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Le Cerf (suite)



Suite de l'article commencé en 2015 et que vous pouvez lire ici.

 

Symbolisme celte :

Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Un signe net de l'importance du cerf dans la symbolique celtique est la fréquence relative de son apparition dans l'iconographie ou la légende. Une divinité gauloise porte le nom de Cernunnos, celui qui a le sommet du crâne comme un cerf. Elle est représentée sur le chaudron d'argent de Gundestrup, assise dans la posture bouddhique, tenant d'une main un torque et de l'autre un serpent, entourée d'animaux les plus divers, et notamment d'un cerf et d'un serpent : peut-être faut-il voir dans ces bois de cerf surmontant la tête du dieu un rayonnement de lumière céleste.

Un autre monument remarquable est celui de Reims où Cernunnos est représenté en dieu de l'abondance. On en connaît plusieurs autre. Cependant, il semble bien que le dieu doive être compris comme le maître des animaux. En Irlande, le fils du grand héros du cycle ossianique, Find, s'appelle Oisin (faon), tandis que saint Patrick se métamorphose et métamorphose ses compagnons en cerfs (ou en daims) pour échapper aux embûches du roi païen Loegaire : il agit ainsi en vertu de l'incantation ou procédé magique appelé feth flada, lequel procurait normalement l'invisibilité. Le symbolisme du cerf dans le monde celtique est donc très vaste et il a trait certainement aux états primordiaux. Faute d'une étude d'ensemble, on doit provisoirement se borner à relever le symbolisme de longévité et d'abondance. Les Gaulois employaient de nombreux talismans, en bois de cerf, et on a noté, en Suisse, dans des tombes alémanes des ensevelissements de cerfs à côté de chevaux et d'hommes. On a rapproché le fait des masques de cerf dont étaient munis des chevaux sacrifiés dans des kourganes de l'Altaï aux Ve et VIe siècles avant notre ère. en Bretagne armoricaine, saint Edern est représenté chevauchant un cerf.

Comme le renne, le chevreuil, le cerf semble avoir joué un rôle de psychopompe dans certaines traditions européennes, notamment chez les Celtes : le Morholt d'Irlande, oncle d'Yseult, occis par Tristan en un combat singulier, est dépeint gisant mort cousu dans une peau de cerf."

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Dans L'Oracle des Druides (1994, traduction française 2006) de Philip et Stephanie Carr-Gomm, le cerf représente la fierté, l'indépendance et la purification. (mots-clefs)


"La carte du cerf représente l'animal, bramant devant une arche de bouleaux. Dans la tradition druidique, le bouleau est l'arbre des commencements, et le cerf l'une des créatures vivant depuis le début des temps. L'arche représente le point de transition entre ce monde et l'au-delà, dont le cerf est souvent considéré comme l'un des messagers. Près du cerf, on voit gravée sur un rocher la silhouette d'un homme portant ramure, représentation du dieu Cernunnos, d'Herne-le-Chasseur, ou de Merlin. Au premier plan poussent des plantes associées à l'animal : le tabouret des champs (herbe potagère du cerf), l'oseille sauvage (oseille du cerf), l'asperge commune (poireau du fils du cerf).


Le cerf nous apporte la grâce, la majesté et l'intégrité ; il peut nous aider à renforcer notre sentiment de dignité et d'assurance. Si vous vous trouvez confronté à une situation dans laquelle vous vous sentez surveillé et vulnérable, comme dans un tribunal ou en public, entrez en contact avec l'esprit du cerf et demandez-lui protection ; votre calme, votre force et votre dignité reviendront. Le cerf symbolise également l'indépendance spirituelle et physique. Si vous tirez cette carte, vous trouverez très probablement en vous la force suffisante pour exiger et conserver votre indépendance. En Ogham, langue druidique des bois sacrés, le cerf est associé à Beith, le bouleau, et au chiffre un. Il est de bon augure de tirer cette carte si vous envisagez de nouveaux projets, car le bouleau est associé à la grâce des commencements. Le cerf ayant aussi un lien avec la fertilité et la sexualité, cette carte signifie que vous parviendrez à intégrer dignité, grâce, puissance et intégrité à votre vie sexuelle.


