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L'Aconit

Dernière mise à jour : 4 oct.



Étymologie :


  • ACONIT, subst. masc.

Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1160 bot. « plante toxique » (Eneas, 2580-6, éd. Salverda de Grave : De sa boche chiet une escume ; Une erbe an naist mortel et laie, N'an boit nus hom a mort nel traie, Senz mort n'an puet nus hom goster ; Aconita l'oï nomer : Ce est l'erbe que les marastres Donent a boivre a lor fillastres) ; 2. 1213 « suc de la plante », plante médicinale (Fets des Romains, 500, éd. Flûtre et Vogel : Lors vint Ericto, si lava les plaies que li cors avoit ou piz et aillors dou viez sanc et dou venim, puis prist aconite − c'est uns venims qui chiet de la lune, − et de tot les feons qui nessent contre nature), emploi rarement attesté par la suite, mentionné par Fur. 1690 et Trév. 1704 comme terme de méd. chez les Anciens ; à partir du début du xixe s., il est couramment signalé comme terme de thérapeutique (Ac. 1835, sém. ex. 10). Empr. au lat. aconitum (transcription du gr. α ̓ κ ο ́ ν ι τ ο ν) dont Pline esquisse de fausses étymol. : Nat. hist., 27, 10 ds TLL s.v., 420, 3 : nascitur in nudis cautibus, quas aconas nominant, et ideo aconitum aliqui dixere [< lat. acone « pierre à aiguiser »]... alii quoniam vis eadem esset in morte, quae cotibus in ferri acie deterenda statimque admota velocitas sentiretur [< gr. α ̓ κ ο ν ι τ ι ́ « sans peine »] ; attesté dep. Ovide, fréq. ds Pline, mais selon André 1956 s.v. désigne une plante à racines toxiques d'espèce difficile à préciser, différente du genre aconit, synon. lat. : (ds Pline, ibid., index auct., 27, 2 ds TLL s.v., 420, 15) thelyphonon cammaron, pardalianches. Au sens de « aconit » spéc. aconitum Napellus L. ds Dioscorides latinus, 4, 74, ibid., 419, 72 : de aconitu alteroaconitu altero, quem licocto<n>on dicunt... (cf. André 1956, s.v. lucoctonon) ; le lat. médiév. ne semble connaître que cette 2e accept. (Gloss. lat.-theodiscae, 185, 18 ds Mittellat. W. s.v., 120, 48 : acconitum luppewurz ; voir André 1956, s.v. lupāria). Au sens « suc vénéneux de l'aconitum » (sans précision de la nature de la plante) dep. Ovide, Mét., 1, 147 ds TLL s.v., 420, 19 : lurida terribiles miscent aconita novercae ; cf. 1re moitié du ixe s. Walahfrid Strabo, De cultu hortor., 205 ds Mittellat. W. s.v., 120, 50 : dapibusve aconita dolosis tristia confundunt.


Lire aussi la définition du nom.


Autres noms : Aconit napellum - Bonnet de gendarme - Capuce de moine - Capuchon de moine - Casque de Jupiter - Casque de Minerve - Char de Vénus - Coqueluchon - Étrangle-Loup - Madriette - Pantoufle de Marie - Pistolet - Sabot du pape - Tue-Loup -

Aconitum anthora - Aconit anthore - Anthore -

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Botanique :


Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In : Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne l'Aconit :


Des biotopes identiques réunissent en montagne deux renonculacées: l’aconit de Napel ou Casque de Jupiter (Aconitum neomontanum), qui n’est plus utilisé aujourd'hui qu'en homéopathie, et la dauphinelle élevée (Delphinium elatum), toutes deux très toxiques. L'aconit de Napel est la plante la plus toxique d'Europe et HOSTETTMANN (2001 p. 15) précise qu'il est même dangereux d'en tenir un bouquet à la main. En 1894, Wilczek, consulté comme expert, indiqua au juge informateur que des racines d’aconit mélangées à celles, inoffensives, d'impératoire (Peucedanum ostruthium, apiacées), avaient été la cause d'un décès. Il laissa le soin à la justice de déterminer s’il y avait eu accident ou crime.

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Nicolas Simon, dans une thèse intitulée Le poison dans l’histoire: crimes et empoisonnements par les végétaux. et soutenue à la faculté de pharmacie de Nancy, (Sciences pharmaceutiques. 2003. ffhal-01732872f) présente ainsi l'Aconit napel :


L'aconit (Aconitum napellus, Ranunculaceae) est une plante herbacée et vivace qui affectionne les lieux ombragés et humides. Elle croît dans toute l'Europe. En France, on la rencontre dans la plupart de nos départements mais elle est surtout commune dans le Massif Central, dans les Alpes du Dauphiné et de la Savoie, dans les montagnes du Jura et des Vosges et, d'une façon générale, dans les régions montagneuses.

L'aconit napel est aussi appelé tue-loup ou casque de Minerve, ceci à cause de la forme de ses fleurs d'un bleu violet profond. Sa racine tubérisée ressemble à un petit navet, d'où le nom de napel. Le mot aconit signifie littéralement en grec « qui pousse dans un terrain sans poussière », c'est-à-dire rocailleux.

Le poison principal de l'Aconitum napellus est l'aconitine, alcaloïde isolé pour la première fois par Groves. Cet alcaloïde est peut-être le plus toxique parmi tous ceux que comporte la flore française, en effet la dose létale pour l'homme est inférieure à un milligramme. Toutes les parties de la plante, et la racine surtout, renferment ces alcaloïdes diterpéniques violemment toxiques. C'est pourquoi l'aconit est délaissé par le bétail ; la présence de cette Ranunculaceae à proximité des étables et des bergeries aurait, si l'on en croit la tradition populaire, écarté bien des animaux dangereux pour le bétail, ce qui a valu à une plante de la même espèce son nom de tue-loup.


On admet que l'ingestion directe de 90 à 100 grammes de suc de feuilles d'aconit ou de 8 à 12 grammes de sa racine est capable d'amener la mort chez un adulte.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une description et un bilan des usages de l'Aconit, teintés de sa vision catholique du monde :


DE L'ACONIT.

