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Le Hanneton




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. [Fin xies. haneton entomol. (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, n°576)] ; ca 1135 (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 1059) ; 2. a) 1611 estourdi comme un hanneton (Cotgr.) ;b) 1675 hanneton ; cf. FEW t. 16, p. 144a adj. « étourdi » (Widerholdds FEW t. 16, p. 143b) ; c) 1787 subst. masc. « individu étourdi » (Fer. Crit.). Emploi fig. de l'a. b. frq. hano « coq » (cf. néerl. leliehaantje « scarabée qui vit dans les lis », all. de Rhénanie Hahn « punaise des baies », angl. cockchafer « hanneton ») ; suff. dimin.-eton*. 2 sans doute p. allus. au vol maladroit du hanneton ; cf. FEW t. 16, p. 144a. Fréq. abs. littér. : 168 .Bbg. Genaust (H.).Vox rom. 1972, t. 31, pp. 388-390. -Quem. DDL t. 16, 19. -Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 48-49 ; p. 85.


Lire également la définition du nom hanneton pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Vache-de-chêne -

 

Expressions populaires : Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :


Avoir un fil à la patte, c'est être soumis à des obligations incontournables, être empêché de jouir de son entière liberté d'action par des dispositions morales, ou légales, auxquelles il est impossible d'échapper. Le mariage passe, dans nos communautés éprises de badinage, pour le fil à la patte par excellence - encore joli quand on ne parle pas de « corde au cou » ! Mais cela peut être tout autre lien, comme une responsabilité astreignante qui limite notre liberté de mouvement : un malade incurable, ou un poste de direction exigeant.

Au siècle des insecticides et des cités en béton, on ne se douterait guère de l'origine de ce « fil » et de cette « patte » qui ont donné matière à locution. On n'imagine pas qu'ils se rapportent à un divertissement fort prisé des petits garnements du XIXe siècle. Jadis, au mois de mai - aujourd'hui célébré par une fête du Travail et des grèves rituelles - tous les ans, on assistait au retour des hannetons. Ils s'abattaient brusquement en masse, comme par nuages, sur les jardins publics et privés dont ils rongeaient les feuilles à la manière des sauterelles d'Afrique... Ces semaines-là, les petits garçons capturaient de vastes moissons de ces bestioles et leur grand jeu consistait à leur attacher un fil à une patte, et à les lâcher ainsi captifs dans une salle de classe, par exemple, pour jouir de leur vol bruyant et limité. Alphonse Karr (né en 1808) racontait en 1841 : « On faisait voler des hannetons avec un fil à la patte, au son de cette romance que nous avons peut-être chantée les derniers : Hanneton vole, vole, vole... »

L'image servait de métaphore à la limitation morale dès le dernier tiers du XIXe siècle.


Pas piqué des hannetons : expression sœur, qui continue d'être à la remorque de la précédente sur laquelle elle s'est formée, apparemment avec la même évolution. Delvau notait déjà en 1867 :

« On dit aussi N'être pas piqué des hannetons. »

Lorédan Larchey la présente lui aussi en équivalence en 172, dans son sens premier : « Aussi frais, aussi sain que la feuille respectée par les hannetons. » Il cite à témoin une phrase de Xavier de Montépin : « Une jeunesse entre quinze et seize, point piquée des hannetons, un vrai bouton de rose. »

J'espère, lecteur, en terminant ce chapitre, que vous l'aurez trouvé de même.

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Zoologie :


Jean-Claude Féray dans son ouvrage intitulé Grecques, les mœurs du hanneton ? : histoire du mot pédérastie et ses dérivés en langue française (Éditions Quintes-feuilles, 2004), rappelle les observations du Dr Laloulbène :


Le Dr Laloulbène avait reçu d'une confrère normand deux hannetons tués et épinglés trois ou quatre années auparavant dans l'attitude où ils avaient été trouvés (près de Dieppe), c'est-à-dire accouplés conformément au mode particulier à ces coléoptères. Il faut savoir que lorsque les hannetons copulent, le mâle monte d'abord sur la femelle, l'étreint de ses pattes et enfonce ses pièces génitales dans l'orifice femelle. Lorsque cette conjonction est réussie, le mâle semble saisi de torpeur (ou d'une hébétude qu'on lui souhaite extatique) : il lâche prise et se laisse choir sur le dos, toujours accroché à la femelle par sa pièce pénienne. Cette union peut se prolonger plus d'un jour entier (1). La femelle poursuit son existence comme si de rien n'était, traînant avec elle le mâle renversé sur le dos, jusqu'à ce que celui-ci - ou la mort de celui-ci (2) - la libère. La femelle pond alors une vingtaine d'œufs dans le sol et ne survit généralement que peu de temps après cette ponte (3).