Renversée, la carte vous demande d'analyser à quel point votre fierté constitue une aide ou au contraire un obstacle. La fierté a un côté positif : elle peut vous pousser à donner le meilleur de vous-même. Mais elle peut aussi bloquer votre développement et votre joie de vivre, si elle ne fait que protéger vos sentiments de vulnérabilité et d'insuffisance. Demandez-vous si votre fierté vous aide, ou si les qualités du cerf pourraient vous aider à être digne et intègre sans fierté inutile. Le dieu-cerf, en tant que seigneur de la chasse, est responsable du choix des bêtes à abattre. On peut voir là un processus de purification ou de sacrifice qui sert à maintenir un bon équilibre écologique. Cette carte peut donc signifier que vous devez effectuer des purifications ou des sacrifices dans votre vie. Peut-être devez-vous vous détacher des possessions matérielles ou rompre des liens émotionnels inutiles, afin de parvenir à retrouver votre indépendance et votre intégrité.


Le Cerf dans la Tradition

"Je suis le cerf aux sept bois"

La chanson d'Amergin


Tous les daims sont des créatures belles et gracieuses, mais sa magnifique ramure constituée de plusieurs bois donne au cerf une majesté qui lui est propre. Ses bois commencent à pousser au printemps, et atteignent leur taille finale à la saison du rut, moment des accouplements à la fin de l'automne. Vers l'époque de la fête druidique d'Imbolc, le 1er février, les cerfs perdent leurs bois avant la naissance de leurs petits.

Selon la tradition écossaise, le cerf est l'un des plus vieux animaux du monde qui sont présentés dans le premier des contes où apparaissent le roi Arthur et ses chevaliers, Culhwch et Olwen. L'histoire raconte que le jeune héros Culhwch tomba amoureux d'Olwen, la fille d'un géant. Mais ce dernier répondit à Culhwch qu'il devrait effectuer trente-neuf travaux tous aussi impossibles les uns que les autres avant de pouvoir épouser sa fille. Parmi ces travaux, il devait par exemple rapporter la défense du chef des sangliers, et capturer les meutes de Rhymhi. Avec l'aide d'Arthur et de ses hommes, Culhwch réussit à accomplir ces tâches et à épouser Olwen dont le père fut décapité.

Le cerf fait par conséquent partie des cinq animaux-totems qui occupent une place prépondérante dans la tradition britannique. Du merle au saumon, en passant par les trois autres animaux-totems, nous avons un aperçu du voyage qui nous entraîne toujours plus profondément dans le royaume de l'au-delà.


Costumes de Cerf

Pendant des millénaires, les hommes ont tenté de s'approprier la puissance, la dignité et la proximité du cerf avec l'au-delà, en se revêtant de costumes à sa ressemblance lors de danses et de cérémonies. Nous savons que ces coutumes rituelles datent au moins de 9500 ans dans les Îles Britanniques, car on a retrouvé sur un site mésolithique datant de cette période à Star Carr dans le Yorkshire, plusieurs crânes complets de cerfs portant encore des ramures, dont l'intérieur avait été creusé et les bords percés de trous pour en faciliter le port. Le chaudron celte, trouvé à Gundestrup au Danemark, montre lui aussi la gravure d'un chaman celte ou de Cernunnos portant une telle ramure transformée en couvre-chef. Nous retrouvons très fréquemment des personnages humains portant des ramures dans le folklore et les légendes. Ces coutumes étaient encore si courantes en Grande-Bretagne au VIIème siècle, que Saint Augustin rit de sévères mesures à leur encontre, interdisant à quiconque de céder à "l'habitude malsaine de s'habiller en cerf".


Le Seigneur des Animaux

Le seigneur des Animaux était représenté sous la forme d'un homme portant une ramure, l'association des caractéristiques humaines et animales signifiant la possession de pouvoirs surnaturels. On trouve un tel personnage dans la légende d'Herne le Chasseur - un homme portant des bois et vivant dans la forêt de Windsor, qu'on disait voir apparaître lors des crises nationales - et de Cernunnos, dieu celte de la chasse. Des noms de lieux tels que Cerne Abbas dans le Dorset, où apparaît la silhouette du géant ithyphallique gravée dans la craie à flanc de colline, portent encore la trace du nom de Cernunnos. Ce dieu était associé à la fertilité (et donc à la sexualité), et aux activités de la chasse et de l'abattage des bêtes. On voyait en lui le seigneur de la chasse qui accompagnait l'esprit des morts vers l'au-delà.