L'aconit appartient à la famille des Renonculacées ; c'est le genre qui renferme les plantes les plus dangereuses de cette famille par leurs propriétés et les plus séduisantes par leurs fleurs. Les deux espèces les plus remarquables sont l'aconit Napel et l'aconit tue-loup.

L'aconit tue-loup est le plus répandu de tous ; il croit presque par toute la France, dans les forêts ombragées des montagnes et s'avance jusque dans la Laponie. Linné raconte avoir vu en voyageant dans les montagnes du Nord, une femme cueillir les feuilles de cette plante et s'en nourrir après les avoir préparées avec de la graisse ; mais il n'en est pas moins persuadé de ses effets pernicieux que, peut être, la cuisson ou autres causes peuvent adoucir.

L'aconit Napel est ainsi dénommé à cause des tubercules de ses racines semblables à des navets. Il est excessivement dangereux, aussi la nature l'a-t-il placé loin des habitations de l'homme ; elle l'a relégué dans les Alpes et les Pyrénées, au milieu des pierres, dans les fentes des rochers ou les forêts ombragées et humides des montagnes. Toutes ses parties sont excessivement vénéneuses, la racine fraîche paraît souvent recéler des propriétés délétères encore plus prononcées que le reste de la plante ; cette racine si on la met en contact avec la bouche par la mastication, parait n'avoir d'abord qu'une saveur douçâtre, mais elle occasionne bientôt une sensation âcre, brûlante et très douloureuse, accompagnée d'une salivation abondante. Prise à l'intérieur et à petite dose, elle ne parait pas produire d'effet sensible, mais en plus grande quantité elle détermine divers accidents suite ordinaire des empoisonnements. Les auteurs rapportent plusieurs exemples d'événements funestes arrivés à des personnes qui avaient mangé des racines de Napel. Nous devons dire cependant que malgré les propriétés délétères de cette plante les fleuristes l'ont admises dans les jardins, séduits par la grandeur, la beauté et la forme singulière de ses fleurs d'un bleu éclatant et dis posées en un long épi.

Les symptômes propres à l'empoisonnement par l'aconit sont les suivants d'après les plus habiles médecins : paleur, sueur générales, vertiges, absence de la mémoire, obscurcissement de la vue, vomissement bilieux, fixité des yeux, paralysie aux bras, lèvres violacées, enfin mort par asphyxie. Les mêmes accidents surviennent lorsqu'on met le suc ou l'extrait de la plante en contact soit avec la membrane interne du rectum, soit avec le tissu cellulaire. Quant aux remèdes employés pour paralyser les effets de l'aconit, voici ce qu'en pense un habile docteur. Le véritable antidote de l'aconit a été, dit Giacomini, indiqué par Leméry. Ce grand observateur avait remarqué que l'aconit tue en produisant des phénomènes analogues à ceux de la vipère. Il a, en conséquence, proposé les remèdes opiacés et ammoniacaux tels que la thériaque et le sel volatil de corne de bœuf. Les anciens préconisaient le vin pour corriger les effets de l'aconit ainsi que cela nous est laissé écrit par Macrobe, Pline, etc. Les Italiens ne se sont pas éloignés de ces préceptes en prescrivant les éthers, l'alcool et l'opium d'après la connaissance de la vertu contro-stimulante de l'aconit.

Nous avons dit que l'aconit napel avait des propriétés délétères excessivement dangereuses, mais aussi hâtons-nous de dire que prise en petite quantité, cette plante, selon le témoignage de plusieurs habiles médecins peut-être d'un très grand secours dans une foule de maladies, telles que le rhumatisme aigu, les névralgies, les douleurs dentaires etc., etc. D'où il faut conclure que bien qu'elle soit dangereuse pour l'homme, elle n'infirme en rien, pas plus que bien d'autres de ce genre, la bonté de Dieu dans les productions du règne végétal. Ces plantes peuvent être bien vénéneuses, mais elles peuvent guérir ou du moins adoucir plusieurs maux et sous ce rapport elles sont encore empreintes de la bonté divine. Nous ne devons pas oublier du reste que Dieu n'exerce pas seulement sa bonté, mais qu'il glorifie aussi sa justice , et que ses œuvres sorties si pures de ses mains et uniquement marquées au sceau de sa bonté ont subi une triste modification depuis que l'homme a péché. C'est ce que nous apprend clairement l'Écriture et ce qui s'applique à tout ce qui, dans la Création, nous parait ne pas émaner d'un Dieu tout bon.

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent que l'Aconit n'est pas qu'un poison :


Propriétés Physiques : La racine a un faible goût de terre, d'abord doucereux, puis brûlant et âcre ; elle ne perd pas son âcreté en séchant. Les feuilles fraîches ont une odeur narcotique faible, plus sensible quand elles sont frottées. Leur goût qui est d'abord amer et herbacé devient aussi âcre et brûlant, produisant bientôt une sensation d'engourdissement dans la cavité buccale ; machées pendant longtemps, elles enflamment la bouche. Les feuilles séchées conservent la même saveur, mais l'âcreté est plus lente à se développer. On recueille les feuilles de cette plante au moment de la floraison. Leur poudre doit être conservée à l'abri de l'humidité et de la lumière dans des vases clos. Il est nécessaire de la renouveler tous les ans (Ph. B.).


