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La Dame blanche


Croyances populaires :


Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses: qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) évoque les dames blanches :


FEMMES BLANCHES.- Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux nymphes, ou à certaines fées qui se montraient en Allemagne ; d'autres entendent par là une espèce de fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches, dans les bois et les prairies, quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées, dont ils laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu'ils peignent et qu'ils tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sybilles et fées.

En Bretagne, des femmes blanches, qu'on appelle Lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles invitent les passants à tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.

Érasme parle d'une femme blanche célèbre en Allemagne, et dont voici le conte : « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s'est montré à la mort de la plupart des maisons des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd'hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tandis que le château de Neuhaus sera debout ; elle y apparaît, non seulement quand quelqu'un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage, ou qu'il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c'est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne avoir ouï dire au baron d'Ungenaden, ambassadeur de l'empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir, lorsqu'elle prédit en Bohême la mort de quelqu'un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s'étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l'une après l'autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s'est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui lui sont alliées.

A l'égard de ses manières d'agir, elle passe quelquefois très vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive que quelqu'un la salue, pourvu qu'on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, et une gravité de personne noble, et après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle a fait la fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours indécents, tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre fort bonne envers les pauvres, et elle se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques, lorsqu'après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu'elle a institué de son vivant. Elle fit alors un si grand charivari les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu'à ce qu'enfin un d'eux rappelât aux autres qu'il fallait faire de la bouillie, et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été fait, tout fut tranquille.

 

Dans ses Légendes rustiques (Éditions A. Morel, 1858), George Sand collecte des légendes de son pays natal, le Berry, qui s'ancrent dans une mémoire gauloise encore vivante à son époque :


Les Demoiselles
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Légende des Demoiselles =>



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Symbolisme :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


AIA, AMBRIANE ou CAIETA. Fée de la classe des dames blanches, qui habite le territoire de Gaële, dans le royaume de Naples, et qui y préoccupe autant l'esprit des personnes faites que celui de l'enfance. Comme la plupart des dames blanches, les intentions de l'aïa sont toujours bienveillantes : elle s'intéresse à la naissance, aux événements heureux et malheureux, et à la mort de tous les membres de la famille qu'elle protège. Elle balance le berceau des nouveau nés. C'est principalement durant les heures du sommeil qu'elle se met à parcourir les chambres de la maison ; mais elle y revient encore quelquefois pendant le jour. Ainsi, lorsqu'on entend le craquement d'une porte, d'un volet, d'un meuble, et que l'air agité siffle légèrement, on est convaincu que c'est l'annonce de la visite de l'aïa. Alors chacun garde le silence, écoute ; le cœur bat à tous ; on éprouve à la fois de la crainte et un respect religieux ; le travail est suspendu ; et l'on attend que la belle Ambriane ait eu le temps d'achèver l'inspection qu'on suppose qu'elle est venue faire. Quelques personnes, plus favorisées ou menteuses, affirment avoir vu la fée, et décrivent sa grande taille, son visage grave, sa robe blanche, son voile qui ondule ; mais la plupart des croyants déclarent n'avoir pas été assez heureux pour l'apercevoir. Cette superstition remonte à des temps reculés, puisque Virgile la trouva existant déjà au même lieu.


BLANCHES-MAINS. Nom que l'on donne aux Dames Blanches dans les environs d'Elbeuf, en Normandie.


DAMES BLANCHES. C'est une classe de fées dont quelques unes sont graves et bienfaisantes ; d'autres sont méchantes ou simplement espiègles. Elles correspondent à la Benshie des Ecossais. Lorsqu'on les rencontre au bord des fontaines et au pied des vieux arbres, c'est toujours d'un fâcheux présage.

En Bretagne, il est de ces Dames Blanches qui s'introduisent dans les écuries portant des chandelles allumées. Elles laissent tomber alors des gouttes de suif sur le crin des chevaux, ce qui leur permet de le lisser avec plus de soin. Elle agissent de même dans les contrées du Nord.

En Allemagne, la Dame Blanche se montre dans les forêts et dans les prairies, et l'on prétend que dehors elle voit parfaitement clair, tandis que renfermée dans sa demeure elle est aveugle. Certaines Dames Blanches sont les protectrices de grandes familles, et elles apparaissent constamment lorsqu'un des membres de ces familles doit mourir. Telles sont entre autres les maisons de Neuchaus, de Rosenberg, de Brunswick, de Bade, de Brandebourg, de Pernstein, etc. Byron cite aussi la Dame Blanche de la famille Colalto.