Le cerf, qui voyageait bien sûr vers l'au-delà avec le reste du convoi, jouait le rôle de messager de l'autre monde. Il était donc pour cette raison associé au festival de [Samonios] qui a lieu entre le 31 octobre et le 2 novembre, lorsque le voile est levé entre ce monde et l'au-delà, rendant possible la communication avec nos ancêtres. Monté par le roi des fées et par Merlin, il nous apporte la connaissance et la puissance."

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Selon Sabine Heinz, auteure de Les Symboles des Celtes, (édition originale 1997, traduction française Guy Trédaniel Éditeur, 1998),


"Dans toute l'Europe, 2000 ans avant notre ère, le cerf était déjà un symbole divin, comme le prouvent les vestiges trouvés dans les tombes. Une fois encore, c'est sur son comportement que s'orientent les hommes : le rythme de croissance de ses bois correspond à celui de l'ensemencement et de la récolte du blé ; le blé, à son tour, est la preuve d'une vie après la mort. De plus, on pouvait utiliser ses bois comme outil pour creuser les tombes. La Biche, quant à elle, n'abandonne pas ses petits, même quand elle s'expose à un danger de mort.

Le cerf apparaît en particulier dans les processions et les sacrifices. Chez les Celtes de l'époque de Hallstatt, il est déjà présent sur certains objets, bijoux, pièces de monnaie et en tant que figure de légende. Il est l'emblème du dieu celtique Cernunnos - également appelé le roi cerf - qui porte généralement des bois et est fréquemment accompagné de différentes créatures. Il a, tout comme le cheval, un rang privilégié et on parle de lui dès l'époque préromaine des Celtes. Cernunnos est le dieu mi-homme mi-bête le plus impressionnant ; il symbolise la métamorphose de l'homme en animal et cive versa, que l'on rencontre souvent dans la littérature celtique. Dans les légendes irlandaises et galloises, les cerfs sont également liés aux métamorphoses (de personnes de sexe féminin aussi).

Chez les Gaulois, il est le maître des animaux (et correspond à Cernunna, la maîtresse des animaux) et de la forêt dense et mystérieuse - ses bois pouvant représenter les arbres, comme on le voit sur le chaudron de Gundestrup. Il règne également sur la fécondité, la surabondance et le renouvellement. Ses bois le mettent en rapport avec le principe féminin (forme en V) et le symbole de la trinité dont les échelons représentent le principe masculin. Dans l'ensemble, le thème de la fécondité domine ; il est renforcé par le comportement très agressif du cerf pendant la période de l'accouplement.

Les cerfs sont représentés en compagnie de dieux de la chasse, mais ils ont encore d'autres fonctions : Pwyll, prince de Dyfed (Pays de Galles) rencontre un cerf qui est l'annonciateur du Dieu de l'Autre Monde. Le dieu-cerf est également qualifié de Dieu de la Parole et de Dieu attentif, doué d'une intelligence surhumaine, de sagesse et de Providence. Merlin (Myrddin en gallois), le premier conseiller du roi Artus (Arthur en gallois), organisateur de la Table Ronde et de la Quête du Graal, affirme qu'il descend du cerf. Dans les récits, le cerf est souvent le plus ancien animal des forêts (pour les Gallois il a 243 ans) - un animal toujours prêt à rendre service.

Dans la légende arthurienne, Gerreint rapporte que le cerf, en sa qualité du roi de la forêt, aide à obtenir prestige et noblesse :


