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Rouge

Dernière mise à jour : 18 mars



Étymologie :


  • ROUGE, adj., adv. et subst.

Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1. ca 1130 « qui a la couleur caractéristique du sang, de certaines fleurs, etc. » (Paraphrase Cantique des Cantiques, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, Alt fr. Übungsbuch, p. 165, vers 17) ; spéc. 2. a) 1228 rouge vin (Jean Renart, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 494) ; 1649 verser à rouge bord (Richer, L'Ovide bouffon, 504 ds Brunot t. 4, p. 501) ; 1668 rouge bord « verre ou gobelet de vin rouge » (Boileau, Satires, III, 136, éd. A. Cahen, p. 54) ; 1754 p. ell. de vin, subst. « vin rouge » (L'Impromptu des harangères, 9 ds Quem. DDL t. 21) ; b) 1464 [éd. 1512] rouge chapel « chapeau de cardinal, dont la couleur est rouge » (Continuation des Chron. de Monstrelet, 3e vol., t. II, fo 256a ds Gdf. Compl.) ; 1690 (Fur.: On appelle un Cardinal un chapeau rouge, ou bonnet rouge, la calotte rouge, parce que ce sont les marques de sa dignité) ; c) 1690 livre rouge « livre de couverture rouge sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience » être écrit sur le livre rouge « risquer une condamnation ou quelque mal de personnes puissantes » (Fur.) ; 1718 marqué en lettres rouges « signalé à la justice » (Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 22 ds Littré) ; 1971 pétrole rouge « pétrole de vente illégale » (Combat ds Giraud-Pamart Nouv. 1974) ; 1972 subst. (Admin. : Rouge. Écriture comptable négative (perte) ou découvert) ; 3. qualifiant un objet destiné à attirer l'attention a) 1731 drapeaux rouges (de signalisation, repérage, etc.) (Terrasson, Sothos, t. 2, p. 36) ; b) 1870 croix rouges des ambulances (v. croix II C 1) ; c) 1879 lanternes rouges du dernier wagon (Huysmans, Sœurs Vatard, p. 122) ; d'où 1924 lanterne rouge « dernier » (Montherl., Olymp., p. 311) ; d) 1890 pour indiquer l'interdiction du passage feux rouges (Zola, Bête hum., p. 285) ; 4. 1789 drapeau rouge « drapeau de signalisation déployé d'abord pour indiquer la publication de la loi martiale et indiquant donc un état d'insurrection » (Le Moniteur, 21 oct. 1789, éd. 1863, t. 2, p. 79 d'apr. A. Geffroy, infra bbg.) ; 1792 bonnet rouge « bonnet des révolutionnaires » (Journal des théâtres, 10 mars d'apr. Id., infra bbg.) ; 1830 partis [...] rouges « partis révolutionnaires » (Lamart., Corresp., p. 83) ; 1835 subst. les rouges « les révolutionnaires » (Balzac, Goriot, p. 218) cf. aussi le Vieux Cordelier de C. Desmoulins, n°7, mars 1794, p. 247 d'apr. A. Geffroy, infra bbg. ; 1924 armée rouge (Bainville, Hist. Fr., t. 2, p. 278).


Lire la suite de l'article et la définition du mot pour amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version très catholique dix-neuviémiste des équivalences symboliques, ce qu'on ne peut évidemment lui reprocher :

COULEUR ROUGE.


EMBLÈME : Pudeur- Amour - Ardeur.

Le rouge représente l'ardeur ou le feu. En Chine cette couleur est consacrée à la religion et le deuil porté par les enfants est un sac de chanvre d'un rouge éclatant. Le costume rouge des prêtres représente l'amour divin comme le manteau pourpre des rois fut l'emblème de la puissance de Dieu ou du droit divin. La couleur rouge étant celle du sang devint l'emblème de la pudeur qui colore le visage. C'était sans doute par ce motif que Diogène nommait le rouge la couleur de la vertu. Les Patriciens avaient seuls à Rome le droit de se vêtir de rouge, et le code Justinien condamnait à mort l'acheteur et le vendeur d'une étoffe de pourpre. Dans cette même ville, la prêtresse qui présidait au mariage couvrait les jeunes époux de son voile rouge, exprimant par sa couleur la pudeur qui colore les jours de l'hyménée et qui semblait donner un plus vif éclat à la jeune mariée. Le voile rouge se nommait flammeum et la prêtresse flaminique. Cette prêtresse ne pouvait, sous des peines sévères, rompre les liens du mariage par le divorce. C'est la raison pour laquelle on en couvrait les jeunes mariés le jour des noces, pour en tirer un bon augure.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


Le rouge est l'emblème de la grandeur, de l'opulence, du courage, d'une bonne santé, de la colère, de la violence.

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Frédéric Portal, auteur de l'ouvrage intitulé Des couleurs symboliques dans l'antiquité : le moyen-âge et les temps modernes. (Treuttel et Würtz, 1857) explore le symbolisme du rouge :


LANGUE DIVINE. Le blanc est le symbole de Dieu, l'or et le jaune indiquent le Verbe ou la révélation, et le rouge et le bleu la sanctification ou le Saint-Esprit.

Dans son unité Dieu crée l'univers ; comme fils de Dieu, il se révèle aux hommes ; comme Saint-Esprit, il les régénère par l'amour et la vérité ; c'est dans ce sens que saint Cyrille le nomme le fruit de la divine essence.

Le Saint-Esprit est Dieu, se manifestant au coeur et illuminant les fidèles ; il est l'amour procédant du créateur, le baptême de feu et d'esprit, d'amour et de vérité.

Il découle de ces principes une interprétation singulière des livres sacrés des anciens peuples ; dans les cosmogonies païennes comme dans la Genèse, le monde est créé par l’Esprit de Dieu, l'Esprit saint ou le Saint- Esprit. Or le Saint-Esprit étant la sanctification de l'homme par Dieu, il en résulte que ces cosmogonies sont le symbole de la formation de l'univers, traitent de la régénération de l'homme. On voit la confirmation de ce fait dans l'initiation aux mystères, qui avait pour but la naissance spirituelle du néophyte et dont les rites figuraient la création du monde. Une nouvelle preuve ressort de la comparaison si fréquente du monde et de l'homme, du macrocosme du microcosme, son image.

La doctrine que j'expose ici a été entrevue par Pic de la Mirandole et pleinement confirmée par Swedenborg dans les Arcanes célestes ; les noms mythologiques des jours de la semaine et l'attribution des couleurs aux planètes en sont de nouvelles preuves qui seront développées dans l'explication des monuments.

Le Saint-Esprit est Dieu se manifestant dans son Église et dans l'homme régénéré : l'Évangile trouve ici sa confirmation dans les traditions sacrées des plus anciens peuples.

S'il est vrai, comme l'indiquent les découvertes modernes de l'archéologie, que le genre humain soit descendu du plateau de la Haute-Asie, la religion de Bouddha conserverait peut-être encore quelques dogmes du culte primitif. Les nombreux points de ressemblance qui existent entre le christianisme et le bouddhisme en sont la preuve dans notre système.

Bouddha n'est pas le nom d'un homme, mais Dieu lui-même se révélant au monde par l'intermédiaire de saints personnages qui se sont assimilés et identifiés à son essence et ont pris son nom. Shakia-Mouni, nommé Bouddha dans l'Inde, et Fo en Chine, n'est pas le fondateur de ce culte, mais le septième réformateur ou prophète bouddhiste.

L'unité trine ou la trinité divine est le dogme fondamental du bouddhisme ; le nom de cette triade est Om ! comme dans le brahmanisme.

Bouddha est l'Être suprême, d'Harma la loi et Sanga l’union : ces trois êtres n'en font qu'un. Dans la doctrine intérieure, Bouddha a produit la loi, l'un et l'autre réunis ont constitué l'union, le lien de plusieurs.

Dans la doctrine publique, ces trois termes sont encore, Bouddia ou l'intelligence, la loi et l’union, mais considérées dans leur manifestation extérieure, l'intelligence dans les Bouddhas avenus, la loi dans l'écriture révélée, et l’union ou la multiplicité dans la réunion des fidèles à l'assemblée des prêtres (ecclesia).

M. Abel Remusat réunit cette doctrine dans ces deux tableaux :


DOCTRINE INTÉRIEURE OU THÉOLOGIQUE.

L'intelligent - Le Logos ou le Verbe - L'union.


DOCTRINE EXTÉRIEURE OU LE CULTE.

Bouddha la Révélation - L'Église.


Le savant auquel j'emprunte ces documents précieux ajoute que les Chinois considèrent Fo, la loi et l'union, comme consubstantiels et d'une nature en trois substances.

Sanga on le Saint-Esprit procède de Dieu et du Verbe, et ce dogme nous le retrouverons dans le christianisme ; Sanga est l'union de l'homme à Dieu, et le Saint Esprit dans l'Évangile est l'amour et la vérité de Dieu échauffant le cœur et éclairant l'esprit des apôtres ; dans le sens le plus intime, le Verbe est le créateur et le Saint-Esprit le régénérateur ; tous les êtres émanent du sein de la Divinité par le Verbe ; mais l'homme seul, animé de l'esprit saint, reporte à son créateur l'amour qui lui donna la vie.

Les livres sacrés de l'Inde reproduisent cette doctrine primitive et chrétienne. Quand au moyen du feu céleste, du feu suprême, dit le Yadjour-Veda, on est parvenu dans le ciel, les habitants de ces lieux élevés savourent le fruit de l'immortalité : Ce feu céleste est l'esprit incorporé qui repose dans la caverne au centre du coeur ; il est le fondement de l'univers ; il est celui par lequel on acquiert le monde sans bornes ; il est le principe et l'origine des mondes. Le feu des sacrifices est le symbole de ce feu céleste. Il est impossible de méconnaitre ici le Sanga des bouddhistes et le Saint-Esprit des chrétiens, créateur de l'univers et régénérateur de l'homme par l'amour et la vérité. Le feu et l'éther sont les symboles de l'esprit incorporé (1), ainsi que les couleurs, le rouge et l'azur affectées aux divinités cosmogoniques, Vischnou et Brahma.

Cette doctrine, d'une étonnante pureté, se traduisit dans la Genèse en symboles identiques. Jéhovah Dieu forma l'homme de la poussière terrestre et lui inspira dans les narines l'esprit des vies et il fut fait homme en âme vivante ; l'esprit des vies est l'amour divin et la vérité divine ou la foi ; l'homme fut donc créé par le Saint Esprit ou par l'amour et la vérité ; l'humanité est le réceptacle de l'amour divin et son nom hébreu signifie rouge, Adam.

Dans la Bible le vent, l'air, l'éther et sa couleur, le bleu, sont les symboles de l'esprit de vérité ; le feu et sa couleur, le rouge, représentent l'amour divin. Le souffle de Dieu planait sur le chaos ; le verbe de Jéhovah a créé les cieux, dit le roi prophète, et toute leur armée par l'esprit ou l'inspiration de sa bouche. L'Oint du Seigneur est nominé l'esprit des narines, car il est la vérité éternelle ; il souffle sur ses disciples et leur dit : Recevez le Saint Esprit, c'est-à-dire la vérité par l'amour. Lorsque le Saint Esprit descendit sur les apôtres, on entendit tout d'un coup un grand bruit, comme un vent violent et impétueux, qui venait du ciel, et qui remplit toute la maison où ils étaient assis En même temps ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent, et s'arrêtèrent sur chacun d'eux.

La haute antiquité des livres sacrés se reconnait à un air de famille ; tous sont animés de la même pensée spirituelle, quoique revêtus de forines symboliques différentes. Le Pimandre fera comprendre la doctrine secrète de ces anciens codes et peut-être donnera l'intelligence de quelques hiéroglyphes.

Hermès, plongé en extase, voit apparaitre Amon ou le Verbe divin : Je suis, dit-il, Pimandre, pensée de celui qui existe en soi ; je sais ce que tu veux et suis partout avec toi. Je désire, répond Hermès, apprendre ce qui est, comprendre la pature des choses et connaitre Dieu ; alors le mystère de la création du monde s'opère dans l'esprit du prophète égyptien, il dit : « Toutes choses devinrent lumière et dans mon admiration je fus embrasé d'amour ; les ténèbres terribles et odieuses s'abimaient et il me semblait qu'elles se métarmorphosaient en principe humide ; agitées, elles vomissaient une fumée comme du feu, et de leur sein s'élevait un son plaintif et ineffable ; je crus entendre la voix de la lumière. La terre et l'eau étaient confuses ; la terre n'apparaissait pas, elle était couverte par le principe humide ; le Verbe spirituel planait au-dessus de cette nature et l'agitait. »

Pimandre me dit : Comprends-tu cette vision ? la lumière c'est moi, ton Dieu pensée, plus ancien que la nature humide qui brillait au sein des ténèbres, et le Verbe éclatant de la pensée est le fils de Dieu. Que s'ensuit-il, dis-je ? Connais que ce qui voit et entend en toi est le Verbe du Seigneur. Mais la pensée est Dieu le père ; ils ne sont point séparés, car leur union est la vie. »

La création du monde est ainsi l'image de la régénération ; l'intelligence de l'homme est une émanation de Dieu en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être. Le Saint-Esprit est le lien qui unit la créature au Créateur ; la pensée, ajoute Hermès, est Dieu androgyne ; car il est vie et lumière ; comme demiurge ou créateur, il a produit par son verbe l'autre pensée opérante qui est Dieu de feu et d'esprit ou de souffle.

La chaleur et la lumière, symboles de l'amour et de la sagesse de Dieu, étaient les deux principes mâle et femelle ; la doctrine du Pimandre explique pourquoi le Dieu égyptien Kneph ou l'Éternel était androgyne ; Jupiter, d'après Orphée, est l'époux, et la nymphe immortelle, Mithras, paraît de même avoir été une divinité mâle et femelle. D'après les traditions rabbiniques, Adam fut créé mâle et femelle. L'amour et la sagesse existaient conjointement en lui.

La naissance du monde, d'après le Pimandre, est en tout semblable à la Genése de Moïse. Dieu crée l'homme par sa pa role et le régénère par son Saint - Esprit qui est amour et vérité et dont le double symbole est le feu et l'air, et dans la langue des couleurs le rouge et l'azur.

Cette doctrine domine tous les livres bibliques : oubliée par les Hébreux qui ne comprenaient que la lettre morte de la parole, elle fut remise en lumière par le Messie ; de même elle forma la base de la théologie égyptienne, et les hiéroglyphes nous en montrent l'existence sur le fronton de tous les temples.