S'il faut en croire les historiens contemporains, une Dame Blanche aurait contribué, en 1638, durant la guerre contre le comté de Bourgogne, à sauver la ville de Salins et à battre un corps d'armée de Louis XIII, commandé par Villeroy. « Il est remarquable, dit Girardot, l'un de ces historiens, qu'au même temps qu'on pourchassait les Français, une petite fille, nourrie au couvent des Ursules de Salins, étant près de mourir, dit aux religieuses assemblées autour de son lit, qu'elles n'eussent plus de crainte des Français, car elle les voyait fuir devant une femme blanche ».

Nous empruntons aux Traditions populaires comparées, de M. Désiré Monnier, les fragments qui suivent.

« Nous nous faisons un devoir de conserver dans nos pages un monument écrit qui pourrait se perdre de vue aux lieux mêmes où il se produisait en 1840 : nous le tirons du journal lyonnais le Réparateur, organe des préoccupations populaires de la fin de cette année calamiteuse. On sera frappé du singulier conflit d'idées religieuses et païennes qui se réveillèrent, et l'on reconnaîtra combien il est naturel au peuple de recourir à des prodiges pour expliquer les catastrophes qui le frappent.

En présence des calamités que le ciel vient de faire peser sur notre pays, beaucoup d'esprit sont abattus et sous l'empire d'une terreur secrète : il circule dans le peuple une foule de récits plus ou moins extraordinaires. Un correspondant du Réparateur lui adresse le résumé de tout ce qu'il a entendu raconter dans le peuple.

Voyez, dit-il, comme l'instinct populaire se rattache à tout : on vous parle de sécheresse extraordinaire qui, au printemps, a laissé nos rivières sans eau, et de cette pierre au fond du Rhône sur laquelle une main inconnue a tracé une menace qui ne s'est que trop réalisée : Qui m'a vue a pleuré, qui me verra pleurera. Les récits les plus effrayants, les contes les plus absurdes sont dans toutes les bouches. Ici, c'est le prophète de Salons, en Provence, qui annonce pour 1840 une inondation telle que les hommes n'en virent jamais depuis le déluge ; là, c'est le prince Hohenlohë qui a prédit que Lyon périra par l'eau, aussi en 1840. Les uns annoncent que, le 24 novembre, Lyon sera enseveli sous les eaux ; d'autres disent le 6 décembre. On se rit de ces sinistres prophéties ; mais on ne peut se défendre de la peur.

On dit qu'à Grenoble, il y a quelques mois, à la veille de celle fatale année, une vieille femme apparut sur le haut de je ne sais quel clocher, tenant en ses mains deux flacons, l'un rempli d'eau, l'autre plein de sang : l'eau, vous disent les commentateurs, signifiait l'inondation ; le sang, c'était la guerre. A Fourvières, ajoute un autre, on a trouvé, la nuit, la chapelle illuminée comme aux grands jours de fête, et la statue de la Vierge implorant, à genoux devant l'autel, la miséricorde divine en faveur de la ville dont elle est la protectrice.

« Sans doute aussi, vous aurez entendu parler d'une Dame Blanche qui s'est montrée, la nuit, sur les hauteurs, se promenant silencieusement près l'un des forts qui nous dominent. Une première fois, elle passe non loin d'une sentinelle, elle porte une coupe remplie d'eau ; au Qui vive ! du soldat, elle ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et cette fois elle porte une torche d'où jaillit une flamme livide ; même Qui vive ! même silence ! Elle reparaît une troisième fois tenant à la main un pain ; toujours même silence ! Enfin elle revient une dernière fois un glaive flamboyant à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses Qui vive ! et menace de faire feu. La Dame Blanche s'arrête et répond d'une voix lugubre et solennelle : « Quand j'ai passé près de toi avec une coupe pleine d'eau, c'était l'inondation et tous ses désastres ; tu vois... la torche signifiait la peste ; le pain, c'est la famine, et ce glaive, c'est la guerre. Malheur, malheur, malheur à vous tous ! »E! elle disparut, sans qu'on ait pu savoir qui elle était.