Artus, le gardien des forêts, rapporta jadis qu'il avait aperçu un cerf tel qu'il n'en avait encore jamais : blanc et toujours seul en raison de son orgueil et de son rang royal. On se prépara alors à la chasse. Gwenhwyvar, la femme d'Artus, devait venir elle aussi. On convient avec Gwalchmei que celui qui tuera le cerf, que ce soit à pied ou à cheval, aura le droit d'en offrir la tête à "une amie de son choix". Le lendemain matin, l'escorte partit, sans Gwenhwyvar ni Gereint qui ne s'étaient pas réveillés et qui vécurent d'abord d'autres aventures avec une plus petite escorte. Les hommes qui entouraient Artus se répartirent les terrains de chasse et lâchèrent leurs chiens pour chasser le cerf. Le chien d'Artus était le plus rapide et rabattit le cerf sur son terrain où Artus lui trancha la tête. Sur le chemin du retour, les chevaliers se disputèrent la tête du cerf. Lorsqu'ils furent rentrés au château, Gwenhwyvar suggéra de ne pas attribuer la tête du cerf avant que Gereint ne soit revenu. Après maintes aventures, Gerient finit par rentrer à la cour et y présenta son élue, Enit. Sa belle allure et ses bonnes manières enthousiasmèrent tous les sujets de Bretagne. Gwenhywyvar décida alors, en présence de Gereint, qu'Enit recevait la tête du cerf, puisqu'elle était la personne la plus respectée et qu'elle vivait avec tous dans l'amitié et la sympathie. La réputation d'Enit grandit et ses partisans se firent encore plus nombreux.


Aujourd'hui encore, en Europe, les coutumes relatives à la fécondité et les fêtes en rapport avec une certaine croyance sont liées au symbolisme du cerf, comme par exemple dans le village anglais de Abbots Bromley, où chaque année, le 4 septembre, a lieu la danse de la corne."

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D'après Jean Markale, auteur du Nouveau Dictionnaire de Mythologie celtique (Éditions Pygmalion - Gérard Watelet, 1999),


Le cerf est un "animal qui joue un grand rôle dans la mythologie celtique. Le cycle irlandais de Leinster, dit aussi cycle ossianique, semble placé sous le signe du cervidé : le véritable nom du héros Finn est Demné, c'est-à-dire le "Daim". Son épouse Sadv est une femme-biche. Son fils est Oisin (Ossian), le "Faon", et son petit-fils Oscar, "celui qui aime les cerfs". Sans doute faut-il voir là le souvenir des temps préhistoriques où la chasse au cerf était le seul moyen de survivre. On sait qu'en Irlande, il y avait de grands cerfs rouges majestueux et puissants, et on comprend fort bien leur importance symbolique dans la tradition."

 

Selon Divi Kervella, dans Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (2001),


Le cerf se dit en breton karv et c'est un "animal qui apparaît très souvent dans la mythologie celtique. Un dieu celte, Kernon (kern = cornes en breton) est représenté avec des bois de cerf. Il est la maître des animaux, le dieu de l'abondance, du renouveau cyclique physique et spirituel ( les bois de cerf qui tombent et qui repoussent), de la vie dans l'Autre Monde. Le cerf est une des quatre bêtes magiques celtiques. Dans ce quatuor il représente la fête du Ier novembre et la direction de l'ouest , ce dernier se disant kornaoueg en breton, mot où l'on retrouve bien sûr l'élément korn "corne". cet animal semble représenter le peuple tout entier.

Le cerf apparaît dans beaucoup de vies de saints celtes : c'est le symbole principal de David, le saint patron du Pays de Galles ; Patrick, le patron de l'Irlande, se métamorphose un moment donné en cerf, et dans l'héraldique irlandaise on trouve l'île représentée par un cerf sortant d'une porte... En Bretagne, on représente les saints Edern et Telo chevauchant des cerfs, saint Luner en avait douze, et une mention toute particulière sera faite à saint Hernin, qui se fête le 2 novembre et qu'on fait figurer avec ce même animal. Ce personnage semble être le descendant direct du dieu celte.


Dans la mythologie irlandaise, le fils de Find, le chef de la milice chevaleresque des Fianna, s'appelait Oisin, ce qui veut dire "faon". Dans le domaine brittonique ce nom est Alan, nom de plusieurs rois bretons. Le jeune cerf (breton heiz) et la jeune biche (heizez) occupent également une place de choix dans toute cette symbolique.

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Dans Animaux totems celtes, Un voyage chamanique à la rencontre de votre animal allié (2002, traduction française : Éditions Vega, 2015), John Matthews nous propose la fiche suivante :


"Cerf = irlandais : fia ; gallois : carw, hydd ; gaélique : fiagh, doire ; langue de Cornouailles : carow ; breton : -.


