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La Ciguë



Étymologie :

  • CIGUË, subst. fém.

Étymol. et Hist. Vers 1210 [ms. A 1re moitié xiiie s.] ceguë [: cornue] (Guillaume Le Clerc, Bestiaire, 1662) ; ca 1265 siguë (Brunet Latin, Trésor, 224 ds T.-L.) ; 1611 ciguë (Cotgr.). Réfection semi-savante d'apr. le lat., de l'a. fr. cëue (1180-90, Alexandre de Paris, Alexandre, Elliott Monographs, II, 97), issu du lat. class. cicuta « id. ».


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Conium maculatum ; Ache des chiens ; Cève ; Chanelire ; Cicue ; Cigon ; Ciguë des anciens ; Ciguë maculée ; Ciguë tachetée ; Ciguë vireuse ; Cocué puante ; Cocuasse ; Grande Ciguë ; Fénoulhasso ; Grande Cocuë ; Herbe à Socrate ; Herbe ghû ; Mort aux oisons ou aux oies ; Persil bâtard ; Persil de rivière ; Persil des fous ; Persil des chats ; Persil du diable ; Sgû noire ;

Aethusa cynapium ; Petite ciguë ; Persil des chiens

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Botanique :


Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In :Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne les ciguës :


Les confusions entre les ciguës et d’autres espèces d’apiacées comestibles concernent davantage les aliments. De nombreux auteurs, dont FOURNIER (1947 I, p. 411), ENGEL (1984 p. 34) et REYNAUD (2002 p. 18) font notamment état de la dangereuse ressemblance qu’il y a entre la petite ciguë (Aethusa cynapium), qui pousse parfois dans les jardins, et le persil cultivé (Petroselinum sativum). BONNIER (1990 III, p. 439) rapporte que des accidents ont été causés par la confusion entre la petite ciguë et 1e cerfeuil (Anthriscus cerefolium), dont elle se distingue cependant par son odeur fétide.

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Grande ciguë
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Monographie sur la grande ciguë, proposée par Meryem El Fennouni dans sa thèse intitulée Les plantes réputées abortives dans les pratiques traditionnelles d’avortement au Maroc. (Université Mohammed V, faculté de médecine et de pharmacie - Rabat, 2012) :

 

Sur le site Dijon-santé.fr, Eric Françonnet écrit un article en date du 5 avril 2016 intitulé "Ces personnes célèbres victimes d’un empoisonnement" qui traite de la ciguë :

Il existe plusieurs plantes dans la famille des ciguës : la petite ciguë ou « faux persil », dont l’ingestion provoque des troubles digestifs, mais sans être mortelle ; la grande ciguë, dont la tige et les feuilles sont très toxiques et contiennent un alcaloïde puissant, la coniine ; la ciguë vireuse, aux racines toxiques. La ciguë était employée dès l’Antiquité pour donner la mort. L’exemple le plus notoire de cet empoisonnement en vogue durant une période où les Grecs dominaient la Méditerranée est celui de Socrate.En -399, dénoncé par trois personnages en vue, Socrate, âgé de 70 ans, fut jugé par l’Aréopage d’Athènes (un tribunal de 500 citoyens). On l’accusait de « corruption de la jeunesse » et de « négligence des dieux de la cité et pratique de nouveautés religieuses ». Il fut donc condamné à boire une coupe fatale de ciguë, ce à quoi il se résolut, en dépit d’une évasion possible qui aurait pu être orchestrée par certains de ses proches.

 

Selon Elena Ciobanu, Cătălina Croitoru, Gheorghe Ostrofeţ, Ala David et al. auteurs d'un cours magistral intitulé Fondements de l'hygiène alimentaire (Chișinău • 2018) :


Ciguë aquatique est une plante pluriannuelle à grandes feuilles et à petites fleurs blanchâtres. Elle se trouve à travers des étangs, aux bords des rivières, des fossés. Toutes les parties de la plante contiennent des toxines, mais la plus grande quantité est concentrée dans le rhizome. Les manifestations d’intoxication apparaissent soudainement. Le malade perd la conscience, apparaît de la mousse à la bouche, il a des convulsions. Dans les cas graves, est paralysé le centre respiratoire.