Voilà ce qui se raconte dans le peuple, et bien autres choses encore ! Ne diriez-vous pas que nous sommes revenus au moyen âge ? Tout cela est absurde, sans doute ; tout cela est incroyable dans le siècle des lumières, au milieu d'une révolution qui prétend avoir régénéré l'esprit humain et avoir fait justice de l'ignorance et des préjugés ; mais tout cela explique la situation des esprits, et prouve jusqu'à quel point ils sont frappés de terreur. Faut-il en croire ces rumeurs populaires, et les menaces de 1840 ne seraient-elles pas toutes accomplies ? »

Dans ses Souvenirs de voyages, M. Xavier Marmier s'exprime ainsi sur la Dame Blanche : « Peu de traditions anciennes sont aussi généralement répandues que celle-ci, et se sont aussi longtemps maintenues dans la croyance non seulement du peuple, mais des gens éclairés. Qu'elle soit fondée sur un fait historique, c'est ce dont il est impossible de douter ; seulement, les chroniqueurs diffèrent d'opinion sur l'origine de la Dame Blanche. Les uns la font descendre de la célèbre maison de Méran, et, selon eux, elle épousa le comte Henri d'Orlamund ; d'autres disent que son image se trouve dans le château de Nehaus en Bohême. Du reste, on sait que la Dame Blanche doit apparaitre dans les châteaux de Berlin, Bayreuth, Darmstadt, Carlsruhe, Bade, etc. Yung Stillingen parle comme d'une chose certaine dans sa Théorie des esprits. Or, voici ce que l'on raconte dans le pays de Bade sur la Dame Blanche :

« Bertha de Rosenberg épousa, en 1449, Jean de Lichtenstein. Ce mariage fut on ne peut plus malheureux ; la comtesse se sépara de son mari, et se retira avec la haine dans le cœur en Bohême, où elle fit bâtir le château de Neuhaus. L'esprit de Berthaap paraît le plus souvent pendant la nuit, quelquefois aussi pendant le jour. Elle porte une robe blanche comme celles que l'on portait de son temps ; son visage est couvert d'un voile épais, et éclairé par un pâle rayon. Ce qu'il doit surtout y avoir de terrible dans son apparition, au dire de tous ceux qui l'ont vue, c'est le regard fixe, perçant, immobile, de ses grands yeux noirs, qu'elle arrête en silence sur l'homme à qui elle se montre.' Ce regard pénètre jusqu'au fond de l'âme et glace la pensée d'effroi. Quiconque l'a entrevue une fois ne l'oubliera de sa vie.

Quelquefois aussi la Dame Blanche apparaît avec un enfant à la main. Son apparition est toujours l'indice de la mort prochaine d'un des membres de sa famille, ou d'un grand malheur. Souvent on l'a vue se pencher sur le lit d'un jeune prince dans son sommeil, et peu de jours après l'enfant était mort. Elle se montre tantôt dans les galeries, tantôt dans la chapelle, et quelquefois aussi dans le jardin du château. »


MILLORAINES OU DEMOISELLES. On nomme ainsi, dans le département de la Manche une sorte de dame blanche qui ont une taille gigantesque, des formes peu distinctes et se tiennent habituellement immobiles. Mais lorsqu'on les approche elles prennent aussitôt la fuite avec rapidité et par bonds, et leur passage à travers les arbres détermine un bruit pareil à celui d'un ouragan.


VIERGE MERE DE POLIGNY. La forêt qui s'étend à l'est de Poligny, département du Jura, est habitée par une fée qu'on nomme dans la contrée vierge mère et dame blanche. On croit même que, dans les temps reculés, on lui avait élevé un sanctuaire au même lieu. « On m'a raconté d'un enfant, dit M. Désiré Monnier dans ses Traditions populaires comparées, que ses parents l'avaient envoyé au bois de Poligny chercher soit un berger, soit du bétail ; qu'il s'égara, et qu'il ne lui fut plus possible de retrouver le chemin de son village. On l'attendit en vain, on l'appela sans succès toute la nuit, tout le lendemain. Mais le surlendemain, sur le soir, ou le troisième jour, on retrouva enfin le petit garçon. Il était tranquillement assis sur la pelouse, dans une clairière, frais, riant, se portant à merveille. Il dit qu'une belle dame était venue régulièrement lui apporter à manger. On n'eut pas besoin de s'informer de cette dame ou c'était la sainte Vierge envoyée par la Providence, ou c'était la fée si connue dans le pays sous le nom de la dame blanche. »


WITTE VYVEN. On désigne, dans la Frise, sous ce nom, les fées que nous appelons Dames blanches.

