Étymologie :
COQUELICOT, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1545 coquelicoq (G. Gueroult d'apr. Delboulle ds DG) ; 1547 coquelicoz plur. (C. Estienne, De lat. et graec. nom. arbor., p. 55 ds Gdf. Compl.). Var. de coquerico (v. cocorico), attesté en 1339 au sens de « coq » (Inventaire de Charles VI ds Laborde) et utilisé pour désigner cette plante à fleur rouge par référence à la couleur de la crête du coq.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Papaver rhoeas - Chaudière du diable - Pavot-coquelicot - Pavot des champs - Pavot sauvage - Ponceau - Rose de Cérès -
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Botanique :
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description du Coquelicot :
Nom scientifique : Il existe une opinion répandue chez les spécialistes qui est celle que le nom latin du coquelicot, PAPĀVER est une forme à redoublement historiquement analysable, mais qui résulte d’origine incertaine (DELL : 480) et qui se rapproche du modèle de CADĀVER par rapport à CADERE, en raison de la structure de la voix où est présent le morphème -uer < -ues avec une valeur probable de participe passé (DELL : 480 ; LEW, II : 249 ; Carpitelli, 2003 : 38). La forme originelle a donc été reconstruite comme PAPA-UES > PAPA-UER où la base pap- « enfler » est accompagnée du morphème -uer formant le participe passé « enflé » qui se réfère probablement à la forme ronde de la capsule de cette fleur (LEW : II : 249 ; Carpitelli : 2003 : 38). Selon Trumper (2004c : 21), l’adjectif lat. RHOEAS est un emprunt botanique au gr. ῥοιάς < ῥοία « suc, sève » qui a ensuite désigné la couleur « rouge » dans la médecine et pharmacopée latines et médiévales, dont la popularité est due à la transmission de la part des moines médiévaux et à la notoriété de leurs jardins des simples. Le gr. ῥοιάς serait donc un emprunt culturel qui peut être considéré comme la source des créations dénominatives du coquelicot basées sur la couleur ou sur la forme de la plante (Trumper, 2004c : 21)
Description botanique : Le coquelicot est une plante très répandue avec la tige dressée et rameuse qui atteint jusqu’à 60 cm et qui présente des pédoncules poilus soutenant de grandes fleurs d’un rouge vif. Les feuilles se présentent pennatipartites dont les segments résultent lancéolés et aigus ; les capsules contenants les fruits en graines sont obovales et glabres. Le coquelicot est aussi défini comme une plante polymorphe et dont la période de la floraison va de mai à juillet (Pignatti, 1982, I : 354)
Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :
Coquelicot : Un cœur noir
La terre fraîchement labourée lui va très bien, et c'est au printemps que l'on peut l'admirer : cette grosse fleur rouge au cœur noir qui envahit les bords des champs avant la moisson. Le coquelicot (ou pavot des champs) est une fleur dite messicole, c'est-à-dire qu'elle pousse dans les champs de céréales. L'histoire du coquelicot est intimement liée à celle de l'agriculture. Le pavot des champs descend d'une plante que l'on trouve encore maintenant au Proche-Orient - en Mésopotamie, là où l'agriculture a débuté. Les peuples ont ensuite voyagé, l'agriculture s'est répandue dans le monde entier, et le coquelicot a évolué pour accompagner l'expansion du monde agricole.
La fleur de coquelicot, aussi gracile que fragile, est très éphémère. C'est au petit matin que le bouton vert et poilu, en forme de ballon de rugby, commence à se dresser ; les pétales tout froissés à l'intérieur sortent de leur lit et s'étirent. Bientôt les quatre pétales d'un rouge éclatant se lissent et se déploient. Vers sept heures déjà, la fleur est grande ouverte et le festin peut commencer ! Au centre de cette coupelle rouge se trouve le banquet : une couronne noire de centaines d'étamines offrant des milliards de grains de pollen à qui veut bien venir se servir ! Mais attention, point de nectar ; le coquelicot est parmi les rares fleurs à n'offrir à manger aux pollinisateurs que du pollen. Et il va bien falloir que les insectes viennent : car la fleur de coquelicot n'a pas d'anatomie optimisée pour l'anémogamie (le transport par le vent) : et il lui faut absolument le pollen issu d'une autre fleur pour faire des graines : les rangées de stigmates disposés en étoile au niveau du gros style central n'acceptent que du pollen étranger.
Stratagème : Alors, le coquelicot produit un nombre extraordinaire de grains de pollen car une grande quantité de ce dernier va finir dans les corbeilles des pattes des abeilles et des bourdons venus se vautrer dans cette profusion de pollen et les rapporter à leur colonie. Mais e buffet ne dure qu'un temps, et vers onze heures, les pétales écarlates commencent à s'amollir, puis, midi venant, es voici à terre. La fleur de coquelicot ne vit généralement qu'une matinée, une journée tout au plus.
Durant les heures matinales, la belle fleur rouge aura cependant attiré bon nombre d'insectes, notamment des abeilles et des bourdons. Mais il faut savoir que ces insectes distinguent très mal le rouge du fait qu'ils n'ont pas de récepteurs spécifiques à cette couleur. Le rouge leur paraît grisâtre et très peu discernable du vert environnant Cependant, ces insectes sont sensibles aux ultraviolets - invisibles pour l'œil humain. Les fleurs de coquelicot, qui semblent rouges aux yeux des humains, émettent des ultraviolets qui sont captés par les insectes et leur permettent de se faire remarquer dans l'environnement. Pour davantage de visibilité et pour guider plus finement les pollinisateurs, les marques noires au fond de la corolle indiquent où aller pour trouver le pollen - elles fonctionnement comme des guides à nectar présents dans d'autres fleurs.
Il est à noter que l'espèce mésopotamienne dont est issu notre coquelicot national est, lui, pollinisé principalement par des coléoptères, qui ont une bonne vision du rouge. Les pétales de ce coquelicot du Moyen-Orient n'émettent pas d'ultraviolets.
Le centre noir de la fleur de coquelicot emmagasine et réémet de la chaleur. Ainsi, la chaleur au centre de la fleur pourrait être de 2°C plus importante qu'en périphérie. Cette différence est détectée par les abeilles et les bourdons qui ont des récepteurs spécifiques dans leurs antennes et sur leurs pattes. Ils vont ainsi être guidés de manière encore plus fine jusqu'au centre de la fleur, là où se trouve le pollen, comme s'ils utilisaient une caméra infrarouge.
Ainsi attirées par le superbe ultraviolet, les abeilles s'approchent de la fleur, puis piquant vers le centre, là où se trouve le pollen : dans cette zone plus sombre et plus chaude. Des grains de pollen se fixent sur leurs pattes ou adhèrent à leurs poils, pour se retrouver ensuite sur le pistil d'autres fleurs, permettant la fécondation croisée.
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Coquelicot :
Propriétés physiques. - Les fleurs ont une odeur faiblement vireuse, narcotique, et une saveur mucilagineuse, légèrement amère. Les tiges et principalement les fruits donnent un suc qui fournit un extrait opiacé assez abondant et qui contient un peu de morphine.
Analyse. - Les auteurs ne sont pas d'accord pour affirmer si les pétales du coquelicot contiennent ou non de la morphine ; Chevalier assure en avoir trouvé. L'analyse y a découvert de l'albumine, de la gomme, de l'amidon, l'acide rhéadinique, l'acide erratique combiné avec la chaux, de la cérine et une résine (Meer).
Usages Médicaux. Les fleurs de coquelicot sont mucilagineuses , adoucissantes, calmantes, béchiques. On les donne en infusion théiforme dans les rhumes avec toux sèche, irritation et chaleur, dans la coqueluche, dans les coliques, les convulsions des enfants, les migraines, les inflammations aigües de la poitrine, pneumonie, pleurésie. Les fleurs de coquelicot constituent avec celles de mauve, de guimauve et de violettes les quatre fleurs pectorales des officines.
Formes et doses. - Infusion des fleurs : 4 à 16 grammes, 3 à 4 pincées, par kilogramme d'eau. Extrait des capsules et de toute la plante 2 à 4 grammes. Suc : 20 centig. à 35 gram. Sirop, anodin, d'une belle couleur rouge, 15 à 60 grammes.
Les Papaver dubium, L., et Papaver argemone, L., contiennent aussi de petites quantités d'opium ; l'extrait du pavot douteux, d'après Loiseleur, doit être administré à une dose 12 à 15 fois plus forte. Les anciens regardaient le Papaver argemone comme utile dans les maladies des yeux.
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
L'infusion de Coquelicot est donnée comme narcotique ; son action est variable.
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Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102, 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :
panaoû, m. / panoû, m. / panou, m. / = coquelicot = Papaver sp.
Analgésique ; les feuilles sont posées directement sur l'endroit qui fait mal, ou bien, avec les tiges, les feuilles et les fleurs, on fait de la tisane qu'on met en compresse sur les plaies, les furoncles (aussi pour le bétail).
Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes du Coquelicot :
Propriétés et utilisation : On connaît l’utilisation, dès l’Antiquité, en médecine populaire, des espèces botaniques de ce type en raison des propriétés narcotiques que possèdent les graines dans les capsules, en particulier l’espèce Papaver somniferum L. était employée en général pour la préparation de décoctions favorisant le sommeil des enfants anxieux (HN, XX, 204). Outre cet emploi presque universellement connu, dans les communautés arbëreshe enquêtées les pétales de cette fleur étaient utilisés par les petites filles pour se maquiller les joues, elles se fabriquaient des petites « étoiles » en appuyant sur leur peau les pétales du coquelicot, cette marque leur permettait d’être reconnaissables parmi toutes les petites filles qui étaient en train de jouer ensemble. En revanche, chez les Arbëreshë du Vulture, l’infusion de fleurs de coquelicot est utilisée comme sédatif pour les enfants, tandis que les parties aériennes de la plante sont consommées, bouillies ou frites, comme tous les autres légumes (Quave & Pieroni. 2007 : 216 ; Pieroni & Quave, 2005 : 265 ; Pieroni et al., 2002a : 171 ; Pieroni et al., 2002b : 229). Tout comme au sein des communautés albanophones, le coquelicot est utilisé aussi pour l’alimentation humaine et consommé comme légume chez les Grecs de Calabre (Nebel et al., 2006 : 237) et les Croates du Molise (Di Tizio et al., 2012 : 4). Au Kosovo, l’infusion de fleurs de coquelicot est utilisée comme sédatif apaisant la toux et l’insomnie (Mustafa et al., 2012a : 747). La médecine populaire italienne utilise le coquelicot pour le traitement des troubles gastro-intestinaux, respiratoires (toux, coqueluche et rhume), des éphélides, des maux de tête, des odontalgies, des infections oculaires ; on connaît aussi ses propriétés sédatives, diaphorétiques, tonifiantes et analgésiques (Guarrera, 2006 : 151). Les partie aériennes de la plante sont consommées, cuites ou crues, comme les légumes ; en revanche, comme complément alimentaire en médecine vétérinaire, elles stimulent la production d’œufs chez les poules (Pieroni, 1999 : 140 ; Viegi et al., 2003 : 234), facilitent l’assimilation des nutriments, la digestion et l’engraissement des porcins car ils tombent dans un état de profonde torpeur (Pieroni, 1999 : 140 ; Viegi et al., 2003 : 238). Le coquelicot fait aussi partie des plantes médicinales que l’on devait cueillir la nuit de la veille de la fête de Saint Jean-Baptiste encore couvertes de rosée, pour qu’elles soient plus efficaces ; en particulier, la plante une fois devenue aussi « puissante », « renforcée » était employée avec de l’huile pour la préparation d’un onguent utilisé pour le traitement de blessures, furoncles et enflures, outre que pour soigner la toux et les coliques (Atzei, 2003 : 352).
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Usages traditionnels :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot nous apprend que :
Une amusette très répandue consiste à faire éclater avec bruit sur le front ou sur la main les fleurs du coquelicot arrangées d'une certaine façon beaucoup de noms y font allusion les compagnons blancs, les silènes enflés, la nielle des blés, servent à des divertissements analogues.
[...] Madame de Genlis décrivait, il y a une centaine d'années, un jouet tout aussi facile à fabriquer et vraisemblablement ancien : On fait du coquelicot épanoui une charmante petite poupée les pétales forment l'habillement et les bras an moyen des fils qui les attachent ; la petite tête fait le visage, le haut de cette tête forme une calotte, les étamines font une jolie fraise ou collerette autour du visage. Une gravure représente ce joujou, que connaissent encore les enfants d'Ille-et-Vilaine : ils retournent les pétales du coquelicot pour en faire un jouet qu'ils appellent un enfant de chœur ; en d'autres pays il a des noms tels que madone, moine, Guillaume. La tête du coquelicot fait, de même que celle du pavot, un hochet pour tes enfants ; on retrouve ce joujou en plusieurs pays.
[...] Aux environs de Paris, avant l'éclosion de la fleur du coquelicot, dont par un phénomène bizarre, les pétales enroulés dans les boutons se trouvent, être sur le même pied complètement blancs ou complètement rouges, les enfants jouent entre eux à deviner quelle sera la couleur du bouton cueilli, et s'interrogent ainsi : Poule ou coq ?Celui qui dit poule, gagne si les pétales sont blancs, celui qui dit coq s'ils sont rouges. En d'autres pays on dit simplement rouge ou blanc et lui fait éclater les boutons sur le front.
Selon Lionel Hignard et Biosphoto, auteurs de Fabuleuses histoires de graines (Éditions Belin, 2011),
"En examinant attentivement la dispersion des graines de coquelicot dont la capsule parsemée de petits trous laisse échapper les gaines à maturité, le savant autrichien Raoul Heinrich Francé, eut l'idée d'inventer la salière que l'on trouve aujourd'hui sur les tables."
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Croyances populaires :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Aux environs de Dihan, c'est Dieu qui, pour punir le coquelicot trop fier de sa beauté a permis au diable de le toucher ; ses doigts ont produit les taches noires que l'on voit au fond de la corolle.
[..] En Wallonie, on fait éclater la foudre en ramassant des coquelicots.
[...] Les plantes qui constituent une protection contre l'orage sont assez nombreuses : tantôt elles sont efficaces par elles-mêmes, tantôt on croit que leur vertu est augmentée par une cérémonie religieuse. Il semble toutefois qu'elle est intervenue, surtout au début, pour christianiser une antique observance païenne. [...] En Wallonie, où le coquelicot porte les noms de Fleur du tôni (Liège), fleur di tonir, tonir, tonoire, on en met dans la charpente sous le toit.
[...] Un médecin du XV1e siècle rapporte ainsi un préjugé qui n'a pas été relevé de nos jours ; on dit aux enfants que la fleur du pavot rouge, qu'on nomme lagagne en Languedoc (de ce qu'elle fait venir les yeux rouges et chassieux, à qui les regarde fort attentivement s'il a les yeux tendres et délicats, comme a un enfant) que le manier de la dite fleur fait pisser au lit.
[...] En Haute-Bretagne, on leur dit [aux enfants] que s'ils s'amusent à trop manier les coquelicots ils gagneront le feu sauvage.
[...] En Anjou, les jeunes mariés désireux de savoir de quel sexe sera leur premier-né prennent un bouton de coquelicot, séparent les deux sépales, et les pétales reployés s'échappent de cette espèce de corselet ; si les pétales sortants sont divisés et affectent vaguement la forme des deux jambes d'un pantalon, le premier-né sera un garçon si, au contraire, ils restent unis et présentent la forme d'un tablier, ce sera une fille.
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du coquelicot :
COQUELICOT - CONSOLATION.
Le Coquelicot des champs renferme dans son sein empourpré un baume précieux, qui calme la douleur et en dort le chagrin. Les anciens, qui regardaient le sommeil comme le grand guérisseur, le grand consolateur du monde, lui avaient donné pour tout ornement une couronne de coquelicots.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Coquelicot - Insouciance.
Parce que ses graines et son suc produisent le sommeil, qui est l’absence des soucis de la veille.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
COQUELICOT - BEAUTÉ ÉPHÉMÈRE.
Toute chair n'est que de l'herbe et toute sa beauté ressemble à la fleur des champs : l'herbe s'est séchée et la fleur est tombée parce que le Seigneur l'a frappée de son souffle.
Isaïe, XL, 6 et 7.
Répandu partout avec profusion, le coquelicot est à nos champs une brillante parure par sa belle couleur rouge et ses feuilles découpées, mais les agriculteurs le poursuivent comme une plante inutile et même nuisible aux moissons. On emploie le coquelicot des champs en infusion ; il calme les douleurs et procure le sommeil. On fait aussi un sirop avec ses fleurs et un ratafia très stomachique, surtout quand il a quelques années.
RÉFLEXIONS.
La beauté est le premier présent que la nature nous donne et le premier qu'elle nous enlève.
(MÉRÉ.)
Beauté, fleur d'un instant, l'aurore te voit naître
L'aurore à son retour ne peut te reconnaître.
(FRÉVILLE, Recueil de poésies.)
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
COQUELICOT - REPOS.
Espèce de pavot. Ses fleurs ont constamment quatre pétales rouges avec une tache noire à l'onglet. Les coquelicots doubles donnent plusieurs variétés de couleurs, tant pleines que mélangées. Les fleurs de pavot sont légèrement somnifères.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Coquelicot - Reconnaissance.
Les fleurs de celte plante ont quatre pétales d'un rouge éclatant ; dans les champs de blé sa beauté se révèle au milieu de ses compagnes, et les enfants charmés font de superbes bouquets en mêlant les coquelicots aux bluets, aux nielles et à la navette ; malheureusement le coquelicot se fane très vite.
Tendre fleur, qu'en fuyant chaque minute effeuille,
Qui brilles pour mourir dans la main qui te cueille.
En médecine on emploie avec succès la fleur du coquelicot pour calmer la toux de la coqueluche.
Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :
COQUELICOT : Consolation ; Repos ; Reconnaissance.
Il renferme une substance opiacée qui calme la douleur et endort le chagrin.
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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi le Coquelicot :
Mot clef : Excentricité fantasque
Midi chauffe et sèche la mousse ;
Les champs sont pleins de tabourins ;
On voit dans les champs une lueur douce,
Des groupes vagues et sereins.
Là-bas, à l'horizon, poudroie
Le vieux donjon de Saint-Louis ;
Le soleil dans toute sa joie
Accable les champs éblouis.