Action physiologique. L'aconit napel était connu des anciens comme un violent poison ; c'était un ingrédient des poisons de Médée. Il fut employé en médecine pour la première fois par le baron Stork, à Vienne, en 1762. A dose modérée, cette plante excite la circulation et accroît les sécrétions cutanées et urinaires ; ses effets sont douteux et peu constants. Elle exerce un pouvoir sédatif sur le système nerveux et réduit ainsi la force de la circulation (Fleming). Elle produit de la chaleur à l'estomac et quelquefois des nausées ; elle détermine aussi la chaleur générale du corps, de l'engourdissement et du fourmillement dans les membres. Elle diminue la force et la fréquence du pouls et aussi celle de la respiration. A haute dose, tous ces phénomènes augmentent d'intensité, il y a des nausées, des vomissements, de la céphalalgie, du vertigo, des troubles de la vision et des douleurs névralgiques ; le pouls, la respiration et la force musculaire sont considérablement réduits. Ensuite survient une prostration générale qui peut persister, pendant plusieurs jours. Les effets de l'absorption de cette plante se montrent après 20 ou 30 minutes au plus ; ils acquièrent leur plus grande intensité au bout d'une heure ou de deux, amenant un abattement qui persiste pendant 3 à 5 jours. A dose plus élevée encore, il y a aggravation des mêmes symptômes, sensation de brûlure à l'œsophage, et à l'estomac, diminution de la sensibilité générale, raideur ou spasme des muscles, grande prostration des forces, pâleur de la face, refroidissement des extrémités, pouls petit et mort au bout de quelques heures, quelquefois précédée de délire, de stupeur ou de convulsions.

Appliqué sur la peau, l'aconit occasionne de la chaleur et des picotements suivis d'engourdissement ; sur la peau dénudée il produit les effets généraux que nous avons décrits ; sur l'œil il cause la contraction de la pupille. D'après son mode d'action, il paraît être un irritant local et en même temps par son action générale, il agit puissamment sur le cerveau, sur la moelle épinière et sur les nerfs déterminant la paralysie de la sensibilité et du mouvement. Le cœur ressent aussi son influence paralysante, d'où la dépression notable du pouls.

L'action physiologique de l'aconitine est la même que celle de l'aconit ; à l'extérieur , elle produit de la chaleur, une sorte de frémissement et de l'engourdissement ; à l'intérieur, elle détermine de l'irritation locale et même de l'inflammation ; absorbée elle réagit sur le système nerveux, ralentit la respiration et paralyse le système musculaire.


Usages Médicinaux : L'aconit a été employé contre le rhumatisme, la névralgie, la goutte, l'angine de poitrine, les affections catarrhales, la scrofule, la phthisie, les abcès métastatiques, l'infection purulente, les accidents secondaires de la syphilis, les cancers, certaines maladies cutanées, la coqueluche, l'amaurose, la paralysie, l'épilepsie, les fièvres intermittentes, les hydropisies et l'hypertrophie du cœur. En Allemagne, cette plante a longtemps joui d'une grande réputation dans le traitement du rhumatisme ; dans ces derniers temps elle a été préconisée de nouveau contre cette maladie, surtout dans les formes chroniques et névralgiques. Plusieurs praticiens l'ont recommandée dans le traitement des névralgies à l'intérieur et en usage externe. Le docteur Fleming la considère comme un antiphlogistique très utile applicable aux cas de congestion active ou d'inflammation du cerveau, tandis qu'elle est contre indiquée dans la migraine de l'anémie et dans tous les cas où il y a torpeur ou paralysie du système musculaire. Cazenave l'a trouvée très utile dans les éruptions cutanées avec sensibilité extrême de la peau ; elle détermine quelquefois une grande transpiration. La racine d'aconit a été employée en Russie contre la rage.

L'action de l'aconitine est beaucoup plus certaine et plus efficace que celle de l'aconit. On l'a conseillée dans certaines formes de folie, de manie, de délire ; les médecins homéopathes y ont souvent recours dans le traitement des névroses, des maladies inflammatoires et des affections fébriles en général. Les médecins allemands et anglais l'ont beaucoup vantée en usage externe contre les névralgies, la prosopalgie , la goutte, le rhumatisme et même la coxalgie. Ses vertus diurétiques, contestées cependant, l'ont fait recommander contre les hydropisies (Fouquier). Turnbull, comme nous l'avons dit en parlant de la delphine, a beaucoup insisté sur son emploi dans le traitement des maladies des oreilles et des yeux; nous-même, nous en avons obtenu de bons résultats dans le traitement de certaines surdités et amauroses par l'emploi d'une pommade contenant 4 à 6 grains d'aconitine par once d'axonge que nous faisions alterner avec la pommade de vératrine.


Formes et doses. La dose de la poudre des feuilles est de 1 à 2 grains ; de l'extrait de 112 grain à 1 grain ; de la teinture des feuilles de 20 à 30 gouttes, répétée deux à trois fois par jour et augmentée graduellement.

Une bonne préparation, c'est la teinture concentrée de la racine dont on doit donner de 5 à 10 gouttes. Pour l'usage externe, on peut employer les deux teintures, l'extrait mélangé à l'axonge et un emplâtre ou liniment préparé avec cet extrait. L'aconit tue-loup (A. lycoctonum, L.) possède les mêmes propriétés.

L'aconitine se prescrit pour l'usage interne en pilules ou en poudre à la dose de 1 à 5 centigrammes ; pour l'usage externe on la prescrit sous forme de gouttes (1 gramme sur 10 gram. d'alcool rectifié), de liniment (1 gramme sur 2 d'huile d'olive et 30 d'axonge. Turnbull), d'embrocation 1 gram . sur 250 d'axonge. id.) , de pommade (4-6 grains par once d'axonge. - Guibert).

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Usages traditionnels :


Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle (tome second, Livre XXVII ; traduction française : Émile LITTRÉ, disponible sur le site de Philippe Remacle) consacre un article à l'Aconit :


II. [1] Qui pourrait être, je le répète, assez reconnaissant des soins et de la diligence des anciens ? Il est certain que de tous les poisons le plus prompt est l'aconit, jusque-là que les femelles des animaux, si on en frotte seulement leurs parties naturelles (XXV, 75), meurent le même jour ; c'est le poison avec lequel M. Caelius (VII, 50, 5 ; XXXV, 46, 5) accusa Calpurnius Bestia d'avoir donné la mort à ses femmes endormies ; de la cette péroraison violente contre le doigt meurtrier du coupable. C'est ce poison qui, d'après la mythologie, naquit de l'écume de Cerbère tiré des enfers par Hercule, et qui, pour cette raison, abonde dans les environs d'Héraclée du Pont, où l'on montre le trou conduisant aux enfers (VI, 1).

