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L'Iris

Dernière mise à jour : 6 juin



Étymologie :


  • IRIS, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1re moitié du xiie s. « variété de quartz qui présente les couleurs de l'arc-en-ciel » (Lapidaires anglo-norm., éd. P. Studer et J. Evans, I, 830, p. 62) ; 2. xiiie s. [date du ms.] bot. (Livre des simples medecines, éd. P. Dorveaux, § 561) ; 3. 1478 anat. (Le Guidon en français, trad. par N. Panis, f. 18 ds Sigurs, p. 278) ; 4. 1478 « arc-en-ciel » (ibid., p. 567). Empr., aux sens 1, 2, 4, au lat. iris, iridis (lui-même empr. au gr. ι ̃ ρ ι ς « arc-en-ciel, halo, iris [plante], partie colorée de l'œil »), au sens 3 au gr. directement (cf. la var. yride attestée vers 1370 ds Chauliac, Grande Chirurgie, v. Fr. mod. t. 33, p. 209).


Vous pouvez également lire la définition du nom iris afin d'amorcer l'interprétation symbolique.


Autres noms :

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Botanique :


Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa propre vision des plantes :


C'est à la brillante coloration de leurs fleurs que ces plantes doivent d'avoir été décorées du beau nom de la déesse dont l'écharpe aux sept couleurs, pour parler le langage mythologique, est connue de nos jours sous le nom moins poétique d'arc-en-ciel.

Il faut avouer que les Iris méritent les plus flatteuses appellations. Non seulement leurs fleurs sont éclatantes, mais tout en elles est de forme élégante et fine : leur tige est gracieusement contournée, leurs feuilles sont allongées et tranchantes, tantôt triangulaires comme l'épée, tantôt plates comme le glaive, - gladiolus en latin, d'où le nom du Glaïeul, l'une des plus belles Iridées. Quant à la fleur, il n'est rien de plus admirable : vives couleurs, inflexions gracieuses des pétales, richesse inouïe de la corolle, dont trois divisions sont convergentes, tandis que trois autres se réfléchissent au dehors, et que, pour comble d'opulence, les trois styles s'élargissent en ailes et se terminent par trois rubans pétaloïdes qui recouvrent les étamines comme d'une tente splendide. Des spathes membraneuses enfin, qui semblent formées par des feuilles avortées, environnent les fleurs d'une sorte de gracieuse collerette.

Il serait difficile , on le voit, d'imaginer un ensemble plus luxueux que l'appareil floral des Iridées ; si l'on ajoute à cela que ces ravissantes fleurs, dans certaines espèces, semblent choisir coquettement les situations les mieux faites pour les rendre plus séduisantes encore, telles que de belles ruines ou de pittoresques cimes de rochers, on comprendra l'enthousiasme qui les a fait nommer par certains botanistes le « diadème des vieilles murailles ».

A ce dernier mot, cher lecteur, vous avez sans doute reconnu le bel Iris Germanique, dont les grandes fleurs d'un bleu violacé couronnent, en effet, les toits, les rochers et les murs. Les racines de cette espèce, lorsqu'elles sont sèches , exhalent une odeur de violette, comme celles de l'Iris de Florence, dont tout le monde connaît le doux parfum. Toutefois il ne faudrait pas se laisser trop séduire par le charme de ces racines parfumées ; elles ont une énergie purgative dont il serait dangereux de ne pas se méfier, et qui agit comme poison dans l'emploi à haute dose.

L'Iris des marais possède des racines extrêmement âcres, mais inodores, d'où s'élèvent de hautes tiges, que terminent d'élégants bouquets de fleurs jaunes mouchetées de noir, en même temps que des gerbes de longues feuilles flexibles, sur lesquelles les Rainettes vertes aiment tant à se balancer et à chanter le soir au clair de lune.

Les Lis, qui ornèrent constamment la bannière des rois de France depuis Louis le Jeune jusqu'à nos jours, n'ont probablement pas été créés pour symboliser les fleurs que nous connaissons sous ce nom ; ils ne leur ressemblent ni par la forme ni par la couleur. D'après l'opinion la plus fondée, les fleurs de lis françaises sont celles de l'Iris des marais, qui, d'un jaune d'or comme elles, se détachent également sur le champ d'azur que leur forment quelquefois les eaux au bord desquelles elles croissent. Cette opinion est d'autant plus probable, que l'Iris des marais portait au moyen âge le nom de Lis, qu'il porte encore dans certaines contrées .

 

Robert Castellana et Sophie Jama, auteurs de "Floriculture et parfumerie : les origines de l’acclimatation végétale sur la cote d’azur." (Issued by The Phoenix Project, 2012) nous apprennent les vertus de différents iris en lien avec la parfumerie :


Il existe de nombreuses espèces d'iris, plusieurs centaines, et des milliers d'hybrides qui présentent une grande variété de couleurs. Trois variétés sont mentionnées historiquement en parfumerie.


*Iris florentina : L'Iris dite de Florence, de couleur blanche, a été introduite de l'Italie pour ses usages en parfumerie, dans la région grassoise et dans d'autres régions françaises. Elle proviendrait de Macédoine et correspondrait à l'iris de l'Antiquité grecque.


*Iris palida : L'Iris palida, de couleur bleue, était elle aussi cultivée à Florence, et l'on pense que c'est cette variété, d'origine.

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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :


Iris : Une royale complexité


Présents dans de nombreux environnements et sous des formes et couleurs variées, les iris sont un peu des stars pour les jardiniers, et offrent de véritables expériences immersives aux polinisateurs. Au cœur du printemps, les iris peuvent se trouver sur les berges, les pieds dans l'eau - où ils servent à retenir la terre -, dans des jardins du monde en entier, voire au faîte de certains toits de chaume qu'ils permettent de stabiliser. L'iris fascine, et ce depuis l'Égypte antique : associé à la divinité Horus, il était cultivé pour ses qualités cosmétiques et le parfum que l'on tirait alors de ses rhizomes (tiges souterraines chargées de réserves qui lui servent à se multiplier). Puis, pour les Romains, il a vite été associé à Iris, la messagère des dieux, qui passait en coup de vent dans le ciel. Les couleurs variées et la brièveté de la vie des fleurs d'iris l'ont vite associé à l'arc-en-ciel. Enfin cette plante aux feuilles en forme de glaive et aux fleurs fières et imposantes a été associée aux grands royaumes européens : adoptée par le Saint Empire germanique, elle est ensuite devenue la « fleur de Louys », alors premier roi de France à porter le nom de Louis. Par dérivation, cette fleur qui figure sur tous les blasons royaux est devenue la bien connue « fleur de Lys ».