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Sur le site http://www.france-pittoresque.com/, on peut lire la notice suivante, établie d’après le Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés et traditions populaires paru en 1856 :


"Les dames blanches constituent une classe de fées dont quelques-unes sont graves et bienfaisantes ; d’autres sont méchantes ou simplement espiègles. Elles correspondent à la Benshie des Écossais. Lorsqu’on les rencontre au bord des fontaines et au pied des vieux arbres, c’est toujours d’un fâcheux présage. En Bretagne, il est de ces Dames Blanches qui s’introduisent dans les écuries portant des chandelles allumées. Elles laissent tomber alors des gouttes de suif sur le crin des chevaux, ce qui leur permet de le lisser avec plus de soin.

Elles agissent de même dans les contrées du Nord. En Allemagne, la Dame Blanche se montre dans les forêts et dans les prairies, et l’on prétend que dehors elle voit parfaitement clair, tandis que renfermée dans sa demeure elle est aveugle. Certaines Dames Blanches sont les protectrices de grandes familles, et elles apparaissent constamment lorsqu’un des membres de ces familles doit mourir. Telles sont entre autres les maisons de Neuchaus, de Rosenberg, de Brunswick, de Bade, de Brandebourg, de Pernstein, etc. Byron cite aussi la Dame Blanche de la famille Colalto.

S’il faut en croire les historiens contemporains, une Dame Blanche aurait contribué, en 1638, durant la guerre contre le comté de Bourgogne, à sauver la ville de Salins et à battre un corps d’armée de Louis XIII, commandé par Villeroy. « Il est remarquable, dit Girardot, l’un de ces historiens, qu’au même temps qu’on pourchassait les Français, une petite fille, nourrie au couvent des Ursules de Salins, étant près de mourir, dit aux religieuses assemblées autour de son lit, qu’elles n’eussent plus de crainte des Français, car elle les voyait fuir devant une femme blanche ».

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Dans ses Traditions populaires comparées (Éditons , ) Désiré Monnier cite un passage du journal lyonnais Le Réparateur de 1840, et affirme être frappé du singulier conflit d’idées religieuses et païennes qui se réveillèrent alors :


« On reconnaîtra combien il est naturel au peuple de recourir à des prodiges pour expliquer les catastrophes qui le frappent ».

En présence des calamités que la ciel vient de faire peser sur le pays, beaucoup d’esprit sont abattus et sous l’empire d’une terreur secrète : il circule dans le peuple une foule de récits plus ou moins extraordinaires. Un correspondant du Réparateur lui adresse le résumé de tout ce qu’il a entendu raconter dans le peuple : « Voyez, dit-il, comme l’instinct populaire se rattache à tout : on vous parle de sécheresse extraordinaire qui, au printemps, a laissé nos rivières sans eau, et de cette pierre au fond du Rhône sur laquelle une main inconnue a tracé une menace qui ne s’est que trop réalisée : Qui m’a vue a pleuré, qui me verra pleurera. Les récits les plus effrayants, les contes les plus absurdes sont dans toutes les bouches. Ici, c’est le prophète de Salons, en Provence, qui annonce pour 1840 une inondation telle que les hommes n’en virent jamais depuis le déluge ; là, c’est le prince Hohenlohë qui a prédit que Lyon périra par l’eau, aussi en 1840. Les uns annoncent que, le 24 novembre, Lyon sera enseveli sous les eaux ; d’autres disent le 6 décembre. On se rit de ces sinistres prophéties ; mais on ne peut se défendre de la peur.

« On dit qu’à Grenoble, il y a quelques mois, à la veille de cette fatale année, une vieille femme apparut sur le haut de je ne sais quel clocher, tenant en ses mains deux flacons, l’un rempli d’eau, l’autre plein de sang : !’eau, vous disent les commentateurs, signifiait l’inondation ; le sang, c’était la guerre. A Fourvières, ajoute un autre, on a trouvé, la nuit, la chapelle illuminée nomme aux grands jours de fête, et la statue de la Vierge implorant, à genoux devant l’autel, la miséricorde divine en faveur de la ville dont elle est la protectrice.

« Sans doute aussi, vous aurez entendu parler d’une Dame Blanche qui s’est montrée, la nuit, sur les hauteurs, se promenant silencieusement près l’un des forts qui nous dominent. Une première fois, elle passe non loin d’une sentinelle, elle porte une coupe remplie d’eau ; au Qui vive ! du soldat, elle ne répond pas et disparaît. Bientôt elle revient, et cette fois elle porte une torche d’où jaillit une flamme livide ; même Qui vive ! Même silence ! Elle reparaît une troisième fois tenant à la main un pain ; toujours même silence ! Enfin elle revient une dernière fois un glaive flamboyant à la main. En la voyant armée, le soldat redouble ses Qui vive ! et menace de faire feu. La Dame Blanche s’arrête et répond d’une voix lugubre et solennelle : Quand j’ai passé près de toi avec une coupe pleine d’eau, c’était l’inondation et tous ses désastres ; tu vois... la torche signifiait la peste ; le pain, c’est la famine, et ce glaive, c’est la guerre. Malheur, malheur, malheur à vous tous ! Et elle disparut, sans qu’on ait pu savoir qui elle était.