 

Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely présente ainsi les

deux ciguës :


La grande ciguë est une plante bisannuelle de la famille des Apiacées. L'ombellifère ne fleurit généralement que la seconde année, la première étant consacrée au développement de sa racine pivotante, une carotte d'où partira sa tige reconnaissable aux taches pourpres dans le bas. Elle développe de larges et longues feuilles composées très découpées. Les fleurs en amples ombelles inégales d'une quinzaine de centimètres sont blanches.

Elle pousse au bord des sentiers et des ruisseaux jusqu'à mesurer deux mètres de haut et apprécie la fraîcheur. la conine et les autres alcaloïdes qu'elle contient en font une redoutable empoisonneuse qui mit fin à l'existence de Socrate. Pour aider à la reconnaître, en froisser une feuille amplifie son odeur d'urine de souris.

La petite ciguë, Aethusa cynapium, ou persil des chiens, est une annuelle qui peut atteindre soixante centimètres. Elle se reconnaît à ses fleurs, chaque ombellule portant de longues bractéoles pendantes. Elle partage avec sa grande cousine les taches rouges au bas de sa tige, une odeur désagréable et une toxicité certaine. elle pousse aux mêmes endroits, mais n'hésite pas à s'inviter dans les jardins.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


CIGUE. Au moyen âge, on prétendait généralement que les sorcières s'élevaient dans les airs à cheval sur une tige de ciguë. Cette croyance subsiste encore en Ecosse.




Symbolisme :


Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


CIGUE - PERFIDIE.

Plante ombellifère, dont une espèce, la grande ciguë, est très vénéneuse. Le poison extrait de la grande ciguë servait à Athènes à donner la mort à ceux que l'Aréopage avait condamnés, Socrate et Phocion furent condamnés à boire la ciguë.

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Ciguë - Trahison - Engourdissement.

On donne ce nom à plusieurs plantes vénéneuses de la famille des ombellifères. L'une d'elles, la ciguë commune, croît au bord des champs et des haies. Les feuilles de celte plante, confondues trop souvent avec celles du persil, mangées par méprise, ont donné lieu à de graves accidents. Dans l'empoisonnement par la ciguë on emploie comme antidotes les acides végétaux, tels que le vinaigre, le jus de citron, etc., étendus d'eau. Quand les Athéniens eurent injustement condamné Socrate à mort, ils choisirent la ciguë pour poison ; le bourreau présenta au sage une coupe remplie de ce funeste breuvage.


Mais Socrate, élevant la coupe dans ses mains :

« Offrons, offrons d'abord aux maîtres des humains

De l’immortalité cette heureuse prémice . »

Il dit , et vers la terre inclinant le calice,

Comme pour épargner un nectar précieux,

En versa seulement deux gouttes pour les dieux,

Et de sa lèvre avide approchant le breuvage,

Le vida lentement sans changer de visage.

Puis, sur son lit de mort doucement étendu,

Il reprit aussitôt son discours suspendu :

« Espérons dans les dieux, et croyons-en notre âme. »

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Ciguë (Conium maculatum) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Divinité : La Triple Hécate

Pouvoirs : Protection

Partie toxique : Toute la plante.


La Ciguë partage avec d'autres plantes vénéneuses la particularité d'être plus ou moins toxique selon le climat des régions où elle pousse. Dans le nord de l'Europe, au Canada, les alcaloïdes dangereux sont si peu développés que les gens de la campagne, au dire d'auteurs dignes de foi, mangeaient autrefois ces plantes sans inconvénient. Linné assure qu'en Suède tous les bestiaux s'en nourrissaient, les vaches en étant même très friandes. Mais les propriétés vénéneuses deviennent de plus en plus énergiques à mesure que l'on descend vers des régions plus chaudes. Dans toute la zone méditerranéenne, la Ciguë est un poison mortel. N'allez surtout pas en déduire qu'un pied rencontré en baie de Somme ou à Oostduinkerke soit inoffensif...