Le cerf apparaît fréquemment dans la littérature et la tradition celtes. Il est un des caractères les plus anciens et les plus répandus de celle-ci. La quantité impressionnante de bois de cerfs trouvés dans des tombes et des fosses en guise d'offrande, en est à elle seule un attestation. A Colchester, des archéologues ont découvert lors de fouilles sur un lieu de prière dédié à une divinité locale, une statuette de cerf en bronze portant l'inscription Silvanus Calirius, "Roi des Bois".

Le fait que les bois de cerf poussent jusqu'à une certaine taille, puis tombent au printemps, associa le cerf à un rôle d'annonciateur de la mort et de la renaissance, et c'est en tant que tel, qu'il apparaît souvent dans la littérature, comme dans l'iconographie.

Dans les légendes de la mythologie et du folklore celtes, il apparaît également fréquemment sous d'autres rôles. A un moment, dans l'épopée de Fionn, le héros chasse un cerf, qui est le dieu Donn ayant emprunté cette forme. Il se marie ultérieurement avec une femme d'origine féerique, qui prend souvent la forme d'un cerf, et leur fils Ossian est considéré comme étant mi-humain, mi-cerf.

Maintes fois, comme dans Prince de Dyfed, histoire extraite du Mabinogion, où Pwyll affronte un cerf qui est également poursuivi par Arawn, les récits de visitations de l'Autre-Monde commencent par la chasse ou la poursuite d'un cerf. Dans Culhwch et Olwenn, histoire également tirée du Mabinogion, le cerf est une des bêtes de pouvoir avec lesquelles Culhwch est capable de communiquer et qui aide le jeune héros à capturer le sanglier Twrch Trwyth.

Dans l'un des poèmes les plus célèbres de la littérature celte, le Chant d'Amairgin, on lit la ligne suivante : "Je suis un cerf, à sa septième saison". Le mot "septième" est important, car il souligne non seulement le chiffre sacré sept, mais c'est également l'indication que le cerf a atteint la maturité et la puissance. Les bois du cerf étaient considérés comme symbolisant les branches bien déployées des bois, et c'est pour cette raison que des dieux cornus comme Cernunnos et le seigneur des bêtes, étaient représentés ainsi.

Les cerfs étaient toujours considérés comme des créatures magiques, pouvant servir de guide vers l'Autre-Monde, et apparaissaient souvent sous les traits d'une femme d'une grande beauté, capable de se transformer en cerf à volonté. La femme du héros Fionn, qui s'appelait Sabha et venait de l'Autre-Monde, prenait la forme d'un cerf lorsqu'elle quittait le monde des mortels. on trouve des signes indiquant l'existence d'un culte du cerf, dans lequel l'animal était vénéré en tant que Déesse. Le cerf représente par conséquent les voyages vers l'Autre-Monde où les royaumes féeriques, la métamorphose (permettant d'observer le monde selon des points de vue différents), et les qualités naturelles de l'animal : la grâce, la rapidité et la sensibilité de son odorat.


Préceptes du totem :

Éclaireur : Il n'y a pas de chemin trop abrupt ou rocailleux.

Protecteur : Ma force te mènera.

Challenger : Où est la vérité dans ta recherche ?

Aide : Il y a beaucoup de force dans ta vie."

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Dans L'Oracle celtique, l'exploration des mondes intérieurs (2005 ; traduction française 2006) de John Matthews, la clef du cerf est la force.


Le Cerf est l'une des figures les plus anciennes et importantes de la tradition celtique. En témoigne le nombre ahurissant de bois de cerf trouvés dans les tombes et les fosses où des offrandes étaient faites. Dans l'une d'elles, à Colchester (RU), des archéologues [...] découvrirent une figurine de bronze représentant un cerf portant l'inscription Silvanus Callirius, le "Roi des Forêts". Le fait que les bois de cerf tombent et repoussent au printemps leur confère un rôle important de symbole de mort et de renaissance [...]

Dans le cycle de Fionn, le héros poursuit un cerf qui est le dieu Donn métamorphosé.

Il épouse plus tard une femme d'origine féerique, qui prend souvent la forme d'un cerf, et leur fils Ossian est considéré comme une combinaison d'humain et de cerf. Dans une chanson, il s'adresse ainsi à sa mère :


Si tu es ma mère, tu es une biche

Si tu es ma mère, tu es une biche,

Garde-toi des chiens.