Le stratagème : Dans la nature aussi l'iris semble être une fleur royale, et ne se comporte pas comme les fleurs plébéiennes. Son port sous forme de pavillon ou de nacelle peut surprendre, mais c'est une architecture tout à fait adaptée à l'accomplissement d'une pollinisation croisée efficace. Les grosses fleurs sont visibles de loin ; il s'ajoute à cela un parfum subtil qui ne manquera pas de titiller les antennes des insectes de passage, les faisant s'orienter vers la fleur. Ensuite, arrivé devant la fleur en question, comment s'y prendre ? Trois faces identiques : de longs tépales pendants (tépale est le terme consacré pour les sépales et pétales lorsqu'ils ont la même fonction), et d'autres qui se redressent pour former une sorte de boule sur le dessus. Pas de pollen visible. Mais des indications. Chaque tépale inférieur contient des bandes centrales, qui souvent sont hérissées de poils : c'est la barbe. Ce petit tapis bien pratique pour atterrir et s'agripper semble plonger sous le sépale supérieur. Faut-il s'y aventurer ?Est-ce là que se trouve le nectar tant recherché ? Notre bourdon s'y aventure, et effectivement, tout au fond, à la base de la fleur, bien caché à l'intérieur, se situe le fameux nectar. Cependant en avançant vers la glande à nectar, le plafond se fait e plus en plus bas, d'autant que tous ces poils de la barbe forcent notre insecte à se frotter le dos contre la paroi supérieure. Dans un premier temps, une longue bande un peu rigide lui racle le dos, puis passé cette étape, c'est au tour des anthères de venir frapper sa tête et son dos, étalant le pollen de l'iris sur tout l'insecte. Celui-ci n'en a que faire, car le nectar est là, à portée de langue ! Une fois le nectar consommé, le bourdon se retourne, repasse sous les sacs de pollen, puis ressort de l'iris. il s'envole,, finit par trouver un autre iris à visiter. Il s'aventure dans le tunnel, entre la barbe et le tépale supérieur et passe à nouveau sous la bande rigide qui est constituée d'un long stigmate. Le pollen de la première fleur est donc réceptionné par la nouvelle, permettant la fécondation croisée. Le bourdon continue sa route, savoure le nectar, se fait saupoudrer de pollen et ressort. A noter que dans le sens du retour, la bande stigmatique est plus souple et n'est pas réceptive, et, le bourdon ressort aisément, sans être débarrassé du pollen qui va pouvoir être raclé par le stigmate bien caché au fond d'une autre fleur d'iris.

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Vertus médicinales :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


On a moins souvent recours [pour soigner la dysenterie] à nos autres astringents : [...] au rhizôme d'Iris des marais, Iris pseudo-acorus, etc. Celles de ces plantes qui agissent doivent leur action au tannin qu'elles contiennent.

[...]

La pneumonie du bétail est traitée par le lenga boueu, Iris germanica. (L'Iris germanica n'est pas spontané en Savoie ; mais il est fréquemment cultivé auprès des habitations rurales. L'Iris bohemica que nous possédons sur les escarpements rocheux de la montagne de l'Arclusaz n'est pas employé par les paysans).

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de deux iris différents :


IRIS-FLAMBE OU FLAMME - FLAMME.

L'Iris germanique est une plante rustique que les paysans allemands aiment à faire croître sur le sommet de leurs chaumières. Lorsque l'air agite ses belles fleurs, et que le soleil vient à dorer leurs pétales mêlés d'or, de pourpre et d'azur, on dirait que des flammes légères et parfumées glissent sur la crête de ces toits rustiques ; sans doute c'est cette apparence qui a fait donner à cette Iris le nom de Flambe ou Flamme.


IRIS - MESSAGE.

On compte plus de trente espèces d'Iris, tant à bulbes qu'à racines ; leurs couleurs éclatantes et variées, comme celles de l'arc- en-ciel, ont mérité à ces belles fleurs le nom de la messagère des dieux. On sait que la belle Iris n'était jamais porteuse que de bonnes nouvelles.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Iris - Bon message.

Parce qu’Iris, jeune fille du nom de cette plante, était la messagère de Junon. En reconnaissance de ses bons services, Iris fut changée en l’arc céleste, qui annonce la fin des orages.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


IRIS - MESSAGE.

Le messager fidèle est à ceux qui l'envoient comme la fraîcheur de la neige, au jour de la moisson ; il réjouit le cœur de son maitre.

Proverbes. XXV, 113.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


IRIS - BONNE NOUVELLE.

Plante qui croit au bord des ruisseaux, et dans les terrains marécageux : elle aime l'ombre et la solitude.

L'iris demande un abri solitaire ;

L'ombre entretient sa fraîcheur passagère. (PARNY)

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Iris - Bonnes nouvelles.

Iris était fille de Thaumas, fils de la Terre. Son père l'ayant placée auprès de Junon, cette jeune fille devint bientôt la favorite de la déesse à laquelle elle n'apportait jamais que d'heureuses nouvelles. En récompense de ses bons services, elle fut changée en arc-en-ciel et c'est elle qui apparait dans le ciel pour annoncer le beau temps aux hommes.

Et l'élégante Iris, qui retrace à mes yeux

Dans sa variété l'arc humide des cieux.


En effet, la fleur de l'iris est d'une forme gracieuse et présente toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, aussi a-t-elle reçu le nom de la messagère des dieux.

Iris blanc - Ardeur.

Iris bleu - Confiance.


Iris flambé ou d'Allemagne - Flamme.

Quand ce bel iris se trouve sous les rayons du soleil couchant, il ressemble à une flamme éclatante. Les racines de tous les iris, desséchées et pulvérisées, exhalent une odeur plus ou moins prononcée de violette.

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


IRIS BLANC : Ardeur.

— BLEU : Confiance.

— FLAMME : Flamme.

Sur les toits des chaumières, ce bel Iris, agité par l'air et doré par les rayons du soleil, offre l'aspect d'une flamme éclatante.


Parmi les biens perdus dont je soupire encore,

Quel nom portait la fleur... la fleur d'un bleu si beau,

Que je vis poindre au jour, puis frémir, puis éclore-,

Puis que je ne vis plus à la suivante aurore ?

Ne devrait-elle pas renaître à mon tombeau ! Marie DESBORDES-VALMORE

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Jacques Brosse dans La Magie des plantes (Éditions Hachette, 1979) consacre dans sa "Flore magique" un article au Lis dans lequel il parle un peu de l'Iris :


Mais les érudits ont depuis longtemps découvert la préfiguration du lys héraldique dans le sceptre des rois mérovingiens du VIe siècle ; or, la fleur qui se termine est, stylisée, mais reconnaissable, celle d'un iris, celle d'une espèce cette fois vraiment indigène, l'iris jaune ou iris des marais. Une antique légende rapporte que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé où il défit les Wisigoths, se trouva arrêté dans son avance par le cours de la Vienne. Apeurée par le cliquetis des armes, une biche s'enfuit et passa sans difficulté la rivière, à l'endroit baptisé depuis le « Gué de la Biche », non loin de Châtellerault. En cet endroit, poussait en abondance l'iris jaune ; plein de reconnaissance et en gage de succès, Clovis alla cueillir l'une de ces fleurs. Ayant obtenu la victoire, le roi des Francs considéra l'iris comme son emblème, il devint celui de ses successeurs.

Les vieux chroniqueurs précisent que Clovis connaissait les vertus merveilleuses de l'iris. Mais lesquelles ? L'iris n' a guère été utilisé comme remède ; seuls les parfumeurs savent tirer des rhizomes de l'iris de ses espèces, l'iris de Florence, une senteur dite « de violette ». Et l'on imagine mal le fier Sicambre féru de mythologie grecque. Dans celle-ci, l'iris est une plante divine, mieux, une déesse, la messagère des dieux, non seulement entre eux, mais avec les mortels. Lorsque, légère et ailée, elle s'élance, on voit apparaître son voile dans les airs, c'est l'arc-en-ciel, qui se dit iris en grec. Iris, plus particulièrement dévouée à Héra, est en somme le pendant d'Hermès, messager de Zeus ; de même que celui-ci guide les hommes morts dans l'autre monde, ainsi, Iris se charge-t-elle des femmes. En grec, le nom de la messagère céleste et de l'arc-en-ciel s'applique aussi à la fleur, probablement parce que celle-ci semble emprunter au ciel la riche gamme de ses nuances. Comme le remarque le botaniste anglais Peter Coats : « Il existe peu d'iris qui aient une couleur qu'on ne puisse trouver dans le ciel et il y a peu de ciels, qu'ils soient d'un bleu serein, d'un pourpre détonant, d'un rose tendre ou sombre dont on ne retrouverait pas les couleurs sur les pétales de l'iris. »

En grec, comme en français, iris désigne aussi le cercle coloré de l’œil, au centre duquel s'ouvre la pupille. Est-ce seulement parce que la variété de ses coloris peut sembler refléter les teintes du ciel, celles de l'arc-en-ciel ? Probablement pas, car en grec iris désigne aussi le halo que l'on voit autour de la lune, la buée lumineuse qui se dégage du feu, et plus généralement, tout cercle vaporeux et coloré qui entoure un corps lumineux, ce cercle, c'est évidemment l'aura, l'émanation énergétique que certains disent percevoir autour des êtres, le nimbe, l'auréole des personnes divines et des saints.

