ursules de Salins, étant près de mourir, dit aux religieuses assemblées autour de son lit, qu’elles n’eussent plus de crainte des Français, car elle les voyait fuir devant une femme blanche ».

Georges Kastner, auteur de Les sirènes : essai sur les principaux mythes relatifs à l'incantation : les enchanteurs, la musique magique, le chant du cygne, etc. ; considérés dans leurs rapports avec l'histoire, la philosophie, la littérature et les beaux-arts... et suivi de Le rêve d'Oswald ou Les sirènes.. (Brandus et Dufour, 1858) nous en dit davantage sur les dames blanches :


Les Dames blanches, et nous ne devons pas oublier que les noms de fées et de dames sont synonymes , les dames blanches sont proches parentes des dames vertes, mais elles ont un caractère fatidique encore plus prononcé , et leur apparition est généralement regardée comme un présage funeste. Rien de plus émouvant, de plus dramatique que l'évocation de cet esprit de malheur, à une époque où la cité lyonnaise, éprouvée par de récents désastres, s'abandonnait aux plus funestes pressentiments . « Il circule dans le peuple une foule de récits plus ou moins extraordinaires, écrivait, en 1840, un habitant de cette malheureuse cité : Une dame blanche s'est montrée, la nuit, sur les hauteurs, se promenant silencieusement près d'un des forts qui nous dominent. Une première fois elle passe non loin d'une sentinelle, elle porte une coupe remplie d'eau ; au qui vive ! du soldat elle ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et cette fois elle porte une torche d'où jaillit une flamme livide : même qui vive ! même silence. Elle reparaît une troisième fois, tenant à la main un pain, toujours même silence ! Enfin elle revient une dernière fois , un glaive flamboyant à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses qui vive ! et menace de faire feu. La dame blanche s'arrête et répond d'une voix lugubre et solennelle : « Quand j'ai passé près de toi avec une coupe pleine d'eau, c'était l'inondation et tous ses désastres ; tu vois... la torche signifiait la peste ; le pain, c'est la famine, et le glaive, c'est la guerre... Malheur, malheur ! malheur à vous tous ! »

Ailleurs, une autre dame blanche, la fée d'Argouges, s'en vient errer, la nuit, autour du manoir seigneurial , et fait entendre, au milieu de ses gémissements, ce cri sinistre : La mort ! ... la mort ! ...

Cependant les blanches prophétesses ne se présentent pas toutes avec ces dehors imposants. Il y en a qui remplissent leur lugubre mission d'une façon plus prosaïque. Elles guettent les passants attardés , les attirent par le doux son de leur voix, s'emparent d'eux ensuite, et les traînent par d'affreux sentiers jusqu'au fond des bois où elles leur font subir mille outrages . Quand elles ne consomment point sur-le-champ la perte de ces malheureux, elles les renvoient plus morts que vifs , avec le pressentiment de leur fin prochaine. Sur un gué de la Dive, entre Vicques et Vicquette, dans l'arrondissement de Falaise, se trouve un pont, dit le pont Angot, mystérieusement abrité par les épais ombrages des deux rives qu'il réunit. Ce pont était devenu le lieu de rendez-vous de toutes sortes de fantômes nocturnes. Une dame blanche présidait cette étrange assemblée. D'ordinaire elle demeurait assise sur l'étroite planche du pont. Si un voyageur tentait de traverser ce passage, la dame lui en défendait l'entrée, à moins qu'il ne lui rendît hommage en la suppliant à genoux. Refusait-il de se prêter à cette démonstration humiliante, la fée irritée le livrait à sa bande infernale, qui infligeait au rebelle une variété de supplices plus navrants et plus cruels les uns que les autres ; trop heureux quand sa vie était épargnée (1) . On affirme avoir vu la dame du pont Angot, dans ses nuits de loisir et de solitude, laver sa lessive à la lueur pâle des étoiles, et cette circonstance nous prouve que la dame du pont Angot doit prendre place parmi les fées désignées sous le nom particulier de Lavandières.

[...]