« Un savant anglais établit que la Trinité égyptienne était représentée par un globe, un serpent et une aile ; le globe était l'emblème de Dieu, parce que son centre est partout et que sa circonférence ne peut être mesurée ; le serpent désignait l'éternité et en même temps la sagesse ; l'aile était le symbole de l'air ou de l'esprit. »

Nous étudierons plus tard le symbole du serpent et nous reconnaitrons qu'il figurait le Verbe, le bon serpent Meissi, d'après l'expression d'Horapollon.

Sur un monument de Thèbes, gravé et colorié dans la description de l'Égypte, le globe est rouge, les deux serpens sont d'or et les ailes rouges et azurées ; l'intervalle entre les deux serpents est rempli par une teinte verte ; le rouge est le symbole de l'amour divin, l'or ou le jaune doré indique le Verbe, la révélation ; l'azur, l'air ou le souffle divin : le vert était la dernière sphère divine que nous retrouverons dans l'arc-en-ciel vert de l'Apocalypse.

La traduction de ce hiéroglyphe devient facile ; Dieu, dans son unité qui embrasse l'univers, est amour, il se révèle par la bonté et la sagesse signifiées par l'or et les deux serpents ; il rappelle la création dans son sein par la vérité et l'amour désignés par les deux ailes et par leur couleur rouge et bleue.

Quels que soient les préjugés établis, je dois rapporter ici l'opinion d'un savant, opinion qu'il n'offrait que comme une conjecture et qui acquiert ici un haut degré de certitude. « C'est Iso, c'est Jésus, sauveur du monde et soleil de justice, les Égyptiens figuraient sur toutes les portes de leurs temples ; et la signification de ce symbole était donc celle que nous a transmise Malachie. Le soleil de justice est levé (ou se lèvera) pour vous, votre salut est à l'ombre de ses ailes (2). »

Ce rapprochement paraîtra sans doute bizarre aux personnes qui oublient que le Messie est appelé par les Pères de l'Eglise le soleil et le bon serpent ; que le Saint Esprit descendit sur l'oint du Seigneur, sous la forme d'une colombe, et qu'enfin, le globe, le serpent et les ailes ont précisément sur les monuments du moyen-âge la même signification que sur les temples de Thèbes. Les chrétiens verront ici la confirmation des prophéties et de la vérité du christianisme, de cette religion divine qui ne fut point annoncée seulement à une caste isolée et oubliée du monde, mais qui apparut précédée de l'attente de l'univers.

Les hiéroglyphes reproduisent la doctrine du Pimandre ; les légendes sacrées recueillies par les auteurs grecs sur la trinité égyptienne confirment ce dogme et lui donnent le dernier caractère d'authenticité.

Le Dieu éternel, principe de toute existence, était révéré sous le nom de Kneph ; les habitants de la Thébaïde, au rapport de Plutarque, ne connurent d'abord que ce dieu et n'admirent point de divinité mortelle ; plus tard la loi générale atteignit cette religion : comme toutes les autres, elle s'abima dans le fétichisme. De la bouche de Kneph sortait l'oeuf du monde, car Dieu avait créé l'univers par sa parole, de cet oeuf primitif naissait le troisième principe divin, le feu révéré sous le nom de Phtha. Kneph et Phtha étaient la même divinité adorée dans sa triple essence sous trois attributs.

Jamblique dans son traité des mystères de l'Égypte, explique cette triade sacrée ; le premier principe, gardien de la sagesse et de la vérité, se nommait Amon lors qu'il se révélait par la lumière, et Phtha, lorsqu'il achevait la création par le feu. Се passage est le commentaire de la doctrine d'Hermès trismégiste ; ajoutons que Kneph, comme esprit répandu dans la nature, était peint en couleur azur, et comme sauveur des hommes apparaissait sous la forme du serpent Cnuphis qui avait un temple dans l'île d'Éléphantine.

Les antiques croyances de la Perse s'identifient avec le dogme indien, égyptien et hébreu ; d'après Zoroastre, le temps sans bornes, premier principe, crée la lumière primitive et le feu immatériel.

La parole ou le second principe est l'ame d'Ormusd ; il l'a prononcée, et tous les êtres purs, passés, présents et à venir, ont été créés ; cette parole est Je suis.

Le feu est le principe d'union entre Ormusd et l'Être absorbé dans l'excellence, il est la vie de l'âme ; sous la forme du vent il est le souffle d'Ormusd. Quel était ce dogme ? L'auteur du Vendidad-Sadé répond qu'il a la discrétion de ne pas l'expliquer.

La théogonie de Sanchoniaton paraît calquée sur les dogmes que nous venons d'exposer : le désir ou l'amour est le Dieu créateur de l'univers ; éclatant de lumière, il s'unit aux ténèbres ; à sa voix l'air s'enflamme, l'éclair brille, la foudre édite et les animaux s'éveillant, du sommet de la mort s'agitent sur la terre, dans l'air et les eaux.

Selon Évandre, cette inscription existait sur une colonne égyptienne, à la Nuit et au Jour et au père de tout ce qui est et sera, à l'Amour. Cette colonne avait-elle été élevée par les Égyptiens ou par les Grecs, peu importe, puisque d'autres monuments prouvent que la doctrine de ces deux peuples était la même dans son principe, quoique différente dans sa forme ; Orphée semble avoir copié Sanchoniaton qui lui-même écrivit d'après les livres de Thaut ou Hermès, à ce que rapporte Philon de Byblos.

La fable de Cupidon était une légende sacrée matérialisée par le peuple grec, mais qui conserva longtemps dans les sanctuaires sa signification primitive.

Aristophanes dit que İa Nuit aux ailes noires enfanta un oeuf d'où naquit l'Amour. Antiphanes rapportait dans sa théogonie que du chaos et de la nuit émana Cupidon, père de la lumière et des dieux. Apulée reproduit la même doctrine dans son roman symbolique de l'Ane d'Or ; les aventures de Psyché dévoilent les degrés de la régénération de l'âme, l'amour divin qui l'embrase, les tentations qu'elle repousse, les épreuves qu'elle subit avant de goûter au breuvage d'immortalité.

Le Cupidon de l'Inde, Câmadêva, Dieu du désir, confirme cette interprétation, une de ses épithètes est Atmabou, existence de l'âme, sa mère est Maya ou la force générale attractive, ses attributs sont un poisson sur un fond rouge. Le poisson est le symbole des eaux primitives ou du chaos ; la couleur rouge, celui de l'amour divin, présidant à la création de l'âme , de même Eros ou le Cupidon céleste était, d'après Platon et Cicéron, fils de Jupiter et de Vénus, c'est-à-dire de l'initiation comme nous l'établirons plus loin.

La couleur rouge désignait chez les Grecs, comme dans l'Inde et en Égypte, l'amour sanctificateur et régénérateur ; les couleurs attribuées à Pan, l'univers, Dieu, constatent le dogme de la triade divine, son corps était blanc comme la neige, il avait des cornes dorées, emblèmes de la puissance de la révélation ; c'est sous ce rapport qu'on le confondait avec le soleil et la lumière, symbole de la manifestation divine ; sa tête de chèvre était rouge, son visage en feu, Orphée dit j'appelle Pan le grand tout et le feu éternel.


LANGUE SACRÉE : Les sacrifices furent à l'origine de leur institution les symboles de l'amour de l'homme pour son créateur ; on présentait au feu des autels les prémices des mois sons et des animaux, emblèmes de nos pensées et de nos affections.

Le feu du sacrifice, dit le Jadjour-Veda, est le symbole du feu céleste qui repose dans le coeur. Dans le sanscrit différentes expressions qui désignent le feu ont la signification symbolique du nombre trois, Vahni, etc. ; le nom de la divinité Om a le même sens numérique ; de même dans la langue tibetaine Mé signifie le feu et le nombre trois.

Ainsi le troisième attribut divin ou le Saint-Esprit, l'amour de Dieu, et le culte ont le même synbole, le feu, qui se traduit dans la langue des couleurs rouge.

Une tradition répandue chez tous les peuples établit que le feu a créé le monde et doit le détruire, car l'âme émanée de l'amour de Dieu doit retourner dans son sein. Un des noms de la Divinité en hébreu est celui du feu. Dans la mythologie indienne, Siva est le feu qui a créé le monde et qui doit le consumer ; Orphée reproduit le même dogme que l'Égypte représentait par le phoenix.

Le feu, symbole de la régénération et de la purification des âmes, explique l’usage de brûler les corps morts ; la coutume barbare qui contraint les veuves de l'Inde à se précipiter dans les flammes, et le fanatisme des gymnosophistes qui, d'après Strabon, se condamnaient à ce supplice pour gagner le ciel.

En Chine, la couleur rouge est consacrée à la Religion et le deuil porté par les enfants est un sac de chanvre d'un rouge éclatant ; l'amour eut toujours pour symbole l'enfance et la couleur rouge. Cupidon est un enfant ; l'amour céleste est représenté dans la symbolique chrétienne par des anges enfants. Un enfant était initié aux grands mystères d'Éleusis, il jouait un rôle dans la dernière initiation qui était un emblème de la mort, son nom était l'enfant du sanctuaire ; et les enfants de choeur sont encore aujourd'hui vêtus de rouge. L'amour ne peut être senti que par les âmes vierges et innocentes ; le royaume du ciel, dit Jésus Christ, appartient à ceux qui ressemblent aux enfants. Dans l'antiquité païenne, le rouge était le symbole de l'innocence et de la virginité ; les lits mystiques entourés de bandelettes de pourpre, dont on faisait usage dans les mystères d'Éleusis, désignaient l'état de virginité de Proserpine quand elle arriva aux enfers.

Une cérémonie des Perses, décrite par Xénophon, témoigne du dogme de la triade divine et de son triple symbole, le blanc, l'or et le rouge ; au sein d'une immense procession s'avançaient trois chariots, le premier était blanc couronné de fleurs, avec le timon doré, il devait être offert au Dieu suprême ; le second chariot de même couleur et paré de même, était consacré au soleil ; les chevaux du troisième chariot étaient caparaçonnés de housses d'écarlate ; derrière marchaient les hommes qui portaient le feu sacré. Le premier char et le second étaient semblables, et dans la doctrine persanne comme dans le Pimandre, l'Être suprême s'identifie avec le Verbe.

Il serait facile de multiplier les exemples pour démontrer que l'amour, le feu et la couleur rouge étaient synonymes dans la langue des symboles ; j'en trouverais encore un vestige dans les feux de la saint Jean allumés tous les ans dans plusieurs provinces de la France, et qui rappellent le baptême de feu. (3)

L'architecture des temples antiques offrirait de nouvelles applications de ce principe, la forme et le nom affectés aux pyramides ou colonnes de feu qui servaient de tombeaux aux rois d'Eyypte, ne sont pas l'effet du hasard ou du caprice. Les oblisques, symboles d'Amon, le Verbe divin, n'étaient pas placés comme un vain ornement à l'entrée des temples (4).

Les langues pourraient de même apporter leur témoignage. Le génitif qui désigne la génération est formé dans la grammaire de presque tous les peuples par une désinence qui, dans les idiomes primitifs comme l'hébreu, signifiait le feu, as, es, is ou seulement s. De là le nom des divinités considérées dans leurs attributs d'amour, est formé par ces syllabes ; on retrouve les ases chez les Scandinaves par une oppo sition que nous constatons dans chaque symbole , les asours chez les Indiens sont les mauvais génies.

Dans la langue étrusque eso était l'épithète de Jupiter, esu signifiait être, esuk et eson Dieu ou æsar d'après Suétone. Nous retrouvons la même étymologie dans Vesta la déesse du feu sacré, dans les mots æstus chaleur, æstas l'été ou l'esté d'après l'ancienne orthographe. Jésus n'est-il pas le Dieu d'amour invoqué par les fidèles tandis que Christ est le nom prononcé par la froide intelligence.

La conséquence nécessaire de ces faits est que la langue des couleurs a dû les adopter en donnant des costumes rouges à toutes les divinités comme attributs d'amour.

Jehovah apparait à Moise au milieu du buisson ardent; une colonne de feu guide les Israélites dans le désert ; l'éclair brille, le tonnerre gronde, et l'Éternel, environné d'un feu éclatant, descend sur le mont Sinai embrasé comme une fournaise. Le trône de Dieu, dit le prophète Daniel, était comme la flamme du feu, et les roues de son trône étaient enflanımées et un fleuve de feu sortait de devant lui.

Ce symbole de l'amour divin, se révélant aux hommes, se retrouve dans les religions paiennes. Viscbnou, dit le Bagavadam apparut d'abord sous la forme humaine, avec un corps revêtu de pourpre et plus éclatant que le soleil, semblable au feu qui se trouve dans le bois et dans les pierres, dans l'eau et dans l'air, Vischnou est partout. Cette divinité est le Démiurge qui crée le monde dans son amour ; Brahma est le régénérateur des âmes, il est le souffle divin, l'esprit de Dieu flottant au-dessus des eaux primitives. Dans la plénitude des temps l'univers était rentré dans le sein de Vischnou. Ce Dieu, absorbé dans la quiétude d'un sommeil contemplatif, était couché sur le serpent Atisechen, et porté sur la mer de lait ; le destin fit sortir de son nombril une tige de lotus, la fleur s'épanouit aux rayons du divin soleil qui est Vischnou lui-même ; il dit : Lève-toi, ô Brahma ! et un esprit couleur de flamme parut ayant quatre têtes et quatre mains, symboles des quatre vedas.

La couleur rouge était consacrée en Égypte aux bons génies, comme nous le verrons plus tard, le Jupiter grec était appelé Zeus, la vie, la chaleur, le feu, et d'après Winkelmann, il est drapé de rouge. Le manteau bleu lui était également consacré ; une couronne de flammes orne sa tête et l'aigle aux ailes déployées repose à ses pieds. Sur un monument décrit par Junker, le corps de Jupiter est entouré par un serpent marqué des douze signes du Zodiaque. Ce serpent, symbole de la course du soleil, était le hiéroglyphe du Verbe ; ainsi en Grèce comme en Égypte et dans le christianisme, la Trinité était représentée par le globe rouge ou la couronne de flammes, par les ailes et par le serpent.