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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :


"Dans la mythologie grecque, Iris est messagère des dieux, et en particulier de Zeus et d'Héra. Elle est le correspondant féminin d'Hermès. Comme lui, elle est ailée, légère, rapide ; elle porte des brodequins ailés et le caducée ; elle est vêtue d'un voile couleur d'arc-en-ciel et se déployant dans les airs. Elle symbolise l'arc-en-ciel et, de façon plus générale, la liaison entre la Terre et le Ciel, entre les dieux et les hommes. Le fait que la Théogonie d'Hésiode la présente comme la fille de Thaumas (étonnement) et d'Electre (ambre) a incliné certains interprètes à voir en elle le symbole et le véhicule d'un fluide psychique d'origine divine.

L'iris est une fleur du printemps. On lui confère, au Japon, un rôle purificateur et protecteur. Les feuilles d'iris (shôbu) sont placées dans les bains (protection du corps contre les maladies et les esprits pervers) et sur les toits des maisons (protection contre les influences pernicieuses du dehors et contre les incendies). Dans le même dessein, la plante elle-même est parfois cultivée sur la toiture de chaume. Le 5 mai, les Japonais prennent un bain d'iris pour s'assurer toutes ces faveurs pendant l'année."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Iris (Iris florentina ; Iris germanica ; Iris pallida) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Divinités : Héra-Junon ; Iris, déesse de l'arc-en-ciel, messagère et camériste de Zeus et d'Héra.

Pouvoirs : Purification ; Sagesse ; Haute intelligence.


Utilisation rituelle : En Grande-Grèce, on plantait des Iris sur les tombeaux en hommage à la demi-déesse du même nom qui était chargée, entre autres tâches, de couper les cheveux des femmes au moment de leur mort, puis de les guider jusqu'à leur séjour final.


Utilisation magique : Iris portait les messages divins, préparait la couche de Zeus, la toilette et le bain de Héra. Tant qu'elle demeura vierge, tout se passa bien dans l'Olympe ; mais Iris devint la maîtresse de Zéphyre et Héra, furieuse, punit sa camériste en la changeant en arc-en-ciel. Une autre tradition hellénique considérait l'arc-en-ciel comme le chemin suivi par la demi-déesse pour découvrir le secret de l'immortalité. Depuis, les Iris qui poussent au pied des arcs-en-ciel sont traditionnellement chargés de pouvoirs magiques : ce sont des talismans très convoités.

Pour les Romains, les trois « flèches » de la fleur d'Iris symbolisaient la fidélité, la sagesse et la vaillance. Pendant la courte floraison de cette belle plante élancée, vers la mi-mai en climat méditerranéen, de grandes guirlandes d'Iris bleus et blancs ornaient les temples de Junon; lorsque les fleurs étaient fanées, les prêtresses les vendaient à prix d'or au nom de la déesse.

Sextus Tarquin, qui guerroyait au siège d'Ardée,revint à Rome, s'introduisit chez Lucrèce, femme de son cousin, lui demanda l'hospitalité et, la nuit, pénétrant dans son appartement, menaça de la tuer si elle lui résistait et de répandre le bruit qu'il l'avait tuée : parce qu'elle trahissait son mari. Lucrèce céda ; mais faisant, le lendemain, venir son père et son mari, elle leur raconta l'outrage qu'elle avait subi et, se drapant d'une guirlande des Iris de Junon, elle se poignarda sous leurs yeux. Aussitôt, Junius Brutus, secouant cette guirlande ensanglantée, appela le peuple à la révolte. Rome se souleva. Les insurgés prirent comme bannière les Iris de Junon, symbole de pureté et d'héroïsme. La déchéance des Tarquins fut proclamée. C'en était fini de la royauté romaine.

Le jus extrait des tiges, des feuilles et des rhizomes broyés servait encore à purifier les autels sous Dioclétien (280-305).

L'Iris faisait partie des quelques fleurs que les vestales avaient le droit de cueillir.

Magie hindoue : prenez en bouche une rhizome d'Iris à fleur bleue et du miel ; répétez en pensée une certaine formule que vous terminerez en criant le mot Svâhâ ! Au même instant, avalez votre bouchée en ajoutant : « Le roi est à moi, il n'est pas à toi ». Dans n'importe quelle discussion, que ce soit dans une réunion de savants, ou en présence du monarque lui-même, vous aurez invariablement le dernier mot.

Toujours dans l'Inde, il faut racheter l'Iris dont on veut se servir pour des pratiques magiques par la récompense d'un gâteau miellé fait avec du blé de trois mois ; il ne faut l'arracher de terre qu'après avoir décrit avec l'épée trois cercles concentriques alentour; puis, avant de débiter le rhizome en morceaux, il faut élever toute la plante vers le ciel et la présenter au Soleil avec des remerciements.


Quant à l'Iris des marais (Iris pseudo-acorus) = Iris jaune ou Iris d'eau ; Faux Acore ; Flambe d'eau ; Glaïeul des marais ; Grande Laiche ; Pavée ;


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Pouvoir : Gains matériels.


Les héraldistes affirment depuis longtemps que la fleur de lys, emblème de la royauté en France depuis Louis VII, n'a jamais été la représentation stylisée d'une fleur de lis des jardins. Parmi les nombreuses explications qui ont été données, en voici une : les premiers chefs Francs avaient choisi le grand Iris jaune des marais pour rappeler leur origine, parce qu'ils étaient sortis d'un pays marécageux. C'est cette fleur d'Iris d'eau qui, schématisée, serait devenue par corruption la « fleur de lis » des rois de France.

Il y avait un bûcheron qui habitait avec sa femme dans une forêt profonde au bord d'un lac. Le jour des Rois, la femme fit un gâteau dans lequel elle cacha une fève. L'homme alla chercher une bouteille de vin et, le soir, tous deux s'assirent en face l'un de l'autre pour souper.

Au dessert, ce fut le bûcheron qui tira la fève. Comme il levait son verre en triomphe, la femme oublia de crier : « Le roi boit ! » comme c'est la coutume. Peut-être le fit-elle exprès - on connaît la malice des femmes ! Toujours est-il que le mari se fâcha tout rouge : « Méchante femme ! Pourquoi n'as-tu pas crié « le roi boit ! » quand j'ai levé-mon verre ? Est-ce pour me braver une fois de plus ? Je ne sais ce qui me retient de te frotter les côtes avec du bon bois vert pour t'apprendre à respecter ton maître.

- Puisque tu me traites ainsi, sois tranquille, je ne te manquerai plus de respect, tu n'auras plus jamais à te plaindre de moi; je vais me noyer dans le lac.

- Vas-y donc, saleté ! beugla le bûcheron ; l'eau nettoiera un peu ta crasse. »

La femme sortie, il continua â boire tout seul. Peu à peu, cependant, il devint triste. Il pensa qu'elle avait bien pu se noyer pour de bon. Au bout de quelque temps, Il se leva et s'en fut au bord du lac. Il faisait clair de lune. Le bucheron eut beau regarder de tous cotes, Il ne vit rien d’abord ; puis, avançant jusqu'au bord des berges vaseuses, il aperçut la coiffe blanche de sa femme accrochée aux Iris d'eau.