Les Allemands reconnaissent dans leur Dame blanche une divinité catachthonienne, une divinité du monde souterrain où ces idées, la vie et la mort, aimer et mourir, se trouvent personnifiées dans leur union la plus intime. Ils la rapprochent de la déesse Holda (l'obscurité), identifiée elle-même avec Bertha (la lumière), comme symbole de l'antagonisme inhérent au principe de la reproduction et de la fécondité. Holda est la distributrice des biens de la terre qu'elle rend fertile par ses absences et ses retours périodiques. La Dame blanche est gardienne de trésors, et beaucoup de légendes supposent qu'elle apparaît tous les sept ans. Elle se montre d'ordinaire portant un trousseau de clefs ; elle donne des fleurs, elle tient une quenouille, elle a un rouet d'or ; elle est cruelle ou magnanime, bonne ou méchante, comme les fées en général, qui nous offrent la représentation symbolique de cet antagonisme puissant et inaltérable qui préside aux destinées de toute chose. Nous retrouvons ici, par conséquent, Perséphone et ses Nymphes : comment ne retrouverions-nous pas, sous des traits légèrement modifiés, les Sirènes ? Les dames blanches qui se métamorphosent en poissons ou en reptiles à des époques déterminées, et qui ont d'abord, sous leur aspect humain, accompli une œuvre de séduction, ne nous ramènent-elles pas naturellement aux fallacieuses Sirènes qui attirent les âmes pour les livrer à Hadès, et qui, lorsqu'elles manquent à cette tâche, se transforment elles-mêmes subitement, car leur rôle sur la terre est fini ? Holda habite non-seulement les montagnes, mais les lacs et les sources. Les dames blanches habitent surtout dans les forêts et se montrent auprès des eaux . Comme signe de cette double faculté, elles empruntent la forme d'un être hybride moitié femme, moitié poisson, ou bien à tête de femme et à queue de reptile, ou bien encore elles sont femme et serpent alternativement. Suivant Diodore de Sicile, les Scythes comptaient au nombre de leurs divinités une vierge, fille de la terre, qui était femme par le buste et serpent par le bas du corps. Elle avait donné le jour à Scythus dont ils se disaient les descendants. Mélusine, que les Allemands rangent parmi les Weissen-Frauen, est à la fois une nymphe des bois et une nymphe des eaux, Waldfrau et Meerminne. Elle est surtout devineresse et enchanteresse, et elle personnifie, comme toutes ses compagnes, le bon et le mauvais principe, qui se partagent l'empire de la création. Les Sirènes et ces charmantes fées des eaux, qui les rappellent si bien, les Nixes, ont aussi ce double caractère ; elles évoquent l'amour, et elles donnent la mort.

[...]

Dans plusieurs contrées de l'Allemagne, on désigne également sous le nom de Wila, ou plutôt Vila (bila), les femmes blanches qui habitent les rochers, les pentes des montagnes, les forêts toufſues et qui, parfois, s'élèvent dans les airs, d'où elles décochent leurs flèches contre les mortels. Ces vierges, dont l'apparition est surtout redoutée pendant la nuit de la Saint-Jean, sont très souvent assimilées dans les légendes allemandes aux dames blanches (Weisse-Frauen) dont le caractère fatidique nous est connu.

Toute fiancée qui meurt avant le mariage, pour peu que de son vivant elle ait un peu trop aimé la danse, devient une Wila, c'est- à-dire un fantôme blanc et diaphane qui s'abandonne chaque nuit à la danse d'outre-tombe. Cette danse n'a rien de terrestre : « Le pied effleure à peine la fleur chargée de rosée, la lune éclaire de son pâle rayon ces ébats solennels ; tant que la nuit est au ciel et sur la terre, la ronde poursuit son chemin dans les bois, sur les montagnes, sur le bord des lacs bleus. Avez-vous rencontré, à la fin d'une pénible journée de voyage, quand vous allez au hasard loin des chemins tracés , ces flammes isolées qui s'en vont çà et là à travers les joncs des marécages. Malheureux voyageur, prenez garde ! Ce sont les Wilis qui dansent, c'est la ronde infernale qui vous provoque de ses fascinations puissantes. Prenez garde ! N'allez pas plus loin, ou vous êtes perdu ! » Les Wilis, ajoute M. Jules Janin, que nous copions ici, sautent jusqu'à l'extinction complète de leur partenaire mortel.

De cette danse de feux follets, il faut rapprocher celle dont parle Bechstein. Deux marais, le marais rouge et le marais noir, formés sur l'emplacement où se trouvaient autrefois deux villages qui , suivant la chronique, ont été ensevelis, sont sillonnés le soir par de petites lumières étincelantes qui voltigent à fleur d'eau. Ce sont les Moorjungfern, les vierges des marais. Celles-ci, au nombre de deux ou de trois, se rendent quelquefois au village voisin, où elles prennent part aux danses et se donnent aussi le plaisir de chanter. Le moment où elles quittent la fête est celui où l'on voit apparaître une colombe ; si alors on suit des yeux ces blancs spectres, on remarque qu'ils semblent se perdre dans la première montagne qui se rencontre sur leur chemin. Ces danses de feux follets occasionnées par un phénomène naturel, sont en tout pays attribuées par la superstition à la présence de malins esprits, farfadets, follets ou fifollets, et même à celle des sorcières et des fées.