Jupiter parait s'identifier avec le dieu indien Vischnou. Le feu qui crée et anime l'univers, est le symbole de ces deux divinités : ne retrouverait-on pas la même ana logie entre Brahma et Bacchus, nourri, d'après Eustathe, sur le mont Merou, montagne sacrée des Indiens ? Brahma et Bacchus sont les symboles de l'amour divin qui regénère les âmes, du baptême de feu et de la sanctification. Un passage d'Olympiodore lève tous les doutes à cet égard, en ce qui touche la divinité grecque : Le but des mystères, dit-il, est de ramener les âmes à leur principe, à leur état primitif et final, c'est-à-dire la vie, en Jupiter dont elles sont descendues, avec Bacchus qui les y ramène.

Bacchus est le civilisateur et le régénérateur des hommes, il donne la force morale, comme son emblème, le vin répand la vigueur dans le corps matériel. Le dieu du vin dans sa dernière matérialisation conserva son symbole primitif, la couleur rouge. Sur deux tableaux, l'un décrit par Philostrate, l'autre de la collection d'Herculanum, Bacchus est vêtu d'un manteau rouge.

Cependant je ne dois pas laisser ignorer que cette couleur était, d'après Plutarque, consacrée à toutes les divinités. Les jours de leur fête, leurs statues étaient colorées en rouge et on mettait du minium à leurs joues. L'amour n'est-il pas la base de tous les cultes, même dans leur dernière dégradation ?

Le christianisme rendit la vérité aux hommes et restitua à la langue symbolique sa pureté originaire. Dans la transfiguration le visage du Seigneur devint resplendissant comme le soleil, et ses habits parurent éclatants comme la lumière ; tels sont les symboles de l'amour divin et de la divine sagesse dans la plus haute énergie ; l'ange qui roule la pierre du sépulcre, les reproduit dans un ordre inférieur. Son visage brille comme l'éclair, et sa robe est blanche comme la neige ! Enfin dans le dernier degré apparaissent les robes des justes blanchies dans le sang de l'agneau.

Les artistes du moyen -âge conservèrent ces précieuses traditions et donnèrent à Jésus-Christ des vêtements blancs ou rouges après la résurrection.

La signification divine et sacrée de la couleur rouge, symbole de la Divinité et du culte, me paraissant suffisamment établie, il est facile d'en faire l'application aux costumes des pontifes et des rois.

La pourpre et l'écarlate teignent l'éphod et le pectoral d'Aaron ; la signification générale de ces deux couleurs indique l'amour de Dieu, leurs nuances diverses manifestent les variétés de cet amour. Nous constaterons ces différences en parlant de la couleur hyacinthe.

Le souverain pontife de Hierapolis avait seul le droit de porter une robe de pourpre, les prêtres étaient vêtus de blanc.

Dans les mystères d'Éleusis, les prêtres portaient de longues robes de pourpre ; le myste ou récipiendaire aux mystères de Samothrace, se présentait couronné de branches d'olivier et avec un voile de couleur pourpre, dont Ulysse, disait-on, s'était servi le premier. Avant lui on faisait usage seulement de bandelettes de la même couleur.

Le moyen-âge attacha les mêmes idées symboliques à la couleur rouge, le costume des prêtres la reproduit et on la retrouve sur les bannières ; Eusebe donne la description du labarum ou étendard de Constantin, qu'il avait vu ; c'était une croix d'où pendait une enseigne carrée, d'une étoffe de pourpre fort précieuse. L'oriflamme, d'après les légendes populaires, avait été envoyée du ciel à Clovis ; sa couleur était pourpre azuré. Wendelin établit que l'oriflamme était la bannière des moines de Saint-Denis ; le Dionysius français porte le nom du Bacchus grec Dionysus ; la signification symbolique de cette divinité est la même que celle de la bannière de nos anciens rois (5), c'est-à-dire la sanctification. A la fête du Saint Esprit, le prêtre catholique porte des ornements rouges, et l'autel consacré au Saint-Esprit est décoré de cette couleur.

Le rouge était sans doute chez les Arabes comme chez les chrétiens le symbole des devoirs religieux, de l'amour de l'homme pour son Créateur et de la prière. Mahomet portait des robes rouges le vendredi et les fêtes du Beyram.

Les pierres précieuses offriraient comme les costumes des prêtres un grand nombre d'exemples : quelques- uns suffiront. Le rubis était dans l'antiquité l'emblème populaire du bonheur ; s'il changeait de couleur, c'était d'un sinistre présage, mais il reprenait sa teinte pourprée lorsque le malheur était passé ; il bannissait la tristesse et réprimait la luxure ; il résistait au venin, préservait de la peste et détournait les mauvaises pensées ; on reconnait facilement ici la matérialisation du symbole de l'amour divin. Dans les Contes orientaux, l'escarboucle brille dans les ténèbres et répand au loin sa clarté. Lucien parle d'une pierre semblable dans son Traité de la déesse de Syrie ; les anciens consacraient l'escarboucle au soleil.

Le costume rouge des prêtres représentait l'amour divin ; le manteau pourpre des rois fut l'emblème de la puissance de Dieu ou du droit divin..

Le vêtement des rois d'Égypte était, d'après Josephé, de couleur pourpre ; il en fut de même chez les Grecs dès la plus haute antiquité. Une peinture antique, dont on voit la copie dans la bibliothèque du Vatican, représente Minerve tenant à la main un bandeau de pourpre qui désigne la souveraineté qu'elle offre à Pâris en échange de la pomme. L'affectation de cette couleur à la royauté fut universelle chez les anciens peuples.

« Le rouge, dit Court de Gebelin, était à Rome la couleur des généraux, de la noblesse, des patriciens : elle devint par conséquent celle des empereurs. Ceux de Constantinople étaient entièrement habillés de rouge. Aussi, le dernier de ces princes ayant été étouffé dans la foule en combattant vaillamment contre les Turcs qui prenaient sa capitale , il fut reconnu à ses bottines rouges, au milieu d'un monceau de morts.

Leurs édits, leur signature, leurs sceaux étaient en encre et cire rouge. C'était porter de gueules sur ses armes ; aussi, dans le commencement, y eut- il des lois qui défendaient de porter de gueules dans ses armes à moins que d'être prince.

Le clavus, ornement qui distinguait les patriciens à Rome et qui, suivant son plus ou moins de largeur, formait le laticlave ou l'angusti-clave, était une bande de pourpre semblable à une bordure à têtes de clous : ces clous sacrés qui assuraient la durée de la république et qu'on plantait chaque année. »

Le droit que les patriciens avaient de porter la pourpre eut, à Rome, une origine sacrée ; chaque père de famille fut d'abord pontife et roi. Le développement de ce fait historique nous entraînerait en dehors des limites de ces recherches ; rappelons seulement la barbarie du code Justinien, qui condamnait à mort l'acheteur et le vendeur d'une étoffe de pourpre.

Les cardinaux sont aujourd'hui les héritiers de ce symbole de la souveraineté.

Chaque couleur, d'après le principe que nous avons posé, a une double signification, divine et infernale. Le symbole de l'amour divin deviendra le signe de l'égoïsme, de la haine, de l'amour infernal ; le diable apparaîtra vêtu de rouge, et le feu des sacrifices aura sa correspondance dans le feu de l'enfer.

Si au regard du prophète le Dieu d'amour est environné de ce feu qui enflamme le coeur pour les nobles passions, l'enfer apparaîtra comme l'ardente fournaise d'où s'exhalent l'ardeur de la colère, de l'envie, de tous les vices et de tous les crimes. Les damnés, condamnés au feu éternel, subissent la loi de leurs passions mauvaises ; la flamme qui les dévore n'est pas en dehors d'eux , mais dans leurs cours.

Jérémie dit des faux sages qu'ils sont vêtus d'hyacinthe et de pourpre ; nous verrons que ces deux nuances du rouge et du bleu reproduisent le dualisme de l'amour et de la vérité dans une acception particulière ; le prophète désigne par ces couleurs le mal et l'erreur, par opposition aux vrais sages qui sont dans le bien et la vérité.

C'est dans le même sens qu'Isaie dit : Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la laine. Partout, dans la Bible, se montre la même dualité du bien et du vrai, et par opposition du mal et de l'erreur.

Il est toujours facile de reconnaître, par l'ensemble des symboles, la signification qui doit être donnée à chacun en particulier ; il n'existe pas plus de règles dans cette langue sacrée que dans nos idiomes profanes où les mots sont pris dans une acception bonne ou mauvaise, selon la place qu'ils occupent. J'apporterai pour exemple un passage de saint Luc.

« Il y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de lin, et qui se traitait magnifiquement tous les jours. Il y avait aussi un pauvre, appelé Lazare, étendu à sa porte, tout couvert d'ulcères, qui eût bien voulu pouvoir se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais personne ne lui en donnait, et les chiens venaient lui lécher ses plaies. Or, il arriva que ce pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et eut l'enfer pour sépulcre ; et, lorsqu'il était dans les tourments, il leva les yeux d'en haut, et vit de loin Abraham et Lazare dans son sein ; et s'écriant, il dit ces paroles : Père Abraham, ayez pitié de moi et envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau pour me rafraîchir la langue, parce que je souffre d'extrêmes tourments dans cette flamme.

L'évangile s'adresse à l'homme spirituel et non à l'homme matériel ; chaque mot de ce livre divin possède dès lors une signification spirituelle ; le riche est celui qui a beaucoup de connaissances intellectuelles bonnes ou mauvaises ; le royaume du ciel n'appartient pas de droit à ceux qui meurent de faim, et l'enfer n'est pas dévolu aux puissances de la terre ; mais le pauvre d'esprit se rapproche de Dieu autant que la science orgueilleuse s'en éloigne.

Lazare est le pauvre d'esprit, il envie les miettes échappées à la table du riche ; le riche dont il est ici question n'est donc pas le faux sage dépeint par Jérémie, mais l'homme en possession de la connaissance de Dieu. Cet homme est le peuple juif ; il est couvert du manteau de pourpre et de la robe blanche de lin, symboles de l'amour et de la sagesse ou des connaissances du bien et du vrai. Lazare représente les nations païennes qui, dans leur ignorance, désirent et appellent ces richesses spirituelles dont elles seront rassasiées dans l'autre vie.

Les peintres du moyen-âge attribuèrent de même à la couleur rouge une signification infernale : on en voit de nombreuses applications sur les vitraux et les miniatures.

Le blason conserva à cette couleur sa double signification. Le gueules ou rouge des armoiries, dit La Colombière, dénote entre les vertus spirituelles l'ardent amour envers Dieu et le prochain ; des vertus mondaines, vaillance et fureur ; des vices, la cruauté, la colère, le meurtre et le carnage ; des quatre éléments, le feu ; des complexions de l'homme, la colérique ; des pierres précieuses, le rubis. On lui fait représenter le jour du jugement, ajoute le même auteur, parce que l'on croit que le monde sera consumé par le feu.

Le rouge, comme le blanc, fut une couleur mortuaire, et paraît avoir été également consacrée sous cette acception au bien et au mal, aux divinités célestes comme aux divinités infernales.

« Les prêtresses et les prêtres d'Eleusis, dit Sainte-Croix, prononcèrent leurs imprécations contre Alcibiade, debout, et se tournant du côté du couchant, et en secouant leurs robes teintes en pourpre. On était obligé de se servir de vêtements de cette couleur toutes les fois qu'on sacrifiait aux Euménides. La laine teinte en pourpre et travaillée, devait être également employée dans les sacrifices préparatoires des mystères... Les lits des initiés, pendant la célébration des fêtes de Cérès, étaient entourés de bandelettes de la même couleur. Homère donne à la mort l'épithète de purpurea , et Artemidore dit, en propres termes, que la couleur pourpre a rapport à la mort. Ceux qui avaient vécu pieusement devaient habiter, aux enfers, dans des prés émaillés de roses pourprées. Les anciens répandaient sur les tombeaux diverses fleurs de couleur de pourpre et de safran... Toutes ces pratiques étaient allégoriques et se rapportaient à la vie future ; car les initiés étaient censés passer par un état de mort et, de là, venait la conformité de plusieurs cérémonies de l'initiation avec celles qui étaient usitées dans les sépultures et les sacrifices funèbres. »

Pendant le moyen-âge comme dans l'antiquité, le rouge fut une couleur mortuaire ; quelques miniatures du bréviaire de Sarisbury représentent des cercueils recouverts de draps mortuaires rouges.

Cette couleur était-elle, dans ce cas, comme en Chine et en Grèce, l'emblème de la virginité et de l'innocence ? Ou bien n'était-elle qu’un signe d'honneur accordé à la dépouille des rois ou des cardinaux ? Je ne puis établir aucune conjecture à cet égard.


LANGUE PROFANE : Dans la langue populaire de tous les peuples, la couleur du rouge, fut l'emblème des combats ; au Pérou, les quipos teintes en rouge désignaient les gens de guerre. Les Spartiates étaient ensevelis dans des linceuls rouges ; cette couleur devait être affectée aux funérailles d'une nation qui n'avait d'autre existence que la guerre et qui ne reconnaissait d'autre vertu que le courage militaire. Le dieu Mars avait également pour attribut la couleur rouge mais ici le symbole, matérialisé dans les idées populaires, avait une tout autre acception pour les prêtres ; le dieu de la guerre, pour les profanes, était le dieu des combats spirituels pour les initiés. Le savant Creuzer a remarqué qu'Homère laissait entrevoir dans cette divinité l'antique Dieu de la nature opérant, par une lutte féconde, le grand oeuvre de la génération et de l'ordonnance cosmiques ; l'identité du dieu égyptien Phtha et de l'Éphaistos grec le démontre.

L'initiation figurait la régénération de l'homme par la génération de la nature ; l'homme était le microcosme, le petit monde qui devait naître spirituellement par le combat de l'amour divin contre les passions humaines ; Jéhovah ne dit-il pas qu'il est le Dieu des armées et des combats ? Jésus n'annonce-t-il pas qu'il vient apporter la guerre ? Sur un grand nombre de manuscrits des treizième et quatorzième siècles, le roi David est en extase devant un ange dont le corps, les ailes, les vêtements et le glaive qu'il tient à la main, sont d'un rouge éclatant ; il est difficile de méconnaitre à ces signes l'amour divin animant le roi prophète au nom du Dieu des combats spirituels.

La couleur rouge, étant celle du sang, fut l'emblème de la pudeur qui colore ! visage, du moins elle avait cette signification dans le moyen-âge. C'était sans doute pour le même motif que Diogène nommait le rouge la couleur de la vertu. Elle devint, dans sa dernière expression populaire, l'emblème du crime portant sa tête sur l'échafaud. Le bourreau, qui est né pour l'effusion du sang, dit La Mothe-le-Vayer, est ordinairement habillé de rouge, s'il ne l'est de jaune, le choix lui étant laissé de l'une de ces deux couleurs.