- Peste soit de la femelle ! gronda-t-il en jurant comme un templier. Elle a fait comme elle l'avait dit ! Elle avait juré de me faire prendre un bain glacé cette nuit, car il faut bien que je la retrouve, morte ou vive...

Il entra dans l'eau ; chercha quelque temps auprès du bord sans rien trouver ; après un peu d’hésitation, il s'aventura jusqu'au milieu du lac. Mais comme il était mauvais nageur, il ne tarda pas à s'enfoncer. Il se débattait piteusement quand il entendit une voix s'élever des Iris d'eau. C'était la bûcheronne qui criait à tue-tête :

« Le roi boit ! Le roi boit ! »

Quand il parvint à regagner la rive, non sans peine, grelottant, ruisselant et boueux, il trouva son épouse qui se tenait les côtes de rire.

« Ah ! Carogne ! grogna-t-il, je savais bien que tu ne t'étais pas noyée. Tu ne m'aurais pas fait ce plaisir-là !»

(Jura français.)

Utilisation magique : Plusieurs légendes anglaises des régions de marécages et de tourbières associent cet Iris à des trésors engloutis dans des lacs, ou au fond de gouffres inondés ; généralement l'histoire est tragique : il y a bien longtemps, une compagnie de légionnaires romains traversait ce marais quand elle tomba dans une embuscade des maquisards bretons (ou une troupe de Normands massacrée par les partisans saxons). Les soldats transportaient un trésor. Depuis, les grands Iris aquatiques ont envahi la surface, recouvrant de leurs rhizomes entrelacés les squelettes et les coffres pleins d'or. L'impie qui voudrait violer la sépulture serait aussitôt étouffé par les Iris et entraîné au fond des eaux.

Dans tout le nord de l'Europe, cet Iris jaune est associé à des traditions de richesse, de gains. Lorsqu'ils se rendaient à la foire, les paysans portaient un rhizome sur eux pour réaliser de bonnes affaires et nouer des contacts intéressants. Jusqu'à la guerre de 1914-1918, beaucoup de petits boutiquiers des régions de lacs et de marais en gardaient une souche séchée dans leur tiroir-caisse.

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Iris à Yatsuhashi (les huit ponts).

Paire de paravents sur six.

Après 1709.

Encre et couleurs sur feuille d'or sur papier, 163.7 x 352.4 cm ch. Metropolitan Museum of Art.


Un pont bas zigzague à travers un massif d'iris bleus aux longues tiges vertes. Sur ce paravent doré japonais, les iris sont perpétuellement vivants, évoquant à la fois le renouveau du printemps et l'amour absent. L'artiste fait allusion à un épisode d'un classique de la littérature du Xe siècle, Les Contes d'Ise, apprend-on dans :


Le Livre des symboles, réflexions sur des images archétypales, publié sous la direction de Ami Ronnberg et Kathleen Martin grâce à The Archive for Research in Archetypal symbolism (2010, version française 2011).

Georgia O'Keeffe, L'Iris noir, 1926













 

Dans Le Livre des Fleurs (Librairie philosophique J. Vrin, 1989), Georges Ohsawa (Nyoiti Sakurazawa) tente d'initier les Occidentaux à cet art ancestral particulièrement subtil qu'est celui des fleurs. Ainsi, il nous apprend qu'on prête aux fleurs "non seulement une beauté personnelle, mais des qualités, des mouvements d'humeur, un caractère complet, une âme, minuscule reflet de la grande âme de la nature. [...]

Il est impossible de parler dans ce petit livre de toutes les fleurs nippones. Traitons seulement l'iris Kaempferi, une des fleurs les plus caractéristiques dont tout le monde là-bas connaît l'histoire, les légendes, les poèmes la généalogie, l'emploi thérapeutique et artistique. Nous avons déjà dit que ses feuilles servent chaque année au moment du passage de la saison froide à la saison chaude à préparer un bain dont l'effet est excellent. A quelle époque remonte cette coutume ? Il est impossible de le dire, les plus vieilles chroniques en font mention. Il est possible que l'iris ait été un des totem des tribus nippones aux temps préhistoriques. Peut-être aussi les anciens empereurs-médecins avaient-ils jugé utile pour étendre son emploi thérapeutique d'en faire une fête nationale ? On ne sait pas au juste.

Tandis qu'au début la fête des glaïeuls se limitait à la cour impériale, à l'époque Heian (VIIIème siècle) elle se généralise. Aujourd'hui toutes les maisons nippones, le 5 mai de chaque année arborent une botte d'iris. L'hiver on prépare la liqueur à la racine d'iris (syôku-sake) qui est estimée depuis longtemps pour toutes sortes de maladies. Les pharmaciens des grandes villes en vendent de nombreuses contrefaçons.

Le soir on pose sa tête pour dormir sur un oreiller d'iris sur le tissu duquel est peinte ou imprimée cette même fleur. Cette coutume date déjà de dix siècles.

Il n'est pas de ville tant soit peu importante qui n'ait son jardin d'iris. A Tokio il y en a deux aussi célèbres l'un que l'autre : celui de Horikiri et celui du Palais impérial.

Syôku est le nom chinois de l'iris. C'était à l'origine une plante sauvage, très vivace à fleurs verdâtres, à feuilles longues et minces ressemblant à l'iris moderne. Mais ce syôku cultivé ou hana syôku (Iris Kaempferi) date seulement de quelques siècles. Il a été crée et perfectionné par une famille d'artistes jardiniers, les Matudaira. Comme ces maîtres ont cédé leurs graines à tous les amateurs qui voulaient, il se trouve qu'aujourd'hui c'est l'espèce la plus répandue.

Une estampe célèbre de Hitodige représente le jardin de Horikiri en pleine floraison. C'était le lieu de rendez-vous des élégants de Tokio (alors Edo). Surtout de la colline du Kodaka la vue de ces étendues d'eau couvertes de fleurs violettes, blanches, tachetées est magnifique.

Son fondateur mourut le 8 juillet 1868 après avoir eu la suprême joie de voir ses syôku s'épanouir. Il écriait dans son journal intime publié depuis : "Les cinq nouvelles espèces que j'ai obtenues cette année sont encore plus grandes et plus belles que les autres. Elles sont d'une beauté incomparable et étrange. Quelle magnifique récompense à soixante années de travail ! "

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi l'Iris :


Mot clef : Message

Si j'approche de vous avec le moindre orgueil

Celle qui me nourrit devienne mon cercueil,

Que le froid aquilon me déclare la guerre,

Que ma feuille se sèche et tombe sous vos pas,

Et qu'on chasse de l'air ainsi que du parterre,

Afin de venger vos appas,

L'Iris du ciel et de la terre.

Georges de Scudéry (1601-1667), "L'Iris".


Iris était la messagère des dieux de l'ancienne Grèce. Elle apparaissait aux mortels sous la forme de l'arc-en-ciel, la longue bande colorée marquant la trajectoire de ce facteur ailé à travers les nues. Elle s'évanouissait avec a même promptitude que se fane la fleur d'Iris, dont les pétales, justement, peuvent prendre toutes les nuances du lumineux arc-en-ciel. Si cette fleur est dédiée à la divine messagère, c'est surtout parce que ses pétales sont étalés comme des ailes. Le langage des fleurs ne précise pas explicitement la nature du message qu'elle symbolise, mais il doit s'agir d'une nouvelle aussi heureuse et joyeuse que l'arc-en-ciel.