Tout ce qu'au moyen âge on a raconté des danses et des sabbats des sorcières a très probablement son origine dans les mythes dont nous avons parlé sur la danse des Elfes, des Fées et des Nains. D'anciens contes, qui remontent au xiv siècle, mettent en scène les femmes nocturnes, Nachtfrauen, qui sont au service de dame Holda, et qui, pendant certaines nuits, traversent les airs, montées sur des animaux. Ces femmes nocturnes, qu'on ne nous présente pas toutefois comme ayant fait un pacte avec le diable, sont appelées aussi blanke Mütter, mères blanches, dames blanches, - dominæ nocturnæ, bonnes dames,- lamiæ ou geniciales fæminæ dans Hincmar. Les esprits de la nature des Elfes se montraient parfois ainsi dans l'origine sous la figure de femmes secourables distribuant leurs bienfaits aux mortels. Holda présidait les danses . On entendait près des montagnes l'orchestre du bal mystérieux exécutant l'air favori de la déesse, le merveilleux chant d'Holda. Personne n'ignore le rôle que jouait la danse dans certaines cérémonies religieuses du paganisme. Le souvenir de ces divertissements chorégraphiques et de ces cérémonies pompeuses resta toujours dans le peuple ; nous ne rappellerons ici que les danses qu'on exécutait autour du bateau de la grande déesse, construit dans la forêt de la Thuringe en 1133, et qui fut conduit en grande pompe d'Inda à Aix-la Chapelle, à Maestricht et dans tout le pays environnant. C'est dans ces danses païennes, dans les danses aériennes des Elfes, et peut-être encore dans le sautillement des feux follets, que l'idée des rondes de sorcières a pris naissance.

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Selon Xavier Marmier dans ses Souvenirs de voyages et traditions populaires (Éditions Hachette, 1841) :


[...] peu de traditions anciennes sont aussi généralement répandues que celle de la Dame Blanche, et se sont aussi longtemps maintenues dans la croyance non seulement du peuple, mais des gens éclairés. Qu’elle soit fondée sur un fait historique, c’est ce dont il est impossible de douter, ajoute-t-il ; seulement, les chroniqueurs diffèrent d’opinion sur l’origine de la Dame Blanche. Les uns la font descendre de la célèbre maison de Méran, et, selon eux, elle épousa le comte Henri d’Orlamund ; d’autres disent que son image se trouve dans le château de Nehaus en Bohême. Du reste, on sait que la Dame Blanche doit apparaître dans les châteaux de Berlin, Bayreuth, Darmstadt, Carlsruhe, Bade, etc. Yung Stilling en parle comme d’une chose certaine dans sa Théorie des esprits.

Or, voici ce que l’on raconte dans le pays de Bade sur la Dame Blanche : Bertha de Rosenberg épousa, en 1449, Jean de Lichtenstein. Ce mariage fut on ne peut plus malheureux ; la comtesse se sépara de son mari, et se retira avec la haine dans le cœur en Bohême, où elle fit bâtir le château de Neuhaus. L’esprit de Bertha apparaît le plus souvent pendant la nuit, quelquefois aussi pendant le jour. Elle porte une robe blanche comme celles que l’on portait de son temps ; son visage est couvert d’un voile épais, et éclairé par un pâle rayon. Ce qu’il doit surtout y avoir de terrible dans son apparition, au dire de tous ceux qui l’ont vue, est le regard fixe, perçant, immobile, de ses grands yeux noirs, qu’elle arrête en silence sur l’homme à qui elle se montre. Ce regard pénètre jusqu’au fond de l’âme et glace la pensée d’effroi. Quiconque l’a entrevue une fois ne l’oubliera de sa vie.

Quelquefois aussi la Dame Blanche apparaît avec un enfant à la main. Son apparition est toujours l’indice de la mort prochaine d’un des membres de sa famille, ou d’un grand malheur. Souvent on l’a vue se pencher sur le lit d’un jeune prince dans son sommeil, et peu de jours après l’enfant était mort. Elle se montre tantôt dans les galeries, tantôt dans la chapelle, et quelquefois aussi dans le jardin du château."

Dans ses Traditions populaires comparées (Éditions Dumoulin, 1854) Désiré Monnier et Aimé Vingtrinier citent un passage du journal lyonnais Le Réparateur de 1840, et affirment être frappé du singulier conflit d’idées religieuses et païennes qui se réveillèrent alors :


« On reconnaîtra combien il est naturel au peuple de recourir à des prodiges pour expliquer les catastrophes qui le frappent ».


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En présence des calamités que la ciel vient de faire peser sur le pays, beaucoup d’esprit sont abattus et sous l’empire d’une terreur secrète : il circule dans le peuple une foule de récits plus ou moins extraordinaires. Un correspondant du Réparateur lui adresse le résumé de tout ce qu’il a entendu raconter dans le peuple : « Voyez, dit-il, comme l’instinct populaire se rattache à tout : on vous parle de sécheresse extraordinaire qui, au printemps, a laissé nos rivières sans eau, et de cette pierre au fond du Rhône sur laquelle une main inconnue a tracé une menace qui ne s’est que trop réalisée : Qui m’a vue a pleuré, qui me verra pleurera. Les récits les plus effrayants, les contes les plus absurdes sont dans toutes les bouches. Ici, c’est le prophète de Salons, en Provence, qui annonce pour 1840 une inondation telle que les hommes n’en virent jamais depuis le déluge ; là, c’est le prince Hohenlohë qui a prédit que Lyon périra par l’eau, aussi en 1840. Les uns annoncent que, le 24 novembre, Lyon sera enseveli sous les eaux ; d’autres disent le 6 décembre. On se rit de ces sinistres prophéties ; mais on ne peut se défendre de la peur.