Partout, comme dans l'histoire de "Pwyll, Prince de Dyfed", tirée du Mabinogion, où Pwyll rencontre un cerf qui est aussi poursuivi par Arawn, les histoires de la visite à l'autre-monde commencent par la chasse ou la poursuite d'un cerf. Dans l"histoire de "Culhwch et Olwen", de la même source, le cerf est l'un des puissants animaux avec lesquels Culhwch est capable de communiquer, et qui aident le jeune héros à capturer le sanglier Twrch Trwyth.

Dans l'un des plus fameux poèmes de la littérature celtique, "Le Chant d'Amairgin", il est écrit : "Je suis un cerf, à sept andouillers". Le nombre est important, car il est sacré, mais parce qu'il indique aussi que le cerf est dans la force de l'âge.

On considérait que les andouillers du cerf symbolisaient les branches des arbres, et c'est pour cette raison que les dieux cornus comme Cernunnos et les Seigneur des Animaux sont représentés."

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Dimitri Nikolai Boekhoorn, auteur d'une thèse intitulée Bestiaire mythique, légendaire et merveilleux dans la tradition celtique : de la littérature orale à la littérature écrite : étude comparée de l’évolution du rôle et de la fonction des animaux dans les traditions écrites et orales ayant trait à la mythologie en Irlande, Ecosse, Pays de Galles, Cornouailles et Bretagne à partir du Haut Moyen Âge, appuyée sur les sources écrites, iconographiques et toreutiques chez les Celtes anciens continentaux. (Littératures. Université Rennes 2 ; University Collège Cork, 2008) récolte les éléments connus sur le symbolisme du Cerf :


Les déesses Artio et Arduinna mises à part, il faudrait mentionner Cernunnos, le dieu-cerf très puissant et semi-zoomorphe qui porte des bois de cerf. La représentation la plus connue de cette divinité figure sur le fameux chaudron de Gundestrup trouvé au Danemark. Il est non seulement associé au cerf, mais également à d’autres animaux, notamment au serpent (cornu !) ; il peut être conçu comme le Seigneur ou Maître des Animaux et de la nature sauvage. Probablement, il possédait le pouvoir de changer son apparence anthropomorphe en un être plutôt zoomorphe. [...]

Le culte du cerf, lui aussi, est profondément inscrit dans le culte animal. Les peuples celtiques et leurs prédécesseurs lui accordaient une fonction psychopompe : le cerf était le conducteur ou passeur des âmes vers l’Autre Monde. Par voie de conséquence il y a de nombreuses représentations de cet animal dont le rôle dans la religion et la mythologie est complexe. Il faut chercher la représentation la plus significative au Val Camonica dans le nord de l’Italie. Là, c’est l’art rupestre qui nous dépeint quelques cerfs sacrés qui ont dû jouer un rôle central dans un culte cynégétique. Le cerf accompagnait souvent le dieu solaire. Le chariot cultuel autrichien de Strettweg est un exemple splendide de la chasse au cerf divin. L’iconographie plus tardive nous montre des cerfs qui sont la plupart du temps en compagnie d’un dieu-chasseur quelconque ou du dieu-cerf Cernunnos, dont le nom signifie ‘dieu cornu’ et qui arbore lui-même une impressionnante ramure. Ce dieu gaulois doit peut-être être assimilé au Jupiter ‘celtique’ ; dans la toponymie on retrouve toujours des traces de son nom, ce qui démontre son importance. [...]

Les animaux en question sont souvent des cerfs (ou des biches) et des cochons (ou des sangliers). Si cela est vrai pour la littérature gaélique, - les Fianna, guerriers de Finn, par exemple, chassent souvent ces animaux - on retrouve ce même thème de la chasse mythique de ces bêtes dans les récits brittoniques : dans l’histoire Pwyll prince de Dyfed, le héros est amené à la rencontre de Arawn, chef du monde d’en bas appelé Annwfn, par l’intermédiaire d’un cerf. Ce dernier constitue donc le lien entre ce monde et l’Annwfn. Le troupeau de chiens de chasse de Pwyll rencontre le troupeau appartenant à Arawn, dont l’aspect surnaturel est mis en évidence par leur couleur : ils sont d’une blancheur presque aveuglante et ils ont des oreilles rouges. [...]