L'Iris, dès le haut Moyen Âge, fut la fleur nationale allemande. Emblème du Saint Empire romain germanique, elle fut nommée Fleur de Louys, en hommage à Louis le Pieux, successeur de Charlemagne. Avec le temps, une confusion s'installa : le terme fut changé en Fleur de Lis, et l'Iris céda la place aux Lis or sur fond bleu.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Dans la mythologie grecque, Iris, attachée au service de Zeus et d'Héra, provoqua a colère de cette dernière en devenant la maîtresse de Zéphyr : Héra la punit en la métamorphosant en arc-en-ciel. Selon une autre version, Iris se servit de l'arc-en-ciel pour "découvrir le secret de l'immortalité". Quoi qu'il en soit, la fleur qui porte le nom de cette divinité est associée également à ce phénomène météorologique : "Depuis, les iris qui poussent au pied des arcs-en-ciel sont traditionnellement chargés de pouvoirs magiques : ce sont des talismans très convoités ".

Iris, qui était chargée de couper les cheveux des femmes au moment de leur mort et de guider leur âme vers l'autre monde, symbolise le chemin entre le ciel et la terre, le lien entre les dieux et les hommes : "Le rhizome desséché de la plante qui semble mort et qui, mis en bonne terre, donne facilement une nouvelle plante n'est-il pas quelque peu le symbole d'une résurrection ? En Grèce, les iris plantés sur les tombeaux étaient censés rappeler la servante d'Héra et sa fonction de guide des âmes dans les cieux.

Dans l'ancienne Rome, "les trois "flèches" de la fleur d'iris symbolise la fidélité, la sagesse et la vaillance". Les temples de Junon se paraient à la mi-mai, époque de la floraison de la plante, de guirlandes d'iris bleus et blancs qui, une fois fanées, étaient vendues par les prêtresses "à prix d'or au nom de la déesse". Les iris de Junon jouèrent d'ailleurs un rôle à la chute des Tarquins qui sonna le glas de la royauté romaine. Voici en quelles circonstances : "Sextus Tarquin, qui guerroyait au siège d'Ardée, revint à Rome, s'introduisit chez Lucrèce, femme de son cousin, lui demanda l'hospitalité et, la nuit, pénétrant dans son appartement, menaça de la tuer si elle lui résistait et de répandre le bruit qu'il l'avait tuée parce qu'elle trahissait son mari. Lucrèce céda ; mais faisant, le lendemain, venir son père et son mari, elle leur raconta l'outrage qu'elle avait subi et, se drapant d'une guirlande des iris de Junon, elle se poignarda sous leurs yeux. Aussitôt, Junius Brutus, secouant cette guirlande ensanglantée, appela le peuple à la révolte. Rome se souleva. Les insurgés prirent comme bannière les iris de Junon, symbole de pureté et d'héroïsme".

Sous l'empire de Dioclétien (fin du IIIe siècle), on purifiait les autels avec le jus de racines d'iris. Cette vertu de purification et de protection se retrouve de nos jours : douze iris plantés près de la maison placent ses habitants sous les meilleurs auspices et prendre un bain, le 5 mai, dans lequel on a plongé douze pétales d'iris met à l'abri des esprits maléfiques et de maladies. Au Japon, le bain d'iris pris le 5 mai porte chance toute l'année tandis que les iris placés sur le toit des maisons les protègent des mauvaises influences et des incendies.

La fleur, censée apporter la paix de l'esprit et le sommeil, était réputée au XVIIe siècle pour ses propriétés étonnantes contre la rage. On retrouve ces caractéristiques dans la recette de l'abbaye cistercienne du Grand-Selve, dans le Tarn-et-Garonne, qui, à une époque,  était connue pour traiter cette maladie : les moines recommandaient de faire frire dans du saindoux soixante grammes de rhizome d'iris germanica et d'en composer une omelette avec trois œufs. Il suffisait alors de la servir au malade pendant trois jours de suite.

Autrefois, les blanchisseuses de la région de Nantes croyaient que l'iris destiné à parfumer leur lessive devait impérativement être déraciné avant l'Annonciation ou pendant la semaine de cette fête : la plante exhalait alors tout son arôme.

En Orient, une vierge ou une personne chaste déposait un bouquet d'iris sur la terre que l'on voulait rendre fertile.

Dans la magie hindoue, l'iris bleu permet d'avoir toujours le dernier mot "dans n'importe quelle discussion, que ce soit dans une réunion de savants, ou en présence du monarque lui-même". Pour cela, il faut mettre dans la bouche le rhizome de la plante avec du miel, prononcer une certaine formule, crier le mot "Svâhâ" et l'avaler en une seule fois en disant : "Le roi est à moi, il n'est pas à toi".

A l'origine, c'est la fleur d'iris des marais qui était l'emblème de la royauté et non la fleur de lis (dérivée de "fleur de Louis"). Selon la légende, Clovis, pourchassé par ses ennemis wisigoths et réfugié dans un marais, dut son salut aux iris qui le cachèrent aux yeux de ses poursuivants. En vérité le grand iris jaune des marais fut adopté par les chefs francs en souvenir de leur origine : ils venaient d'un pays marécageux.

L'iris jaune passe, dans toute l'Europe du nord, pour attirer l'argent et les bonnes affaires : c'est pourquoi les paysans en portaient une racine en allant à la foire. On dit également que "jusqu'à la guerre de 1914-1918, beaucoup de petits boutiquiers des régions des lacs et des marais en gardaient une souche séchée dans leur tiroir-caisse".

En Angleterre, l'iris aquatique indique la présence d'un trésor englouti. Le plus souvent, ce trésor a appartenu à des soldats massacrés par leurs ennemis. Il est inutile de vouloir s'en emparer : les iris étouffent et noient qui commettrait cette imprudence.

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Roger Tanguy-Derrien, auteur de Rudolph Steiner et Edward Bach sur les traces du savoir druidique... (L'Alpha L'Oméga Éditions, 1998) s'inspire du savoir ancestral pour "récapituler de la manière la plus musclée les informations sur les élixirs" :


Iris germanica : Vous sentez la créativité artistique ou des talents cachés chez vous mais vous ne savez comment l'exprimer vous donnant par là-même un sentiment d'imperfection, de frustration, de solitude. Ou si vous êtes un artiste confirmé, vous manquez subitement d'inspiration. Dans un cas extrême, vous êtes handicapé, seul, et désirez donner un sens à votre vie.

Alors faites confiance à l'élixir d'Iris. La fleur d'Iris contient tout un ensemble de processus qui va vous transcender et va vous transmettre des valeurs d'ordre supérieur. Examinons ces processus afin de comprendre la transformation qui va s'opérer en vous. Derrière la fleur se cache de l'amertume qui va stimuler votre foie et la bile « qui voit » ; du sucré qui stimule votre système rate-pancréas, ainsi que le poumon du fait de la présence de carbone dans l'amidon de son rhizome. Le parfum qui agit avant tout sur la zone extra-corporelle, relance le système rénal. Enfin l'étroite liaison entre tous ces organes sécréteurs et l'âme est assurée par le tanin. Voilà ce que vous apporte cette fleur pas aussi sympathique au demeurant que ses nombreuses consœurs. Mais ne vous arrêtez pas là et observez l'ensemble, de bas en haut et surtout laissez vous gagner par son parfum suave. Alors vous commencerez à l'aimer.