Utilisation rituelle : À Athènes, la Ciguë était employée pour empoisonner légalement les condamnés à mort. Ainsi moururent Socrate et un certain nombre de citoyens illustres. Cet usage n'était pas spécifique d'Athènes; on le retrouvait en Espagne, d'après Strabon; à Marseille, d'après Valère-Maxime, et dans plusieurs îles de l'archipel grec. Ce dernier auteur avance que, dans certaines de ces régions, l'homme lassé de l'existence, après avoir donné des raisons suffisantes devant les autorités compétentes, pouvait obtenir d'elles la dose de Ciguë nécessaire à sa mort.


Utilisation magique : Peut-être à cause de cet emploi comme poison officiel de la Cité, la plante semble avoir été relativement peu utilisée, du moins si on la compare à ces grandes vedettes léthifères que sont le colchique, le datura-stramoine, la belladone, les amanites. Les Grecs et les Romains n'aimaient visiblement pas la Ciguë. C'est en Mésopotamie, ce « berceau des dieux », qu'il faut rechercher sa trace. Les prêtres-magiciens de Babylone s'en servaient, dit-on, pour obtenir la protection des astres. Les Cimmériens avaient recours à la Ciguë pour rompre les envoûtements sexuels. Une tradition iranienne veut que l'on astique au suc de Ciguë la lame des couteaux rituels; non seulement cela les purifie avant l'usage, mais cela accroît aussi leur pouvoir magique.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Cette plante toxique qui empoisonnait d'une manière très officielle les condamnés à mort d'Athènes (dont Socrate), d'Espagne et même du Marseille antique, n'a pas bonne réputation puisqu'on attribue sa création au diable (en Bretagne surtout). Au Moyen Âge, les sorcières délaissaient parfois leur balai pour enfourcher une tige de ciguë et s'envoler ainsi dans les airs. La plante entrait également dans la composition de l'onguent qu'elles se passaient sur le corps avant de se rendre au sabbat. Dans la tradition anglo-saxonne, elle est aussi utilisée par les sorcières pour évoquer les esprits et opérer leurs méfaits. Les Anglais la surnomment "farine d'avoine du diable" et menacent les enfants qui y toucheraient de se faire emporter par le démon.

Les mages de la Mésopotamie se servaient de la ciguë pour "obtenir la protection des astres", les Cimmériens pour se délivrer d'une envoûtement sexuel. Selon une tradition iranienne, on purifie et renforce le pouvoir magique des couteaux rituels en les frottant du suc de ciguë.

Les Anciens du monde gréco-latin, qui ne semblent pas l'avoir appréciée, lui reconnaissaient toutefois des propriétés médicinales : anticancéreuse, elle agissait aussi dans les désordres du système nerveux et soignait de nombreuses maladies (tétanos, épilepsie, phtisie, fièvres). En outre, selon Pline, elle maintient la fermeté des seins. Outre-manche, on croit que mélangée à un blanc d'œuf et à du sel marin, elle soigne les maux d'yeux, à condition de l'appliquer sur l'œil gauche avec le bras droit et vive versa.

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Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely précise les propriétés magiques de la grande Ciguë :


Persil du Diable : On raconte que c'est le diable lui-même qui donna naissance à la ciguë. C'est donc tout naturellement que les sorcières échangent quelquefois leur moyen de locomotion préféré, le balai, contre une des tiges de la plante pour se rendre auprès de leur maître.

Mais c'est à son caractère de poison que la ciguë doit sa sulfureuse réputation. L'herbe à Socrate porte ce nom uniquement car elle en signa la mort. Les antiques utilisaient la plante comme instrument de l’exécution de leurs sentences. Ainsi le philosophe périt, ressentant une lourdeur dans les jambes qui le fit s'allonger sur le dos. Puis, peu à peu, il perdit le sens de ses membres avant que le poison ne s'empare de son torse et le fasse arrêter de respirer. Nul ne sait exactement quelle boisson était préparée à l'époque pour assurer une mort si tranquille, car la ciguë seule provoque d'insoutenables spasmes et la mort qui en suit est bien plus douloureuse que celle qui emporta le philosophe grec. Quoi qu'il en soit, la ciguë est un poison qui entre dans bien des philtres mortels.

Le persil du diable, une fois broyé, laisse apparaître son jus avec lequel la sorcière pourra frotter ses lames afin de leur conférer la force de la plante et neutraliser toute autre influence. Utilisés dans les rituels, ces lames seront d'autant plus efficaces.