1) D'où vient sans doute l'expression, aujourd'hui oubliée, se tenir par le cul comme des hannetons (être toujours ensemble, être comme cul et chemise). cf d'Hautel - Dictionnaire du bas langage ou des manières de parler usitées par le peuple (1808) ou Alain Rey et Sophie Chantreau - Dictionnaire des expressions et locutions, Les usuels du Robert, 1988.

2) Le hanneton mâle qui se détache perd souvent son pénis, qui reste engagé dans le canal de l'oviducte.

3) Certaines femelles, néanmoins, effectuent une deuxième puis une troisième ponte avant de mourir. Rappelons que les œufs donnent des larves voraces, les vers blancs, qui vont poursuivre un cycle de vie souterraine sur trois ans marqués par trois hibernations, ce qui explique la réapparition en masse des hannetons sous la forme adulte tous les trois printemps - à la plus grande joie des enfants, qui les font voler, avec, quelquefois, un fil à la patte - dans les régions où ils n'ont pas été détruits. En France, leur éradication (appelée hannetonnage) était encouragée par la rémunération, au kilogramme, de hannetons rapportés aux autorités pout être détruits. C'est sur quinze kilos ainsi livrés par un agriculteur (soit environ 16 000 individus) que M. Paul Noël, directeur du Laboratoire régional d'Entomologie de Rouen, put observer de nombreux mâles solidement accouplés. Cf Miscellanea Entomologica (Narbonne, Aude) du 1er septembre 1895, p. 1114.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


HANNETON. Il y a dans la Cafrerie une espèce de ce genre d'insectes , que l'on dit porter bonheur quand elle entre dans une maison, et les indigènes lui sacrifient alors une brebis.

 

Selon Jean Baucomont, auteur d'un article intitulé "Les formulettes d'incantation enfantine", paru dans la revue Arts et traditions populaires, 13e Année, No. 3/4 (Juillet-Décembre 1965), pp. 243-255 :


La tradition orale se perpétue dans le folklore de la vie enfantine. […] Une des catégories les plus curieuses de ces formulettes est celle des formulettes d'incantation.

L'incantation, nous disent les dictionnaires, signifie étymologiquement : un enchantement produit par l'emploi de paroles magiques pour opérer un charme, un sortilège. Le recours à l'incantation postule une attitude mentale inspirée par l'antique croyance au pouvoir du verbe, proféré dans certaines circonstances.

[…]

« L'incantation, dit Bergson, participe à la fois du commandement et de la prière. » On constate effectivement, que la plupart des formulettes d'incantation comportent à la fois une invocation propitiatoire : promesse d'offrande en cas de succès et une menace de sacrifice expiatoire, d'immolation en cas d'échec. Ce qui est proprement le caractère de l'opération magique traditionnelle.


Hanneton vole vole

Hanneton vole donc !

Si tu ne veux pas voler

Tu seras excommunié

Hanneton vole vole

Hanneton vole donc ! (Limousin)


Hanneton vole vole

Hanneton vole donc !

Marguerite est à l'école

Elle a dit que tu t'envoles

Hanneton vole vole

Hanneton vole donc ! (Charente, Vendée, Dauphiné, Savoie)


Hanneton vole vole

Hanneton vole donc !

Si tu ne veux pas voler

Tu n'auras ni pain, ni blé.

Hanneton vole vole

Hanneton vole donc ! (Bretagne, Charente)

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Symbolisme :


Année à hanneton, année à prunes dit la superstition.

 

Dans Le Livre des Superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


C'est le diable qui a créé le hanneton, dit-on en Bretagne, où le chien qui mange beaucoup de ces insectes attrape la rage (en Wallonie, ceux qu'avalent les poules se retrouvent dans leur œufs). Autrefois, on utilisait des bénédictions et des adjurations pour les chasser des champs et la récitation d'un verset du trente-cinquième Psaume passait, au XVIe siècle, pour les expulser d'un verger : Ibi ceciderunt qui operantru iniquitatem, expulsi sunt, nec potuerunt stare.