Si l'Ipomée est plutôt un tube digestif avec ses racines serpentantes (intestin) et ses patates (l'estomac), l'Iris se présente plutôt comme n ovaire (son rhizome) d'où se projette la tige. Ce rhizome, très riche en amidon (50 %) produit du mucilage de manière intensive, substance qui tient échec la lignification de ses substances carbonées. De ce phénomène, naissent des formes volubiles qui lui donnent une signature « air ». De la tige jaillissent verticalement des glaives qui rappellent ceux des gladiateurs des arènes romaines. Toutes les feuilles st réunies en un faisceau d'épées qui simule une feuille nique et éloigne de nous cette idée de forme arbustive (phénomène mucilage). C'est dans cette structure capitonnée et élégante que surgit la tige qui portera la fleur. Tout cet ensemble est fort sympathique et annonce quelque chose qui dépasse l'animalité. Ce sentiment se confirme quand on remarque l'absence de poison vénéneux. Il y a juste la réunion des glucosides e des tanins qui produit une substance allergisante pour la peau. Cet inconvénient est mineur vis-à-vis des autres poisons du monde végétal.

Le Moi humain sent des affinités avec cette plante qui vouée à l'origine du monde des liquides (monde de la vitalité) remonte telle la Kundalini le long de ses structures géométriques de l'être pour atteindre la lumière ultra-violette contenue dans les fleurs. Maintenant on commence à comprendre pourquoi l'élixir d'Iris clame les céphalées, les problèmes des yeux, la viscosité mentale, l'hémisphère droit du cerveau.

Les substances carbonées-mucilagineuses sont appréciées par le pancréas qui ne monopolise plus une énorme énergie pour son fonctionnement. Ainsi libérée l'énergie se répand plus équitablement dans les zones périphériques facilitant la souplesse des membres et l'expression artistique.

Ce chapitre nous donne l'occasion de découvrir véritablement ce qu'est l'iris de l'homme. En fait l'iris est une membrane située entre la cornée et le cristallin. mais encore entre la chambre inférieure (qui appartient au Moi inférieur) et la chambre supérieure (qui appartient au Moi supérieur). L'iris est commandé par le nerf sympathique et c'est la coloration de l'iris qui donne la couleur aux yeux. Dans l'antiquité grecque, Iris est la messagère des dieux et passe sa vie à faire la navette entre le ciel et la Terre. Les clair-voyants de cette époque la voyaient descendre le long de l'arc-en-ciel ; c'est-à-dire le long du spectre solaire. Plus tard, dans la période judéo-chrétienne, les habitués de ces mystères commencèrent à l'appeler le Saint-Esprit, car la navette continuait à exister entre le Père céleste (le Surmoi ou le Moi supérieur) et le fils (le Moi inférieur). La Théogonie d'Hésiode présente Iris comme la fille de Thaumas (étonnement en grec) et d'Électre (Ambre). Certains interprètes de cette époque antique tendaient à voir dans l'élixir d'Iris, un fluide psychique d'origine divine.

C'est sans doute ce fameux fluide divin qui atteint Vincent Van Gogh lorsqu'il découvre la luminosité intense de la Provence. Son propre iris connaît dès lors une véritable révolution : il perçoit le spectre solaire. Son cristallin est en effervescence. Les rayons ultra-violets envahissent ses yeux et il voit les objets comme jamais il ne les avait vus. Bien sûr l'odeur des cyprès, celles des parfums environnants, l'absinthe avec laquelle il se délecte, l'éther des tubes de peinture participent aussi à l'inflammation de ses sens. Quand un jour ses yeux se posent sur des Iris versicolores, il sait qu'il va réaliser quelque chose d'exceptionnel sur la toile. Ces fleurs exacerbent sa créativité. Certains Japonais ont compris et un siècle plus tard, ils font monter les enchères jusqu'à 350 millions de centimes. Car de la lumière divine est présente, de la lumière que seuls les maîtres savent apprécier.

Au Japon, pays où la tradition est toujours très vivante, on confère à la fleur d'iris un rôle purificateur et protecteur. Ses feuilles sont placées dans le bain pour protège le corps des maladies et des esprits pervers. Ou encore sur le toit de la maison pour faire obstacle aux incendies et aux influences pernicieuses. On la cultive même parfois sur le chaume. Le 5 mai, les Japonais prennent un bain de fleur d'iris pour s'assurer de ses faveurs durant toute l'année.


Mots-clés : pensez à Iris, la messagère des Dieux ; à l'iris de l'œil proche du cristallin (chris à l'intérieur de la chambre supérieure ou encore cet œil intérieur qui regarde pleurer l'autre œil) ; à Iris Versicolore (versicolor qui signifie en grec : qui a plusieurs ou qui change de couleurs). Pensez à irisation qui signifie : refléter le spectre solaire. Songer au verre qui laissé un long moment en terre ou dans une chambre noire finit par s'iriser. Laissez entrer en vous votre Surmoi pour devenir un Surhomme comme Van Gogh par exemple.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion 2000) :


"Mot-clef : La Richesse ; La Bonne Nouvelle.


Savez-vous ? : D'après les botanistes, l'iris est l'une des plus anciennes plantes cultivées dans le monde. Il était déjà connu à Babylone et dans la Grèce antique, bien avant la naissance du Christ. Au Moyen Âge, il était l'emblème des empires germaniques. Après sa victoire sur les Wisigoths, Clovis fit broder sur ses bannières en fils d'or un iris. Il prit un autre nom : le lys de Clovis. Depuis, les rois de France en firent une fleur royale. Les pétales fanés sécrètent un liquide d'une très belle teinte bleue que les peintres appellent toujours le "bleu iris".


Usages : Comme la lavande, les rhizomes séchés de l'iris étaient conservés dans les armoires pour parfumer le linge. Très longtemps, on a taillé de petites perles dans les rhizomes secs de cette fleur pour fabriquer des chapelets et des colliers pour les petites filles.


Légendes : Iris, déesse grecque ailée, était la messagère de Zeus et de Héra sur terre. Chez les Celtes, la légende raconte que les pièces d'or étaient nommées les iris.


Message : Je vous le dis encore, je vous aime."

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D'après Nicole Parrot, auteur de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"Avec moi, voici venu le temps des bonnes nouvelles. Je vous insuffle une ardeur toute neuve. Plus que jamais, ayez confiance en la vie." Optimiste et bienveillante, la belle fleur bleue a emprunté son nom à Iris. Cette messagère des dieux vêtue d'un arc-en-ciel, annonce le printemps aux humains. Accompagné de son parfum léger et sucré, l'iris en fait autant. Et ce n'est pas d'hier.

Voici trente-sept siècles, le pharaon Touthmisis Ier le rapporte de Syrie en Égypte. L'iris commence alors tranquillement à conquérir l'Occident. Mais bientôt il subit une sorte de dédoublement de la personnalité qui le suit jusqu'à nos jours. En effet, il y a iris et iris. Le premier, bien vivant, avec ses pistils jaunes nichés au cœur de ses beaux pétales bleus mauve, fleurit en mars. Il enchante les peintres, de Breughel à Van Gogh, en passant pas les préraphaélites, et obsède littéralement William Morris.

Le second, voici une quinzaine de siècles, devient ce symbole graphique aux traits symétriques que tous les Français connaissent. gravé sur les sceaux, les manteaux des rois de France et tatoué sur l'épaule des forçats sous un nom trompeur : fleur de lis. Tout ça parce que Clovis, la veille de la décisive bataille de Vouillé, met son armée à l'abri de l'ennemi grâce à un champ d'iris. Celui-ci lui a signalé la présence d'un gué lui permettant de franchir la rivière. Reconnaissant, le roi des Francs prend l'iris pour emblème, comme l'explique Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire de l'Architecture.

A son tour, Louis IX, en route pour la croisade, l'adopte et le fait dessiner sur son fanion. L'emblème, surnommé tout d'abord "la fleur de Louis" devient au cours des siècles la fleur de lis. Curieusement, elle ne doit rien au lis mais tout à l'iris.