« On dit qu’à Grenoble, il y a quelques mois, à la veille de cette fatale année, une vieille femme apparut sur le haut de je ne sais quel clocher, tenant en ses mains deux flacons, l’un rempli d’eau, l’autre plein de sang : !’eau, vous disent les commentateurs, signifiait l’inondation ; le sang, c’était la guerre. A Fourvières, ajoute un autre, on a trouvé, la nuit, la chapelle illuminée nomme aux grands jours de fête, et la statue de la Vierge implorant, à genoux devant l’autel, la miséricorde divine en faveur de la ville dont elle est la protectrice.

« Sans doute aussi, vous aurez entendu parler d’une Dame Blanche qui s’est montrée, la nuit, sur les hauteurs, se promenant silencieusement près l’un des forts qui nous dominent. Une première fois, elle passe non loin d’une sentinelle, elle porte une coupe remplie d’eau ; au Qui vive ! du soldat, elle ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et cette fois elle porte une torche d’où jaillit une flamme livide ; même Qui vive ! Même silence ! Elle reparaît une troisième fois tenant à la main un pain ; toujours même silence ! Enfin elle revient une dernière fois un glaive flamboyant à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses Qui vive ! et menace de faire feu. La Dame Blanche s’arrête et répond d’une voix lugubre et solennelle : Quand j’ai passé près de toi avec une coupe pleine d’eau, c’était l’inondation et tous ses désastres ; tu vois... la torche signifiait la peste ; le pain, c’est la famine, et ce glaive, c’est la guerre. Malheur, malheur, malheur à vous tous ! Et elle disparut, sans qu’on ait pu savoir qui elle était.

« Voilà ce qui se raconte dans le peuple, et bien autres choses encore ! Ne diriez-vous pas que nous sommes revenus au Moyen Age ? Tout cela est absurde, sans doute ; tout cela est incroyable dans le siècle des lumières, au milieu d’une révolution qui prétend avoir régénéré l’esprit humain et avoir fait justice de l’ignorance et des préjugés ; mais tout cela explique la situation des esprits, et prouve jusqu’à quel point ils sont frappés de terreur. Faut-il en croire ces rumeurs populaires, et les menaces de 1840 ne seraient-elles pas toutes accomplies ? »

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Apparitions vêtues de blanc, les dames blanches, qui appartiennent à la classe des fées, sont en général bienfaisantes ou espiègles. On en signale encore de nos jours dans certaines campagnes, souvent près des calvaires - mais aussi sous la forme d'une auto-stoppeuse éphémère que ceux qui assurent l'avoir vue (des étudiants de Montpellier en mai 1981 notamment) décrivent comme une divinité protectrice.

Selon la légende, une dame blanche se montrait, tous les Noël, au moment où sonnaient les douze coups de minuit, dans les ruines du château de la Boursilière, près de Châtelnay-Malabry (Hauts-de-Seine). On disait qu'elle gardait un trésor que l'on pouvait prendre à cet instant précis. cette dame blanche apparaissait, disait-on, en souvenir de Blanche de Castille (XIIIe siècle).

Dans les environs d'Anvers, une petite dame blanche, qui se tenait près d'un ruisseau, attirait à elle les petits enfants : « C'était une personne fort bienfaisante, elle consolait les enfants et leur donnait les moyens de secourir leurs parents ».

On désignait également sous le terme de « dame blanche » une apparition qui errait autour du palais des Bourbons la veille de la mort d'un prince. Malesherbes raconta que le jour précédant sa condamnation Louis XVI lui demanda s'il avait vu la dame. une tradition allemande affirmait également qu'une femme vêtue de blanc balayait les salles du château pour annoncer qu'un événement malheureux allait frapper la famille des Hohenzollern.

Dans les Landes, la « dame blanche » se montre la nuit la veille des grandes calamités.

Signalons que dans La Dame blanche (1825), le célèbre opéra de Boieldieu, sur un livret de Scribe inspiré de Walter Scott, le fantôme qui est censé hanter le château d'Avenel en Ecosse où l'histoire se déroule en 1795 est en fait une jeune orpheline qui sait où la dernière comtesse d'Avenel a, avant de mourir, caché le trésor de la famille.

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Selon une tradition allemande, une dame blanche se tient près des pieds de muguet pour empêcher les gens de cueillir la plante.