Notes : 1) L'ouvrage de Colebrooke sur la Philosophie des Hindous, donne des détails curieux sur ce dogme. Dans un passage descriptif du plus petit ventricule du coeur, il est dit : « Dans ce séjour de Brahma est un petit lotus, une demeure dans laquelle est une petite cavité occupée par l'éther ... c'est l'Être suprême qui est ici désigné. Une personne pas plus grosse qu'un pouce habite au milieu de lui-même ; la personne pas plus grosse que le pouce est claire comme une flamme sans fumée ; c'est le maitre du passé, du présent et du futur. (Colebrooke, Philosophie des Hindous, p. 170-171) Brahma, le créateur du monde, nait au sein d'un lotus, et ce lotus est dans le coeur ; il apparait comme feu et comme éther, symbole de l'Esprit saint dans son double attribut d'amour et de sagesse.

2) L'aile est la puissance de l'oiseau comme le bras est la puissance de l'homme ; le Saint-Esprit est la puissance de Dieu, il eut l'aile pour symbole.

3) Dans la Symbolique chrétienne saint Jean représente l'amour dans les actes, comme saint Pierre la vérité et la foi.

4) L'obélisque représentait le rayon de la lumière (Nestor l'Hôte, Notice sur les obélisques, p. 5) ; dans les caractères figuratifs décrits par Champollion, l'obélisque est le symbole d'Amon.

5) Le pourpre azuré, couleur de l'oriflamme, unit les deux couleurs affectées au Saint-Esprit, le rouge et le bleu, et représente l'union de l'amour et de la vérité en Dieu. Nous venons de voir que le mythe de Bacchus et la couleur affectée à cette divinité désignaient l'amour divin, et dans la Bible le vin est le symbole de la vérité céleste. Dyonysius ou Denis était un nom symbolique, tel est le fait ; en déduire que ce personnage n'a jamais existé serait une supposition gratuite.

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D'après le Dictionnaire des symboles (1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Universellement considéré comme le symbole fondamental du principe de vie, avec sa force, sa puissance et son éclat, le rouge, couleur de feu et de sang, possède toutefois la même ambivalence symbolique que ces derniers, sans doute, visuellement parlant, selon qu'il est clair ou foncé. Le rouge clair, éclatant, centrifuge, est diurne, mâle tonique, incitant à l'action, jetant comme un soleil son éclat sur toute chose avec une immense et irréductible puissance. Le rouge sombre, tout au contraire, est nocturne, femelle, secret et, à la limite, centripète ; il représente non l'expression mais le mystère de la vie. L'un entraîne, encourage, provoque, c'est le rouge des drapeaux, des enseignes, des affiches et emballages publicitaires ; l'autre alerte, retient, incite à la vigilance et, à la limite, inquiète : c'est le rouge des feux de circulation routière, la lampe rouge interdisant l'entrée d'un studio de cinéma ou de radio, d'un bloc opératoire, etc. C'est aussi l'ancienne lampe rouge des maisons closes, ce qui pourrait paraître contradictoire, puisqu'au lieu d'interdire, elles invitent, mais ne l'est pas, lorsqu'on considère que cette invite concerne la transgression du plus profond interdit de l'époque concernée, l'interdit jeté sur les pulsions sexuelles, la libido, les instincts passionnels.


Ce rouge nocturne et centripète est la couleur du feu central de l'homme et de la terre, celui du ventre et de l'athanor des alchimistes où, par l'œuvre au rouge s'opère la digestion, le mûrissement, la génération ou régénération de l'homme ou de l'œuvre. Les alchimistes occidentaux, chinois et islamiques, utilisent le sens du rouge d'une manière identique, et le soufre rouge des Arabes qui désigne l'homme universel est directement issu de cette œuvre au rouge, gestation de l'athanor. Ainsi en va-t-il du riz rouge dans le boisseau des Chinois, lui aussi feu - ou sang - de l'athanor, lié au cinabre, dans lequel il se transforme alchimiquement, pour symboliser l'immortalité.

Sous-jacent à la verdeur de la terre, à la noirceur du Vase, ce rouge éminemment sacré et secret est le mystère vital caché au fond des ténèbres et des océans primordiaux. C'est la couleur de l'âme, celle de la libido, celle du cœur. C'est la couleur de la Science, de la Connaissance ésotérique, interdite aux non-initiés, et que les Sages dissimulent sous leur manteau ; dans les lames des Tarots, l'Hermite, la Papesse, l'Impératrice portent une robe rouge, sous une cape ou un manteau bleu ; tous trois, à des degrés divers, représentent la science secrète.

Ce rouge, on le voit, est matriciel. Il n'est licitement visible qu'au cours de la mort initiatique où il prend une valeur sacramentelle : les initiés aux mystères de Cybèle étaient descendus dans une fosse, où ils recevaient sur le corps le sang d'un taureau ou d'un bélier, placé sur une grille au-dessus de la fosse et rituellement sacrifié au-dessus de la fosse et rituellement sacrifié au-dessus d'eux, tandis qu'un serpent allait boire à même la plaie de la victime.

Aux îles Fidji, dans un rituel analogue, on montrait aux jeunes gens une rangée d'hommes apparemment morts, couverts de sang, le corps ouvert et les entrailles sortant. Mais à un cri du prêtre les prétendus morts se dressaient sur leurs pieds et couraient à la rivière pour se nettoyer du sang et des entrailles de porc dont on les avait couverts. Les océans empourprés des Grecs et la mer Rouge relèvent du même symbolisme : ils représentent le ventre où mort et vie se transmutent l'une en l'autre.

Initiatique, ce rouge sombre et centripète revêt aussi une signification funéraire : La couleur pourpre, selon Artémidore, a rapport avec la mort (Sainte-Croix, Mystères du Paganisme).

Car telle est en effet l'ambivalence de ce rouge du sang profond : caché, il est la condition de la vie. Répandu, il signifie la mort. d'où l'interdit qui frappe les femmes en règles : le sang qu'elles rejettent est l'impur, parce qu'en passant de la nuit utérine au jour il renverse sa polarité, et passe du sacré droit au sacré gauche. Ces femmes sont intouchables, et dans de nombreuses sociétés elles doivent accomplir une retraite purificatrice avant de réintégrer la société dont elles ont été momentanément exclues. Cet interdit s'est longtemps étendu à tout homme qui versait le sang d'autrui, fût-ce pour une juste cause ; le bourreau aux habits rouges est comme le forgeron un intouchable, parce qu'il touche à l'essence même du mystère vital, qu'incarne le rouge centripète du sang et du métal en fusion.

Un mythe des îles Trobiand (Mélanésie) rapporté par Malinowski, illustre l'universalité et l'ancienneté de ces croyances : au début des temps un homme apprit le secret de la magie d'un crabe, qui était rouge à cause de la sorcellerie dont il était chargé ; l'homme tua le crabe après lui avoir extorqué son secret ; c'est pourquoi les crabes aujourd'hui sont noirs, parce qu'ils ont été dépouillés de leur sorcellerie ; toutefois ils demeurent lents à mourir parce qu'ils ont été jadis les maîtres de la vie et de la mort.

Le rouge vif, diurne, solaire, centrifuge incite, lui, à l'action ; il est image d'ardeur et de beauté, de force impulsive et généreuse, de jeunesse, de santé, de richesse, d’Éros libre et triomphant - ce qui explique qu'en bien des coutumes, telles que la lampe rouge ci-dessus évoquée, les deux faces du symboles sont présentes. C'est la peinture rouge, généralement diluée dans une huile végétale - ce qui augmente son pouvoir vitalisant - dont femmes et jeunes filles, en Afrique Noire, s'enduisent le corps et le visage, au relevé de l'interdit consécutif à leurs premières règles, à la veille de leur mariage, ou après la naissance de leur premier enfant. C'est la peinture rouge - également diluée dans une huile - dont s'ornent jeunes gens et jeunes filles chez les Indiens d'Amérique ; elle est censée stimuler les forces et éveiller le désir. Elle prend une vertu médicale et devient une indispensable panacée. C'est le sens aussi des innombrables traditions qui, de Russie jusqu'en Chine et au Japon, associent la couleur rouge à toutes les festivités populaires, et spécialement aux fêtes de printemps de mariage et de naissance : bien souvent on dira d'un garçon ou d'une fille qu'il est rouge pour dire qu'il est beau ; on le disait déjà chez les Celtes d'Irlande. [...]

Ainsi, avec cette symbolique guerrière, semble-t-il bien que perpétuellement le rouge soit l'enjeu de la bataille - ou de la dialectique - entre ciel et enfer, feu chtonien et feu ouranien. Orgistique et libérateur, c'est la couleur de Dyonisos. Les Alchimistes, dont nous avons vu l'interprétation chtonienne du rouge, disent aussi de la pierre philosophale qu'elle porte le signe du soleil. On l'appelle encore Absolu, elle est pure, puisqu'elle est composée des rayons concentrés du soleil. Lorsque le symbolisme solaire l'emporte et que Mars ravit à Vénus à Vulcain, le guerrier devient conquérant, et le conquérant Impérator. Un rouge somptueux, plus mûr et légèrement violacé, devient l'emblème du pouvoir, qui bien vite s'en réserve l'exclusif usage. C'est la pourpre : cette variété de rouge était à Rome la couleur des généraux, de la noblesse, des patriciens : elle devint par conséquent celle des Empereurs. Ceux de Constantinople étaient entièrement habillés de rouge... Aussi, dans les commencements, y eut-il des lois qui défendaient de porter de gueules dans les armes ; le code de Justinien condamnait à mort l'acheteur ou le vendeur d'une étoffe de pourpre. C'est dire qu'elle était devenue le symbole même du pouvoir suprême : Le rouge et le blanc sont les deux couleurs consacrée à Jéhovah comme Dieu d'amour et de sagesse, qui semble confondre la sagesse et la conquête, la justice et la force. Le Tarot ne s'y trompe pas : l'arcane 11 - La Force - qui ouvre de ses deux mains la gueule du lion, porte cape rouge sur robe bleue tandis que l'arcane 8, La Justice cache sa robe rouge sous un manteau bleu, à l'instar de l'Impératrice. Extériorisé, le rouge devient dangereux comme l'instinct de puissance s'il n'est pas contrôlé ; il mène à l'égoïsme, à la haine, à la passion aveugle, à l'amour infernal : Méphistophélès porte le manteau rouge des princes de l'enfer, tandis que les cardinaux portent celui des princes de l'Église, et Isaïe (I, 18) fait ainsi parler l’Éternel :


Venez et discutons, dit Yahvé,

Quand vos péchés seraient comme l'écarlate,

Comme neige ils blanchiront,

Quand ils seraient rouge comme la pourpre,

Comme laine ils deviendront.


Il n'est pas de peuple qui n'ait exprimé - chacun à sa manière - cette ambivalence d'où provient tout le pouvoir de fascination de la couleur rouge, qui porte en elle intimement liées les deux plus profondes pulsions humaines : action et passion, libération et oppression ; tant de drapeaux rouges, flottant au vent de notre temps, le prouvent !

Ce rouge de gueules, comme dit le blason, renvoie bien à l'ambivalence de la gueule, symbole, essentiellement, d'une libido non différenciée, qui hante les rêves des enfants, dont on connaît l'universelle attirance pour la couleur rouge. La gueule ou rouge des armoiries, selon La Colombières, dénote entre les vertus spirituelles l'ardent amour envers Dieu et le prochain ; des vertus mondaines, vaillance et fureur, ; des vices, la cruauté, le meurtre et le carnage ; des complexions de l'homme, la colérique. De son côté la sagesse des Bambara dit que la couleur rouge fait penser au chaud, au feu, au sang, au cadavre, à la mouche, à l'agacement, à la difficulté, au Roi, à ce que l'on ne peut toucher, à l'inaccessible.


En Extrême-Orient, le rouge aussi évoque d'une manière générale, la chaleur, l'intensité, l'action, la passion. c'est la couleur de rajas, la tendance expansive.

Dans tout l'Extrême-Orient, c'est la couleur du feu, du Sud, et parfois de la sécheresse (à noter que le rouge couleur de feu, éloigne le feu : on l'utilise ainsi dans les rites de construction). C'est aussi la couleur du sang, celle de la vie, celle de la beauté et de la richesse ; c'est la couleur de l'union (symbolisée par les fils rouges de la destinée noués dans le ciel). Couleur de la vie, c'est aussi celle de l'immortalité, obtenue par le cinabre (sulfure rouge de mercure), par le riz rouge de la Cité des Saules. L'alchimie chinoise rejoint ici le symbolisme de l'oeuvre au rouge de l'alchimie occidentale, et celui du Soufre rouge de l'hermétisme islamique. Ce dernier, qui désigne l'Homme universel, est en fait le produit du premier : la rubedo équivaut en effet à l'accession aux grands Mystères, à la sortie de la condition individuelle.

Au Japon, la couleur rouge (Aka) est protée presque exclusivement par les femmes. c'est un symbole de sincérité et de bonheur. d'après certaines écoles shintoïstes, le rouge désigne l'harmonie et l'expansion. Les conscrits japonais portent une ceinture rouge le jour de leur départ, en symbole de fidélité à la patrie. Lorsque l'on veut souhaiter du bonheur à quelqu'un : anniversaire, réussite à un examen, etc., on colore le riz en rouge."

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Dans Rudolph Steiner et Edward Bach sur les traces du savoir druidique... (L'Alpha L'Oméga Éditions, 1998), Roger Tanguy-Derrien propose sa propre lecture des couleurs. Ainsi en est-il du "rayon rouge" :


"Il est de la couleur du sang, donc de la vie. Clair, il est tonique, éclatant, ardent, entraînant et chaleureux. Il incite le courage, la colère (elle permet de passer à une vitesse supérieure pour vaincre un obstacle). Il stimule les forces qui éveillent le désir, l'instinct d'appropriation, la passion aveugle. Il extériorise, extravertit, insuffle une ardeur combattante et guerrière (il faut voir les pays qui portent du rouge dans leur drapeau). Il attire (enseignes lumineuses, supports publicitaires). Il est la couleur du sang artériel (qui vient d'être purifié par le cœur et les poumons). Il améliore l'anémie et l'hypotension, active le sang artériel. Il dilate l'énergie.