[2] Et cependant les anciens ont fait tourner l'aconit au profit de la santé de l'homme : il combat le venin des scorpions, ce qu'on a expérimenté en le donnant dans du vin chaud. Telle est la nature de cette plante vénéneuse, qu'elle tue l'homme, à moins qu'elle n'ait chez l'homme quelque chose à tuer ; elle s'attaque à cela seul, comme avant trouvé au dedans un ennemi digne d'elle : tout se borne à ce combat de venin à venin, quand elle en rencontre un dans le corps de l'homme; et, chose admirable! deux principes également pernicieux s'anéantissent ainsi l'un l'autre dans l'homme, pour que l'homme ne soit pas anéanti. Bien plus, les anciens nous ont transmis des remèdes neutralisant les bêtes. et ils nous ont appris comment se neutralisent même des animaux venimeux. Au seul attouchement de l'aconit, les scorpions sont frappés de torpeur (XXV, 75) ; ils restent sans couleur et sans mouvement, et semblent avouer leur défaite.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Les teintures végétales ne pouvant supporter la concurrence des teintures chimiques dont le prix est bien moindre, les plantes tinctoriales ont cessé d'être cultivées, et on en récolte plus guère celles qui croissent dans nos vallées et sur nos montagnes. Je me souviens d'avoir vu dans mon enfance arracher, pour la teinture, l'épine-vinette et l'Asperula cynanchica ; aujourd'hui personne n'y songe. L'énumération que je fais des plantes tinctoriales spontanées en Savoie n'a donc qu'un intérêt historique. [...]

L'Aconitum anthora l'est aussi [utilisé pour teindre les cheveux en blond], mais je n'ai pu savoir quelle est la partie de la plante dont on se sert, ni la préparation qu'on lui fait subir.

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Historique de l'utilisation mortelle de l'Aconit napel :


Dans sa thèse intitulée Le poison dans l’histoire: crimes et empoisonnements par les végétaux. (Sciences pharmaceutiques. 2003. ffhal-01732872f) Nicolas Simon nous propose un panorama historique des empoisonnements à l'Aconit :


Les propriétés délétères de l'aconit sont apparemment connues depuis la nuit des temps. La mythologie grecque, avec Ovide et ses Métamorphoses, donne sa version de la manière dont est né l'aconit en citant l'histoire de Thésée, que Médée la magicienne voulait empoisonner :


« Il est une caverne obscure dès son entrée béante sur les ténèbres, d'où part une route en pente, par laquelle le héros de Tirynthe [Hercule, NDA] traîna un jour, malgré sa résistance, les yeux obstinément détournés de la lumière et des rayons éclatants du soleil, Cerbère, prisonnier de chaînes plus indestructibles que le fer ; le monstre, excité par la rage et la colère, emplit les airs de ses triples aboiements simultanés et arrosa la verdure des champs de son écume blanchissante. Cette écume, croit-on, se solidifia et, trouvant un aliment dans le sol riche et fécond, y acquit des vertus nocives. Et, comme elle est devenue une plante vivace qui pousse sur un dur sol rocheux, les paysans la nomment aconit. C'est ce poison qu'à l'instigation d'une perfide épouse [Médée, NDA], Egée, son père, tendit lui-même à son fils, comme à un ennemi. Thésée, d'une main ignorante du danger, avait déjà saisi la coupe offerte quand son père, sur la poignée d'ivoire de son épée reconnut la marque de sa famille, et d'un geste rapide écarta de la bouche de Thésée, avec le poison, le forfait. »


Dans l'antiquité, l'aconit était l'un des poisons les plus souvent utilisés dans des buts criminels ou pour des exécutions. Selon d'anciens écrits, on aurait été capable de doser la substance toxique de telle manière que l'empoisonné ne mourrait qu'après deux, trois ou six mois. C'est du moins ce que rapporte Théophraste, disciple d'Aristote.

L'aconit a aussi servi de poison de flèches, en Europe et en Asie, pour la chasse ou la guerre, et ceci jusqu'à la fin du Moyen Âge. Ambroise Paré, lui-même, décrit ces flèches et le moyen d'endiguer la progression du mal :


« Les flèches trempées dedans du jus d'asconit, les blessures sont mortelles. [... ] Reste maintenant entendre et considérer que ces playes sont quelque fois envenimées (comme nous avons dit) et que cela provient de la cause primitive des flèches ainsi préparées par l'ennemy. [... ] Parquoy du commencement (après avoir tiré les choses étranges, si aucunes yen a) faut faire des scarifications assez profondes autour de la playe, y appliquant ventouses avec grande flambe afin de faire attraction et vacuation de la matière virulente. »


Il est à noter que les militaires enduisaient aussi les armes blanches avec du poison.

On peut signaler aussi les poisons qu'emploient les populations du nord du sub-continent indien, aux confins de l'Himalaya, pour la chasse aux éléphants et aux buffles sauvages. Ils sont préparés à partir d'aconits de diverses espèces, en particulier le Bish (Aconitum ferox), l'une des plantes les plus toxiques au monde.

L'ellébore blanc servait aussi aux Espagnols du Moyen Âge comme poison de flèche pour la chasse, ce qui lui valut le nom d' «herbe aux arbalétriers ».

Plus proche de nous, le professeur Brunotte, qui enseignait à la faculté de Pharmacie de Nancy au début du 20ème siècle, relatait cette histoire déjà ancienne dans un de ses ouvrages :


« En 1814, des cosaques explorant les alentours du Hohneck rencontrent les trois enfants d'un charbonnier travaillant en pleine forêt et les tuent. A leur retour au logis, le 45 charbonnier et sa femme découvrant avec horreur le triple meurtre, décident de venger leurs enfants. Et c'est au poison qu'ils recourent, à la manière des Indiens de la forêt amazonienne. La femme va récolter force feuilles d'aconit, les mêle à quelques légumes échappés au pillage de la cabane et les met dans la soupe des soldats après avoir offert ses services au camp ennemi. Lorsque le lendemain, au point du jour, elle conduit son mari sur la montagne, tous les cosaques sont morts ; leurs cadavres gisent sur le sol. »


Des accidents furent aussi très fréquents avec l'aconit car on confondait souvent ses racines avec celles du céleri ou du raifort, ce qui engendrait des intoxications alimentaires souvent mortelles. De même l'ingestion d'une décoction toxique résultant d'une méprise botanique a été décrite dans les années cinquante puis, en 1975, une intoxication mortelle a été décrite dans le Roussillon : c'est la confusion de jeunes pousses d'aconit avec celles, considérées comme comestibles, d'une Apiaceae souvent consommée en Catalogne, Molopospermum peloponesiacum.