Au-delà de la naturelle dangerosité de la plante qui explique les mises en garde répétées des adultes aux enfants, il semblerait que ces dernières dissimulent la peur des sorcières. Du moins de celles qui, de superstitions en légendes, étaient désignées comme la cause des maladies emportant votre progéniture ou de leur simple et pure disparition. Là où se trouve la ciguë, la sorcière n'est pas loin. La mauvaise femme en fait une farine qu'elle souffle au visage de l'enfant pour le paralyser et permettre au diable d'apparaître et de l'emporter. Car qui de plus doux pour le Cornu que ces jeunes âmes pures qu'il cherche à emmener ! Ceci explique peut-être pourquoi le Malin a fait la ciguë si semblable au persil, provoquant de tout temps de malheureux accidents.

Les méchantes sorcières taillent des sifflets et petites flûtes dans la tige creuse de la ciguë pour les donner aux enfants....


Signature : Saturne.

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Symbolisme celte :


Selon Philip et Stephanie Carr Gomm dans L'Oracle druidique des plantes, Comment travailler avec la flore magique de la tradition celte (édition originale, 1994 ; traduction française 2006), la ciguë est associée à l'aconit et à la jusquiame. Les mots clefs correspondant à ces plantes cataloguées dans les "poisons" sont :


en "position droite : Pouvoir - Aide inattendue - Soulagement

en position inversée : Malveillance - Difficulté - Trahison.

Il s'agit de plantes mortelles qui, si elles sont utilisées avec sagesse, offrent par ailleurs des bénéfices. Originaire de Grande-Bretagne, l'aconit (appelé aussi capuchon-de-moine) et la ciguë (à ne pas confondre avec le sapin-ciguë) pousse sur les terres humides et ombragées, tandis que la jusquiame aime le sol plus sec, sablonneux. La ciguë et la jusquiame ont une odeur fétide.

La carte montre l'aconit poussant sous l’éclat de la pleine lune. A droite, on voit la ciguë, à gauche, la jusquiame. Des flèches brisées sont jetées sur le sol.


Sens en position droite. La vie semble parfois presque insupportable. Si vous avez choisi cette carte, vous êtes soumis aux pressions et aux difficultés. Mais la vie est en essence mystérieuse, et quelque chose peut survenir tout d'un coup, qui agira comme catalyseur du changement. Nous sommes si habitués aux "histoires" des films et de la télévision que nous oublions l'immense pouvoir des choses infimes. La remarque d'un ami ou d'un étranger, une ligne dans un livre, une simple idée qui surgit peut induire une nouvelle direction dans votre vie ou un virage décisif dans vos affaires. Un tel don peut arriver d'une direction totalement inattendue, vous soulageant à un point que vous n'aurez jamais imaginé. Le consumérisme nous a habitués à chercher le plus grand, alors qu'on devrait chercher le meilleur.


Sens en position inversée. Chacun des poisons peut avoir un effet mortel. Si vous avez choisi cette carte inversée, vous devez être conscient des conséquences nuisibles de vos paroles ou de vos actions. Il se peut que vous ayez trahi quelqu'un ou une valeur qui vous tenait à cœur. Au lieu d'affronter ouvertement la personne ou le problème, vous avez œuvré dans l'obscurité des motifs inexplorés - en compagnie des sentiments de blessure et d'un désir de revanche que vous n'avez jamais osé s'exprimer. Au lieu d'éprouver maintenant du désespoir, il est important de réaliser que vos actions ont créé une difficulté susceptible de devenir un défi pour vous : montrer la force de caractère nécessaire pour régler un problème, réparer des torts ou avancer dans la vie avec sagesse et compassion. L'âme crée des expériences dont nous devons tirer les leçons.

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Baume vert et pointes de flèche en silex

En Grande-Bretagne, les plantes toxiques étaient appelées "banes", mot germanique et vieux norrois signifiant destruction et mort. Toute personne désirant travailler avec les plantes ou simplement se rapprocher de la nature doit connaître les plantes toxiques qui, malgré le danger qu'elles présentent, sont souvent précieuses. Par exemple, la pulicaire était brûlée pour débarrasser les maisons des puces - on sait maintenant que la plante contient un insecticide, le pyrèthre. L'aconit, qui content de l'acotinine, poison mortel, est très utilisé en homéopathie, la jusquiame et la ciguë ont été utilisées en dose infime pendant des siècles pour la guérison.