Le rouge sombre est la couleur qui circule dans le retour veineux car il est chargé d'impuretés. C'est la couleur de la digestion, du mûrissement, de la mort en passe de régénérer. Autant le rouge clair est martien, autant le rouge sombre est plutonien. Généralement, on représente la couleur de ce dernier esprit céleste par le rouge et le noir. Dans l'antiquité égyptienne, les hiérophantes (prêtres) portaient des robes de cette couleur, puis ce fut le tour des disciples d'Hermès, leurs successeur. Bonaventure Guyon, dit l'Homme Rouge des Tuileries, le premier conseiller de Napoléon de 1800 à 1804 affectionnait encore cette tenue. En fait, cette couleur plutonienne est la couleur du secret, du mystère de la vie, le signe de reconnaissance des disciples d'Hermès. Le rouge sombre permet de rentrer dans ne passion, dans l'amour infernal et de s'en rendre maître. C'est un de ces enseignements que l'abbé Guyon, ancien prieur de Lagny, enseigna à Napoléon pour se rendre maître de la Première Révolution Française où tant de sang fut versé.

Organes qui réagissent au rouge : les glandes sécrétrices du système génital, la moelle rouge du coccyx, la moelle rouge du sternum, l'intestin grêle (ces deux derniers jouent un rôle majeur de formation du sang).

Où trouver le rouge ? Dans les élixirs de Capucine, Mouron rouge, Corail, Grenat, Jaspe rouge, Rubis. Dans le monde minéral, la couleur rouge exprime la présence de fer."

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Selon Reynald Georges Boschiero, auteur du Nouveau Dictionnaire des Pierres utilisées en lithothérapie, Pour tout savoir sur les Pierres et les Énergies subtiles (Éditions Vivez Soleil 1994 et 2000, Éditions Ambre 2001) :


"Le rouge est la couleur de la force du dynamisme, de l'énergie, du courage et de l'ambition. Il tient en éveil, stimule l'activité mais peut s'avérer rapidement épuisant.

C'est la couleur de l'instant présent dont on veut jouir intensément. Elle est matérialiste et n'incite pas à la réflexion. Elle est brûlante comme le feu qui donne son énergie en se consumant. Elle peut être agressive, autoritaire, individualiste, provoquer la colère. C'est pourquoi les pierres rouges ne doivent pas être portées par des personnes excessives.

C'est la couleur de la force impulsive de la jeunesse.

Couleur du sang, le rouge en est souvent l'ami. Il stimule et régule le système circulatoire, mais un excès de rouge peut entraîner un excès de tension.

Les rouges sombres sont plus féminins et symbolisent les mystères de la vie.

Les rouges violacés sont les couleurs de pouvoir (la pourpre romaine, la pourpre cardinale,...)


Les pierres rouges : le rubis ; le spinelle rouge ; le grenat ; certaines rubellites ; certaines calcédoines ; certains jaspes ; pierre de soleil, corail rouge...

Des cas particuliers : l'alexandrite, l'hématite, le rutile."

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :

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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :

"C'est la couleur de la vie, du feu, et du sang. Elle symbolise donc la lumière de la vie qui éclaire et illumine, et l'énergie de la vie. de ce fait, elle est en analogie avec l'action, la vitalité, les pulsions, les désirs, les sentiments violents, tout ce qui pousse l'être à s'extérioriser. En rapport avec le sang, elle est aussi une couleur sacrée et secrète. Sacrée, car les Anciens ont vu en elle la substance de l'âme et de la vie. Celle ou celui qui perd son sang perd sa vie et son âme. Secrète, car le sang circulant dans les veines et les artères est invisible.

Symbole de la vie et de l'énergie vitale, le rouge est aussi une représentation de la mort, du sacrifice suprême et de la purification, à connotation mystique. L'aurore est rouge, mais le crépuscule également. Le rouge est donc une indication d'éveil de la conscience, mais aussi de sacrifice ultime, nécessaire à une renaissance.

Enfin, le rouge est aussi la couleur des passions, des émotions extrêmes, souvent destructrices, des pulsions instinctives que l'homme et la femme maîtrisent plus ou moins bien ou qu'ils inhibent, selon le cas, mais dont ils sont la proie parfois, malgré eux. Toutefois, il faut souligner que ces pulsions humaines ont un caractère régénérateur, qu'elles sont nécessaires à la vie et à la survie de l'être humain.

Dès lors, lorsque cette couleur joue un rôle important dans un rêve, il faut y voir une expression de votre soif de connaissance ou de pouvoir, de votre besoin d'action, de création, une excitation profonde qui vous submerge, qui peut se manifester dans vos désirs, pulsions, passions refoulées, une rage de vivre qui vous anime, mais qui ne donne pas toute sa mesure, ou encore des secrets, des mystères qui sont sur le point de vous être révélés."

 

Jacques Pezeu-Massabuau propose un article intitulé « Habiter une couleur. Quinze regards sur le rouge », (Nouvelle revue d’esthétique, vol. 1, n°1, 2008, pp. 75-81) =>

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Dans L'Âme des pierres précieuses dans la science des sept rayons (Éditions Alphée Jean-Paul Bertrand, 2010) Michel Coquet rapporte que :


Le fait de mettre cette couleur dans la catégorie ésotérique vient des dangers que cette couleur peut représenter et du fait que, perçu sous un certain angle, le rouge n'est plus rouge ! Ordinairement, la couleur rouge est celle du corps émotionnel. C'est la couleur des passions et des désirs, lorsque le mental de l'aspirant est encore tourné vers la jouissance des objets du monde matériel. Le rouge est donc aussi la couleur du karma et de l'action qui accélère les processus de réchauffement au moyen du feu par friction de la matière et de la forme du troisième rayon. C'est pourquoi Brahma, le dieu créateur hindou, est rouge.

Le tout premier effort de l'aspirant va donc être de transmuer le rouge en rose ; alors seulement il lui sera permis de se fondre dans le jaune de l'âme. En d'autres termes, cela veut dire que le désir d'exister doit faire place au désir d'aimer, l'émotion doit se convertir en dévotion.

Si la couleur rose intervient, c'est qu'elle est la couleur du prana (et non du corps éthérique violet), et c'est pas le principe vital ( à travers le souffle) que commence la purification du corps de désir ou astral.

Selon le grand clairvoyant C. W. Leadbeater, le prana, en pénétrant dans le chakra récepteur de la rate, se différencie en cinq sous-rayons praniques colorés. L'un de ces courants de couleur rouge-orangé (1) est celui qui se dirige vers la base de l'épine dorsale, puis vers les organes génitaux auxquels une partie de ses fonctions se rattache :

« Dans l'homme normal, ce rayon active les désirs charnels ; il semble aussi passer dans le sang et contribuer à maintenir la température du corps ; mais si l'homme refuse avec persistance de céder à sa nature inférieure, e rayon peut, par des efforts prolongés et énergiques, être détourné de son parcours et dirigé de bas en haut vers le cerveau, où ses trois parties consécutives subissent une modification remarquable. L'orangé passe au jaune pur et détermine une intensification indéniable des facultés intellectuelles ; le rouge sombre devient cramoisi et augmente beaucoup l'affection désintéressée ; enfin le violet foncé se transforme en un ravissant violet pâle et vivifie la partie spirituelle de la nature humaine.

L'homme qui réussit à opérer cette transmutation s'aperçoit que les désirs sensuels ne le tourmentent plus et, quand sera venu pour lui le moment d'éveiller les couches supérieures du feu-serpent, il n'aura pas à craindre le plus sérieux des dangers présentés par cette opération. Lorsque le changement est devenu complet, le rayon rouge orangé passe directement dans le centre situé à la base de l'épine dorsale, d'où il s'élève dans le canal de la colonne vertébrale jusqu'au cerveau. »

Lorsque cette transmutation est terminée, l’énergie rouge-orangée passe dans le centre coccygien et, au lieu de s'y focaliser, s'élève vers le cerveau qu'elle vivifie et illumine. L'intérêt de ce qui vient d'être dit par le grand clairvoyant, c'est de montrer comment s'opèrent certains changements subjectifs et le déplacement de certains rayons d'un chakra vers un autre.

Sur le plan médical, la couleur rouge stimule la croissance des cellules du sang et peut être utilisée dans les cas de rachitisme, de dépression nerveuse lorsque la cause est éthérique et non émotionnelle, et dans tous les états s'apparentant à la léthargie. Un organe paresseux sera remis en action par cette couleur. Les gens nerveux, agités et maigres ne devraient jamais porter cette couleur.


Note : 1) Le rouge est tonique, dit Leadbeater, mais pas sans danger. Lorsqu'il est absorbé par des personnes à tempérament sanguin, il engendre des congestions. Il en est de même de certains jaunes. En revanche, les rayons infrarouges engendrent un drainage naturel qui revitalise le corps éthérique et sa contrepartie physique.

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Symbolisme celte :


Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans le Dictionnaire des symboles (1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) :


"... bien souvent on dira d'un garçon ou d'une fille qu'il est rouge pour dire qu'il est beau ; on le disait déjà chez les Celtes d'Irlande.

Mais, incarnant la fougue et l'ardeur de la jeunesse, le rouge est aussi et par excellence, dans les traditions irlandaises, la couleur guerrière, et le vocabulaire gaélique connaît deux adjectifs très courants pour le désigner : derg et ruadh. Les exemples existent par centaines, si ce n'est par milliers, et le Dagada deu-druide est dit Ruadh Rofhessa rouge de la grande science. Quelques textes, dont surtout le récit de la Destruction de l'Auberge de Da Derga connaissent encore des druides rouges ; ce qui est une référence à leurs capacités guerrières et à la double fonction qui leur est assignée, à la fois de prêtres et de guerriers. La Gaule a honoré de son côté un Mars Rudiobus et un Rudianus (rouge)."

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Symbolisme onirique :


Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


"Lorsqu'on se réfère au classement des 1700 symboles composant le répertoire initial, par ordre décroissant de leur fréquence d'apparition dans les rêves, on constate que six couleurs figurent parmi les onze symboles cités un plus grand nombre de fois. Après le noir et le blanc, présents dans un scénario de rêve éveillé su deux, le rouge s'impose dans 41% des productions oniriques. Une telle observation autorise à supposer que cette couleur assume une fonction déterminante dans la dynamique de l'imaginaire.

Lorsqu'un symbole apparaît dans un pourcentage très élevé de scénarios, la recherche des corrélations se présente comme une sorte de défi statistique. Il fallait donc une certaine audace pour entreprendre l'interprétation d'une couleur aussi commune et sur laquelle tant de choses ont été écrites au cours des siècles. L'exploration des rêves montrera que la démarche valait d'être tentée et que l'audace n'avait à surmonter que des difficultés illusoires. L'analyse des matériaux oniriques permet de définir des corrélations particulièrement nettes et révélatrices. Les traductions antérieures s'organisent autour de quelques axes qui ne sont pas en franche contradiction avec les résultats de notre approche. Enfin - et peut-être surtout - la fonction du rouge dans la dynamique onirique peut être exposée en termes simples.

Que résonne le roulement des tambours, que s'accélère le battement des cœurs, que dévalent les laves incandescentes, que le feu, que le sang, que le rouge se répandent sur le décor du rêve : voici l'explosion du sentir !

Le rouge, c'est à la fois les forces incomparables de la vie et de la mort et l'engagement, l'implication dans la vie. Le rouge, c'est le soldat qui meurt, c'est le nouveau-né qui crie, qui est rouge de toute la puissance de son cri, de la rage de vivre, de la colère de vivre. Le rouge, c'est le sang qui rythme la vie, le cœur qui bat, le cœur qui aime, le cœur qui saigne, la passion, l'énergie libérée, la violence.

Quand on recense les mots et les images qui, autour du rouge, parlent d'énergie, de force, de violence, de rage, d'explosion volcanique, c'est 83% des scénarios soumis à l'étude qui sont concernés ! D'innombrables séquences de rêve s'offrent pour illustrer cette constatation.

Sur la scène onirique, c'est le blanc qui, le plus souvent, donne la réplique au rouge. C'est ce qui permettra de déterminer avec sûreté la valeur dynamique du rouge. 77% des rêves accueillent les deux partenaires.

Dans l'ordre décroissant des corrélations statistiques, viennent ensuite : la vie et la mort, la bouche et la gueule, le feu et les flammes, le sang, le combat et la guerre, la compétition, le tambour et le rythme. Le rouge, dans le jeu de l'imaginaire, dit l'avancée, la réhabilitation des pulsions, la renaissance, la résurrection.

Le dixième scénario de Suzanne est une illustration saisissante de ce que ressentent les rêveurs et les rêveuses qui s'abandonnent à une vision du rouge. Quelle que soit l'emphase placée, dans ce cas, sur la violence, emphase justifiée par un aspect particulier de la problématique, cet extrait est représentatif des scénarios dans lesquels se joue la réhabilitation de pulsions refoulées.

Suzanne commence le rêve sur une image d'arc-en-ciel. Pendant trente minutes, elle passera d'une couleur à l'autre, explorant le pays du rouge, celui du jaune, du vert, du bleu, du violet : "Le pas du rouge, ce serait le pays de la violence... Rouge ! rouge comme la couleur du sang... c'est une couleur blessante, qui s'impose.. oui, tiens ! c'est vraiment la violence... il me semble que, dans le pays du rouge, on doit tout le temps entendre des tambours, des tambours de guerre... il doit y avoir des gens qui se battent et qui se tuent, des gens primitifs avec des corps musclés, des visages violents... le sang doit couler... j'entends le son lancinant des tambours... les tambours qui battent et, quand ils s'arrêtent, les gens sont morts... il n'y a que des monticules de cadavres qui dégoulinent de sang... et, peut-être, quelques vainqueurs, mais dans un état tel ! Blessés, rouges de sang, enivrés de leur victoire... Quelle horreur, l'ivresse de tuer ! L'envie de faire couler le sang... c'est fascinant, finalement, le sang ! C'est cela, le pays du rouge... je ne vois que des scènes de batailles... et les tambours... les tambours qui battent comme bat le sang dans les veines, comme bat le cœur dans la poitrine... ce bruit ! Le bruit du tambour ou le bruit d'un cœur... je crois qu’effectivement cela peut vous pousser à faire n'importe quoi... c'est pénible ! J'aime mieux changer de couleur : je vais au pays du jaune !..."