Que dire aussi de la tragique méprise d'un groupe de parachutistes lâchés au cours d'une opération de survie dans une région sauvage des Pyrénées ; ces jeunes gens devaient se nourrir uniquement avec ce qu'ils trouvaient sur place. La consommation accidentelle de racine d'aconit a entraîné une intoxication collective qui s'est révélée mortelle dans plusieurs cas.

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Symbolisme :


Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Aconit - Remords.

Parce que l’aconit est un poison qui a souvent été employé par le crime, et que le crime traîne après lui le remords.

 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


ACONIT - CRIME.

Celui qui cache ses crimes ne prospérera pas, mais celui qui les avoue et les abandonne obtiendra miséricorde. (Prov. XXVIII, 13.)


L'Aconit a toujours été regardé comme un poison très violent et par conséquent très dangereux. Pour donner une idée de sa violence les poètes ont feint qu'il était né de l'écume de Cerbère ; c'était d'après Ovide le principal ingrédient de ces poisons formidables que prépa rait Médée . Avant l'invention des pièges et des armes à feu, on se servait de l'aconit pour empoisonner les loups d'où vient le nom de Lycoctonum tue loup, donné à une espèce. On l'employait également pour empoisonner les flèches. On voit d'après cela que c'est avec beaucoup de raison qu'on a fait de l'aconit le symbole du crime.


MAXIMES.

Ceux qui sont incapables de commettre de grands crimes n'en soupçonnent pas facilement les autres.

(LA ROCHEFOUCAULT.)

Du fond de son tombeau trop heureux le mortel , qu'un jour de plus peut- être eut rendu criminel.

(DUCIS, Abufar, act . 2. )

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Aconit - Dissimulation.

L'espèce la plus remarquable est l'aconit napel, qui croit en France et dans les régions méridionales de l’Europe. Elle est souvent cultivée dans les jardins, à cause du bel effet que produisent ses fleurs en longs thyrses bleus. Cette espèce est un poison des plus violents. Les Germains et les Gaulois empoisonnaient leurs flèches en les trempant dans le suc de cette plante. Rien n'est trompeur comme cette magnifique plante.

 

Dans Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses (Librairie de Firmin Didot, Frères, Fils et Cie, 1871), J. Rambosson poursuit la tradition du sélam à la mode au XIXe siècle :


L'ACONIT. Ses diverses espèces ; son origine dans la fable ; poison qu'il fournit ; ses usages dans la médecine.

Aconit vient du mot grec akoniton, qu'on dérive d'aconé, pierre, parce que cette plante croît dans les terrains pierreux. Ce genre présente de l'importance, à cause des propriétés vénéneuses de la plupart des espèces qu'il renferme.

La plus remarquable et la plus généralement connue est l'aconit napel, vulgairement tue-chien, grande et belle plante, à fleurs en épi. Ses corolles ont la forme d'un casque et sont d'un beau bleu Elle croît en France et dans les régions méridionales de l'Europe ; elle est très commune en Savoie, sur les rochers et au sein des pâturages des montagnes ; on la cultive même dans les jardins.

Vient ensuite l'aconit tue-loup, que caractérise la couleur de ses fleurs, qui sont d'un jaune livide, mais à peu près de la même forme que celles du napel, et disposées également en épi.

On trouvait ces plantes en grande quantité auprès d'Héraclée, dans le Pont, où était la caverne par laquelle on prétendait qu'Hercule était descendu aux enfers; de là la fable imaginée par les poëtes, que cette plante était née de l'écume de Cerbère, lorsque Hercule lui serra fortement le gosier et l'arracha de l'empire des morts.

Au dire des poëtes, l'aconit était le principal ingrédient des poisons préparés par Médée. C'est dans le suc de J'aconit que jadis les Germains et les Gaulois trempaient leurs flèches pour les empoisonner.

Le principe actif de cette plante paraît être l'aconitine, que les chimistes ont extraite des feuilles du napel. Cette plante est mise au rang des poisons acres; outre ses effets locaux, elle agit encore par absorption, et détermine des désordres graves dans l'innervation.

En médecine, on administre l'aconit contre les affections rhumatismales chroniques, contre les névralgies, la paralysie et l'hydropisie. L'homéopathie surtout en fait un grand usage pour combattre les hémorragies9 et pour remplacer, dans la plupart des cas, les émissions sanguines. Sa préparation la plus usitée est l'extrait fait avec le suc exprimé de la plante fraîche ; la dose est de cinq centigrammes à un décigramme, que l'on peut augmenter progressivement.

Dans le langage des fleurs, cette plante est l'emblème du crime.

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit également la tradition du Sélam :


ACONIT, appelée aussi casque, tue-loup, napel, est une plante vénéneuse aux fleurs jaunes, petites et panachées, symbole : Remords.

 

Le Dictionnaire Larousse en 2 volumes (1922) propose des pistes pour comprendre le langage emblématique des fleurs :

Nom Signification Couleur Langage emblématique

Aconit Fausse sécurité Bleu Méfiez vous d'une amie

Ses fleurs bleues cachent un poison violent dont les Germains et les Gaulois se servaient pour rendre leurs flèches encore plus meurtrières.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Aconit napel (Aconitum napellus) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Saturne

Élément : Eau

Divinité : Hécate triple (devenue Trivia chez les Romains)

Pouvoirs : Protection ; Invisibilité.