Toutefois, une abondance d'hannetons est signe de profusion, notamment pour les récoltes de blé, de vin, de prunes, de châtaignes et de pommes. "Pour avoir une bonne année, dit-on en Eure-et-Loir, il faut qu'elle soit hannetonnée."

Par ailleurs, les chasseurs d'antan croyaient attirer le gibier, en graissant leurs semelles de chaussures avec de la "pâte de hannetons", composée de ces insectes et de sang de porc. Le tout, enfermé dans un récipient hermétique, devait rester quarante jours dans du fumier de cheval.

Pour les Allemands de Bavière, l'insecte qui se pose sur la main d'une personne est un bon présage. Dans la province du Cap (Afrique du Sud), une sorte de hanneton porte bonheur à la maison ou à la hutte dans laquelle il pénètre, et une brebis lui est alors sacrifiée, mais à Mons (Belgique) trouver un hanneton à collet rouge annonce la guerre.

Lorsque les hannetons volent sur la mer, le beau temps est assuré (Bretagne).

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Jean-Claude Féray dans son ouvrage intitulé Grecques, les mœurs du hanneton ? : histoire du mot pédérastie et ses dérivés en langue française (Éditions Quintes-feuilles, 2004), explique comment des observations naturalistes débouchent sur l'élaboration d'une sorte de complexe du hanneton :


Pour comprendre combien [cette communication] a pu paraître choquante pour ses contemporains, il est nécessaire de rappeler que les naturalistes comme les sociologues (et avec eux les éducateurs) tenaient alors les rapports sexuels dont nous parlons comme la "triste résultante de l'agglomération des mâles". L'introduction d'une femelle dans un troupeau de mâles dissipés, suffit, pensait-on, à remettre de l'ordre dans ce chaos licencieux, à restituer à l'instinct perverti sa direction légitime. Il en allait de même dans les bagnes, les prisons, les internats et en général tout lieux où l'homme se trouve confiné sans "l'élément féminin régulateur".

Or, voilà qu'un entomologiste, M. Gadeau de Kerville, venait soutenir que, dans un lot de hannetons mis à sa disposition par un collègue (M. Paul Noël), l'accouplement entre mâles s'était produit en présence même d'un grand nombre de femelles disponibles. Surtout, ce savant voulait tirer de cette observation une idée, qui, appliquée au règne animal, devenait inconvenante et révoltante : celle de l'existence d'une "pédérastie par goût". Circonstance aggravante, l'auteur spécifiait avoir vérifié par une dissection qu'il s'agissait bien d'un accouplement entre mâles normalement conformés. La conclusion de cette présentation mérite d'être citée intégralement :


J'ai pensé qu'il était intéressant d'appeler l'attention des entomologistes sur ces curieux faits de pédérastie par nécessité et de pédérastie par goût observés chez des Coléoptères et que l'on a constaté aussi dans d'autres ordres d'Insectes. Il est possible et même probable que l'état de captivité fait augmenter le nombre des actes de pédérastie : mais il n'en est pas moins absolument certain que des accouplements se produisent également à l'état de pleine liberté. En terminant, je ne peux m'empêcher de faire remarquer que cette double pédérastie se produit aussi chez des Vertébrés supérieurs.


[…] Mais ce qui importe ici n'est pas de rendre compte de la diatribe par elle-même, mais de relever le fait que Marcel Réjà [dans La révolte des hannetons, 1928] désignait par hanneton (espèce réputée nuisible) l'homosexuel en général :


Calomnie ou médisance ? Les entomologistes affirment que dans les idylles du hanneton la bergère semble souvent être un jeune berger.

Ce détail de mœurs, qui n'empêche nullement les vers blancs de pulluler, autorise certaines sectes érotiques à emprunter le nom de ce pervers coléoptères pour désigner leurs amours inter-masculines.


Si Marcel Réja parle sérieusement, ce qui semble être le cas, il apporte un témoignage (unique, à ma connaissance) de ce que certains homosexuels ont pris, au moins pour un temps, le hanneton comme emblème de leur classe. Il paraît vraisemblable que ce choix résulte des observations des entomologistes comme Gadeau de Kerville, plutôt que d'une référence à une théorie pythagoricienne peu connue du public. Pour les Pythagoriciens, en effet, les pédérastes, après leur mort, se métamorphosaient en scarabées (voir note).