Lorsqu'elle était enfant, Suzanne a été traquée par l'appareil policier d'un régime totalitaire qui a persécuté ses parents. Il était naturel que cela engendrât chez la jeune fille, puis la jeune femme, une condamnation intolérante de toute forme de violence. Ces interdits s'étendent à ses propres pulsions agressives qui, refoulées, s'exaspèrent dans le seul but de se faire reconnaître !

Le deuxième scénario d'Evelyne contient l'expression la plus dramatique qu'il nous ait été donnée de recueillir, d'une résurrection par le rouge. Dans ce cas, la réalité psychologique s'est organisée autour de la terrible réalité des faits.

Evelyne, qui avait trente-quatre ans à l'époque de ce rêve, conserve les traces de graves blessures subies dans un accident de voiture lorsqu'elle avait treize ans et dans lequel sa mère et sa sœur, assises à ses côtés, ont trouvé la mort. Dans l'article consacré à l'heure, nous montrons que pour Evelyne, sortie d'un coma de plusieurs jours, le temps s'est arrêté à l'instant de l'accident?. Une part de la jeune fille a continué de participer aux actions quotidiennes mais une autre part d'elle-même s'est figée. Ce deuxième rêve est le lieu d'une authentique réhabilitation du désir de vivre qui se traduira, dans les semaines qui suivront, par des modifications radicales du comportement :

"... Je suis au-dessus de la maison de ma grand-mère à T... C'est fou ! Je vois la pendule comtoise... j'aimerais qu'elle se remette à marcher... la maison est abandonnée, comme morte ! Y a plus de vie !... Justement, cette pendule... ce serait... la promesse de la vie... J'ai envie d'entendre la comtoise, d'entendre le tic-tac, le rythme... je vois le cadran... c'est une grande joie, je sais qu'elle marche... y a rien eu à faire pour ça... qu'à accepter... c'est un cœur vivant... je crois sentir que, derrière la comtoise, il y a le visage de ma mère, caché quelque part, comme ne présence blanche, comme la photo que j'ai... [Ici, Evelyne évoque des souvenirs de l'enfance heureuse]... Je nous revois, à Noël, ma sœur et moi, la dernière année où nous étions tous ensemble, toutes les deux en rouge... et tout se fige, je suis rappelée près du cadran, vers la blancheur du cadran... il semble que c'est là que doit ressusciter la vie... c'est ça qui doit irradier... je suis dedans, maintenant ! C'est vertigineux !... Je suis attirée, transportée, mais j'ai le temps maintenant, pour explorer la vie..."

La vie et la mort, le rythme, le cœur qui bat, le blanc, on peut observer, dans cette séquence, les maillons de la chaîne d'associations dans laquelle s'intègre habituellement le rouge.


Plusieurs scénarios fourniraient des exemples saisissants de statues de marbre blanc, de marbre froid, de marbre dur, qui reprennent vie par l'immersion dans une eau rouge, dans un flot de sang. Le rouge est chaleur, sentiment, animation, accomplissement.

Le rouge - de gueule, pour respecter la terminologie du blason - est effectivement associé, dans l'imaginaire, à la bouche et à la gueule. Beaucoup d'images inattendues surgissent dans les scénarios pour attester cette corrélation :


"... Là, je vois des souffleurs de verre, qui soufflent avec leur bouche... ils sont cramoisis, les jours rouges... comme des bouchers... je vois d'ailleurs un boucher, là, couper une tête... avec son couteau ! A l'inverse, là, je vois un homme de marbre, froid, dur résistant... toute la raideur... il n'y a pas de sang... c'est... c'est comme sans vie, c'est figé ! Pas de vie, pas de mouvement... et je vois un clown aussi, avec une grande bouche rouge, et des poupées, des pierrots... tout ça, c'est des objets sans vie... et là... un bébé qui vagit... qui envoie ses membres dans tous les sens, qui bouge, qui est rouge de rage..."

L'enchaînement automatique des images est manifeste, dans ce court extrait. De la bouche au rouge, du rouge au boucher, du boucher au sang, l'itinéraire onirique est bref !

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Le rouge, dans la dynamique de l'imaginaire, est la couleur du devenir terrestre. En termes de rêve, "voir rouge" c'est accepter l'aventure de la vie, avec ses bonheurs, ses risques, ses acquisitions, ses pertes, ses joies, ses souffrances ! Le rouge dit l'engagement, la chaleur d'être, le feu qui chauffe et consume. Il signe la fin d'une résistance, l'abandon des armures, l'ouverture.

Dans le rêve éveillé libre, les images témoignent constamment de la confrontation des deux courants sur lesquels se fonde la vie : la croissance et le maintien des acquis, l'évolution et la permanence, le devenir et la mémoire, la passion et la raison, le risque et la protection, l'implication et l'isolement, en bref l'ouverture et la fermeture ! Alors le rouge est croissance, évolution, devenir, passion, implication, risque, ouverture. Le blanc se charge des valeurs antagonistes.


Dans de nombreuses situations oniriques, une touche de rouge sera donc interprétée comme un simple indicateur de la dynamique de transformation. Dans ce type de cas, il n'y aura pas lieu de déployer d'effort de traduction.

Lorsqu'il se fait acteur d'un épisode majeur de l'évolution psychique, le rouge est le témoin d'une réhabilitation des pulsions refoulées, de l'acceptation de l'engagement dans l'aventure vitale et même, parfois, d'une véritable résurrection d'une partie de la personnalité.

Le rouge et le jaune

=> voir orange


Le rouge et le noir

Le langage symbolique est composé de mots-images dont chacun, quelle que soit sa tonalité, participe à l'expression de la dynamique évolutive. Nous éprouvons le besoin de réaffirmer cette conviction au terme de l'exploration des rêves dans lesquels le rouge et le noir apparaissent, parce que la lecture de ces scénarios engendre un malaise. autour de ces deux couleurs associées se déploient des images qui diffusent une atmosphère trouble. ces visions s'enveloppent d'une clarté indécise, négative, qui expose le praticien à les recevoir comme autant de mauvais présages. Le drapeau rouge et noir est fait pour flotter au-dessus d'un royaume morbide. Il est l'emblème d'n territoire hanté par la mort de l'âme. Sur cette bannière auraient leur place un squelette blanchi ou un immense ver blanc, un serpent blême.

Au fil des versions qui se succèdent dans les scénarios examinés, on rencontre presque toujours la larve blafarde ou le mille-pattes blanc, le ver blême, le serpent livide. Dans chaque rêve, l'un de ces habitants des régions souterraines se tient prêt à intervenir pour rappeler l'inéluctable destin de la chair, mais aussi le souffle délétère de la névrose. Puisque nous avons suggéré l'image du drapeau, l'évocation de l'emblème nazi s'impose. Cela pour deux raisons. La première c'est que l'étendard rouge, noir et blanc a été adopté par ceux qui avaient choisi la violence, jusqu'à l'horreur, comme instrument de domination. La seconde, c'est que beaucoup de rêves dans lesquels apparaissent le rouge et le noir associés font explicitement référence à cette phase de l'Histoire.

Plusieurs ont été produits par des patients qui avaient eu à subir, personnellement ou à travers leur famille, les persécutions du régime nazi. Le rouge et le noir sont en étroite relation avec la force, la violence, la volonté de puissance. Ces valeurs constituent le pivot autour duquel s'organise la structure des scénarios concernés. L'observation comparée des rêves émis par les hommes et de ceux faits par les femmes apporte sur ce point un éclairage déterminant. Il apparaît très vite que si, pour chacun de ces deux groupes, l'axe est le rapport à la puissance, l'imaginaire se développe, dans l'un et dans l'autre, en sens contraires.

Lorsqu'on a reconnu que de tels scénarios sont le plus souvent imprégnés d'une connotation sexuelle très sensible, il devient rapidement évident que ces patients étaient tous, à ce moment de leur cure, frappés d'impuissance. L'impuissance, sexuelle ou psychologique - mais l'une n'entraîne-t-elle pas l'autre ? - est à prendre ici dans son sens fort d'inverse de la puissance. Faut-il se laisser conduire par le jeu des mots ? Inverse suggère inversion. Or plusieurs des hommes dont les rêves figurent dans le groupe étudié reconnaissaient leurs dispositions, voire leurs pratiques, homosexuelles. Leurs images traduisent aussi des fantasmes de castration. A l'opposé, le groupe des patientes est constitué par des femmes dont la volonté de puissance était particulièrement forte et clairement animée par un réflexe de revendication virile.

A suivre la bannière rouge et noir, au son d'un roulement de tambour, enivrée par la vue du sang coulant des blessures, une psychologie féminine ne prend pas forcément la route de l'enfer. Le rôle positif des images dans la prise de conscience est toujours présent.

La cure de Suzanne est probablement celle dans laquelle le rouge et le noir apparaissent dans le plus grand nombre de séances. Des scènes d'une rare intensité peuvent donner l'impression d'une aspiration effrénée à la domination brutale. En fait, cette cure est un modèle d'évolution d'un conflit aigu entre une nature violente et le rejet conscient de la violence provoqué par les persécutions subies par Suzanne et sa famille. Par la condamnation, bien naturelle, de la violence extérieure, Suzanne condamne inconsciemment sa propre nature. Elle s'interdit d'être ce qu'elle est aussi. Son appétit de puissances intoléré se libère dans des visions effrayantes dont le rôle est d'imposer la reconnaissance des pulsions de violence. Les images de Suzanne sont à la fois exutoire, aveu et révélation.

Le rouge et le noir vont se manifester d'une manière originale et cette fois sous une forme adoucie, dans le septième scénario de cette cure. Le rêve commence à l'entrée d'un immeuble de caractère administratif. Suzanne vient y accomplir une démarche difficile qui consiste à obtenir un "extrait de naissance". Pour atteindre le quinzième étage, où cela sera possible, elle devra surmonter un grand nombre d'épreuves et de procédures tatillonnes. Le hall d'entrée est d'ailleurs garni de tableaux sur lesquels sont précisés de nombreux avertissements et interdictions. LA rêveuse, après un parcours épuisant, parvient à un premier palier. Un étrange dialogue s'instaure alors avec un fonctionnaire intraitable qui veille sure ce premier seuil. "Pour passer du premier au second étage, il est interdit de porter du noir et du rouge ! Vous auriez dû le savoir, madame ! Allez vous changer et vous pourrez revenir..."


Pour atteindre ce premier palier, Suzanne avait dû gravir une quantité insensée de marches : "... en plus, les marches ne sont pas égales ! Tantôt elles sont trop hautes, tantôt elles sont trop basses... et c'est très désagréable ! Impossible d'acquérir un rythme, de monter mécaniquement quand vous avez pis un rythme, vous êtes obligé de le casser et c'est bien plus fatigant..." Nous reproduisons ces phrases parce que dans la marge du compte-rendu de séance, écrit voici plus de dix ans, nous avions noté que dans l'œuvre de Franck Herbert, Dune, c'est la manifestation d'un rythme qui attire le ver géant, le ver blanc des sables. Nous ignorions alors à quel point cette note était judicieuse s'agissant d'une séquence placée sous le signe du rouge et du noir. Commencé dans l'intention d'obtenir un "extrait de naissance", le long scénario s'achèvera par une scène impressionnante de revécu de la naissance ! Ce rêve constitue une démonstration convaincante de la logique inconsciente sur laquelle repose le déploiement de l'imaginaire mais, surtout, il place le symbolisme du rouge et du noir associés en rapport avec son environnement naturel : le ventre maternel.

En établissant solidement cette relation entre les images, nous montrerons du même trait sur quelle base est fondée l'association entre les deux couleurs et le rythme et le non-rythme. Deux courts extraits de rêves produits par Jean et Olivier vont illustrer le lien entre la terre-matière, le ventre maternel, le rouge et le noir et le serpent blême. Jean : "La terre s'est colorée en rouge sombre et en noir.... ça a quelque chose de puissant... j'ai l'idée d'entrailles.. c'est mou maintenant, comme pourraient l'être les entrailles d'une personne, qui se soulèvent sous l'effet d'une respiration... je suis dedans... ni debout, ni couché..." Olivier : "... je vois un sapin qui se balance sur fond de lune, avec un balancement régulier, rythmé, comme le balancier d'une pendule. Les racines du sapin sont très très puissantes, comme plantées pour l'éternité dans une terre très fertile... Je vois la terre se mettre en mouvement... les racines sont intactes... la terre est noire... impression de voir comme un serpent souterrain... ou un gros asticot... un ver, mais gros ! Et en mouvement de façon très prononcé... et qui zigzague... à la surface, il y a un papillon, un papillon rouge et noir, ce sont des couleurs pâles..."

Le terme "zigzag" revient souvent dans les scénarios pris en référence. Le zigzag, c'est aussi la ligne brisée, le rythme cassé. Toutes ces images renvoient aux notions de temps absolu, éternel, et de temps mesuré, compté. Rythme et non-rythme : les deux premières impressions acquises au sein du ventre maternel. C'est le quatorzième rêve d'Armelle qui manifeste de la façon la plus saisissante l'ampleur tragique du double symbole rouge et noir. Tout le drame de la transmission de l'angoisse d'un peuple persécuté explose dans ces quelques lignes : "je vois un fœtus transparent dans le ventre de sa mère. Il est relié par le cordon, il reçoit toutes les vibrations négatives que sa mère lui envoie... c'est la mienne bien sûr ! C'est une accoutumance... c'est comme si on était obligé de vivre avec son environnement essentiel, son premier environnement... le corps a une accoutumance qu'il ne peut pas oublier... comme si j'avais besoin d'un nettoyage en profondeur, d'un grattage des os... ma mère t moi, fœtus, reliées par le cordon... il faut que je me sépare de ça, mais je ne sais pas comment... là, je vois tout en rouge foncé et en noir... pour moi, ça symbolise la couleur des vibrations morbides qu'elle m'a transmises... j'ai l'impression de les reproduire... il faudrait tout nettoyer... jusqu'au squelette... mais le squelette, c'est aussi la mort... je vois les vers qui grignotent les squelettes.. des tas d'ossements... mon grand-père marchant vers le crématoire et puis mon ami, qui répare les automates..."

Ces phrases résumant un rêve assez long, entrecoupé de crises de sanglots, amalgament le rouge et le noir, la mort, le ver, le squelette, le ventre maternel et la transmission des vibrations morbides. Elles sont le cri déchirant d'une psychologie qui aspire à se libérer d'une lourde empreinte. Mais elles sont aussi la plainte d'une âme saisie par l'angoisse de reproduire les vibrations mortelles enregistrées de façon peut-être indélébile. Hasard, conséquence ou prémonition, le compagnon choisis, réparateur d'automates, disparaissait quelques semaines plus tard dans un accident de motocyclette. Par quelque chemin que l'on prenne, le rouge et le noir associés dans le rêve conduisent immanquablement aux mêmes images et aux mêmes associations !