Parties toxiques : Toute la plante. L'Aconit napel est l'une des fleurs les plus vénéneuses de la flore française. Pour cette raison, l'Aconit est à peu près abandonné aujourd'hui, sauf dans quelques rares rituels de magie noire que nous ne saurions trop déconseiller. Il faut tout particulièrement se garder de manger, ou même de toucher, ses racines en forme de navet.


Utilisation magique : En Angleterre comme en Europe centrale, la plante entière, fraîche, entrait dans des sacs protecteurs que l'on suspendait un peu partout dans les villages : vampires, loups-garous et autres créatures indésirables se tenaient alors prudemment à distance.

Une ancienne tradition, tenace dans plusieurs provinces des Balkans, affirme que trois graines d'Aconit, récoltées selon les rites et enveloppées dans une peau de lézard gris, rendent invisible celui qui les porte. Pendant la guerre de 1914-1918, on a trouvé de ces charmes sur des soldats bulgares tués. Ils pensaient ainsi s'infiltrer sans être vus dans les .lignes alliées.

Notons cependant que le poison violent contenu dans les sucs de cette plante, l'aconitine, est d'autant plus actif que la plante a poussé dans un climat plus chaud ; ainsi les Lapons mangent les jeunes pousses tendres sans éprouver le moindre effet toxique. Jusqu'à une époque relativement récente, surtout en Europe centrale, mais aussi en France et en Italie, guérisseurs et « mages des campagnes » utilisaient des recettes à base d'Aconit contre la lycanthropie : délire hallucinatoire dans lequel le malade se croit changé en loup

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Selon Eloïse Mozzani, auteure du Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, S.A.S, 1995, 2019) :


« L'aconit, plante vénéneuse des régions montagneuses, qui poussait dans le jardin d'Hécate, est né, selon la légende grecque, de "l'écume de la bouche du chien infernal Kerberos, vomissant à son premier contact avec la lumière, dès que le demi-dieu Hercule l'eut fait sortir de l'enfer".

Utilisée "dans quelques rares rituels de magie noire que nous ne saurions trop déconseiller", cette plante très toxique, surnommée "casque de Jupiter" ou "char de Vénus" parce que sa fleur renversée ressemble à un char entraîné par deux colombes, passe en Angleterre et en Europe centrale pour éloigner les vampires et les loups-garous. Certains guérisseurs de France ou d'Italie l'employaient également contre la lycanthropie. Ce qui n'est pas sans rappeler que l'aconit, mélangé à de la viande, peut empoisonner un loup, d'où ses surnoms de "tue-loup" ou d' "étrangle-loup".

Selon une croyance des Balkans, on acquiert l'invisibilité en portant dans une peau de lézard gris trois graines d'aconit : "Pendant la guerre de 1914-1918, on a trouvé de ces charmes sur des soldats bulgares tués. Ils pensaient ainsi s'infiltrer sans être vus dans les lignes alliées."

Si l'aconit empoisonne celui qui en absorbe, il chasse également le venin de celui qui est déjà empoisonné. Selon une légende orientale, une jeune fille qui en avait mangé dès son enfance sans que sa santé s'en ressentît était devenue elle-même vénéneuse pour ceux qui la touchaient ou la regardaient. Le pouvoir d'empoisonnement de celle-ci était tel qu'on l'utilisait pour faire périr des ennemis.

Par une circonstance quasi surnaturelle, "l'aconit que l'on mange impunément aux Indes, dit-on, une fois passée la frontière, tue. »

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Alexandre Arnoux nous propose un Calendrier de Flore (Éditions Bernard Grasset, 2014) dans lequel il évoque l'Aconit napel qu'il associe au mois de juin :


Ses fleurs royales,, guerrières, en casque de héros, d'un bleu tendrement violacé, ses hampes d'un beau jet, nettes de duvet, toujours rasées et épilées fraîchement, ses sombres et luisantes feuilles aux découpures tourmentées, aux lobes en lanières, du style gothique le plus flamboyant, ses racines épaisses aiment les rocailles, les terrains pierreux.

Ne vous fiez pas à son apparence de faste et de loyauté, c'est un poison ; aucune de ses parties qui ne tue, et méthodiquement, en détail, avec une cruauté calculée, étape par étape, des pieds au cœur ; il veut que sa victime déguste sa mort, que, déjà cadavre, son esprit veille encore, qu'elle ne perde pas un épisode de sa destruction, survive affreusement au corps décédé. Poison de Médée et des Borgia, de la mythologie et de la Renaissance. Le casque évoque ces époques, décorativement. La plante pousse dans les jardins d'Hécate, et Mithridate, patiemment immunisé, ne la craignait pas. Elle engourdit le scorpion, pourtant tenace.

Thésée, raconte la fable, traînant Cerbère hors de la caverne, et le chien furieux aboyant triplement, sa bave arrosa la terre. De cette écume de colère et d'enfer naquit l'aconit. On prétend aussi qu'une jeune fille d'une beauté parfaite ravageait jadis l'Inde ; nourrie de cette herbe, elle enchantait et assassinait à distance qui la regardait. Je connais ses sœurs. Symbole sans doute des dangers mortels du désir et de la féminine perfidie. La plus innocente ne cache-t-elle pas, depuis le serpent, un venin dont nous avons la nostalgie de périr. Sans lui, sans cette prescience, aimerions-nous ? En tout cas, tenez-vous bien ; ne vous laissez pas séduire. Voilà, héroïque, élégante, sans pitié, la fleur vamp.

Toutefois, édicte Galien, et je ne me porte pas caution de son enseignement, l'aconit donné en vin chaud navre le buveur s'il ne trouve autre chose en lui qu'il puisse navrer ; s'il rencontre un autre venin il l'attaque et néglige l'homme. Chose merveilleuse que deux poisons se défassent et se détruisent en lui, cependant que, champ de bataille et oublié des assaillants, spectateur de cette bagarre intérieure, le patient demeure sain et sauf. Cela se raccorde assez bien à la jeune fille de l'Inde. L'amant au cœur corrompu lui résiste mieux ; sa portion gangrenée seule succombe ; peut-être sortira-t-il-purifié de l'épreuve et la maléficieuse aura-t-elle, par détour et malgré soi, accompli le bien. Sujet de roman, de comédie dramatique ou de poème symphonique ; vous entendez d'ici la lutte des thèmes vénéneux et leur désagrégation d'où jaillit la mélodie immaculée. Ah ! que n'ai-je le génie musical ?