Pierre Dubois et René Hausman, auteurs de L'Elféméride - Le grand légendaire des saisons - Automne-Hiver (Éditions Hoëbeke, 2013) mettent à l'honneur les Fayules dans le chapitre consacré au légendaire du mois d'octobre :


Les Fayules

Dames blanches, Vougeottes, Beuffenies, Willies, et autres vaporeuses voltigeuses des mares se plaisent surtout à traîner en novembre, tandis qu'e c'est par les temps brumeux mais encore clairs et ouatés d'octobre que les Fayules du Dauphiné préfèrent laver leur linge et étendre sur les prés et rochers la diaphane lessive. Si un curieux, intrigué par l'éclat de ces blancheurs vient les déranger, souille maladroitement leurs dentelles de ses godillots, en un clin d'œil tout disparaît... ainsi que la raison de l'imprudent.

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Dans La Grande encyclopédie des Fées (Éditions Hoëbeke, 1996) illustrée par Claudine et Roland Sabatier, Pierre Dubois consacre deux double-pages aux Dames Blanches :


Les Dames Blanches


Taille : Souvent grande et élancée, fuselée. « Li P'tite Blanque Femme » de Liège est très menue et voûtée. La Blanche Louisette, les Doucelettes et Blanches Sœurettes sont naines.


Aspect : « Elle est belle et gracieuse, dit Marnier, mince et légère comme une tige de bouleau, les épaules blanches comme la neige des montagnes et les yeux bleus comme la source des rochers. » « La peau est diaphane, le corps de structure mercuriale, car le sang, la masse vulgaire des organes et tous autres viscères s'en sont retirées, n'y laissant que la matière de l'âme » (Dambruserus).

La Dame Blanche de Montaigu se promène sans tête.


Vêtements : Quel que soit l'habit, le tissu est toujours d'une blancheur éblouissante « comme tissé de rayons de lune ». Même les robes à brocart, richement brodées de bijoux que l'on devine brillants de toutes les couleurs, sont estompées par la blancheur qui les enveloppe.

On retrouve dans les imperméables, blousons, parkas, et autres vêtements dans lesquels elles se montrent de nos jours, la même blancheur.


Habitat : Les Dames Blanches éparpillent leurs apparitions par toute la France. Les Grandes Pucelles se baignent dans la Moselle, les Vierges Sœurs de Parameix se rendent mutuellement visite en suivant toujours le même chemin aérien à travers les frondaisons de la forêt. La trace de leur passage se distingue aisément dans les cimes des arbres penchées les unes à droite et les autres à gauche. Elles se montrent surtout à proximité des fontaines, des sources, des étangs, des grottes, de très vieux arbres, de dolmens, d'anciens lieux de culte, auprès de calvaires, de cimetières, errant parmi les vestiges ronceux de châteaux ruinés, au bord de rouets où se sont produits des accidents.


Nourriture : Longtemps l'influence diabolique du christianisme a véhiculé une fausse image ogresse de la Dame Blanche qui, en réalité, se contente des parfums du chèvrefeuille et de la rosée du liseron.


Mœurs : Tantôt Fées, tantôt fantômes, les Dames Blanches errent sur la fine lisière où viennent se faufiler, s'étirer et se confondre les nuées féeriques aux rives floues de l'au-delà ; entre l'ombre et la lumière, dans le clair-obscur d'une éternelle éclipse. Ces Dames Blanches symbolisent la pureté menacée.


Activités : Les Blanches châtelaines errent et se lamentent sur les lieux de leur trépas en jouant et rejouant sans cesse le drame qui les a précipitées dans la damnation. Les Blanches aigries cherchent par les chemins un compagnon de hantise en entraînant le voyageur dans la mort. Les Blanches chasseresses conduisent des meutes fantômes. D'autres, simplement taquines, se contentent de faire tournoyer et d'étourdir leurs victimes. Elles annoncent peines et deuils.

Mais leurs activités ne sont pas toujours aussi tragiques. On les voit danser, batifoler, offrir des branches, des cailloux, des feuilles qui se transforment en or. Elles nourrissent les promeneurs égarés, les préviennent des dangers, les guident sur le bon chemin.

***

Dans la solitude nocturne, vous voyez passer les mêmes fantômes.

Comme la nuit s'agrandit quand les rêves se fiancent.