Le Roux et Guyonvarc’h, qui ont examiné cette ‘triade zoomorphe’ d’un faon, un marcassin et un louveteau dans le cadre des survivances trifonctionnelles indo-européennes, sont convaincus d’y voir les traces d’un symbolisme triple :

1. Le sanglier est le symbole de la première fonction sacerdotale ;

2. Le loup celui de la deuxième fonction guerrière ;

3. Le cerf celui de la troisième fonction productrice dans son aspect de fécondité.

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Pour Gilles Wurtz dans Chamanisme celtique, animaux de pouvoir sauvages et mythiques de nos terres (Éditions 2014), les mots-clefs associés au cerf sont : la virilité et la fertilité.


"Le cerf perd ses bois chaque année entre la fin de l'hiver et le début du printemps, ensuite ils repoussent et le cycle recommence. En général les mâles et les femelles vivent séparément durant l'année, ils ne se retrouvent que pour la période de reproduction. Celle-ci démarre vers la fin de l'été et peut durer jusqu'à la fin de l'année. En Europe, l'apogée de cette période d'accouplement va de la mi-septembre à la mi-octobre. Pendant le rut, le brame résonne dans les forêts, c'est le cri profondément rauque et puissant du mâle qui peut s'entendre à des kilomètres.


Applications chamaniques celtiques de jadis : Pour les Celtes, le cerf était le seigneur des forêts et des animaux. Sa prestance, sa puissance et son allure majestueuse... tout en lui évoque le souverain. Rien d'étonnant dès lors à ce que son effigie orne de nombreux blasons de nos ancêtres.

Cernunnos était le grand esprit de la nature chez les Celtes. Il était représenté par un homme cornu coiffé de bois de cerf. Ses deux attributs majeurs sont la fertilité et sa grande faculté de métamorphose. Cernunnos était ce qu'on appelle un maître en métamorphose, capable de prendre de multiples aspects, qu'ils soient issus du règne animal, végétal ou minéral, mais aussi les aspects des éléments : la terre, l'eau, l'air et le feu.

La virilité et la fertilité incarnées par le cerf étaient des qualités nécessaires pour la survie d'un peuple (pour bien cerner toute leur importance, il ne faut surtout pas les assimiler à des notions de domination masculine, ni les confondre avec du machisme ou le patriarcat.) Les Celtes faisaient appel à l'esprit du cerf quand des problèmes de fertilité affectaient un homme. Ainsi son esprit était invoqué pour résoudre des problèmes de stérilité chez les hommes ; quand aux femmes, elles se tournaient vers la biche. Les aînés encourageaient les adolescents à se fier à l'esprit du cerf et à entretenir avec lui une relation authentique et profonde, pour les aider à devenir des hommes. Ces jeunes en recherche d'eux-mêmes priaient le cerf pour qu'il leur transmette la virilité fertile qui assure la survie de la famille et du peuple. Car à cette époque, concevoir des enfants, assurer la relève, était essentiel à la survie des parents et du clan. Les hommes qui avaient des problèmes de virilité s'adonnaient à des rituels spécifiques pour trouver ou retrouver leur vigueur masculine. L'esprit du cerf initiait également les jeunes gens - garçons ou filles - à leur masculin intérieur. Ainsi chacun pouvait-il travailler, selon ses besoins, avec l'esprit du cerf ou de la biche pour trouver ou rétablir son harmonie intérieure, son équilibre profond entre sa part masculine et sa part féminine.


Applications chamaniques celtiques de nos jours : A notre époque, la stérilité masculine est en constante progression. Travailler avec l'esprit du cerf peut s'avérer d'un grand secours.

Aujourd'hui encore, l'esprit du cerf est tout disposé à accompagner les jeunes garçons dans les rites de passage qui les aident à devenir des hommes.

L'accompagnement chamanique de l'esprit du cerf guide également tout naturellement vers une sexualité sacrée, une sexualité pleine de sens.

Au quotidien, l'esprit de la biche et l'esprit du cerf, complémentaires, nous montrent comment vivre en harmonie avec les deux pôles qui fondent notre humanité : le féminin et le masculin."