Les herboristes classiques connaissaient bien les propriétés toxiques de ces plantes et exploitaient leurs pouvoirs curatifs, tout comme l'ont fait par la suite leurs homologues saxons et les médecins de Myddfai.

La jusquiame, apparentée à la mandragore et à la belladone, est l'une des plus anciennes plantes toxiques à réputation magique connues. Les Égyptiens anciens l'utilisaient, tout comme la médecine populaire d'Europe, pour ses propriétés apaisant la douleur et induisant le sommeil. Au XVIIè siècle, au Sussex, les bébés se faisaient les dents sur un collier de jusquiame, de grand orpin et de racines de verveine macérées dans du vin rouge. Les graines de jusquiame étaient fumées pour alléger les symptômes de la névralgie, des maux de dent et du rhumatisme. Au XXè siècle, elle a servi de sérum de vérité lors des interrogatoires. La phytothérapie moderne s'en sert comme sédatif.

L'aconit est si toxique qu'il s'était acquis une réputation terrible. On raconte que les chasseurs celtes plongeaient la pointe de leurs flèches dans son jus. A l'époque médiévale il était associé au meurtre et à la sorcellerie. On pensait que les sorcières plongeaient des silex dans de l'aconit et les lançaient contre leurs victimes. Ces "têtes de flèche" en silex administraient les poisons simplement en égratignant la peau.

Les médecins grecs et arabes utilisaient la ciguë contre les tumeurs, tout comme les Écossais du XIIè siècle. L'un de ses noms populaires écossais est "mort de mère", car on disait aux enfants que leur mère allait trépasser s'ils osaient ramasser cette plante.

La ciguë, l'aconit et la jusquiame font tous partie des ingrédients des recettes de "baumes d'envol" hallucinogènes ou de "baumes verts" utilisés par les sorcières. Certains experts pensent que ces recettes, notées pour la première fois au XVè siècle, témoignent d'une tradition magique ou chamanique des plantes en Grande-Bretagne et en Europe occidentale remontant à l’époque des druides anciens. D'autres experts s'interrogent sur la validité des informations données par la chasse aux sorcières des XVIè et XVIIè siècles, et soulignent que la sensibilité d'un individu à la toxicité et aux taux de substances chimiques significatives d'une plante varie tellement que cette pratique semble peu probable."

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Dans les Leçons d'elficologie, Géographie, Histoire, Leçons de choses (2006) de Pierre Dubois, Claudine et Roland Sabatier, on peut lire la notice suivante :


"La ciguë tachée ou grande ciguë (Conium maculatum) : elle orne les talus, les fossés et les rives de Féerie de ses larges ombelles blanches et fait croire aux beaux jours, mais son léger feuillage vert sombre finement dentelé est éclaboussé par le sang de ses crimes. C'est la liqueur perfide préférée des grandes magiciennes aux ténébreux desseins."

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


CIGUË (conium maculatum). — Les prêtres d’Éleusis, qui devaient garder la chasteté pendant toute leur vie, se frottaient avec la ciguë ; dans certains traités de médecine on recommande encore la ciguë contre le satyriasis. Dans une légende germanique, la ciguë semble avoir une signification funéraire, et représenter essentiellement la végétation du monde infernal, c’est-à-dire de la saison morte. « Apud quam diversante Hadingo, mirum dictu, prodigium incidit. Siquidem, coenante eo, foemina cicutarum gerula, propter foculum, humo caput extulisse conspecta ; porrectoque sinu, percunctari visu, qua mundi parte tam recentia gramina brumali tempore fuissent exorta. Cujus cognoscendi cupidum regem, proprio obvolutum amiculo, refuga secum sub terras abduxit : credo diis infernalibus ita destinantibus, ut in ea loca vivus adduceretur, quae morienti petenda fuerant. Primum igitur vapidae cujusdam caliginis nubilum penetrantes perque callem diuturnum adesum meatibus incedentes, quosdam praetextatos, amictosque ostro proceres conspicantur, quibus praeteritis, loca demum aprica subeunt, quae delata a foemina gramina protulerunt. » Dans un conte petit-russien de Ragovic’, la ciguë, sous le nom de beh, joue le rôle d’une herbe du diable (cf. Armoise).