Note : cf Nicolas Chorier. Deux établissements de la capitale, Le Scarabée - un bar situé au pied udu Sacré Cœur - et Le Scarabée d'Or - une boîte de nuit de la rue de Dunkerque - furent célèbres dans les années 1900 pour leur clientèle homosexuelle. Il faut savoir que dans la nomenclature linnéenne, les hannetons, qui appartiennent là la famille des Scarabéides, étaient classés autrefois dans le genre Scarabœus, le hanneton commun étant désigné, selon les auteurs, entre autres, par Scarabœus arboreus (scarabée des arbres) et Scarabœus melolontha. C'est à l'entomologiste français Pierre André Latreille (1762-1833) que l'on doit la distinction du genre Hanneton de l'ensemble des Scarabées.

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Mythologie :


Pierre Déléage, dans un article intitulé « Trois points de vue sur les revenants sharanahua », L’Homme [En ligne], 183 | 2007 rapporte le mythe suivant :


Il existe, chez les Sharanahua, un récit mythique qui met en scène l’apparition d’un revenant. Le voici :


L’ancêtre du hanneton (1)

« On dit qu’il y a longtemps, une femme s’adressa ainsi à son époux : “Lorsque tu mourras, je n’aurai pas d’autre mari”. Il lui répondit : “Alors je reviendrai”. L’homme mourut. Et peu après, la femme se remaria avec un autre homme.

Un jour, ses enfants partirent en forêt à la recherche de gibier. Ils y rencontrèrent leur père mort. Il était très triste : “Dites à votre mère qu’elle me reprenne comme mari”. La mère ne crut pas ses fils et elle continua à peindre de génipa le visage de son nouveau mari. Plus tard, les enfants rencontrèrent à nouveau leur père qui leur répéta la même chose. Leur mère se décida alors à aller le voir ; et elle découvrit que c’était vrai : son mari était revenu. Mais déjà, l’homme, déçu, repartait au ciel chevauchant un gros hanneton. Elle l’appela mais il refusa de revenir : il lui cria qu’elle était une menteuse.

La femme appela alors le vautour afin que celui-ci l’emmène également au ciel. Le vautour accepta : ils s’envolèrent tous deux. Passant auprès de l’arc-en-ciel, ils rencontrèrent la chouette qui leur indiqua le chemin des morts. Finalement, elle retrouva son époux : deux femmes étaient en train de peindre son visage de génipa [elles étaient donc ses épouses]. “Cette femme sent mauvais”, dirent-elles en la voyant. Elles lui offrirent tout de même un bol de bouillie de bananes en guise de bienvenue. Mais la femme laissa tomber le bol par terre et il se cassa. Elle voulut alors s’asseoir sur un tronc, mais le tronc s’envola. Elle essaya ensuite de s’allonger dans un hamac, mais celui-ci se déchira immédiatement. Après avoir observé le comportement de sa femme, l’homme décida de la renvoyer. Elle dut retourner sur terre, sur le dos du vautour.

Une fois chez elle, elle raconta à ses enfants ce qui lui était arrivé. Puis elle se mit à creuser la terre afin de retrouver les restes de son mari. Mais ses enfants l’en empêchèrent. Elle fut alors prise de fièvre et en mourut bientôt. Au ciel, elle retrouva son époux et cette fois, elle ne cassa plus rien ».


1. Récit de Rosa, Gasta Bala, 8 février 2002. Ce que je traduis par « hanneton » est en fait un gros coléoptère non identifié.

[…]

La première chose que l’on apprend à propos des mythes, c’est qu’ils proviennent des ancêtres eux-mêmes. En effet, contrairement au savoir ordinaire, le savoir mythique est désigné par les Sharanahua à l’aide d’un terme spécifique. Or «mythe», en sharanahua, se dit shudipafo, ce qu’il faut comprendre comme «(le discours des) ancêtres». D’autres peuples de langue pano utilisent des formulations plus explicites: les Cashinahua parlent de «paroles des ancêtres» (shenipabu miyui) (Camargo 2002) et les Shipibo de «paroles des hommes du temps passé» (moatian jonibo joi) (Bertrand-Ricoveri 2005 : 12). Le savoir mythique trouve donc son origine chez les ancêtres. C’est précisément pour cela qu’il importe de transmettre ces récits.