L'air brûlant fait, sous ses haleines
Sans murmures et sans échos,
Luire en la fournaise des plaines
La braise des coquelicots. [...]
On voit au loin les cheminées
Et les dômes d'azur voilés ;
Des filles passent, couronnées
Victor Hugo (1802-1885), "Jour de fête aux environs de Paris".
Dans le langage des fleurs, le Coquelicot exprime généralement l'extravagance fantasque ; pourtant, il appartient au genre Papaver, qui regroupe tous les Pavots, et ces plantes ont pour valeur emblématique l'oubli, l'apaisement et le sommeil.
Si le Coquelicot représente l'excentricité et l'inconstance, c'est peut-être parce que sa tige est très fine et que la fleur frémit au moindre souffle, ou bien parce qu'elle passe et se fane très vite. C'est une plante d'été, amoureuse des lieux ensoleillés, des talus et des prairies sèches, qui apprécie les champs de céréales, de blé en particulier.
Les Romains l'appelaient parfois Rose de Cérès, en hommage à la déesse des Moissons, censée la faire pousser. Celle-ci était d'ailleurs représentée portant une corbeille d'épis entremêlés des fragiles fleurs rouges. Dans la mythologie grecque, Déméter, divinité agraire, buvait des décoctions de Coquelicot pour apaiser son chagrin, provoqué par le rapt de sa fille Perséphone par Hadès, le dieu des Enfers.
Les Coquelicots, en raison de leur couleur vive - on prétend qu'elle a le pouvoir de donner mal à la tête -, ont également mérité le nom de Chaudière d'enfer et de Ponceau (qui signifie simplement "rouge"). Mais le nom classique de la plante évoque le coq et sa crête écarlate : coquelicot vient de "coquerico", ancienne graphie de "cocorico".
Claude Monet, dans son célèbre tableau Les Coquelicots, traduit admirablement l'intense vibration que ces fleurs solaires introduisent sur le vert des prairies.
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Selon le site http://pistar.chez.com/ de la druidesse Viviane Le Moullec voilà ce qu'on peut comprendre du coquelicot si on sait l'écouter attentivement :
"Comment les humains m'apprécient : Ma foi... ces derniers temps, ils ont eu tendance à oublier que mes éclatants pétales soignaient leur gorges et leur procurait un doux sommeil en tisane légère le soir.
Où me trouver ? Pour la tisane, c'est chez l'herboriste et pour le plaisir, on commence à me revoir dans les fossés, au bord des champs.
Mon portrait par moi-même : Il y a 50 ans encore, les enfants transformaient mes fleurs en éphémères poupées, comme autrefois dans l'Antiquité où j'étais la Douce Dame du Paradis. Si vous m'aimez, je vous donnerai beaucoup d'amour en échange et beaucoup de beaux rêves aussi. La réalité n'est pas à la hauteur de vos espérances ? Mais savez-vous encore rêver ? Accueillez-moi dans votre cœur et je vous réapprendrai les chemins nocturnes de la vraie vie, celle que vous rêvez aujourd'hui et construirez demain... Vous ployez sous les conditions inhumaines de la vie d'aujourd'hui ? Laissez-moi vous réchauffer le cœur pour faire fondre la glace des tristes souvenirs et les transformer en chaleur fécondante d'émotions positives et libres."
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Le coquelicot, petit pavot sauvage de couleur rouge, est comme ce dernier l'emblème du repos et de l'oubli ou encore de la consolidation "car le sommeil endort le chagrin". Selon une légende grecque, la fleur fut créée pour Déméter, déesse de la Fertilité et de la Terre cultivée, qui était si épuisée par la recherche de sa fille Perséphone, enlevée par Hadès, qu'elle ne s'occupait plus de faire pousser le maïs. Le dieu du Sommeil lui offrit des coquelicots pour la faire dormir : lorsqu'elle fut reposée, elle put enfin se consacrer à la précieuse céréale. Les Anciens croyaient d'ailleurs que la présence de coquelicots dans un champ était indispensable à la prospérité du maïs.
Un petit sachet de graines de coquelicot glissé sous l'oreiller favorise le sommeil et promet des rêves agréables. En Roumanie, celui qui se couche près de la plante s'endort. Quelques graines dans un morceau de tissu blanc provoquent gaieté et bonne humeur. Le coquelicot, qui stimule également la créativité, est l'amulette idéale des écrivains et des artistes.
Pour savoir si l'on est aimé, on fait claquer un pétale de coquelicot dans ses mains : l'intensité du bruit indique celle du sentiment. En Anjou, pour connaître le sexe de leur futur enfant, les jeunes mariés séparent les deux pétales d'un bouton de coquelicot et examinent la conformation des pétales qui s'en sont échappés. S'ils sont divisés, on peut parfois y deviner la forme des deux jambes d'un pantalon, signe que le premier-né sera un garçon. Ce sera une fille si les pétales demeurent unis et ressemblent à un tablier.
Probablement à cause de ses propriétés narcotiques - qui dort n'est plus maître de lui-même -, le coquelicot, comme le pavot, est parfois maléfique : en Angleterre, il ne faut pas en avoir chez soi et il faut même éviter d'en cueillir. D'ailleurs, le tonnerre éclate quand on ramasse des coquelicots, disent les Anglais et les Belges. Toutefois, placé dans la charpente sous le toit, un coquelicot protège de la foudre.
En France aussi, la plante inspire quelque méfiance. Ne raconte-ton pas dans les environs de Dinan que jadis, Dieu, pour punir le coquelicot de la fierté que lui inspirait sa beauté, permit au diable de porter la main sur cette fleur ? Le démon y a laissé son empreinte pour l'éternité : ce sont les taches noires que l'on voit fréquemment au fond de la corolle du coquelicot.
Dans le Midi, regarder trop fixement un coquelicot rend les yeux rouges et chassieux. Un enfant qui en touche aura des crises d'incontinence urinaire. En Haute Bretagne, c'est le feu sauvage que l'on risque en maniant ces fleurs de façon immodérée.
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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :
"Mot-clef : La Fragilité ; La Beauté éphémère.
Savez-vous ? : Le mot coquelicot vent du vieux français "chant du coq". L'autre nom du coquelicot est la chaudière de l'enfer en raison de ses effets soporifiques. Les Celtes réduisaient les feuilles de cette fleur et mélangeait la poudre obtenue à la bouillie des bébés pour les endormir. Au Maroc, les femmes de certaines tribus berbères de l'Atlas pilent toujours les fleurs séchées de coquelicots pour en faire un fard à joues et du rouge à lèvres. ans la ville de Nemours, les fleurs de coquelicot entrent dans la composition de bonbons : les coquelicots de Nemours.
Usages : Symbole de fragilité, les fleurs de coquelicots ne s'offrent jamais car elles se fanent sitôt cueillies.
Légendes : Morphée, le dieu grec des songes, recevait, en offrande, des couronnes de coquelicots. Quant à Perséphone, déesse des moissons, elle renaît chaque printemps sous la forme d'un coquelicot.
Message : Rien n'est éternel."
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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :
La fleur rubis annonce "une ardeur fragile" et recommande : "aimons-nous au plus vite". Avec ses fins pétales, elle apporte aussi un sommeil béat. Elle sait hâter l'oubli des chagrins, apaise et console. En prime, elle propose un don précieux, l'efficacité. Mais attention, il ne s'agit en aucun cas de confondre le coquelicot avec son grand frère le pavot, également membre de la famille des papavéracées, mais du genre infréquentable. le coquelicot est sain, lui. La preuve, les savants botanistes contemporains l'ont observé, le blé pousse mieux lorsqu'il se parsème de coquelicots.
Si nous traversons la Manche un 11 novembre, nous surprenons les Anglais portant à leur revers les "poppies", ces gros coquelicots de papier vendus au coin des rues, chaque année, depuis 1918. La foule anglaise, parée comme un seul homme de la fleur rouge, voilà un spectacle plus émouvant que bien des discours. La reine mère, qui l'accroche à son manteau comme le plus petit de ses sujets, exceptionnellement, ce jour-là, ne porte pas de fleurs à son chapeau.
En France, la petite fleur rouge a reçu le plus poétique des hommages, une chanson de Charles Trénet :
"Cœur des champs,
pas méchant
Coquelicot dans les blés,
Au soleil de la vie
Rougissante et ravie,
Ta p'tite âme me plaît.
Parfois, tout comme moi,
Tu suis les rails d'un train,
D'un train qui n'passe plus
Merveilleux ch'min plein
d'entrain
Le chemin des beaux jours,
Du soleil, des vacances,
Des poèmes, des romances,
coquelicot d'amour !"
Mot-clef : "L'urgence de la passion"
*
*
D'après Pierre Leutaghi, auteur d'un article intitulé "Aux frontières (culturelles) du comestible" (Éditions Presses Universitaires de France | « Ethnologie française », 2004/3, Vol. 34 | pages 485 à 494) :
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■ À l’auberge du coquelicot
L’ombre d’une vénéneuse peut donc s’étendre à des plantes inoffensives, ou presque, et perturber leur approche. Ainsi du coquelicot dans la zone d’influence du pavot. Fleur inféodée aux moissons, sans doute originaire du Proche-Orient, propagée dans une grande partie du monde, le coquelicot a beaucoup régressé avec la mécanisation de l’agriculture et le recours aux désherbants. Elle reste cependant fréquente dans l’arrière-pays méditerranéen. « Coquelicot », onomatopée du cri du coq par assimilation entre crête et corolle du même rouge éclatant, apparaît au XVIe siècle, mais ne s’impose pas tout de suite en français. « Pavot sauvage » et formes assimilées, courantes en plusieurs provinces (surtout hors des pays d’Oc) jusqu’au XXe siècle, se rencontrent encore çà et là de nos jours. C’est que, feuilles mises à part, le coquelicot est un pavot miniature, donc une plante aux parentés dangereuses indubitables.