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Ces deux couleurs se rapportent à des états psychologiques qui prennent leurs racines au plus profond des souvenirs de la chair : dans les ressentis négatifs enregistrés lors du séjour intra-utérin.

Le praticien recevra des images brouillées par les déviations ultérieures de la relation aux parents et ce sera sa tâche - difficile - que de démêler ce qui ressort des impressions premières et ce qui renvoie à des expériences postérieures à la naissance. Le rapport au rythme et au temps absolu appellera une attention toute particulière. Il témoigne d'altérations névrotiques du rapport à la vie et à la mort ainsi qu'à la sexualité. Les patients concernés sont exposés à de grandes difficultés dans leur relation à un partenaire féminin. D'où le risque important de transfert de la libido vers les aspirations homosexuelles. Les attentes masquent souvent, par une voix enfantine, leur appétit de puissance, leurs pulsions de violence et leur revendication inconsciente du pénis.

Le gros ver blanc, le serpent blafard, habituels partenaires du rouge et du noir, viendront confirmer le caractère névrotique prononcé des images qui se déploient dans ces rêves.


Le rouge et l'or

Le rouge et l'or associés dans le rêve composent un tableau de gloire. La psyché qui produit des images dominées par ces deux couleurs vit une phase intense de son évolution. Une phase intense, marquée de scènes souvent saisissantes mais dont le sens ne se laisse pas pénétrer aisément. L'onirisme fait appel à des images très variées pour rassembler le rouge et l'or dans une même vision. Cependant c'est le rideau de théâtre ou de cinéma, les lourdes tentures rouges frangées d'or, la cordelière dorée mêlée de fils rouges, qui apparaissent avec la plus grande fréquence. Les beaux livres à couverture rouge frappée d'arabesques d'or qui étaient autrefois la récompense des meilleurs élèves, le jour de la distribution des prix, sont aussi souvent évoqués. Théâtre et remise des prix ont en commun de dépendre 'un public et de prétendre aux applaudissements. Il semble que de telles images n'expriment pas l'humilité.

De quelle gloire l'imaginaire dit-il l'aspiration lorsqu'il met en scène le rouge et l'or ? Le lourd décorum aux relents nostalgiques du théâtre rêvé promet-il les pompes de la terre ou la gloire de l'esprit ? La sensation qui domine à la lecture des rêves concernés est une impression de ferveur à la fois pesante et légère comme une fête de l'âme !

Il apparaît aussi très vite que les personnes dont les rêves s'ornent des deux couleurs sont toutes de nature riche, ardente et comme tentées par le double appel de la puissance temporelle et d'une ambition spirituelle qui touche au mystique. Pompe impériale ou pompe religieuse ? On pourrait se demander si le goût du rite, que ce dernier soit civil ou sacré, ne l'emporte pas, ici, sur l'essentiel. Le rouge et l'or seraient alors le signe d'une exaltation de l'apparence, un indice conduisant au soupçon de mégalomanie.

Pourtant l'analyse des rêves pris en référence témoigne dune autre dimension. Non seulement les deux couleurs associées expriment une activation puissante de la dynamique d'évolution mais il est facile de repérer, dans ces séances, les marques d'une authentique résurrection de l'être. Le rouge et l'or sont les actifs fossoyeurs d'un passé douloureux et de solennels passeurs conduisant à un devenir de liberté.

Dans le rêve, il n'est pas rare que le rideau pourpre et or se lève sur un cercueil exposé en pleine lumière. Il s'agit toujours du premier acte d'une tragédie à laquelle le rêveur assumera un deuil non réalisé ou se libérera d'une souffrance jusqu'alors non dite. Dans la gloire rouge et or du théâtre rêvé, c'est toujours une part douloureuse du passé dont le patient s'allège. Cela concerne assez souvent la disparition d'un proche mais peut aussi se rapporter à de cruelles expériences relationnelles, à de longues périodes de malaise psychologique, à toutes sortes d’inconforts qui pesaient sur le comportement du rêveur.

Avant d'illustrer ces observations par deux séquences de rêve éveillé, nous souhaitons insister sur l’ambiguïté qui mêle le rouge et l'or aux valeurs du ciel et à celles de la terre. C'est un rêve nocturne, qui, par exception, apportera sur ce point une première démonstration convaincante. Alain a vingt-cinq ans. Depuis l'adolescence, en dépit d'une intelligence remarquable, il n'a connu qu'échecs répétés, angoisse et désarroi dont l'origine était la situation familiale et des troubles de nature œdipienne. Depuis trois ans, à travers une cure par le rêve éveillé, il a retrouvé, avec l'équilibre, la capacité de concentration. Il a décidé de reprendre des études d'un niveau élevé qu'il achève, en marge de son activité professionnelle. Il vient d'apprendre que le résultat du dernier examen auquel il s'est soumis est positif. La nuit suivante, il rêve qu'il se trouve dans l'immeuble abritant l'entreprise dans laquelle il occupe une fonction des pus subalternes. Il est appelé au cinquième étage où, dans la réalité, sont situés les bureaux de la Direction générale. En sortant de l'ascenseur, une surprise l'attend : l'étage tout entier est transformé en une immense salle dans laquelle on accède par une lourde portière de drap rouge frangé d'or. La salle, absolument vitrée, très claire, est entièrement tapissée de tentures rouge et or. Au centre, le pape Pie XII, debout, vêtu de blanc, attend , dans une attitude d'accueil très solennelle. Une ferveur profonde submerge Alain, alourdissant chacun de ses gestes mas le contraignant à s'approcher du pape devant lequel il s'agenouille. Pie XII alors fait les gestes de la bénédiction et invite le rêveur à se relever. Alain dira qu'il a ressenti à ce moment le sentiment d'être admis parmi les élus, "quelque chose qui ressemblait à la cérémonie d'adoubement d'un chevalier".

Trois raisons nous ont décidé à rapporter ce rêve nocturne. La première est qu'il expose parfaitement l'ambivalence des ambitions terrestre et spirituelle. Ce pape, dont Alain dira qu'il est le "dernier à porter l'image de la puissance temporelle de l'Eglise", qui reçoit le patient à l'étage de la Direction générale de la société, est par lui-même représentatif de la dualité des élans dominateurs et religieux. Une bénédiction qui s'apparente à l'adoubement confirme cette orientation. La seconde raison du choix de ce rêve est qu'il associe le blanc de la robe pontificale aux couleurs rouge et or et qu'il s'agit d'une association fréquente dans le rêve éveillé. Enfin, Alain s'agenouille devant le pape, ce qui paraît très naturel mais qui rejoint également une corrélation forte : l'évocation des genoux. Et pas seulement dans une scène de recueillement religieux comme vont le montrer quelques extraits du dix-neuvième rêve de François. Cette séance met aussi en évidence la fonction du rouge et de l'or dans la dynamique de résurrection :

".... C'est bizarre, l'homme se met à danser, très très vite, sur une musique russe... maintenant, il est habillé en moujik, avec une chemise blanche, une veste rouge à torsades dorées... ils sont plusieurs, maintenant, à danser en pliant les genoux... il neige... il fait très froid... Je suis monté sur un traîneau tiré par des rennes... Je suis arrivé devant un château de glace, transparent... il n'y a aucune ouverture pour pénétrer dans ce château. Mais je sais qu'il faut que j'y aille... Je parviens, avec beaucoup de difficultés, à escalader une paroi. Ah ! J'ai glissé sur la pente du toit et je me suis fracassé dans la cour, sur la glace... mon sang, qui est très chaud, commence à faire fondre la cour... et tout le château dont les murs ont été éclaboussés de zébrures rouges. Les filets de sang découpent les murs comme un fil à couper le beurre... tout fond... l'eau envahit la cour intérieure. Il y avait là des cadavres congelés, qui se réunissent au milieu de la cour... tout à coup, une femme est apparue... elle a des cheveux très longs... Je ne sais pas d'où elle vient... elle porte une robe blanche... elle s'avance près des cadavres... elle passe la main sur le front de l'un d'eux pour essayer de lui redonner vie. Elle s'allonge sur lui, l'embrasse, pour lui communiquer sa vie et sa chaleur... il a ouvert les yeux... il s'est redressé, assis... il était allongé sur une planche avec quatre poignées... autour de nous, les murs ont fondu. A perte de vue, c'est une plaine de neige et de glace... et... le paysage s'ouvre comme une fermeture Éclair, comme un vêtement que l(on enlève et cela fait place à des champs de blé mûr, des chemins, des forêts... alors il se met à courir et va s'allonger dans un champ de blé, dans une explosion de joie intérieure.... il a retrouvé la vie !"

Le personnage qui danse en pliant les genoux, vêtu de blanc, de rouge et d'or annonce la résurrection qui va s'opérer dans le château de glace sous l'action des trois couleurs : la robe blanche de la femme-anima, le rouge du sang et l'or des blés... ce rêve est très représentatif de ces situations dans lesquelles le sang et l'or président à une renaissance de la vitalité.

Le vingt-neuvième rêve de Paul, très long, développe des thèmes assez proches. Je n'en rapporte ici que quelques phrases, que l'on retrouve à l'article consacré au marbre : "... Je suis dans un lieu indécis... il n'y a aucun repère... je ne sais plus du tout où je suis... j’aperçois un coffre ancien, très grand, en cuir vert foncé avec une bande rouge et es clous à tête dorée. Ça... ça ressemble à un cercueil... et maintenant, ces gens qui marchent, en parlant... l'idée me vient, c'est "les ancêtres !" Je vois aussi une sorte de nacelle dorée, étrange, compliquée... c'est brillant... c'est de l'or en fait, de l'or sur fond rouge... ça prend la forme d'un visage... mais pas vivant ! C'est une image à la fois d'orgueil et de déification... c'est comme une statue, une idole... le même objet prend successivement plusieurs apparences... ça fait relique ! Dans une sorte de monument en marbre rose... ça fait reliquaire païen... qu'est-ce qui va se passer .... J'ai envie de le casser, de le briser... je le vois en morceaux, maintenant, détruit, et... il y a une silhouette d'homme âgé maintenant, ça me donne une émotion... j'ai envie de pleurer... ça quelque chose de pathétique... il s'éloigne, il s'éloigne... il s'en va... solitaire... conformément à son destin... dans la solitude de la mort... avec, aussi, une certaine grandeur... j'ai les larmes aux yeux (il pleure très fort)... cet homme, c'est sans doute mon père... la vision s'éloigne, vers le ciel... ça me laisse des larmes mais un certain apaisement... c'est la vie, qui toujours se transforme..."

Ces rêves où le rouge et l'or composent l'ambiance de pompe... funèbre sont nombreux. L'expression de Paul parlant d'un reliquaire païen est une clef d'accès au sens du couple de couleurs. Non seulement elle porte la double charge d'une ferveur pieuse et d'une consécration idolâtre, mais elle désigne clairement le traumatisme psychologique qui résulte d'un deuil non réalisé, d'un chagrin conservé, figé, statufié, d'une pompe qui prétend entretenir le souvenir et qui gèle la vie.

*

Le rouge et l'or interviennent dans le rêve lorsque cette vie est prête à retrouver ses droits, sa force, au prix, non d'un oubli mais d'une acceptation. Avec ces couleurs, le passé est rendu à lui-même. C'est seulement alors qu'il se décompose naturellement et que la douleur devient fertile, que les égarements se font expérience, que le devenir devient lumière.

Dans les cas de François et de Paul, comme dans bien d'autres cas, le rouge et l'or glorifient l'acceptation d'un deuil replacé dans la dimension apaisante de la vie totale. Dans celui d'Alain, c'est une longue errance d'attitude dont ces couleurs annoncent la fin.

Devant la gloire du rouge et de l'or, le praticien sera bien avisé de se référer à ces deux axes d'interprétation. Ils rendront compte de la plupart des situations oniriques dans lesquelles apparaissent ces couleurs. Mais il devra se souvenir aussi que celles-là sont de faux compères. Leur alliance masque le conflit qui les oppose. Elles expriment en dernière analyse un combat intime entre un désir narcissique du patient de préserver ce qu'l a été ou ce qu'il a ressentir et l'appel impérieux d'une implication vitale qui exige le sacrifice permanent de l'être que l'on était au bénéfice de l'être que l'on devient.

C'est le rouge contre l'or, le sang contre l'idole, l'amour de la vie contre le veau d'or. Le triomphe de la ferveur.


Le rouge et le vert

La nature est généreuse, qui propose tant de composition dans lesquelles sont associés, avec force et simplicité, le rouge et le vert. La fleur rouge couronnant un feuillage vert, le carmin des cerises sur lit de feuilles, les baies écarlates des rameux de houx de lointains noëls, sont parmi les images les plus immédiatement disponibles. Ce serait porter un jugement désobligeant pour l'inconscient que de supposer que ce dernier ne recourt qu'à ces références faciles. Celles-là seraient moins du tiers des associations oniriques du rouge et du vert.

Ces deux couleurs, lorsqu'elles apparaissent ensemble, manifestent une animation psychique intense. Il serait même plus juste de dire qu'elles sont l'indice d'une réanimation de la psyché. Le rouge et le blanc, associés dans un rêve, sont à lire comme la manifestation d'opposés. Le rouge et le vert ne s'opposent pas, ils s'additionnent ! Ils conjuguent leurs vocations à porter la vie.

Il est rare que ce couple de couleur intervienne de façon massive dans un scénario, mais son apparition répétitive dans le même rêve est assez fréquente. Souvent, une image assemblant le rouge et le vert, en début de séance, annonce la découverte du trésor de pierres précieuses, dont les dominantes sont le rubis et l'émeraude. Aux couleurs du trésor intérieur, au couleurs de la vie, aux couleurs de la résurrection, tel est le drapeau rouge et vert qui claque au vent de la renaissance. Le rouge, c'est le flux du sang propulsant la vie. Du sang qui coule dans les veines aux images d sang versé, c'est toujours la pulsion de vie, l'acceptation de l'implication vitale, qui sont portées par ce rouge-là.