De ce fait, les mythes doivent être pensés comme des citations des paroles originelles des ancêtres. C’est pour cela qu’ils sont toujours énoncés selon le mode du discours rapporté ; par exemple, le premier énoncé du récit que nous venons d’étudier apparaît sous cette forme :


Mapaquia iscadiquin

Mapa-quia isca-di-quin

On dit du hanneton, qu’il y a très longtemps, il lui est vraiment arrivé ceci


Il ne faut pas être étonné si ce récit se présente lui-même comme un discours sur le hanneton, qui ne joue qu’un rôle d’auxiliaire dans la diégèse ; comme ce coléoptère n’intervient que dans ce récit, il permet de le différencier nettement des autres et de lui fournir un «titre» en quelque sorte. Ce qui est important, c’est de constater que, d’entrée de jeu, la narration se présente comme une citation, en utilisant le suffixe /-quia/, un évidentiel indiquant qu’il s’agit là de discours rapporté (Kroskrity 1993).

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Contes et légendes :


Dans "La Petite Poucette" (1836) un des célèbres contes écrit par Hans Christian Andersen, l'héroïne, entre autres aventures, est enlevée par un hanneton :


Poucette, bien contente d’avoir échappé au vilain crapaud, se réjouissait de toute la magnificence de la nature et de l’aspect de l’eau, que le soleil faisait briller comme de l’or. Elle prit sa ceinture, et, après en avoir attaché un bout au papillon, l’autre à la feuille, elle avança plus rapidement encore.


Tout à coup un grand hanneton vint à passer, et, l’ayant aperçue, il entoura son corps délicat de ses pattes et s’envola avec elle dans un arbre. Quant à la feuille verte, elle continua à descendre la rivière avec le papillon, qui ne pouvait s’en détacher.

Dieu sait quelle fut la frayeur de la pauvre petite Poucette quand le hanneton l’emporta dans l’arbre ! Cependant elle plaignait surtout le beau papillon blanc qu’elle avait attaché à la feuille, et qui mourrait de faim, s’il ne parvenait pas à s’en défaire. Mais le hanneton ne se souciait pas de tout cela ; il la fit asseoir sur la plus grande feuille de l’arbre, la régala du suc des fleurs, et quoiqu’elle ne ressemblât nullement à un hanneton, il lui fit mille compliments de sa beauté.

Bientôt tous les autres hannetons habitant le même arbre vinrent lui rendre visite. Les demoiselles hannetons, en la voyant, remuèrent leurs antennes et dirent :

« Quelle misère ! elle n’a que deux jambes.

– Et pas d’antennes, ajouta une d’elles ; elle est maigre, svelte, elle ressemble à un homme. Oh ! quelle est laide ! »

Cependant la petite Poucette était charmante ; mais, quoique le hanneton qui l’avait enlevée la trouvât belle, en entendant les autres, il finit par la croire laide et ne voulut plus d’elle. On la fit donc descendre de l’arbre, et on la posa sur une pâquerette en lui rendant sa liberté.

La petite se mit à pleurer de ce que les hannetons l’avaient renvoyée à cause de sa laideur ; cependant elle était on ne peut plus ravissante. La petite Poucette passa ainsi l’été toute seule dans la grande forêt.

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Sur le site https://www.france-pittoresque.com/, on apprend que parmi toutes les pluies d'insectes, certaines concernent les hannetons :


On a vu de véritables pluies de hannetons. Figuier rapporte « qu’en 1688, dans le comté de Galway, en Irlande, ils formaient un nuage si épais, que le ciel en était obscurci l’espace d’une lieue, et que les paysans avaient peine à se frayer un chemin dans les endroits où ils s’abattaient. Ils détruisirent toute la végétation, de sorte que le paysage revêtit l’aspect désolé de l’hiver. Leurs mâchoires voraces faisaient un bruit comparable à celui que produit le sciage d’une grosse pièce de bois, et le soir le bourdonnement de leurs ailes ressemblait à des roulements lointains de tambours. Les malheureux Irlandais furent réduits à faire cuire leurs envahisseurs et à les manger à défaut d’autre nourriture. »

Notre gravure représente une scène qui eut lieu en 1832 sur la route de Gournay à Gisors. « Le 18 mai, à neuf heures du soir, une légion de hannetons assaillit une diligence avec une telle violence, que les chevaux, aveuglés et épouvantés, refusèrent d’avancer, et que le conducteur fut obligé de rétrograder jusqu’au village, pour y attendre la fin de cette grêle d’un nouveau genre. »

Tous ces phénomènes qui étaient autrefois considérés comme des prodiges, s’expliquent aujourd’hui de la manière la plus naturelle quand on se rappelle avec quelle force le vent soulève et transporte à de grandes distances les objets les plus pesants. On a vu certaines trombes enlever des troupeaux, des hommes, des arbres centenaires et les rejeter à plus de mille mètres ; soulever l’eau des rivières, entraîner les poissons et les projeter au loin avec une force considérable.