« Voilà ce qui se raconte dans le peuple, et bien autres choses encore ! Ne diriez-vous pas que nous sommes revenus au Moyen Age ? Tout cela est absurde, sans doute ; tout cela est incroyable dans le siècle des lumières, au milieu d’une révolution qui prétend avoir régénéré l’esprit humain et avoir fait justice de l’ignorance et des préjugés ; mais tout cela explique la situation des esprits, et prouve jusqu’à quel point ils sont frappés de terreur. Faut-il en croire ces rumeurs populaires, et les menaces de 1840 ne seraient-elles pas toutes accomplies ? »

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Selon Xavier Marmier dans ses Souvenirs de voyages,


[...] peu de traditions anciennes sont aussi généralement répandues que celle de la Dame Blanche, et se sont aussi longtemps maintenues dans la croyance non seulement du peuple, mais des gens éclairés. Qu’elle soit fondée sur un fait historique, c’est ce dont il est impossible de douter, ajoute-t-il ; seulement, les chroniqueurs diffèrent d’opinion sur l’origine de la Dame Blanche. Les uns la font descendre de la célèbre maison de Méran, et, selon eux, elle épousa le comte Henri d’Orlamund ; d’autres disent que son image se trouve dans le château de Nehaus en Bohême. Du reste, on sait que la Dame Blanche doit apparaître dans les châteaux de Berlin, Bayreuth, Darmstadt, Carlsruhe, Bade, etc. Yung Stilling en parle comme d’une chose certaine dans sa Théorie des esprits.

Or, voici ce que l’on raconte dans le pays de Bade sur la Dame Blanche : Bertha de Rosenberg épousa, en 1449, Jean de Lichtenstein. Ce mariage fut on ne peut plus malheureux ; la comtesse se sépara de son mari, et se retira avec la haine dans le cœur en Bohême, où elle fit bâtir le château de Neuhaus. L’esprit de Bertha apparaît le plus souvent pendant la nuit, quelquefois aussi pendant le jour. Elle porte une robe blanche comme celles que l’on portait de son temps ; son visage est couvert d’un voile épais, et éclairé par un pâle rayon. Ce qu’il doit surtout y avoir de terrible dans son apparition, au dire de tous ceux qui l’ont vue, est le regard fixe, perçant, immobile, de ses grands yeux noirs, qu’elle arrête en silence sur l’homme à qui elle se montre. Ce regard pénètre jusqu’au fond de l’âme et glace la pensée d’effroi. Quiconque l’a entrevue une fois ne l’oubliera de sa vie.

Quelquefois aussi la Dame Blanche apparaît avec un enfant à la main. Son apparition est toujours l’indice de la mort prochaine d’un des membres de sa famille, ou d’un grand malheur. Souvent on l’a vue se pencher sur le lit d’un jeune prince dans son sommeil, et peu de jours après l’enfant était mort. Elle se montre tantôt dans les galeries, tantôt dans la chapelle, et quelquefois aussi dans le jardin du château."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Apparitions vêtues de blanc, les dames blanches, qui appartiennent à la classe des fées, sont en général bienfaisantes ou espiègles. On en signale encore de nos jours dans certaines campagnes, souvent près des calvaires - mais aussi sous la forme d'une auto-stoppeuse éphémère que ceux qui assurent l'avoir vue (des étudiants de Montpellier en mai 1981 notamment) décrivent comme une divinité protectrice.

Selon la légende, une dame blanche se montrait, tous les Noël, au moment où sonnaient les douze coups de minuit, dans les ruines du château de la Boursilière, près de Châtelnay-Malabry (Hauts-de-Seine). On disait qu'elle gardait un trésor que l'on pouvait prendre à cet instant précis. cette dame blanche apparaissait, disait-on, en souvenir de Blanche de Castille (XIIIe siècle).

Dans les environs d'Anvers, une petite dame blanche, qui se tenait près d'un ruisseau, attirait à elle les petits enfants : « C'était une personne fort bienfaisante, elle consolait les enfants et leur donnait les moyens de secourir leurs parents ».