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Littérature :


Jean Giono raconte dans un des romans de la Trilogie de Pan, Regain (Éditions Grasset, 1930) le malheur qui survient à un de ses personnages :


- Alors, une fois, c’était à l’époque des olives, on a entendu dans la bas du vallon comme une voix du temps des loups. Et ça nous a tous séchés de peur sur nos échelles. C’était en bas, près du ruisseau. On est descendu à travers les vergers, tous muets, à ne pas savoir. Nos femmes étaient restées, toutes serrées en tas. Et ça hurlait toujours, en bas, à déchirer le ventre !

« Elle était comme une bête. Elle était couchée sur son petit comme une bête. On a cru qu'elle était devenue folle. L'Onésime Bus met sa main sur elle pour la lever de là-dessus, et elle se retourne et, ) plaine bouche, elle lui mord la main.

« A la fin, on a pu l'emporter. Son petit était dans l'herbe, tout noir déjà, et tout froid, l’œil gros comme un poing et, dans la bouche, une bave épaisse comme du miel. Il était mort depuis longtemps. On a su, parce qu'il en avait encore des brins dans sa petite main, qu'il avait mangé de la ciguë. Il en avait trouvé une touffe encore toute verte. Il s'en état amusé pas très loin de sa mère qui chantait. »

- Pauvre Dieu ! geint Mademoiselle Delphine.

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Nicolas Simon, dans une thèse intitulée Le poison dans l’histoire : crimes et empoisonnements par les végétaux et soutenue à la faculté de pharmacie de Nancy, (Sciences pharmaceutiques. 2003. ffhal-01732872f) analyse l'emploi des poisons dans l'œuvre d'Agatha Christie :


La célèbre romancière britannique, ayant été infirmière pendant la première guerre mondiale, était une experte dans la connaissance des substances pouvant s'avérer extrêmement délétères pour l'homme.

[...] Parmi les dix meurtres perpétrés dans Dix Petits Nègres, deux le sont grâce à du cyanure de potassium (dans une seringue pour l'un, dans du champagne pour l'autre) et dans Les Quatre, un pauvre homme est recueilli par Hercule Poirot et, lorsque celui-ci a le dos tourné, l'homme est assassiné par l'intermédiaire d'une bouffée d'acide cyanhydrique. Dans ce même livre, la conicine, alcaloïde principal de la ciguë, est utilisée par injection pour réduire au silence un auteur publiant des mémoires compromettantes. Cette substance est également présente dans le roman Cinq petits cochons où son goût amer ne passe pas inaperçu dans la bière.

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Dans Ceux qui vont mourir te saluent (Éditions Viviane Hamy, 1994) Fred Vargas évoque les pouvoirs mortels de la ciguë :


- Votre frère Henri Valhubert est décédé hier soi à onze heures et demie. On lui a fait boire une dose énorme de ciguë. Il est tombé en quelque secondes. Des témoins ont vu la chute. Mais personne n'a vu la main qui lui avait tendu le verre.

- De la ciguë ?

- La grande ciguë, oui. C'était une décoction très artisanale des fruits.

- Artisanale mais efficace. La grande ciguë, le poison des anciens Grecs, des condamnés athéniens. C'est la mort de Socrate, douce et rapide.

- La police n'aime pas le choix de ce poison. Ça a quelque chose de théâtral. L'hypothèse du suicide est complètement écartée. La ciguë a été mélangée à un cocktail très fort, et offerte à votre frère au cours d'une grande fête devant le palais Farnèse, qui comptait au moins deux mille personnes. La police a aussitôt placé en état d'arrestation provisoire votre neveu Claude Valhubert, que deux de ses amis essayaient d'emmener rapidement hors de la place avant l'arrivée de la police. [...] Le rapport précise qu'on les connaît mieux sous les noms de Tibère et de Néon.

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