Le rêve n'exige pas de valeurs objectives. Pour un rêveur engagé dans l'aventure de l'imaginaire, le réseau diffusant la sève dans le végétal et le réseau sanguin se confondent,. Un flux de sève, aliment d'une vie verte, se pare d'une couleur onirique qui n'a pas être justifiée par les faits. Le rêve veut une sève verte, qui soit un agent de croissance. Vert est le feuillage, verte sera la sève imaginée !

Un sang noir est un sang usé, chargé d'impuretés résiduelles, un sang qui ne promet pas. Aux échéances de la vie, l'espérance se paie en devises rouges et vertes. L'étude des corrélations observées autour de ce couple de couleurs met en évidence son opposé fondamental : la rigidité, le gel des comportements. La statue, les rouages, les engrenages, le rythme, l'horloge, une ou plusieurs de ces images exprimant la fixité ou l'action mécanique, programmée, stéréotypée, sont présentes dans la presque totalité des rêves, à proximité du double symbole.


Aucun scénario, peut-être, ne rendrait avec plus de clarté que le vingt-troisième rêve d'Armelle ce qu'une psychologie avide de se libérer des empreintes parentales peut obtenir d'une image rouge et vert. L'originalité de la composition et la clarté du discours assurent de la bonne orientation de la traduction :

"... Je vois une série d'objets... un moulin à café ancien avec ses engrenages... un presse-citron... l'expression "presser le citron" !... Là, un arbre qu'on aurait vidé de sa sève... idée de dessèchement, comme quelqu'un qui donnerait, donnerait, donnerait, sans jamais s'alimenter, se régénérer ! Ma grand-mère et ma mère ! Ma mère a tout pris en bloc ce que ma grand-mère lui faisait avaler... elle nous a tout transmis, tel quel, sans l'avoir digéré... il faudrait se purger de tout ce qu'elle nous a fait gober, ramoner l'intérieur, nettoyer, vidanger... mettre de l'huile pour qu'il n'y ait plus de grincements, que les engrenages s'emboîtent bien... je pense à tous ces bourrages de crâne... on peut pas éviter d'entendre ce qui est dit... et tout est stocké... c'est comme ces éviers bouchés.... les eaux qui stagnent... ça fait penser à la constipation, à tout ce qui reste bloqué et ne s'évacue pas... les informations envoyées par la grand-mère, la mère... qui pénètrent dans le corps, comme des petits pointillés... certains sont stockés... d'autres traversent... j'en vois des noirs, qui s'incrustent, qui sont lourds, gras et pesants et je vois un corps qui s'affaisse, dont la sève est pompée et qui meurt... d'autres sont vert et rouge et circulent rapidement et qui, au contraire, sont de l'énergie, qui donnent l'électricité, comme des petits moteurs... c'est aussi ce qui est du domaine de la sensibilité... eux sortent par tous les pores de la peau... les noirs, c'est ce qui encrasse... encore une image... il faut que ça dégueule de tout ce noir, de toute cette saleté, ça sort, ça sort et ça sort, c'est noir, grisâtre... y a débordement de toute cette cochonnerie... ça a besoin d'être vidé pour faire place à quelque chose de plus léger... là, je vois ces couleurs : vert et rouge... quelque chose de fluide, qui circule librement... vert et rouge... les couleurs de la vivacité... du sang neuf qui se renouvelle, qui circule, c'est la régénérescence !... "

Il serait difficile d'exprimer avec plus de réalisme la misère névrotique engendrée par les indigestions de l'âme et la vertu libératrice de la dynamique du rêve. Mais aussi, quelle démonstration de la force vitale contenue dans ces pointillés verts et rouges ! Ils sont à la fois la sève et le sang, ils additionnent les forces premières du végétal et la puissance évolutive de la vie animale. A la fin du scénario, Armelle pose ses pieds nus sur la terre et les compare à des racines qui nourrissent "un mouvement ascendant". De la terre au ciel, de la sève au sang, de l'instinct à l'esprit, le rouge et le vert ont accompli leur fonction régénératrice. La résurrection par le rouge et le vert. Marie-Jeanne va l'illustrer par des images inspirées de l’Évangile. Moins inattendues sans doute, elles n'en contribuent pas moins à établir l'interprétation du double symbole :

"Je vois la tête d'un coq, avec sa crête rouge et le plumage vert... il est dressé sur un tas de fumier... c'est un paysage de Normandie, quand j'étais enfant... le ciel est bleu, très dégagé... il y des vaches blanc et noir... [...] Et maintenant, c'est un paysage égyptien, le Nil... et puis je vois le Christ, tout en blanc, multipliant les pains... le lac de Tibériade et... saint Pierre, sous l'eau, avec un turban rouge et vert... il est au fond de l'eau et regarde le Christ qui va réapparaître sur l'eau... de l'autre côté du lac, je vois surgir des gerbes de blé, en cônes et je pense "Résurrection" ! La veuve de l’Évangile, tout en noir et le cortège funèbre et les gens qui vont sourire car son mari, va être ressuscité... [..] Là, j'ai vu une maison aux tuiles rouges et, je ne sais pas pourquoi, ç'a fait revenir une vision d'un rêve précédent : je sortais des égouts avec, sur moi, plein d'algues vertes..."

Le rêve de Marie-Jeanne est très long. Les trois phrases dans lesquelles sont citées les deux couleurs se répartissent curieusement. Le scénario commence par la vision du coq vert à crête rouge. Les algues vertes sont les derniers mots du rêve. Le turban rouge et vert de saint Pierre et l'idée de résurrection sont exprimés exactement au milieu de la séance. Il s'agit là d'un phénomène que nous avons formulé par la règle 2 de la grammaire des symboles : "Plus deux images possédant des potentialités symboliques semblables sont éloignées l'ne de l'autre dans le rêve, plus elles ont vocation à représenter un axe majeur de l'interprétation." Le coq annonçant l'éveil, la résurrection du Christ et la sortie des égouts sont trois représentations différentes de la renaissance. Le rouge et le vert associés se trouvent par là confirmés comme indices d'animation psychique.


Comme les lutins souvent costumés de vert et coiffés de rouge, il semble que le double symbole se tienne à la limite entre la mort et le vie, l'obscur et le lumineux, le funèbre et la résurrection, le mécanique et la flexibilité. Philippe voit une pomme rouge à queue verte dans un réfectoire digne des Temps modernes : une machine aux rouages compliqués, fonctionnant comme une immense horloge, alimente des ouvriers qui "déjeunent à la chaîne" ! Anne, dans son quinzième rêve, évolue de la féerie au lugubre, du funèbre à la résurrection par la sève :

"... J'entends une musique féerique et je vois de l'or, de l'or incrusté de pierres précieuses rouges et vertes, tout est ciselé... c'est une espèce de palais arabe, magique... [...] Un immense livre en bois est tombé du ciel... ce sont des pages très lourdes... c'est le grand livre de la vie... les pages tournent, lentement, inexorablement... le passé est écrasé... moi,je veux voir ce qu'il y a dans les pages qui restent... je suis avide de voir mais je ne peux pas voir ce qu'il y a dans les pages qui restent... je suis avide de voir mais je ne peux pas voir car il faudrait que je me détende... je ne peux pas... je suis enfermée dans une très grande douleur... une envie de crier... je vois une grande procession avec des lamentations... on enterre des lépreux... la mort a fait son œuvre... c'est au Moyen Âge... un cortège de cagoules noires qui chante des trucs lugubres, qui marche lentement... il faut que je regarde ça en face !... Des corps qui vont se décomposer dans la terre, complètement. Il faut que j'aille voir ça, accepter, descendre dans le trou... et maintenant je vois une terre épaisse, humide, féconde... grouillante d'activité souterraine... du coup, c'est moins triste... tout est récupéré, ce n'est plus macabre... et je ois une pousse verte en train de grandir... ce sera une très belle plante, peut-être pas vraiment magique, mais tellement chargée de sens ! Elle sait le mystère de ce qui est sous la terre !... "

Le Christ, Osiris, Vishnu, Perséphone sont parmi les grandes figures symboliques qui connaissent le secret de la mort et de la régénérescence. Tous ont une relation à la couleur verte.

Il ne convient pas de développer das cet article ce qui se rapporte isolément au rouge ou au vert. Il est par contre intéressant de rappeler que l'inconscient contemporain n'a pas l'exclusivité de leur association. Bien des références mythologiques attesteraient de la tendance à les superposer, voire à les confondre. Qu'il suffise d'observer que le mot latin sinopis désignait, à l'origine, l'une et l'autre couleurs !

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A l"heure de l'interprétation, on se souviendra que le rouge et le vert associés dans une même image ou dan la même phrase sont l'un des indices les plus probants d'une dynamique de régénération. Il peut paraître trop facile de souligner que ce dernier mot est construit à partir du terme génération. La remarque est cependant justifiée par le fait que, dans les deux tiers des scénarios étudiés, la dynamique de régénérescence s'applique à la dissolution des ressenti négatifs du rêveur concernant la relation à ses ascendants.

Gisèle faisait appel au flux des pointillés rouges et verts pour renouveler sève et sang pollués par les apports névrotiques de sa mère et de sa grand-mère. Comme elle, la plupart des patients qui ont produit ces rêves vivaient, à l'époque de leur cure, une relation conflictuelle aux images parentales et même ancestrales. C'est peut-être là que se réalise la jonction symbolique entre sève et sang ! Rêveurs et rêveuses, à travers des images réunissant le rouge te le vert, expriment le plus souvent leur besoin de se reconstituer des racines généalogiques satisfaisantes. Comment cela ne se confondrait-il pas avec ce qu'il est convenu d'appeler les liens du sang ? La psychanalyse s'est investie judicieusement dans l'élucidation des rapports de ses patients au père et à la mère. Elle n'a sans doute pas accordé à la relation à la constellation ancestrale toute l'attention que celle-là mérite. Le rameau vert de la régénération pote en lui l'ineffaçable empreinte du sang originel.

Le praticien qui reçoit des images rouges et vertes saura qu'elles sont porteuses d'une dynamique d'évolution qui peut renvoyer à des aspects très variés de la problématique. Il tirera presque toujours satisfaction d'avoir tenté de définir le type de regard que son patient porte sur les ramures de son arbre généalogique."

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Mythes et légendes :


Emma Jung et Marie-Louise von Franz, dans leur ouvrage intitulé La Légende du Graal (1960, traduction française Albin Michel 1988 ; La Fontaine de Siloé, 2018) nous rappellent que :


"la figure du Chevalier Rouge conduira finalement Perceval dans les sombres abîmes du problème du mal. Pour le moment, cependant, nous le considérerons comme l'ombre personnelle de Perceval, à savoir une part d'émotivité et de brutalité barbare qu'il doit surmonter avant de devenir un chevalier chrétien.

Il existe dans de nombreux contes populaires nordiques, toujours vivants, un personnage dénommé le Chevalier Rouge qui joue, face au héros, le rôle du diffamateur jaloux. Dans l'ancienne Irlande, les fées de l'Autre Monde envoyaient, de temps en temps, des guerriers rouges (les Siths) combattre les héros de ce monde ; c'est pourquoi il est possible de mettre le Chevalier Rouge en relation avec l'Autre Monde. Il diffame le héros auprès du roi et tente de provoquer sa mort, mais on action conduit généralement au résultat inverse et favorise la réussite du héros. Le chevalier joue donc le rôle d'ne composante d'ombre dangereuse. La mythologie associe souvent la couleur rouge, d'une part, au sang, au feu, à l'amour et à la vie, et , d'autre part, à la guerre et à la mort. Cette double signification montre que la figure d'ombre n'est pas seulement destructrice, mais également capable de promouvoir les forces de vie si elle est intégrée par le conscient. Dans le langage symbolique des alchimistes, un "homme rouge" apparaît comme la personnification de la prima materia à partir de laquelle se construit la Pierre des Philosophes. Il est recommandé de le traiter avec douceur et de ne pas le craindre, car l est secourable malgré son apparence terrifiante. Voilà pourquoi le Chevalier Rouge est dans une certaine mesure, une expression de la future totalité intérieure de Perceval."

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Littérature :


III. CAMAIEU ROUGE


La chambre était tendue de satin rose broché de ramages cramoisis, les rideaux tombaient amplement des fenêtres, cassant sur un tapis à fleurs de pourpre leurs grands plis de velours grenat. Aux murs étaient appendus des sanguines de Boucher et des plats ronds en cuivre fleuronnés et niellés par un artiste de la Renaissance.

Le divan, les fauteuils, les chaises, étaient couverts d’étoffe pareille aux tentures, avec crépines incarnates, et sur la cheminée que surmontait une glace sans tain, découvrant un ciel d’automne tout empourpré par un soleil couchant et des forêts aux feuillages lie de vin, s’épanouissait, dans une vaste jardinière, un énorme bouquet d’azaléas carminées, de sauges, de digitales et d’amarantes.

La toute-puissante déesse était enfouie dans les coussins du divan, frottant ses tresses rousses sur le satin cerise, déployant ses jupes roses, faisant tournoyer au bout de son pied sa mignonne mule de maroquin. Elle soupira mignardement, se leva, étira ses bras, fit craquer ses jointures, saisit une bouteille a large ventre et se versa, dans un petit verre effilé de patte et tourné en vrille, un filet de porto mordoré.

A ce moment, le soleil inonda le boudoir de ses fleurs rouges, piqua de scintillantes bluettes les spirales du verre, fit étinceler, comme des topazes brûlées, l’ambrosiaque liqueur et, brisant ses rayons contre le cuivre des plats, y alluma de fulgurants incendies. Ce fut un rutilant fouillis de flammes sur lequel se découpa la figure de la buveuse, semblable à ces vierges du Cimabué et de l’Angelico, dont les têtes sont ceintes de nimbes d’or.

Cette fanfare de rouge m’étourdissait ; cette gamme d’une intensité furieuse, d’une violence inouïe, m’aveuglait ; je fermai les yeux et, quand je les rouvris, la teinte éblouissante s’était évanouie, le soleil s’était couché !

Depuis ce temps, le boudoir rouge et la buveuse ont disparu ; le magique flamboiement s’est éteint pour moi.

L’été, cependant, alors que la nostalgie du rouge m’oppresse plus lourdement, je lève la tête vers le soleil, et là, sous ses cuisantes piqûres, impassible, les yeux obstinément fermés, j’entrevois, sous le voile de mes paupières, une vapeur rouge ; je rappelle mes souvenirs et je revois, pour une minute, pour une seconde, l’inquiétante fascination, l’inoubliable enchantement.


Joris Karl Huysmans, "Camaïeu rouge" in Le Drageoir à épices (1874).

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