L'aconit a beaucoup de nom : casque de Jupiter, char de Vénus, et ils s'expliquent aisément. Tue-loup, capuchon, sabot du Pape. Pour ce dernier, il me paraît sentir l'hérétique et l'ennemi de Rome ; j'y flaire la rancune huguenote. En espagnol, Matalobos a l'air d'un pirate d'opérette ; il sied mal à la dignité hautaine, à la perversité classique de cette herbe des Argonautes et de la Lune souterraine, du roi du Pont et des princes que servait Machiavel.

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Symbolisme celte :


D'après L'Oracle druidique des plantes, Travailler avec la flore de nos ancêtres de Stephanie et Philip Carr-Gomm, l'aconit appartient avec la ciguë et la jusquiame à la carte des poisons. Les mots clefs associés à ces plantes sont :


en "position droite : Pouvoir - Aide inattendue - Soulagement

en position inversée : Malveillance - Trahison - Difficulté.


Il s'agit de plantes mortelles qui, si elle sont utilisées avec sagesse, offrent par ailleurs des bénéfices. Originaire de Grande-Bretagne, l'aconit (appelé aussi capuchon-de-moine) et la ciguë (à ne pas confondre avec le sapin-ciguë) pousse sur les terres humides et ombragées, tandis que la jusquiame aime le sol plus sec, sablonneux. La ciguë et la jusquiame ont une odeur fétide.

La carte montre l'aconit poussant sous l’éclat de la pleine lune. A droite, on voit la ciguë, à gauche, la jusquiame. Des flèches brisées sont jetées sur le sol.


Sens en position droite. La vie semble parfois presque insupportable. Si vous avez choisi cette carte, vous êtes soumis aux pressions et aux difficultés. Mais la vie est en essence mystérieuse, et quelque chose peut survenir tout d'un coup, qui agira comme catalyseur du changement. Nous sommes si habitués aux "histoires" des films et de la télévision que nous oublions l'immense pouvoir des choses infimes. La remarque d'un ami ou d'un étranger, une ligne dans un livre, une simple idée qui surgit peut induire une nouvelle direction dans votre vie ou un virage décisif dans vos affaires. Un tel don peut arriver d'une direction totalement inattendue, vous soulageant à un point que vous n'aurez jamais imaginé. Le consumérisme nous a habitués à chercher le plus grand, alors qu'on devrait chercher le meilleur.


Sens en position inversée. Chacun des poisons peut avoir un effet mortel. Si vous avez choisi cette carte inversée, vous devez être conscient des conséquences nuisibles de vos paroles ou de vos actions. Il se peut que vous ayez trahi quelqu'un ou une valeur qui vous tenait à cœur. Au lieu d'affronter ouvertement la personne ou le problème, vous avez œuvré dans l'obscurité des motifs inexplorés - en compagnie des sentiments de blessure et d'un désir de revanche que vous n'avez jamais osé s'exprimer. Au lieu d'éprouver maintenant du désespoir, il est important de réaliser que vos actions ont créé une difficulté susceptible de devenir un défi pour vous : montrer la force de caractère nécessaire pour régler un problème, réparer des torts ou avancer dans la vie avec sagesse et compassion. L'âme crée des expériences dont nous devons tirer les leçons.

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Baume vert et pointes de flèche en silex

En Grande-Bretagne, les plantes toxiques étaient appelées "banes", mot germanique et vieux norrois signifiant destruction et mort. Toute personne désirant travailler avec les plantes ou simplement se rapprocher de la nature doit connaître les plantes toxiques qui, malgré le danger qu'elles présentent, sont souvent précieuses. Par exemple, la pulicaire était brûlée pour débarrasser les maisons des puces - on sait maintenant que la plante contient un insecticide, le pyrèthre. L'aconit, qui contient de l'acotinine, poison mortel, est très utilisé en homéopathie, la jusquiame et la ciguë ont été utilisées en dose infime pendant des siècles pour la guérison.

Les herboristes classiques connaissaient bien les propriétés toxiques de ces plantes et exploitaient leurs pouvoirs curatifs, tout comme l'ont fait par la suite leurs homologues saxons et les médecins de Myddfai.

La jusquiame, apparentée à la mandragore et à la belladone, est l'une des plus anciennes plantes toxiques à réputation magique connues. Les Égyptiens anciens l'utilisaient, tout comme la médecine populaire d'Europe, pour ses propriétés apaisant la douleur et induisant le sommeil. Au XVIIè siècle, au Sussex, les bébés se faisaient les dents sur un collier de jusquiame, de grand orpin et de racines de verveine macérées dans du vin rouge. Les graines de jusquiame étaient fumées pour alléger les symptômes de la névralgie, des maux de dent et du rhumatisme. Au XXè siècle, elle a servi de sérum de vérité lors des interrogatoires. La phytothérapie moderne s'en sert comme sédatif.

L'aconit est si toxique qu'il s'était acquis une réputation terrible. On raconte que les chasseurs celtes plongeaient la pointe de leurs flèches dans son jus. A l'époque médiévale il était associé au meurtre et à la sorcellerie. On pensait que les sorcières plongeaient des silex das de l'aconit et les lançaient contre leurs victimes. Ces "têtes de flèche" en silex administraient les poisons simplement en égratignant la peau.

Les médecins grecs et arabes utilisaient la ciguë contre les tumeurs, tout comme les Écossais du XIIè siècle. L'un de ses noms populaires écossais est "mort de mère", car on disait aux enfants que leur mère allait trépasser s'ils osaient ramasser cette plante.