Ce qu’on voit et retient de cette plante, c’est sa fleur prodigieusement rouge. Si on la prend à ses débuts, c’est une rosette (feuilles basales rayonnantes, ici très découpées) souvent fournie, d’un vert doux, hérissée de poils raides. Rien de glorieux. La grande majorité de nos contemporains (qui ne regardent guère les plantes, a fortiori hors floraison) n’établissent évidemment aucun lien entre ces touffes de feuilles anonymes et le bel oriflamme des orges. Ceci pour rappeler que le coquelicot, c’est deux plantes, l’une inconnue, l’autre des plus ostensibles. La première conserve un statut d’aliment sans doute aussi ancien que celui de messicole (plante des moissons), mais seulement dans les régions méditerranéennes ; l’autre reste un remède quelque peu ambigu dans toute son aire européenne.
Alors qu’on voit la « nouvelle cuisine » remettre sur les tables des légumes oubliés, voire des plantes de ramassage, dont l’étrangeté ne fait pas problème (pourpier, capucine, roquette sauvage, cardamine, bourrache, ortie, chénopode blanc, etc.), le coquelicot reste à distance. Il a beau prendre part à certains mets traditionnels du Sud, comme la tourte et la caillette aux herbes (Languedoc), il n’appartient pas à la catégorie des aliments possibles en dehors de la région de l’olivier – où de nos jours, d’ailleurs, on l’oublie. Nul étonnement, mais souvent de l’intérêt, quand vous faites découvrir à des non Méridionaux (ou Méridionaux acculturés) la pousse de salsifis sauvage, le « radis » feuillu de la campanule raiponce, la rosette croquante de la cousteline, le bulbe du muscari à toupet si apprécié des Italiens (ignorants ou insoucieux des risques insidieux peut-être attachés à sa consommation) ; mais il n’en va pas de même pour le coquelicot, qui provoque une moue dégoûtée.
Dans les cultures méditerranéennes, manger les jeunes feuilles de coquelicot, crues dans les salades et cuites en façon d’épinard, ne contredit pas (ou ne contrevient pas à) la perception plutôt soupçonneuse de la fleur. C’est sans doute que les gens du Sud, explorateurs très attentifs des ressources alimentaires sauvages, ont depuis longtemps séparé les deux coquelicots avec l’assistance de leurs catégories classificatoires : les feuilles relèvent du frais et des « salades des champs » (elles croissent souvent en association avec la laitue scarole sauvage, les laiterons, la bourse-à-pasteur, légumes de ramassage des plus honnêtes), les fleurs de l’ordre médicinal et du sec. Il arrive parfois qu’on use de leurs pétales pour colorer des liqueurs ; mais celles-ci favorisent la transgression, étant elles-mêmes à l’extrême du breuvage. Tandis que les Septentrionaux, ne voyant que la fleur, étrangère à toute catégorie alimentaire végétale par sa couleur et son parfum sourd, au bord de l’âcreté, ne peuvent tout simplement imaginer l’aliment, sur lequel ils transfèrent la répugnance que susciterait une soupe ou une salade aux pétales.
Côté remède, les indications de la pratique populaire croisent celles de la médecine savante. Le coquelicot est connu depuis des millénaires pour des vertus antispasmodiques et sédatives qu’on applique surtout au traitement des affections respiratoires d’un bord, des troubles du sommeil de l’autre. En dépit des analogies d’emploi, qui répondent sûrement à la perception de la communauté de genre, les principes actifs du coquelicot ne sont nullement ceux du pavot ; un seul de ses alcaloïdes, la rhoeadine, manifeste en très atténué les effets de l’opium. On n’en voit pas moins la médecine de tradition orale prêter à tort à la plante des moissons les pouvoirs du grand narcotique. Les fleurs sèches en infusion « font dormir comme le pavot », dit une informatrice haut-provençale ; tandis qu’on les qualifie volontiers de « dangereuses », qu’on les administre généralement « à petite dose » [Lieutaghi, à paraître en 2005].
Très prescrit autrefois, surtout en sirop, pour soigner la toux et les difficultés d’endormissement des enfants, le coquelicot n’est pas une plante anodine. Elle peut provoquer des réactions d’intolérance semblables à celles qu’induisent parfois les opiacés. Cazin rapporte le cas d’un petit garçon de trois ans chez qui deux prises de sirop de coquelicot, à quatre jours d’intervalle, avaient provoqué « des hallucinations continuelles pendant toute la nuit. [...] La répugnance traditionnelle des paysans pour cette plante [ajoute l’auteur] est sans doute originairement fondée sur l’observation de faits analogues » [Cazin, op. cit., 1868 : 350]. Du coquelicot, on récolte seulement les pétales, alors que la plupart des fleurs sont ramassées entières pour l’emploi médicinal. Si leur prompte caducité incite à ce type de cueillette, il se peut aussi qu’on ait toujours volontairement évité de prélever la capsule, modèle réduit de celle du pavot 3 . D’une certaine façon, on ne conserve du coquelicot que la partie la plus légère, y compris sur le plan métaphorique, le reste tenant trop du parent redoutable.
Il y a pourtant plus léger que le pétale : l’étamine et son pollen. Cette fleur chargée de suspicion y trouve une façon particulièrement rare et subtile de transmettre aux hommes son savoir d’apaisement. Dans les années quatre-vingt, un apiculteur du plateau de Valensole soignait les douleurs des dents cariées en introduisant dans la lésion les pelotes de pollen de coquelicot rapportées à la ruche, pollen noir facile à identifier pour ces fins observateurs que sont les « bergers d’abeilles ». On peut aussi, disait-il, se servir des anthères récoltés à la main dans les fleurs. Ces procédés sont « très efficaces » [Lieutaghi, op. cit., 2005]. L’enquête où figurent ces données peu banales, sans analogues (publiées) en ce qui concerne la France, n’a malheureusement pas cherché à connaître l’origine de la recette. Il n’est pas exclu d’y voir une innovation récente, peut-être à mettre au compte de l’informateur, à partir du champ sédatif du pavot étendu au coquelicot. Un recueil plus ancien dans une commune peu éloignée (Banon) a relevé la décoction de capsules sèches de pavot (cultivé) en bains de bouche dans les douleurs dentaires, pratique non dénuée de risques mais qui reste en cohérence avec le domaine populaire d’emploi externe des plantes vénéneuses.
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Ces derniers jours, dans les bacs du rayon enfants d’une librairie, je retrouve le coquelicot. Un livre de « recettes de sorcières » à l’usage des 8-10 ans, joliment illustré, où, comme il se doit, part belle est faite aux plantes sauvages, en ajoute les pétales frais à la salade de fleurs des champs, mauve, bourrache, violette et quelques autres. L’auteur a-t-il goûté son mesclun ? Peu probable. Est-il conscient de la transgression ? Sûrement pas. Il se contente de faire joli, avec sans doute l’assistance de quelques manuels bien intentionnés. La transgression n’en est pas moins patente ; la fleur de coquelicot n’appartient nulle part à la catégorie du mangeable ; on a vu qu’elle s’inscrit plutôt dans celle du vénéneux ; sans parler des risques bien réels qui menacent les sujets sensibles à ses composés d’affinités narcotiques.
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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe du Coquelicot :
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1- Ce premier groupe de formes lexicales est caractérisé par des désignations transparentes où les noms sont composés d’un premier élément représenté par le nom générique lule « fleur » qui remplace sans doute un nom tabouisé se référant aux pouvoirs narcotiques de cette fleur. À cette première motivation fait suite le spécificateur indiquant la motivation seconde se référant à la couleur de la corolle kuq « rouge », d’où la dénomination du coquelicot motivée en raison de la propriété physique du référent concernant la couleur rouge de ses pétales. Ce syntagme désigne donc une espèce médicinale de couleur rouge.
2- [paparˈun] et [paparˈine] sont deux emprunts aux dialectes romans qui ont été analysés dans un article de Carpitelli (2003) portant sur les noms du coquelicot dans le domaine roman. Le nom paparun se trouve aussi dans quelques dialectes romans de la Calabre où il désigne l’« oison » (NDDC : 499). Dans ce cas-là, nous partageons l’opinion de Carpitelli à propos de la forme lexicale paparun, selon laquelle il s’agit d’un zoonyme issu d’une restructuration morphologique avec remotivation : l’action de l’attraction paronymique a été déterminante pour donner la direction au processus métaphorique qui a transformé un coquelicot en oison, une plante en un volatile en raison d’une ressemblance morphologique entre signifiants (papaver et paper). En outre, cette attraction paronymique a été renforcée par la tendance fréquente à la construction de métaphores animales qui représentent une structure constante dans les ethnoclassifications botaniques (Carpitelli, 2003 : 42) tout comme le témoignent d’autres désignations associant cette plante aux noms du coq, de la poule, du coucou, de la huppe, etc. que l’on trouve dans le domaine roman (Carpitelli, 2003 : 37).