(Gaston Bachelard)


Le familier des bois retourne à l'éther. Chaque brin d'herbe est un monde, tout sentier un moyen d'accès aux cités miragineuses. Il cherche la Parisette, l'herbe d'oubli, le chant d'un cor l'appelant au sommeil des Elfes. Une fois le temps cueilli, rangé sous son mouchoir, il peut s'installer et attendre. Lentement le ciel bleuissant qui le coiffe se fait plus automnal. La précision des feuilles s'efface au profit des essences, ne laissant sur l'orée qu'une idée de forêt. Les bruits crépusculaires sont devenus des messages. « L'être rêvant dans la nuit trouve le merveilleux tissu du temps qui se repose. » Il abandonne son livre et se confie aux songes efflorescents. Une étoile posée sur la cime d'un arbre capte sa raison, l'isole de la terre, l'évapore, tirant vers elle les ramures de lierre d'une filiation aérienne. L'astre brillant s'entoure d'un peu de larmes. « On entendra la musique des sphères quand l'imagination sera établie dans son rôle vivant comme guide de la vie humaine. » Le rituel est simple, l'ombre régnante a dématérialisé tout repère pour accueillir l'Invité aux dimensions de l'âme. L'aura d'une luciole, d'un papillon de nuit, de prunelles de bête allume la voie lactée des mousses. Dessus l'étang s'élèvent des mouvements d'air qui ont vécu jadis, un lambeau de brume se détache et s'envole pour vêtir une âme. Une Dame Blanche se forme en suspens, puis glisse sr un reflet en se multipliant...

Ce sont les créatures alchimiques de la matière imaginaire et de l'esprit imaginant. Comme le martin-pêcheur est la fulgurante fusion du ciel, de l'eau et d'un éclat solaire, elles sont les alliances subtiles des émanations de la forêt, des soupirs de l'eau et des vapeurs humaines. Saluées par le chant des grenouilles, elles remontent le long des autels creux des chênes séculaires, des fontaines sacrées où bruissent encore les échos d'anciennes prières. Accrochées aux fuseaux des rayons, elles s'étirent des limbes de pénitence, d'une roche sanglante, d'un songe. A la garde-robe des Fées, elles empruntent des voiles de peine ou des souliers dansants et, l'espace d'un minuit, font et refont les gestes d'une histoire secrète et enfouie dont se souvient la mémoire d'un hibou.

Lorsque la nuit est sombre, la Blanche Belle d'Elven se promène sur les landes et dans la plaine aux environs du château ; de nombreuses taches de sang souillent sa robe. Souvent on aperçoit aussi un fantôme drapé dans un suaire en lambeaux qui vient à sa rencontre. Tous deux échangent des paroles d'amour et l'on se garde bien de les troubler. Ce sont les âmes de la dame d'Elven et d'un chevalier qui périt en la défendant ; quand il fut mort, elle l'embrassa, puis s'enfonça un poignard dans le cœur.

L'Ombre Blanche de Midone, frappée par son père un jour qu'elle s'interposait entre lui et son époux, revient chaque nuit prier et pleurer sur les vestiges du château de Montaigle. Elle erre en silence en le cherchant désespérément ; mais tous les dix ans, au coup de minuit, elle l'appelle en poussant un seul cri : « Gilles ! »

Les habitants de Pouancé voient régulièrement une femme vêtue de blanc qui s'élève comme une vapeur légère, un doigt posé sur les lèvres. Elle soupire et plane au-dessus des remparts ruinés du château. C'est le spectre d'une noble dame séquestrée et emmurée par un mari jaloux dans une des salles souterraines de la forteresse. On y a mis au jour une chambre secrète où se trouvait la dépouille desséchée d'une femme assise devant une table garnie d'une assiette et d'un couvert d'argent. Dans la bouche grande ouverte du cadavre encore lié à son fauteuil, étincelait une pièce d'or.

Depuis sept siècles, la Dame Blanche du Pflixbourg hante la forteresse dominant la basse vallée de la Fecht. Elle glisse à ras du sol dans sa longue robe neigeuse dont les voiles flottent au vent ; et pleure en cherchant ses enfants enlevés dans le jardin, en plein midi, par un aigle qui les a ensuite laissés tomber sur les rochers de la montagne du lac blanc.

Certaines des ces pales créatures gardent des trésors comme des pénitences.

Une femme blanche se penche, la nuit, au-dessus des créneaux du château de Montafilant, près de Corseul, en haute Bretagne, avant de disparaître dans les souterrains d'où on l'entend compter des pièces d'or et pleurer. Cette ombre diaphane est celle d'une dame de la maison de Dinan que son écuyer vendit pour une forte récompense « sonnante et trébuchante », et elle revient ainsi réclamer à ce serviteur félon le prix qu'il a reçu pour sa trahison.

Il y a de cela bien longtemps, des nonnes enfouirent un énorme coffre rempli d'or et d'objets précieux dans une caverne près du village de Haselbourg. Depuis, leur âmes errent la nuit dans la campagne jusqu'au jour où un humain découvrira le trésor et en prendra possession. De temps à autre, elles apparaissent à des promeneurs solitaires. Une fois, un jeune homme vit dans un verger une dame vêtue de blanc. Elle tenait en main un trousseau de clefs et le lui tendait avec insistance. Mais le garçon s'enfuit, épouvanté, poursuivi par les cris désespérés de la « conjurée ». Elle se montra ensuite à une jeune fille qui refusa aussi les clefs. La religieuse alors fondit en larmes et disparut.