On désignait également sous le terme de « dame blanche » une apparition qui errait autour du palais des Bourbons la veille de la mort d'un prince. Malesherbes raconta que le jour précédant sa condamnation Louis XVI lui demanda s'il avait vu la dame. une tradition allemande affirmait également qu'une femme vêtue de blanc balayait les salles du château pour annoncer qu'un événement malheureux allait frapper la famille des Hohenzollern.

Dans les Landes, la « dame blanche » se montre la nuit la veille des grandes calamités.

Signalons que dans La Dame blanche (1825), le célèbre opéra de Boieldieu, sur un livret de Scribe inspiré de Walter Scott, le fantôme qui est censé hanter le château d'Avenel en Ecosse où l'histoire se déroule en 1795 est en fait une jeune orpheline qui sait où la dernière comtesse d'Avenel a, avant de mourir, caché le trésor de la famille.

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Selon une tradition allemande, une dame blanche se tient près des pieds de muguet pour empêcher les gens de cueillir la plante.

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Contes et légendes :


La Dame blanche

Conte québécois


Connaissez-vous la chute Montmorency, sur la Côte-de-Beaupré, tout près de Québec? Au fil des ans, plusieurs personnes ont juré y avoir vu, quand la nuit tombe, une silhouette féminine, fine et blanche. C’est celle de Mathilde Robin, morte en 1759. Ou plutôt, celle du fantôme de cette femme qu’on appelle désormais : la Dame blanche… Remontons le fil du temps jusqu’en 1759 : Mathilde vit sur la Côte-de-Beaupré. Elle est pleinement heureuse : à la fin de l’été, elle épousera le beau Louis, celui qui fait battre son cœur. Mathilde a cousu elle-même sa robe de mariée, blanche, comme il se doit. Quelques rumeurs planent sur Québec, comme quoi les Anglais voudraient s’emparer de la ville, mais Mathilde n’y prête pas trop attention. Rien ne peut assombrir son bonheur… Rien, sauf la guerre. Car le 31 juillet, tout bascule. Des cris retentissent soudain : les Anglais sont là, au pied de la chute! Ils veulent prendre Québec aux mains de la France! Les femmes et les enfants se réfugient dans la forêt pour attendre la fin des combats. Les hommes vont prêter main-forte aux soldats français. Le courageux Louis embrasse Mathilde et promet de revenir rapidement. La Bataille de la chute Montmorency dure quelques jours. Quand elle cesse enfin, malgré le triste tableau des soldats des deux camps morts ici et là, des cris de joie montent dans le ciel de Québec : les Français ont gagné ! Victoire ! Les hommes regagnent la forêt pour retrouver leurs proches. Le cœur serré, Mathilde attend. Louis ne revient pas. Presque tous sont de retour, maintenant… et Mathilde attend, encore et encore. Un commandant lui apprend la terrible nouvelle: Louis est mort au combat. Il ne reviendra pas. Folle de douleur, elle court vers sa maison, enfile sa robe de mariée blanche, pose son voile sur ses cheveux. Mathilde Robin se dirige ensuite vers la chute où son fiancé et elle aimaient tant se promener. Cette chute au pied de laquelle Louis a péri. La pleine lune éclaire sa silhouette fragile. Mathilde ouvre largement les bras en croix. Dans un dernier gémissement de douleur, elle se laisse tomber dans les eaux tumultueuses de la chute Montmorency. On dit que son voile fut emporté par le vent et qu’il se déposa sur les rochers. Quand les gens de la Côte-de-Beaupré passèrent devant, le lendemain, une nouvelle cascade était apparue. On l’appela le Voile de la mariée. Elle est toujours là, juste à gauche de la chute. Aujourd’hui, deux siècles et demi plus tard, si vous passez par la chute Montmorency, la nuit, vous apercevrez sans doute une frêle jeune fille vêtue d’une longue robe blanche. C’est le fantôme de Mathilde, la Dame blanche. Il arrive même qu’on l’entende gémir jusque sur l’île d’Orléans. Si vous la voyez, ne l’approchez pas trop… On raconte que tous ceux qui ont tenté de toucher à la robe de la belle Mathilde ont connu une mort brutale quelques jours plus tard… Alors contentez-vous de regarder, de loin, le Voile de la mariée et cette Dame blanche, qui pleure pour toujours la mort de son fiancé.

Texte : Martine Latulippe *

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