La deuxième forme lexicale arb. paparine appartient au même type lexical que Carpitelli a indiqué comme typique de la partie la plus méridionale de la Péninsule italienne (Pouilles centrales et méridionales, Basilicate, Calabre et Sicile), notamment paparina dont l’origine étymologique a fait l’objet de discussions animées (cfr. le résumé qu’en fait Carpitelli dans son article, 2003 : 45-46). Selon Rohlfs le rom. paparina < ngr. paparoÚna « coquelicot » (LG : 381), mais pour ce phytonyme on a aussi suggéré qu’il pourrait s’agir soit d’un dérivé d’un mot italo-roman non attesté *papaverone soit d’un dérivé du roum. paparoană,
« […] in tutti i casi si tratterebbe di una forma non autoctona ma elaborata a partire da un prestito. Dunque, se accettiamo la prima di queste proposte di prestito, paparina sarebbe una forma di origine romanza rientrata, attraverso il neogreco, in area meridionale. » (Carpitelli, 2003 : 46).
En outre, si l’on prend en considération seulement la structure du signifiant, il est possible de remarquer des analogies évidentes avec toute une série de désignations romanes ayant en commun la base pVp(p)- et ne se référant pas exclusivement à des plantes, mais indiquant aussi des animaux (paparo « oison », pupola « huppe ») et des objets (papalina « type de monnaie », pupa « poupée ») (Carpitelli, 2003). Un même sémantisme représenté par la base d’origine phonosymbolique pVp(p)- (> ind-ger.*pap- dans LEW, II : 249) pourrait traduire le concept de « enflé, bombé » et a pu justifier de telles correspondances dans le domaine roman (Contini, 2009).
3- [pupaɟˈɛʎ] pupagjel est une forme qui semble être faite de deux éléments pupa- et -gjel: pupa- semble être un aboutissement de la base pVp- « enflé, bombé » que l’on vient d’illustrer ci-dessus, tandis que -gjel traduit le zoonyme « coq » (< arb. gjel « coq ») ; le phytonyme en question est en outre dépourvu de suffixes. Pendant les entretiens, nous avons demandé aux locuteurs le sens de cette dénomination du coquelicot et ils nous ont répondu que cette fleur ressemble aux barbillons et à la crête du coq : il s’agit donc d’une forme renvoyant par métonymie à l’image du coq, en particulier à la couleur rouge que ses parties anatomiques représentent par métaphore ; en revanche, pupa-, renvoie, selon toute probabilité, à la forme bombée des capsules du coquelicot. Une direction de réflexion importante nous a été fournie par une vieille paysanne qui a raconté que l’on donnait les coquelicots ‒ seulement s’ils étaient dépourvus de pétales ‒ comme fourrage aux animaux en les mêlant à d’autres herbes sauvages, c’est-à-dire que l’on ne donnait à manger aux animaux que les capsules de cette plante. Cela implique le fait que, dans cette communauté, le coquelicot avait une certaine importance comme plante fourragère et que, en raison de cet usage, on a retenu le trait “capsule enflée” qui a été traduit avec pupa- et qui trouve quelques correspondances en cal. pupa « poupée ; espèce de ciambella (beignet rond et enflé) » ou puppa « charançon » (NDDC : 556) ou, encore, papa « poupée » (NDDC : 499), buba « enflure ; pustule » (NDDC : 787), etc., s’agissant d’objets ou d’animaux petits et enflés. On peut expliquer aussi, à partir de cette analyse, la présence du zoonyme -gjel « coq » : il s’agirait donc d’une « enflure de coq » pupagjel qui est motivée par les traits « enflés » de la capsule et « rouge » des pétales de la fleur renvoyant métaphoriquement à la crête du coq et que l’on peut rapprocher du phytonyme rom. pappagallo « coquelicot » attesté dans les dialectes de l’Italie centrale (cfr. Penzig, 1924 : 335). Tout comme l’affirme Carpitelli, il est probable que ce phytonyme soit le résultat d’une attraction paronymique et des aboutissements de processus métaphoriques associant le coquelicot à des volatiles, ce qui est très fréquent dans les processus de désignation populaire (Carpitelli, 2003 : 42).
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Arnaud Riou dans L’Oracle du peuple végétal (Guy Trédaniel Editeur, 2020) classe les végétaux en huit familles : les Maîtres, les Guérisseurs, les Révélateurs, les Enseignants, les Nourricières, les Artistes, les Bâtisseurs et les Chamans.
Les Artistes : la Rose, le Lilas, la Tulipe, le Narcisse, l’Edelweiss, le Lotus. Ils nous rappellent qu’au-delà des fonctions vitales, nous avons besoin de nous émerveiller, d’incarner et de nous éveiller à la magie du monde. Bien qu’elle puisse sembler accessoire, cette famille a un rôle fondamental dans l’équilibre de la planète.
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Chaque sentiment, chaque émotion même la plus sensible,
dispose d’une couleur, d’une forme et d’une qualité pour être exprimé.
Les Artistes : C’est tout un art de trouver le mot juste, de choisir l’expression exacte qui correspond à nos sentiments, à nos émotions. C’est tout un art de réussir à se faire comprendre et à toucher le cœur de l’autre. Les fleurs savent nous toucher pas seulement parce qu’elles disposent à travers leurs couleurs, leurs formes, leurs symboles d’une richesse d’expression illimitée, mais surtout parce qu’elles viennent toucher chez nous des sentiments forts tout en restant elles-mêmes sensibles et fragiles. C’est pourquoi les Roses, les Iris, les Marguerites, les Chrysanthèmes ou les Orchidées sauront toujours nous accompagner pour parler d’amour, de pardon, de remerciement.
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La liberté ne se revendique pas,
Elle se gagne de l'intérieur.
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Par la délicatesse de ses pétales et la fragilité de sa tige, par sa couleur si emblématique, le Coquelicot apparaît dans le peuple végétal comme une fleur à part. Symbole des fleurs sauvages, i pousse librement et à sa guise dans les champs et dans les plaines. Le Coquelicot fait partie de la famille des pavots. Il offre à notre inspiration sa fleur unique aux quatre pétales semblables aux trèfles à quatre feuilles. Il fleurit principalement en juin et en juillet, mais peut nous offrir une seconde floraison à l'automne. La finesse des pétales rappelle le papier de soie. Les jardiniers prennent plaisir à le cultiver tant il est de caractère facile et peu exigeant. C'est une fleur liée à la liberté. En ce sens, le Coquelicot n'aime pas être élevé en pot, mais préfère pousser directement dans une pleine terre drainée et peu argileuse. Il se plaît avec les différentes semis, les fleurs sauvages, le Blé et les autres céréales. Il aime s'offrir au soleil. Il ne demande aucun soin particulier. Cet Artiste est si attaché à sa liberté qu'il n'aime pas pas qu'on le bouture, qu'on le replante ou qu'on s'occupe trop de lui. Il se chargera de se reproduire naturellement d'une année sur l'autre, dessinant sur nos champs d'été de magnifiques tapis rouges. Le Coquelicot est originaire du bassin méditerranéen. Il a déménagé au fil des siècles vers l'Europe occidentale et l'Asie en suivant la culture des Blés., Céréales avec lesquels il s'entend bien et avec qui il aime former de grandes nappes d'un rouge vermillon pour inspirer en dansant sous le souffle du vent les poètes, les écrivains et les peintres tels que Monet, Manet, Renoir, van Gogh, Klimt ou Picasso. Le Coquelicot, dont le nom et la couleur rappellent la crête du Coq, offre ses fleurs à la phytothérapie pour apaiser le système nerveux et calmer l'anxiété, les insomnies et apaiser la toux et les affections du système respiratoire. On le boit en infusion ou en sirop. On peut également manger les fleurs de Coquelicot en salade ou cuites, ou semer ses graines dans les assaisonnements. De nature sauvage et libre le Coquelicot n'aime pas être cueilli et ne tient pas hors-sol, sauf si on a brûlé l'extrémité de sa tige pour en faire des bouquets. Le Coquelicot aime suivre son rythme. Il s'invitera dans les massifs et le jardin si le jardinier n'est pas trop pointilleux sur la taille et la tonte, et s'il laisse le Coquelicot vivre sa vie et se reproduire naturellement d'une année sur l'autre. Le Coquelicot offrira alors chaque été des fleurs de plus en plus stables. Par sa facilité à se reproduire en diffusant les milliers de petites graines noires contenues dans la capsule de son cœur, le Coquelicot est associée à la fertilité. Dans la mythologie grecque, Morphée, inquiet de voir Déméter chercher sa fille, lui offrit un bouquet de Coquelicots pour l'aider à trouver la paix dans le sommeil. De par sa capacité à calmer l'insomnie, le Coquelicot ouvre le protes de la nuit. C'est la fleur de l'oubli, du réconfort, de l'apaisement, du sommeil éternel, capable d'apaiser les blessures du cœur, de guider les défunts et soutenir ceux qui les accompagnent. Dans l'Égypte ancienne, on déposait des Coquelicots dans les tombeaux pour favoriser le sommeil éternel. Durant les guerres, cette petite fleur vermillon poussait spontanément sur les tranchées et rappelait les gouttes de sang. Elle accompagnait alors les victimes à passer dans l'au-delà. Aujourd'hui, l'agriculture intensive et l'utilisation des pesticides sont responsables de la disparition presque généralisée de cette plante mythique; qui se réfugie vers les talus, les jardins en friche et les petits carrés écolos des villes. C'est pourquoi les mouvements écologiques la défendent et en ont fait leur emblème, l'emblème d'une fleur belle et libre, qui malgré sa fragilité soutient une lutte fondamentale, celle de la résistance.