La Balselweibchen du Baselwald propose également au passant de le guider jusqu'à un trésor qu'il est préférable de ne pas posséder. Tous les cent ans une Dame Blanche se montre au bord de l'étang d'Offémont. Elle tient, serrée entre les dents, une clef de feu. Si on acceptait de s'en servir, elle serait délivrée de sa damnation.

Au Pays de Galles, dans la vallée d'Ogmore, les nuits de pleine lune, on entend des chants lugubres venir des ruines du château voisin. C'est la voix de la Dame Blanche, Y Lady Wen, qui veille un « noir trésor ». On s'enferme, on se terre, on éteint de peur qu'elle ne vienne frapper à la porte pour en proposer l'accès. Hélas, toujours le passant demeure sourd à ses supplications. Une fois encore il s'enfuit, dédaignant la caresse d'un corps astral sous une robe de lune ; refusant l'or des Fées - car toutes leurs actions, lorsqu'elles se montrent aux hommes, n'ont d'autre but que de se libérer de la malédiction qui les condamne à la hantise, et les empêche d'accéder au repos ; aussi, à tant mendier vainement, les « Blanches Dames de Revirement » sont devenues dangereuses.

LA Demoiselle Blanche de Tonneville règne sur les landes depuis qu'elle s'était écriée : « Si après ma mort j'avais un pied dans le ciel et l'autre en enfer, je retirerais le premier pour avoir toute la lande à moi. » Un homme qui traversait son lieu de hantise à cheval entendit une voix féminine très douce qui demandait : « Où coucherai-je cette nuit ? » Le cavalier, apercevant une belle demoiselle en blanc, répondit : « Avec moi. » Aussitôt la jeune fille sauta en croupe derrière lui. Mais quand il voulut l'embrasser, elle lui montra des dents d'une longueur démesurée et s'évanouit. il s'aperçut alors qu'elle l'avait conduit au milieu des marais pour le voir s'y noyer.

Dans la forêt de Serre, et les bois de la Fau, près de Dole, en Jura, les Dames Blanches attirent les garçons par des chants mélodieux et des gestes amoureux, puis se transforment en Goules pour les dévorer. Au tertre des Hogues, elles les précipitent dans un bourbier, les Blanquettes du Dauphiné dans un précipice. La Dame Blanche de la cathédrale de Strasbourg conduit vers les hauteurs le visiteur imprudent jusqu'à ce que le vertige le pousse dans le vide. La Demoiselle Blanche au miroir étourdit et fait tournoyer sa victime dans les airs avant de la laisser retomber sans mémoire.

Comme les Banshies, les Dames Blanches sont aussi messagères de mort et de catastrophes : il y avait autrefois à Mortagne-sur-Sèvre une fontaine qui inspirait la terreur. Après avoir fait cinq fois le tour du dallage, on voyait apparaître une forme blanche ressemblant à une statue de neige qui soupirait et s'agitait. Les formes se précisaient alors et l'on pouvait voir une grande femme aux cheveux clairs, vêtue d'une robe blanche. Rempli d'effroi, on voulait s'enfuir. Mais sans cesse l'ombre rattrapait le fuyard et ne retournait à ses fumées qu'après lui avoir prédit peines et deuils qui toujours se réalisaient.

Mais la Dame Blanche n'est pas seulement une hantise gothique un tantinet sanglante. L'arbre des fées de Jeanne la Pucelle lui offre aussi son abri. C'est à travers ce feuillage que de-ci, de-là, par-ci, par-là, des voyants éblouis vont l'harmoniser aux apparitions de la vierge blanche, sainte Marie des grottes et fontaines. Des jeunes gens témoignent l'avoir rencontrée le vendredi 14 septembre 1984 à 22h30, à Montpinchon dans la Manche : « A travers les arbres, une lueur qualifiée de froide, au départ comme un morceau de glace bleutée, prend forme et apparaît une grande femme portant un voile blanc lui retombant en plis jusqu'aux pieds, comme la cornette d'une bonne sœur, sur ses cheveux blonds très lumineux. Elle ne bougeait pas et avait les mains jointes comme dans une prière. Elle n'a pas de visage, ni de nez, ni de bouche, ni d'yeux. » « Dame Blanche ou Sainte Vierge ? » s'interroge le journal local. La confusion prend sa source dans la mémoire collective. La Dame Blanche est une des rares fées qui ne s'est jamais fanée, qui s'est toujours adaptée aux modes du temps jusqu'à troubler de ses voiles brumeux les techniques de l'audiovisuel. La petite Blanquette des fontaines fait régulièrement la une des journaux et inscrit sa légère silhouette dans notre mythologie contemporaine. On a filmé son « passage » au château de Veaucé ; des automobilistes l'ont prise en stop aux quatre coins de la nuit. Un peu partout la même histoire se répète : il fait nuit, il pleut, les phares de la voiture éclairent brusquement au coin d'un carrefour de campagne la forme mince d'une jeune fille vêtue de blanc. Elle fait signe de la main et le conducteur s'arrêt pour la conduire plus loin. Elle paraît si fragile dans sa robe trempée qu'il lui propose son manteau posé sur la banquette arrière. Après quelques kilomètres, d'une main pâle et tremblante, elle lui montre où l'arrêter ; et avant même qu'il ne ralentisse et se gare, elle disparaît comme ça, tout à coup, sans bruit, sans ouvrir la portière. Abasourdi, il descend de la voiture, l'appelle ; mais la rue est déserte. Peut-être s'est-elle engouffrée dans cette maison en face sans qu'il s'en rende compte. Il aimerait récupérer son manteau que, dans sa hâte, elle a emporté. La porte s'est ouverte. Une dame le fait entrer et se trouble à son récit, sanglote à la description de l'inconnue dont il reconnaît les traits sur la photographie qu'elle lui tend : c'est celle de sa fille, tuée dans un accident il y a cinq ans. Une voiture l'a renversée justement à ce carrefour où il l'a prise en charge. Ce n'est pas la première fois qu'elle « revient » ; d'autres automobilistes sont déjà venus lui raconter leur étrange aventure. A chaque fois, « la blanche passagère » s'évanouit devant son ancienne demeure et regagne le cimetière.