Mots-clefs : "Optimisme et bienveillance"

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Éditions Québec-Livres, 2013), présente ainsi l'Iris (Iris versicolor) :


"Il s'agit de l'iris le plus commun, celui qui pousse à l'état sauvage et dont la couleur bleue est si fascinante. C'est une plante originaire d'Amérique qui fut plus tard introduite en Europe.


Propriétés médicinales : Ses racines furent longtemps utilisées dans des cas de gastro-entérites chroniques (vomissements et diarrhées) pour en soulager les symptômes. Elles étaient aussi considérées comme un remède très efficace pou les maladies du foie et de la vésicule biliaire. On peut aussi utiliser les racines pour faire cesser les vomissements et soulager les brûlures d'estomac qui, souvent, les accompagnent. Une autre utilisation peu connue est reliée au soulagement des migraines ; il s'agit de préparer une tisane avec les racines pulvérisées. Enfin, on peut également se servir des feuilles en cataplasme pour soulager les brûlures et les plaies mineures.


Genre : Féminin.


Déités : Iris - Junon - Isis - Héra.


Propriétés magiques : Purification - Sagesse.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • Il suffit de placer quelques iris dans une pièce pour la purifier rapidement.

  • L'iris était aussi considérée comme une fleur mortuaire, car la déesse Isis était réputée conduire les âmes des morts vers le paradis. Inclure son symbole dans les rites funéraires assurait la paix de l'âme du disparu ainsi que l'espoir d'une réincarnation agréable.

  • Toujours chez les Égyptiens, l'iris était le symbole du sceptre des pharaons ; ses trois pétales représentaient la foi, la sagesse et la valeur.

  • Pour les Romains, l'iris accroissait la sagesse et les connaissances, car il représentait la déesse Iris qui règne sur les arcs-en-ciel, symbole d'espoir et de l'immortalité de l'esprit.


RITUEL POUR RÉUSSIR UN EXAMEN

  • Ce rituel est particulièrement efficace la veille d'un examen ou de la présentation d'un projet.


Ce dont vous avez besoin :

  • trois fleurs d'iris

  • une chandelle violette ou bleu foncé

  • de l'encens de violette (ou de rose)

Rituel : Tracez un cercle magique avec une des fleurs d'iris, puis allumez votre chandelle et faites brûler l'encens. Concentrez-vous pendant quelques minutes sur votre demande et sur le sujet que vous avez étudié précédemment. (Attention : si vous n'avez pas étudié ou si vous ne connaissez rien du sujet de l'examen, ce rituel ne servira strictement à rien. Il ne sera efficace que pour vous aider à vous rappeler votre sujet et à vus remettre en mémoire ce que vous avez étudié.) Prenez alors une fleur dans votre main et tournez-vous vers le nord en disant :

J'appelle le gardien de la tour du grand nord

Toi qui gardes les mystères et le savoir

Accorde-moi la sagesse du souvenir

Afin que je puisse réussir.

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013), Michel Pastoureau nous apprend que :


"Tout verger est construit comme un espace symbolique, et [que] chaque plante qui s'y trouve possède sa signification propre. Celle des fleurs varie beaucoup selon les époques et les régions et prend en compte plusieurs particularités : la couleur, le parfum, le nombre de pétales, l'aspect des feuilles, les dimensions des unes et des autres, l'époque de la floraison, etc. Quelques idées peuvent néanmoins être dégagées pour le Moyen Âge central : Le lis est symbole de pureté et de chasteté, [...] l'iris de protection et de prospérité..."

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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle de l'Iris :

Nom botanique : Iris spp.

Propriétés énergétiques : Détoxifie, élimine les vieilles énergies et libère des dépendances.

Archanges correspondants : Michael, Raphaël et Uriel.


Chakras correspondants : chakra sacré - chakra du cœur - chakra coronal.


Propriétés curatives : L'énergie de l'iris provoque une formidable détoxification qui nettoie votre système des vieilles émotions et de la négativité. Vous vous sentirez merveilleusement bien après avoir travaillé avec lui. Votre corps tout entier sera énergisé à nouveau et vous déborderez de vitalité. Les iris peuvent supprimer les douleurs et les souffrances chroniques et libérer de toutes les dépendances. Ils favorisent une approche douce qui vous apportera réconfort et soutien pendant votre période de détoxification.


Message de l'iris : « Je vous guiderai pour que vous puissiez vous libérer de ce qui ne vous sert plus, notamment vos habitudes alimentaires et vos dépendances. Je vous aiderai également à éliminer les toxines de votre corps. Vous vous sentirez revigoré, énergisé à nouveau et débordant de vitalité. remarquez votre mieux-être, qui s'installe plus durablement. Les débuts seront peut-être lents, mais vous constaterez rapidement que vous accomplissez plus de choses, y compris celles que vous délaissiez depuis longtemps. »

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Croyances populaires :


D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012),


"On connaît les vertus relaxantes d'un bon bain chaud mais saviez-vous qu'associé à certaines plantes, il peut aussi porter bonheur ! Le 5 mai serait un jour idéal pour prendre un bain dans lequel trempent douze pétales d'iris. Ce subtil mélange tiendrait à distances les sortilèges comme les problèmes de santé.

De plus, selon une superstition japonaise, ce bain vous accordera la chance, une année durant."

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Dans l'Aube, la feuille d'un Iris appelé lame de sabre, Iris pseudo acorus, placée entre les bases des deux pouces devient un sifflet.


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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


IRIS (odoratissima) — On le plante en Grèce sur les tombeaux, peut-être à cause de son nom, en souvenir de la déesse Iris, qui était censée guider à leur séjour final les âmes des femmes trépassées, ainsi qu’Hermès guidait les âmes des hommes. Virgile nous l’apprend, lorsqu’il décrit la mort de Didon :


Tunc Juno omnipotens, longum miserata laborem

Difficilesque obitus, Irim demisit Olympo,

Quae luctantem animam, nexosque resolveret artus.


Iris descend : . . .

Iris croceis per coelum roscida pennis,

Mille trahens varios adverso sole colores.

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Littérature :


Dans une de ses dernières nouvelles intitulée "Gigi" (1944), Colette se confie sur l'Iris :


Cours-la-Reine, j’aimais visiter les expositions florales, qui jalonnaient si fidèlement l’année. L’azalée venait d’abord, puis l’iris et les hortensias, les orchidées, pour finir par les chrysanthèmes. Je me souviens d’une extraordinaire prodigalité d’iris, en mai… Mille et mille iris, un massif d’azur avoisinant un massif jaune, un violet velouté confronté à un mauve très pâle, iris noirs couleur de toile d’araignée, iris blancs qui fleurent l’iris, iris bleus comme l’orage nocturne et iris du Japon à larges langues… Il y avait aussi les tigridias et leurs oripeaux de saltimbanques magnifiques… Mille et mille iris, occupés de naître et de mourir ponctuellement, sans cesse, de mêler leur parfum à une fétidité d’engrais mystérieux.

Pour bruyant qu’était notre Paris autrefois, il eut toujours ses moments imprévus d’apaisement. Cours-la-reine, entre une heure et une heure et demie, les derniers camions ayant gagné leurs réfectoires les amateurs de fleurs et de silence pouvaient gouter une trêve étrange, une solitude où les fleurs semblaient se remettre de la curiosité humaine. La chaleur filtrée par le plafond de toile, l’absence de toute brise, le poids somnifère d’un air chargé d’odeur et d’humidité sont des biens dont Paris est d’habitude avare. Par milliers les iris semblaient couver fiévreusement l’été. La paix régnait mais non le silence, que troublait un bruit instant et léger, plus fin que le grignotement d’une magnanerie, un bruit de soie égratignée… Le bruit d’élytre qui s’entrouvre, le bruit de patte délicate d’insecte, le bruit de feuille morte dansant, c’étaient les iris, dans la lumière propice et tamisée, desserrant la membrane sèche roulée à la base de leur calice, les iris qui par milliers éclosaient.