Mots-clés : La liberté - L'originalité - Le courage - L'inspiration - Le sang - Le deuil - Le sommeil - Le souvenir - La lutte - L'écologie - L'élégance - La fragilité - L'adaptation - Le déplacement - La congruence - La résistance - Le déménagement - L'itinérance.
Lorsque le Coquelicot vous apparaît dans le tirage : Le Coquelicot est un artiste engagé, qui paie cher son goût de la liberté. Lorsqu'il vous apparaît, c'est pour réveiller votre goût de liberté. La liberté est un état qui ne dépend pas des événements extérieurs. On ne demande pas à l'autre de nous laisser libres. On conquiert la liberté à l'intérieur de soi-même. On peut se sentir prisonnier dan un pays démocratique et libre dans une dictature. Qu'inspire pour vous la notion de liberté ? Vous sentez-vous libre ? En révolte ? Prisonnier, de qui et de quoi ? De votre difficulté à pardonner ou à être enfermé dans vos souvenirs ou vos regrets ? Le Coquelicot vous rappelle que vous n'incarnerez jamais votre liberté en luttant contre l'autre. la liberté est un état intérieur qui s'invite dans votre cœur, dans votre foyer et dans vos actes dès lors que vous vous affirmez seul face aux autres. vous ne serez jamais libre en luttant contre l'autre ou en revendiquant ce droit auprès d'un tiers. Vous serez libre en vous libérant des concepts, des jugements, des habitudes et des apriori, car la plus surveillée des prisons n'est jamais à l'extérieur de vous-même, mais issue de votre propre conditionnement.
Signification renversée : Lorsqu'il apparait dans sa position renversée, le Coquelicot vous interpelle sur votre rapport aux règles. Qu'il s'agisse de règles sociales, juridiques ou de politesses, quelles règles respectez-vous ? Est-ce naturel pour vous de les suivre ? Le Coquelicot renversé vous interroge sur votre capacité à vivre dans les différentes strates de la société. Par ailleurs, le Coquelicot renversé vous interroge autant sur une forme de torpeur, d'endormissement que sur une forme de stérile opposition. Il vous apparaît pour vous aiguillonner, vous aider à rester vigilant, en lien avec vos valeurs, vos désirs et vos projets les plus fous.
Le Message du Coquelicot : Je suis le Coquelicot. Souviens-toi, enfant, lorsque tu regardais les champs de Blé. Te souviens-tu de la danse que j'offrais parmi les épis murs et dorés ? M'as-tu déjà regardé danser ? As-tu suivi mon mouvement balancé par le vent ? As-tu pu observer à quel point ma tige et mes pétales sont fragiles ? On peut être d'une infinie délicatesse et puissant pourvu que notre intention soit claire. C'est dans la pureté de ton intention que tu trouveras ta force. Souhaites-tu être libre ? Te sens-tu prisonnier ? N'es-ut pas parfois prisonnier de ton seul désir de liberté ? Regarde-moi, je vais t'apprendre la liberté la liberté, celle qui naît de l'intérieur. On ne trouve jamais la liberté dans un mouvement d'opposition, car l'opposition est en réaction. La liberté se conquiert par ses racines et ses choix qui sont indépendants de ce que veulent, choisissent, préfèrent les autres. La véritable liberté est la liberté de l'instant présent et d'une respiration profonde libre de toute attente. En te libérant de tes attaches, de tes souvenirs, en respirant profondément et en osant ton authenticité, tu vas créer le mouvement et réveiller en toi une véritable liberté, indomptable et inconditionnelle, parce que c'est ta nature.
Le Rituel du Coquelicot : Aujourd'hui, vous allez réaliser quelque chose que vous n'avez jamais réalisé. Il peut s'agir d'aborder un inconnu dans la rue, de faire un détour en allant travailler pour vous asseoir à la terrasse d'un café, de prendre rendez-vous pour une manucure. Peu importe, il s'agit pour vous de sortir consciemment de votre zone de confort pour trouver une nouvelle forme de ressources et de sécurité à l'intérieur de vous. En réalisant quelque chose de nouveau, laissez-vous surprendre. Acceptez de ne pas connaître la suite. Soyez comme le Coquelicot. Sentez-vous ancré à vos racines et laissez vous bercer par la brise, même la plus délicate.
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Dans La Signature des plantes (Éditions Le Courrier du Livre, 2020) Claire Bonnet s'inspire de la théorie de Paracelse pour nous présenter les propriétés des plantes :
Les signatures végétales des pathologies : Dans cet exercice d'interprétation, on observe que certains images végétales renvoient non plus à un organe mais à une pathologie. Le fait qu'un végétal reproduise l'image d'une pathologie ou de ses symptômes nous oriente vers le remède.
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Le Coquelicot (Papaver rhoeas) (1) n'en finit pas de charrier le regard ; qui d'autre pour réveiller la blondeur des champs de blé ? Emblématique de l'installation de l'été, flamboyant et éphémère, le Coquelicot s'embrase comme un feu de paille puis s'éteint aussi vite ; à peine consumés, les pétales sont déjà à terre. Présente en horticulture, la couleur rouge est peu représentée dans notre flore sauvage - quelques rouges orangés, rouges violacés, mais c'est tout. Ici, le rouge vif du Coquelicot signe la couleur du feu, des inflammations irritées et douloureuses. Le contact de ses pétales nous parle de douceur, d'humidité, de la fragilité des muqueuses. L'incandescence ne peut s'éteindre qu'avec un apport en eau, représenté ici, sur le plan biochimique, par les mucilages, très présents chez le Papaver rhoas. Ainsi, par ses propriétés adoucissantes, hydratantes, l'infusion de pétales adoucit l'inflammation de la gorge et des bronches, calme les toux sèches et réhydrate les muqueuses irritées.
Note : 1) Associé au coq, le Coquelicot lui a emprunté la couleur de sa crête, et son nom dérive directement de l'onomatopée « cocorico » par laquelle est identifié le chant du gallinacé, un peu éraillé à la façon de la toux occasionnée par la coqueluche.
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Stéphanie Ribeiro, autrice de Célébrer les pleines lunes (Éditions Secrets d'étoiles, 2022) propose un rituel pour chaque pleine Lune. Elle en profite pour expliquer quelles sont les plantes spécifiques pour célébrer la lune :
C'est surtout en tant que plante médicinale que le coquelicot s'est fait connaître. En effet, Pline, Celse et Dioscoride utilisaient les capsules du coquelicot pour ses vertus somnifères. Autrefois, les médecins arabes donnaient la graine de coquelicot pilée avec du miel, à prendre plusieurs fois dans la journée, pour guérir les insomnies.
Son utilisation en magie : En magie, on utilise le coquelicot pour favoriser l'amour, l'argent, le désir sexuel, l'enchantement, la fertilité, la magie lunaire, les messages oniriques, la prospérité, la renaissance, la richesse, le sommeil, les visions et pour attirer la chance.
En amulette : les têtes de capsules de coquelicot décorées de la rune Inguz/Ingwaz peuvent servir d'amulette pour apporter la prospérité.
En divination : pour avoir une réponse à une question, écrivez-la à l'encre bleue sur un papier que vous roulerez dans un pétale de coquelicot et que vous déposerez sous votre oreiller. La réponse apparaîtra dans un rêve.
Sur l'autel lunaire : associé aux déesses Déméter, Diane et Perséphone pour vos rituels de magie lunaire.
En cuisine : le sirop de coquelicot favorise l'amour et attise le désir.
En coussin sorcier : pour favoriser le sommeil, glissez dans votre oreiller un sachet rempli de fleurs de coquelicot, de lavande et d'une pierre de lune.
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Symbolisme celte :
Selon Philip et Stephanie Carr-Gomm dans L'Oracle druidique des plantes, Travailler avec la flore magique de la Tradition druidique (Édition originale ; Éditions Véga 2008) les mots clefs associés à cette plante sont :
en "position droite : Rédemption - Maternité - Souvenir
en position inversée : Langueur - Excès - Indifférence.
Le coquelicot, appelé aussi pavot des moissons, est probablement arrivé en Grande-Bretagne avec les premiers cultivateurs néolithiques. D'une hauteur d'environ 30 cm, avec des fleurs d'une écarlate vive, chaque plante produit en moyenne 17 000 graines, dont une bonne partie dorment pendant des années dans le sol avant de revenir à la vie.
La carte montre un coquelicot (Papaver rhocas) poussant à la Saint-Jean. Au loin, on voit un tertre rond avec une entrée ouverte, symbolisant la tombe et la matrice : la mort et la Déesse Mère.
Sens en position droite. Comme la meilleure des mères, le coquelicot associe la vigueur à la tendresse de la plus belle manière. Il semble disparaître à tout jamais, pour ressortir un jour de nulle part, fleurissant sur les collines ou dans les champs, nous étonnant par sa beauté. Cette carte suggère la réapparition de quelqu'un ou de quelque chose que vous pensiez définitivement perdu.