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Littérature :


"Laisse aller ta pensée comme le hanneton qu'on lâche en l'air avec un fil à la patte"


Aristophane, Les Nuées, v. 761.

 

La Fourmi et le Hanneton


Par un jour d'été, une fourmi errant dans la campagne glanait du blé et de l'orge qu'elle mettait de côté pour s'en nourrir à la mauvaise saison. La voyant faire, un hanneton s'étonna de la trouver si dure à la tâche, elle qui travaillait à l'époque même où les autres animaux oublient leurs labeurs pour jouir de la vie. Sur le moment, la fourmi ne dit rien. Mais plus tard, l'hiver venu, quand la pluie eut détrempé les bouses, le hanneton affamé vint la trouver pour lui quémander quelques vivres : " O hanneton ! ", lui répondit alors la fourmi, " si tu avais travaillé au temps où je trimais et où tu me le reprochais, tu ne manquerais pas de provisions aujourd'hui. "

De même, quiconque en période d'abondance ne pourvoit pas au lendemain connaît un dénuement extrême lorsque les temps viennent à changer.

Ésope (VIe siècle av. J. C.)

 

Le Hanneton

« Tu bourdonnes, n’es-tu pas libre ? » Disait un écolier au hanneton fâché D’avoir toujours un fil à la patte attaché. Ainsi parlait Octave à ses sujets du Tibre. Ainsi naguère encor j’entendais raisonner D’honnêtes gens, qui tous n’étaient pas sur le trône. La liberté pour eux, c’est un fil long d’une aune Au bout duquel on laisse un peuple bourdonner.


Antoine-Vincent Arnault "Le Hanneton" in Fables III, Livre V.

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Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard nous propose de petits récits ou portraits des animaux qui nous sont familiers :

Le hanneton I Un bourgeon tardif s’ouvre et s’envole du marronnier. II

Plus lourd que l’air, à peine dirigeable, têtu et ronchonnant, il arrive tout de même au but, avec ses ailes en chocolat.

 

Le Hanneton


L’oiseau chanteur redit sa ritournelle

Le soleil luit, l’espace est embaumé

La brise souffle et porte sur son aile

Les bruits divers dont l’air est parsemé

La mouche d’or sur les fleurs se repose

D’un vol joueur à travers les rayons

Le papillon parle bas à la rose

Le scarabée envahit les sillons


{Refrain :}

Prends tes ébats, hanneton, vole !

Hanneton, vole, monte, élève-toi !

Va-t’en danser ta farandole

Au bout du fil qui te tient sous ma loi


Quand tu n’étais que vile chrysalide

Sans mouvement, le corps entortillé

Dans ta vilaine enveloppe morbide

Dis, n’as-tu pas assez sommeillé ?

Tu retrouvas avec ta délivrance

Un corps mouvant accessible au plaisir

Tu n’es pas beau, mais, quelle différence

Tu vis, tu peux agir à ton loisir

{au Refrain}


Tu parais triste, rêveur et morose

Et, cependant, tu devrais être heureux

D’avoir subi telle métamorphose

Qui te permet de voler vers les cieux

N’étais-tu pas laide bête rampante ?

Horrible ver, méchant et ravageur

Tu méritais une mort palpitante

Et tu devins un joyeux voyageur


{au Refrain}


Paroles de A. Rosenquest. Musique de Carl Van Berghe, 1913.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la Cétoine qui appartient à la famille des Scarabaeidae :

6 octobre

(La Bastide)


Deux rectangles non euclidiens d'émeraude à filets d'or ; un triangle et une trapèze de cuivre rouge ; un trapèze d'anthracite qu'achève une réduction des Tables de la Loi : c'est la cétoine, ou hanneton des roses.

Le tout sur six pattes minces et griffues ; le tout sur un rameau de lierre ; le tout sur la colline odorante ; le tout sur le rivage de la Méditerranée ; le tout sur le Tout.

[...] 28 juillet

(Réserve de La Panne)


[...] Un hanneton à foulon atterrit sur mon pied. Je l'attrape : il produit un curieux bruissement d'ailes, comme un chat qui souffle. Il a le ventre de velours fauve et crème, et les élytres de marbre gris veiné de brun.


Insecte de marbre

Versailles hexapode

Hanneton à foulon

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