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Iris

Iris, vous me désespérez, Mais je vivrai comme vivent les hommes

Qui essaient eux aussi de fleurir.


Eugène Guillevic

 

L'Iris


L’iris au bord du rivage

Se reflétait dans l’étang,

Bel iris sauvage

Qui rêves au beau temps.

Iris mes beaux yeux

Tu parfumes les draps blancs,

Iris merveilleux,

Iris au bord de l’étang.


Robert Desnos, "L'iris" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque différentes sortes d'Iris :

20 novembre

(La Bastide)


L'Iris d'Allemagne a fleuri au bas du talus de terre - considérable architecture violette à nervures de velours jaune. J'y vois deux galaxies-spirales collées par leurs noyaux. Le trou noir est la jonction de cœurs.

Vibrations de lumière. Cordes cosmiques. Structure de l'Univers.

[...] 29 décembre

(La Bastide)


Sous la croisée d'ogives du temple de ronces, les iris sisyrinques sont d'un bleu pâle que rien ne saurait rendre : à peine teintés, fantomatiques ans l'ombre qui les décolore et les souligne à la fois. Sur le sentier, au contraire, ils flambent comme des matériaux violets et bleus inconnus sur la Terre.

C'est leur irréalité qui m'attire. Voici l'écheveau de leurs feuilles linéaires ; leurs tiges où se déplissent de longues spathes scarieuses ; et leurs fleurs, dignes de tous les délires : six divisions, dont trois s'enroulent en turban d'ayatollah, tandis que les trois autres brûlent comme une torchère... Sur chaque lame externe, un hachurage violet sur fond jaune clair compose un message en langue vénusienne.

Les premiers iris sisyrinques que j'ai aperçus, l'an passé, je les ai trouvés de nuit, derrière la maison. J'ai rêvé jusqu'à l'aube de ces grands végétaux extraterrestres. Je ne me suis jamais tout à fait remis de ce songe.

[...]

31 janvier

(La Bastide)

Dans leurs géodes d'ombre verte, les iris sisyrinques sont nés d'une contraction tectonique de la Terre.


3 février

(La Bastide)


Depuis que la route du domaine est fermée, moins d'Attilas du dimanche font des razzias de fleurs. Les iris sisyrinques prolifèrent.

Dans un virage, autour d'un vieil escalier de pierre, l'espèce déploie plusieurs banquettes de corolles du même bleu-violet sombre que les ciels cinématographiques des « nuits américaines ».

A gauche des marches, les plantes esquissent une sinusoïde où s'attachent les vibrations secondaires de leurs feuilles. A droite, elles inscrivent un lambda dans l'herbe grise : je suppose que c'est pour affirmer qu'elles incarnent la plus grecques des espèces végétales. Les couleurs de leurs corolles (le bleu-violet, le jaune et le blanc) sont celles des mystères, de l'orphisme, des folies d’Éleusis. Au contraire, leurs pétales obéissent à une géométrie rigoureuse, où triomphent l'ordre et la symétrie.

D'un côté Dionysos, Orphée, Pythagore. De l'autre, Athéna, Phidias et Euclide.

24 février

(La Bastide)


[...] Des iris faux-acores flambent dans le clair-obscur d'un étang préservé par miracle, entre les travaux d'extension de l'aéroport de Nice et les grands magasins du Cap 3000.

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Régine Detambel consacre un ouvrage à Colette. Comme une flore, comme un zoo (Éditions Stock, 1997) dans lequel elle s'intéresse aux métaphores botaniques et zoologiques :


La voix de l'Iris : « ... vous allez voir mes très jeunes personnages, qu'un mal inconnu à la fois tourmente et exalte, aussi embarrassés d'eux-mêmes qu'un poussin qui laborieusement perce sa coque natale, ou un iris qui pour naître doit fondre sa soyeuse enveloppe. » Le Blé en herbe


« La paix régnait mais non le silence, que troublait un bruit insistant et léger, plus fin que le grignotement d'une magnanerie, un bruit de soie égratignée... Le bruit d'élytre qui s'entrouvre, le bruit de patte délicate d'insecte, le bruit de feuille morte dansant, c'étaient les iris, dans la lumière propice et tamisée, desserrant la membrane sèche roulée à la base de leur calice, les iris qui par milliers éclosaient. » Colette connaissait la voix intime de l'iris en train d'éclore. Mais elle avait déjà longuement épié beaucoup d'autres plantes : « Parlez-moi au contraire du soupir victorieux des iris en travail, de l'arum qui grince en déroulant son cornet, du gros pavot écarlate qui force ses sépales vertes un peu poilus avec un petit “cloc”, puis se hâte d'étirer sa soie rouge sous la poussée de la capsule porte-graines, chevelure d'étamines bleues.

Le fuchsia non plus n'est pas muet. Son bouton rougeaud ne divise pas ses quatre contrevents, ne les relève pas en cornes de pagode sans un léger claquement de lèvres, après quoi il libère, blanc, rose ou violet, son charmant juponnage froissé... » Ces longues citations pittoresques sont extraites de Flore et Pomone. Colette ne croyait pas au romanesque langage des plantes, elle a pris la peine infinie et minutieuse de les écouter pour comprendre leur langue. Et chaque espèce a son dialecte, son idiome, son expression, même son onomatopée, comme le « cloc » du pavot.

Cette langue botanique, Colette ne l'a pas retrouvée dans ces films truqués où les cinéastes jouent à accélérer la vie des plantes. Elle s'est insurgée contre cette tricherie : « Comme beaucoup de ceux qui ont vécu au contact de la douce foule végétale, je connais sa bienveillance, et je regimbe devant un rythme artificiel qui transforme la germination et la lente croissance en ruées, les éclosions en bâillements de fauves, le gloxinia en trappe, le lys en crocodile et les haricots en hydres. Si l'on me veut faire accepter la gigantisation du cinéma, qu'on m'y donne, synchroniquement et à mensonge égal, le vacarme de la plante, mille fois grossi lui aussi, le tonnerre des floraisons, la canonnade des cosses éclatées et la balistique des semences. Le végétal n'est pas un règne muet, encore que le son de son activité ne nous parvienne que par chance et exception, comme une récompense subtile accordée soit à notre vigilance, soit à une de ces paresses qui valent, par leur fruit, autant que l'observation. » Cette mise au point rageuse est également tirée de Flore et Pomone.

Paresse, don, vigilance ou chance, Colette entend les plantes, à l’égal de ces personnages de légende qui savaient comprendre les cris des animaux. Je reste rêveuse devant Toby-Chien et « sa grande langue, fendue au milieu comme un pétale d'iris. »

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Dominique Sylvain place, dans La Nuit de Génronimo (Éditions Viviane Hamy 2009), la détective Louise Morvan au cœur d'une enquête sur un suicide vieux de plus de vingt ans...

- Tu n'as jamais vu la serre ?

- Décidément, tu devines tout.

- Pourquoi refuser d'y aller ?

- Ce n'est pas utile. C'est un des rares sujets de conversation de grand-père. Et je n'oublie rien. Je sais qu'il y fait pousser des orchidées, dans cette fichue serre, et des iris.

- Plus précisément des iris noirs.

- Jean-Pascal m'a dit qu'il en était fier. Il faut croire que ça me travaille : lors d'une autopsie, aujourd'hui, j'ai pensé à des iris en voyant les hématomes violets du mort.

- Ça a l'air de t'inquiéter.

*

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