Elle signale aussi qu'une qualité ou un sentiment auquel vous pensiez ne plus pouvoir accéder est de nouveau à votre portée. Parfois, les choses doivent être oubliées ou cachées pendant un moment avant de revenir comme une nouvelle aube pour vous surprendre. Et, ce faisant, une rédemption se produit. Juste comme on libère un investissement dont la valeur est arrivée à échéance, on peut parfois libérer une situation ou une relation en l'oubliant, en la laissant aller ou simplement en l'ignorant un moment pour qu'elle puisse se développer. Il faut savoir quand faire attention à quelque chose et quand ne pas s'en occuper. Certaines situations exigent de l'action, de la vigilance et même de la confrontation ; d'autres exigent d'oublier ou d'ignorer. Élever des enfants exige souvent de savoir laquelle de ces stratégies convient le mieux à un moment donné.
Sens en position inversée. Tout excès risque d'avoir un effet négatif. Le choix de cette carte signifie que vous risquez de vous laisser séduire par les bénéfices apparents de l'immunité aux difficultés de la vie. Il y a une raison à la défense psychologique du déni et tous les gens ont besoin de se protéger parfois de la dureté et de la douleur de l'existence. En fin de compte, nous devons être capables de trouver une source de confort, de bien-être et de protection dans notre essence ou notre spiritualité plutôt que dans un agent extérieur. La douleur chronique ou certaines autres perturbations doivent être traitées médicalement, mais il y a une distinction entre l'utilisation des substances pour des raisons médicales et l'auto-traitement ou la sédation addictives.
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La fleur de la vie et de la mort
Les pétales d'un coquelicot sont si délicats que vous ne pouvez pas en faire des bouquets. Nul ne connaît l'origine de cette plante, aussi vieille que l'agriculture, qui pousse partout où le sol a été labouré. Des graines de pavot ont été découvertes dans les tombes des pharaons égyptiens de la XIIe dynastie. Les archéologues ont trouvé des traces de pavot somnifère datant de 4000 av. J.C. sur des sites de l'ouest méditerranéen.
La couleur rouge sang du coquelicot, combinée à sa capacité étrange de rester dormant dans la terre pendant des décennies - seulement pour réapparaître comme une flamme cramoisie - a conduit naturellement à son association avec les idées de mort et de renaissance et avec la fertilité de la Déesse Mère. Avant l'apparition des pesticides, les coquelicots poussaient parmi les blés, renforçant ainsi davantage sa connexion avec la fertilité, avec la récolte et la renaissance cyclique.
Le pavot somnifère est arrivé en Grande-Bretagne plus tard que le coquelicot mais, en raison du climat, produit des quantités négligeables de narcotique. L'opium était très apprécié par les Perses, les Grecs et les Romains pour son puissant effet analgésique, et était souvent combiné avec la mandragore. Ces deux plantes faisaient l'objet d'un négoce entre l'Europe continentale et les régions plus froides de la Grande-Bretagne, et occupaient une place de choix dans la trousse médicale des druides.
Des siècles plus tard, les médecins de Myddfai utilisaient un anesthésiant contenant du jus frais de ciguë, de mandragore, de laitue sauvage, de lierre rampant, de panicaut maritime, de grand orpin et de pavot. Cette potion était versée goutte à goutte dans les narines du patient. La ciguë et la mandragore contribuent à l'effet anesthésiant, la laitue sauvage et le pavot sont des sédatifs légers et neutralisent certains des effets secondaires les plus déplaisants de cette puissante combinaison d'ingrédients. Les médecins recommandaient également les têtes écrasées de pavot infusées dans du vin pour induire le sommeil.
Symboliquement, le pavot unit le monde du sommeil et l'état de veille, la naissance et la mort - il peut agir comme sédatif et rester dormant pendant des années, et en même temps renaître rouge vif en été, incarnation de la vie vigoureuse.
Les plaisirs sont comme des coquelicots,
Vous attrapez la fleur, et elle se fane.
Tam O'Shanter."
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Colette Keller-Didier, autrice de Les Plantes médicinales (ALS, séance du 25 avril 2004) fait état d'un usage inattendu chez les Celtes :
Notre œil est attiré par ce rouge coquelicot, papaver rhoeas, dont il est rapporté que les Celtes ajoutaient un peu de suc de coquelicot à la bouillie des bébés pour qu’ils s’endorment plus facilement. Les pétales de ses fleurs contiennent de la rhéadine, des mucilages et des pigments anthocyaniques. Il constitue un sédatif doux qui ne contient pas de morphine, à l’inverse du pavot dont la culture est réglementée.
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Éditions Albin Michel, 1995),
"L'imaginaire protège efficacement ses archétypes des changements induits par la science et les techniques modernes. Depuis une trentaine d'années toutes les plantes réputées parasitaires ont été supprimées des cultures par l'utilisation de traitements chimiques sélectifs. Le rêve néglige superbement cette réalité nouvelle. Fruit d'une expérience pluri-millénaire, l'inconscient contemporain n’entend pas séparer le coquelicot de son écrin naturel : le champ de blé. Le mythe grec témoigne de l’ancienneté de l'association des deux végétaux puisque Cérès, dont l'attribut principal est la couronne d'épis, fait appel au pavot champêtre pour atténuer sa douleur après l'enlèvement de sa fille Proserpine. Dans plus des trois quarts des scénarios de rêve éveillé, c'est l'évocation du coquelicot qui déclenche l'apparition du champ de blé. La recherche d'une interprétation nettement distincte de l'un et de l'autre symbole serait donc une démarche vouée à l'échec.
Les pétales rouges du coquelicot s'ordonnent autour d'un cœur noir. Le rouge et le noir, le rouge et l'or, le blé : trois articles du Dictionnaire de la symbolique qui aideront le lecteur à pénétrer le sens du coquelicot.
Les taches rouges parsemant les blés évoquent l'image d'un sang de la terre. Fleur intense, à la fois violente et fragile, flagrante et éphémère, le coquelicot chante un hymne à la vie dont les accents éclatants sont peut-être une défense contre la peur de la mort. Rouge comme un sang chaud, offerte au soleil d'été, inséparable du blé mûr, la fleur ponctue une phase de plénitude qui précède l'inéluctable automne de la vie. Elle est comme une note triomphale sonnant l'apogée de la symphonie tragique qui s'accomplit entre la terre qui enfante et la terre qui ensevelit, entre la mère nourricière et la mère-mort. Derrière un blé, il y a toujours l'ombre de la faucheuse. Associé au blé, ce don de la terre, le coquelicot est aussi en corrélation étroite avec cette dernière. Pas seulement avec l'humus, pellicule dérisoire enveloppant la planète, mais avec la profondeur terrestre, les entrailles brûlantes et rougeoyantes du noyau central. Les deux tiers des coquelicots oniriques fleurissent dans les imaginations féminines. La rêveuse descend parfois dans la tige, s'insinue par les racines au plus profond de la terre. D'autres s'enfoncent dans la glèbe et, soudain métamorphosées en arbres, y plongent leurs propres racines. Thérèse osera aller jusqu'à la fournaise intérieure.