La ciguë, l'aconit et la jusquiame font tous partie des ingrédients des recettes de "baumes d'envol" hallucinogènes ou de "baumes verts" utilisés par les sorcières. Certains experts pensent que ces recettes, notées pour la première fois au XVè siècle, témoignent d'une tradition magique ou chamanique des plantes en Grande-Bretagne et en Europe occidentale remontant à l’époque des druides anciens. D'autres experts s'interrogent sur la validité des informations données par la chasse aux sorcières des XVIè et XVIIè siècles, et soulignent que la sensibilité d'un individu à la toxicité et aux taux de substances chimiques significatives d'une plante varie tellement que cette pratique semble peu probable."

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Mythologie :


Dans Les Métamorphoses (Livre VII, traduction (légèrement adaptée) de G.T. Villenave, Paris, 1806) Ovide raconte l'origine de l'Aconit :


Thésée (VII, 404-452) : Égée reçoit Médée dans sa cour. Déjà cette faiblesse le condamne. Mais, non content de lui donner un asile, il s'unit avec elle par les nœuds de l'hymen. Thésée venait d'arriver dans Athènes. Son bras avait purgé l'isthme des brigands qui l'infestaient. Il ignorait son illustre origine. Médée conspire contre les jours de ce héros. Elle prépare l'aconit qu'elle avait elle-même jadis apporté de Scythie, et qu'on dit être né de l'écume vomie par le chien des Enfers. Il est dans cette contrée une caverne dont l'entrée ténébreuse conduit à l'empire des morts. C'est par là qu'Hercule traîna l'affreux Cerbère attaché par des chaînes de diamant. Le monstre détournant ses yeux farouches, repoussait, la lumière et l'éclat du soleil. Tandis qu'il résistait en vain, irrité par sa rage, et de trois aboiements épouvantant les airs, il répandit son écume sur la terre. On dit qu'elle s'épaissit, et que, nourrie et fécondée par un sol fertile, elle devint le germe d'une plante, poison terrible que les habitants des campagnes appellent aconit, parce qu'elle croît sur les rochers, et qu'elle y vit longtemps. Trompé par les artifices de son épouse, Égée avait déjà présenté ce poison à son fils, comme à son ennemi. Thésée, sans défiance, tenait déjà la coupe fatale, lorsque jetant les yeux sur l'ivoire qui garnit son épée, Égée reconnaît son fils, écarte de sa bouche le funeste breuvage; et Médée n'échappe à la mort qu'en disparaissant dans un nuage obscur formé par ses enchantements.

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Selon Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


ACONITE. — Les Grecs avaient imaginé que ce poison non seulement poussait dans le jardin d'Hécate, -mais qu'il avait été fécondé par l'écume de la bouche du chien infernal Kerberos, vomissant à son premier contact avec la lumière, dès que le demi-dieu Hercule l'eut fait sortir de l'enfer. « Fabulae narravere, écrit Pline, e spumis Cerberi canis, extrahente ab inferis Hercule ; ideoque apud Heracleam Ponticam, ubi monstratur eius ad inferos aditus, gigni. » Le plus puissant aconite poussait, disait-on, au Pontus, c'est-à-dire, dans le royaume de Colchis, où Médée, la fille d'Hécate, jouissait d'une si redoutable réputation comme magicienne. Les Indiens aussi ont appelé l'aconite ativishâ, c'est-à-dire le poison suprême. Contre les poisons et surtout contre l'aconite, les anciens recommandaient l'Atriplex que les Romains appelaient pied de canard (pes anserinus).

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Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), cherche à déterminer les plantes associées par leur dénomination aux divinités antiques :


[...] Il existe un certain nombre de plantes qui sont revendiquées d’un côté par la mythologie et de l’autre par la religion. [...]

L’aconit napel quant à lui porte le nom païen de « char de Vénus » et le nom chrétien de « sabot du pape », bien qu’il soit difficile de déterminer le pourquoi de ces deux noms.

[...] Concernant les rapports des dieux aux plantes, nous pouvons, à la lumière de cet article, prétendre à trois conclusions. La première est que certaines plantes sont créées par les dieux ou personnages mythologiques, même si leur créateur ne leur donne pas forcément leur nom. C’est le cas de l’aconit, qui, dit-on, serait né de la bave du chien tricéphale gardien des Enfers, Cerbère bien sûr. Charles Bertin rappelle cette croyance dans son roman Les Jardins du Désert : « La jeune femme porte entre les seins un minuscule bouquet de fleurs d’aconit que la tradition prétend né de la bave de Cerbère ».

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Littérature :


Celui qui boit …


Celui qui boit, comme a chanté Nicandre, De l’Aconite, il a l’esprit troublé, Tout ce qu’il voit lui semble estre doublé, Et sur ses yeux la nuit se vient espandre.


Celui qui boit de l’amour de Cassandre, Qui par ses yeux au cœur est écoulé, Il perd raison, il devient afolé, Cent fois le jour la Parque le vient prendre.


Mais la chaut vive, ou la rouille, ou le vin Ou l’or fondu peuvent bien mettre fin Au mal cruel que l’Aconite donne :


La mort sans plus a pouvoir de garir Le cœur de ceux que Cassandre empoisonne, Mais bien heureux qui peut ainsi mourir.

Pierre de Ronsard,"Celui qui boit..." in Les Meslanges,

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque l'aconit napel :

29 mai

(Fontaine-la-Verte)


L'aconit napel (casque de Jupiter) : grappe violet sombre sur une tige raide comme un mât de Cocagne. Je me fais fourmi pour l'escalader. Feuilles lacérées ; fleurs de nuit poudrées de vert-de-gris. Les carpelles verts et les étamines gris-jaune regardent le monde par la fenêtre de cinq pétales inégaux : ceux du bas sont mains en offrande, les latéraux capes de vampire, et le casque est un crâne en pain de sucre de yéti transi par le froid...

On interdit aux fleuristes de vendre l'aconit parce qu'il est toxique. L'épaisseur de la bêtise humaine enchante le locataire de l'Olympe.

[...] 21 juin

(Fontaine-la-Verte)

Aconit napel : poème homérique

Casques des Achéens devant Troie

Hector et Achille dans la plaine

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