Sur la pierre tombale de la jeune défunte, qu'il est allée visiter sans trop u croire, son manteau est posé.

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Contes et légendes :


La Dame blanche

Conte québécois


Connaissez-vous la chute Montmorency, sur la Côte-de-Beaupré, tout près de Québec? Au fil des ans, plusieurs personnes ont juré y avoir vu, quand la nuit tombe, une silhouette féminine, fine et blanche. C’est celle de Mathilde Robin, morte en 1759. Ou plutôt, celle du fantôme de cette femme qu’on appelle désormais : la Dame blanche… Remontons le fil du temps jusqu’en 1759 : Mathilde vit sur la Côte-de-Beaupré. Elle est pleinement heureuse : à la fin de l’été, elle épousera le beau Louis, celui qui fait battre son cœur. Mathilde a cousu elle-même sa robe de mariée, blanche, comme il se doit. Quelques rumeurs planent sur Québec, comme quoi les Anglais voudraient s’emparer de la ville, mais Mathilde n’y prête pas trop attention. Rien ne peut assombrir son bonheur… Rien, sauf la guerre. Car le 31 juillet, tout bascule. Des cris retentissent soudain : les Anglais sont là, au pied de la chute! Ils veulent prendre Québec aux mains de la France! Les femmes et les enfants se réfugient dans la forêt pour attendre la fin des combats. Les hommes vont prêter main-forte aux soldats français. Le courageux Louis embrasse Mathilde et promet de revenir rapidement. La Bataille de la chute Montmorency dure quelques jours. Quand elle cesse enfin, malgré le triste tableau des soldats des deux camps morts ici et là, des cris de joie montent dans le ciel de Québec : les Français ont gagné ! Victoire ! Les hommes regagnent la forêt pour retrouver leurs proches. Le cœur serré, Mathilde attend. Louis ne revient pas. Presque tous sont de retour, maintenant… et Mathilde attend, encore et encore. Un commandant lui apprend la terrible nouvelle: Louis est mort au combat. Il ne reviendra pas. Folle de douleur, elle court vers sa maison, enfile sa robe de mariée blanche, pose son voile sur ses cheveux. Mathilde Robin se dirige ensuite vers la chute où son fiancé et elle aimaient tant se promener. Cette chute au pied de laquelle Louis a péri. La pleine lune éclaire sa silhouette fragile. Mathilde ouvre largement les bras en croix. Dans un dernier gémissement de douleur, elle se laisse tomber dans les eaux tumultueuses de la chute Montmorency. On dit que son voile fut emporté par le vent et qu’il se déposa sur les rochers. Quand les gens de la Côte-de-Beaupré passèrent devant, le lendemain, une nouvelle cascade était apparue. On l’appela le Voile de la mariée. Elle est toujours là, juste à gauche de la chute. Aujourd’hui, deux siècles et demi plus tard, si vous passez par la chute Montmorency, la nuit, vous apercevrez sans doute une frêle jeune fille vêtue d’une longue robe blanche. C’est le fantôme de Mathilde, la Dame blanche. Il arrive même qu’on l’entende gémir jusque sur l’île d’Orléans. Si vous la voyez, ne l’approchez pas trop… On raconte que tous ceux qui ont tenté de toucher à la robe de la belle Mathilde ont connu une mort brutale quelques jours plus tard… Alors contentez-vous de regarder, de loin, le Voile de la mariée et cette Dame blanche, qui pleure pour toujours la mort de son fiancé.

Texte : Martine Latulippe *

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