Plus qu'une simple métaphore poétique, l'image d'un coquelicot représentant le sang de la terre apparaît alors comme l'indice révélateur des forces les plus instinctuelles, de l'élan de vie le plus avide, le plus violent souvent, de la patiente ou du patient. Dans l'article concernant le blé et dans celui qui traite du rouge et du noir associés, d'importants développements concernent le lien à la mère-cosmique d'une part et aux pulsions de violence d'autre part. Il est aisé d'observer que, parmi les rêves pris en référence, beaucoup ont été produits par des personnes dont la relation à l'image maternelle était encore, à ce stade de leur cure, agressivement conflictuelle. Cette remarque est déterminante en ce qu'elle montre le coquelicot dans sa fonction de conjugaison des deux axes de traduction du symbole : le lien à la mère et la nature violente. Ne faudra-t-il pas, alors, prolonger la métaphore ? Sang de la terre, le coquelicot serait plus encore le sang de la nature. La fleur rouge de l'été prendrait racine dans la fournaise des sentiments violents refoulés. Il répandrait ses taches sur le manteau jaune des blés mûrs, symbole de la relation de tendresse à l'image maternelle, trahissant par là une intense ambiguïté. L'inconscient ne se trompe jamais dans l'élaboration d'une composition symbolique. Il ne suffit pas que la nature lui propose une image pour qu'il l'adopte. Il lui faut des valeurs profondes. Si l'imaginaire s'obstine à lier le blé et le coquelicot, les épis dorés et le rouge, c'est parce qu'ils expriment, ensemble, une symbolisation particulière. En l'occurrence, il s'agit de l'inconfortable rapport entre la rivalité œdipienne et le besoin d'amour vis-à-vis de la mère. Une psychologie qui s'insurge contre la violence extérieure s'interdit du même coup la reconnaissance de ses propres sentiments de violence. Quelles que soient les circonstances qui l'ont légitimée, cette attitude conduit inévitablement au refoulement des pulsions agressives. Cet état de fait peut être observé à travers bien des cures de patients juifs dont les parents ou les grands-parents ont subi les persécutions que l'on sait. Claire n'est pas juive mais elle a vécu une situation analogue. Sa mère fut déportée pour des raisons politiques dans l'un des camps où les conditions de survie étaient les plus cruelles. Claire est née quelques années après la libération d'une mère qui a gardé de son expérience de l'horreur, de sérieuses séquelles psychologiques. Les marques indélébiles ont alimenté un comportement morbide dont Claire a subi le poids durant toute son enfance. Une immense contradiction oppose ces empreintes de mort et de souffrance reçues par la rêveuse à la soif de réalisation d'une vie saine qui l'anime. Claire rayonne d'une vitalité généreuse qui perce à travers les ombres dont elle ne peut encore se défaire. Son rapport à l'image maternelle est furieusement ambivalent. A l'agressivité défensive qu'elle déploie vis-à-vis de la mère morbide se mêlent une volonté opiniâtre de compréhension, un élan de tendresse, régulièrement déçus. L'amour et le rejet, la vie et la mort, le jaune des blés et le coquelicot rouge et noir... le cinquième rêve de Claire est une illustration assez complète de la constellation symbolique dans laquelle s'inscrit la plante opiacée. "... Je vois un beau champ de blé... il est d'un beau jaune doré... il est bercé par une petite brise. Il fait très beau... ça fait penser à des vagues, comme une mer bruissante de paille... c'est très joli... je cherche des coquelicots... c'est très beau un coquelicot ! J'aime beaucoup la couleur et la texture des pétales... c'est un peu comme de la soie... on peut transformer une fleur de coquelicot en danseuse de flamenco, rouge et noir... les pétales sont comme du feu... c'est très très beau, c'est fragile aussi, c'est une fleur sauvage... je me vois habillée en rouge aussi, comme une fleur de coquelicot avec des chaussures rouges aussi. Je me mets à marcher en plein milieu du champ de blé... c'est un peu dommage parce que je l'écrase... je laisse une trace, un chemin... je n'ai pas la légèreté du coquelicot ! Je marche, je marche... je sors du champ. Je me retrouve, en rouge sur une route toute noire... goudronnée... je suis comme un personnage fictif qui arriverait sur la terre des hommes... y a plein de voitures... je suis décalée... j'arrive dans une ville, c'est New York... je me demande ce que je vais faire là, habituellement j'ai très peur des villes, de New York en particulier... là, j'ai pas de papiers, pas d'argent... des bouches d'aération qui fument... comme s'il y avait l'enfer sous cette terre quoi ! J'avance, pieds nus maintenant... impression que c'est ma robe qui me protège d'être triste... c'est la couleur du sang, de la vie, de quelque chose qui coule... je n'ai pas froid... il y a des torchères de pétrole... c'est une banlieue industrielle... impression que ça ne s'arrêtera jamais ce feu... je me dis que l'enfer, oui, c'est pas ailleurs que sur terre ! C'est pas la mort qui est infernale... je vois une rivière, avec un saule... je suis sur terre et maintenant je sais que je vais pouvoir me séparer du coquelicot. Là, il sera en sécurité, dans la nature, entouré de belles choses, et moi je vais pouvoir retrouver ma forme... j'arrache ma robe. Tout ce rouge redevient le coquelicot et moi je redeviens une personne... je suis bien et je me dis que ce coquelicot, il ne faudra jamais l'oublier... voilà !"
Ce n'est pas sans intention que nous avons désigné le coquelicot comme le sang de la nature. L'opposition qui transparaît dans le rêve de Claire entre la ville et la nature, entre le construit et le spontané, entre la justification intellectuelle et l'expression naturelle du sentiment se retrouve explicitement dans de nombreux scénarios où s'épanouit la fleur rouge. Quelques phrases du quinzième scénario d'Olivier, dont toute la cure se déroule sur un axe de réhabilitation du naturel, souligneront cette particularité du symbole : "Je survole une route sur laquelle serpente un flot de voitures... c'est le mouvement de la ville... le soleil tape... plus loin, je vois un motoculteur que quelqu'un pousse sur une terre très fertile, noir et rouge... une pluie torrentielle se met à tomber... là, c'est une énorme fourmi qui s'est engagée dans une carrière de pierre en exploitation... là, tout est taillé, travaillé, ordonné... elle sort de la carrière... elle arrive dans un champ de fleurs... ce sont des coquelicots... elle est dans un endroit très frais, très agréable.. Il y a beaucoup de verdure, pâquerettes, muguet... et, à nouveau, des embouteillages... des voitures, comme de grands serpents dans Paris..." Thérèse, réduite à la taille d'une fourmi dans un champ de coquelicots, sort du cœur d'une fleur. Elle est aussitôt menacée par une tondeuse conduite par une sorte d'homme-robot dont le crâne est en acier, la poitrine en bois et les pieds en glaise. La tondeuse de Thérèse, le motoculteur d'Olivier rappellent ces moissonneuses-faucheuses qui hantent les rêves de blé. Dans l'article "Blé" On lira même une séquence où c'est la Mort en personne qui conduit la faucheuse.
Thérèse, au terme du scénario, vit la plus intériorisante des séquences d'enfoncement dans la terre : "... je suis maintenant au centre de tous ces personnages en terre que j'ai façonnés. Et mes pieds deviennent des racines. Je deviens un arbre, un vieux chêne... je m'enfonce dans la terre, jusqu'à l'endroit le plus rouge, le plus chaud, dans une espèce de brasier... je souffre beaucoup, je suis brûlée... je deviens du charbon, un tronc noir... et puis, l'eau pénètre la terre, elle me nourrit... je revis. Par un effort monstrueux, je reviens à la lumière... c'est très douloureux mais plein d'espoir..."
Le coquelicot du rêve, complément onirique du blé, renvoie au cycle de la nature. Affirmation de vie, il dissimule mal l'angoisse de la mort. La faux, la moissonneuse, la tondeuse sont des symboles qui évoquent le sentiment ou la crainte de castration. Comment alors éviter d'observer que les quelques homes qui ont produit les rêves étudiés étaient tous, à ce stade de leur cure, frappés d'impuissance ? Comment ne pas remarquer que la plupart des femmes dont un rêve accueille le coquelicot avaient des préoccupations relatives à la procréation, à la transmission de la vie, à la chaîne des vies. Ceci explique l'abondance des images de racines dans ces scénarios. Dans l'article consacré à l'arbre, l'association des racines et de la succession généalogique est largement développé.
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La tache rouge du coquelicot n'est pas seulement le sang de la terre ! Elle est aussi celui du cycle naturel. Elle est liée à la mère dans les deux acceptions du terme : mère de la rêveuse ou rêveuse en tant que mère.
Au risque de porter atteinte à la poésie des métaphores, nous souhaitons rapporter une observation significative : l'une des patientes dont les rêves ont été soumis à l'étude allaitait son enfant depuis huit mois lorsqu'elle fit un scénario dans lequel le coquelicot joue un rôle majeur. Lors de la séance suivante, la rêveuse nous apprenait que ses règles avaient fait leur réapparition dès le lendemain du jour où elle avait produit ce scénario. C'était la première fois depuis dix-sept mois !
La vie, le sang, la nature, la violence, la fragilité, la castration, la mort ! Parmi les fleurs champêtres auxquelles il est associé, le coquelicot n'est pas la représentation la plus innocente. La praticien qui reçoit cette image examinera avec attention l'état de la relation de la rêveuse à sa mère et de son rapport à la procréation. Sur l'un de ces axes, dans huit cas sur dix, il cueillera les fruits de son investigation."
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Littérature :
Jules Renard, dans ses Histoires naturelles (1874), ne présente pas uniquement des animaux familiers mais décrit également quelques végétaux :
Les coquelicots
Ils éclatent dans le blé, comme une armée de petits soldats ; mais d’un bien plus beau rouge, ils sont inoffensifs. Leur épée, c’est un épi.
C’est le vent qui les fait courir, et chaque coquelicot s’attarde, quand il veut, au bord du sillon, avec le bleuet, sa payse.
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Le Coquelicot :
Le champ de blé met sa cocarde
Coquelicot.
Voici l’été, le temps me tarde
De voir l’arc-en-ciel refleurir.
L’orage fuit, il va mourir,
Nous irons te cueillir bientôt,
Coquelicot.
Robert Desnos, "Le Coquelicot" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque lui aussi le coquelicot :
2 juin
(Fontaine-la-Verte)
Les blés verts ont la scarlatine. Ils présentent des éruptions de coquelicots écarlates : pétales de papier chiffon ; charbons au cœur ; étamine de vieil argent : ovaires en capsules Apollo.
Un pavot rose s'est glissé, comme une erreur de programmation génétique, dans la population rouge. La vie a horreur de varier, mais ne cesse de sécréter la différence.
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Coquelicot
Coquelicot, Quand je pense Que je te parle Et que tu l'ignores, Que j'envie ta fierté, ton assurance, Ton absence d'hésitation, Ta certitude d'avoir gagné, De continuer à rayonner, J'ai de la peine à sentir Qu'on ne communique pas Avec ce que l'on aime, ou admire Et je me sens seul, Étranger à moi-même. Tu ne le sauras pas, Mais continue À m'éblouir.
Eugène Guillevic, "Coquelicot" in Quotidiennes - poèmes, novembre 1994 – décembre 1996, Éditions Gallimard, 2002.
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