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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), le Cerf Blanc est défini par les caractéristiques suivantes :


Traits : Le Cerf Blanc symbolise la croissance spirituelle, la prophétie et le début d'une quête. Dans le mythe celtique, le Cerf blanc apparaît lorsque l'autre monde est fermé ou si quelqu'un fait quelque chose qui n'est pas correct ou acceptable. A la cour du Roi Arthur, l'apparition du Cerf blanc avait annoncé que les chevaliers allaient entreprendre une quête vers les dieux ou le royaume des esprits. Dans un autre mythe, le Cerf blanc conduit les gens vers certains endroits ou les pousse à devenir amoureux. Il symbolise la force de vie, les forces universelles de la création. Cela signifie pour vous que, dans votre voyage sur votre chemin spirituel, le Cerf blanc peut vous guider vers les informations ou messages que vous recherchez et qu'il peut vous donner la capacité à avoir des rêves et des visions prophétiques dans votre développement spirituel.


Talents : Abondance - Dimensions parallèles - Connaissance ancienne - Prise de conscience - Purification - Créativité - Dignité - Rêves - Endurance - Fertilité - Ancrage - Pensées et idéaux élevés - Parcours - Bonté - Magique - Messages - Mystère - Noblesse - Perceptions - Pouvoir - Prophétie - Protection - Pureté - Régénération - Renouveau - Sensibilité - Changements - Spiritualité - Force - Transition - Vitalité.


Défis : Arrogance ; Évasion de la réalité ; Manque de clarté dans ses messages ; Réfléchit trop ; Vit isolé ; Trop fuyant ; Trop orgueilleux ; Buts irréalistes.


Élément : Terre.


Couleurs primaires : Blanc.


Apparitions : Lorsque le Cerf blanc apparaît, cela veut dire que vous êtes sur le point de vivre un très grand développement spirituel. Ce qui était inconnu va devenir connu. Vous allez faire l'expérience d'un saut en matière d'intuition, d'une expansion de vos capacités, et avoir accès à la connaissance ancienne. Comme une éponge, vous allez tout absorber et vous l'approprier. Cela vous permet une connexion plus profonde à votre essence intérieure et à votre être supérieur. Le Cerf blanc apparaît dans des périodes de transition pour vous accorder son pouvoir, sa protection et ses qualités de perception. Il va aussi vous garder dans l'ancrage lorsque vous vous habituez à la connexion nouvelle avec des pensées et idéaux supérieurs. Le Cerf blanc vous indique de garder votre sens de la pureté, de la sensibilité et de la bonté. Car, si vous gardez ces qualités en vous, vous serez récompensé par une grande abondance, du renouveau et une sensibilité accrue à la vérité que tout est relié. Le Cerf blanc signale que vous aurez l'endurance et la force voulues pour vous ajuster à ce que vous comprenez des forces de vie universelles. Il vient vous dire de rester gentil et le cœur pur. Lorsque le Cerf blanc apparaît, attendez-vous à recevoir un important message dans un futur proche.


Aide : Vous avez besoin de prendre davantage conscience des choses et d'avoir une meilleure endurance et plus de force. Le Cerf blanc vous donne la capacité de voir même les plus infimes nuances dans votre vie. Il vous aide à vous renforcer et à être plus résistant dans les périodes difficiles. Il va vous donner plus de vitalité, comme un second souffle, pour que vous puissiez fonctionner avec énergie et en étant enthousiaste par avance. Si vous avez l'impression que vous manquez d'un but dans votre vie, ou que vous n'êtes pas connecté à votre être intérieur, le Cerf blanc peut vous aider à être plus ancré et vous montrer le chemin à prendre pour vous rapprocher de votre quête essentielle et de votre spiritualité. Il va aussi vous montrer combien les autres vous tiennent en estime, vous apprécient et vous considèrent pour vos conseils et votre guidance. Vous êtes très aimé de ceux qui vous entourent. Le Cerf blanc vous met en garde : certains parcours peuvent être solitaires et difficiles, mais vous supporterez l'apprentissage de ces grandes leçons.


Fréquence : L'énergie du Cerf blanc bouge sur un rythme lent. Elle s'arrête et redémarre, en tournoyant toujours avant d'avancer. Sa sonorité est celle de pas sur de la neige fraîche avec le doux tintement de clochettes dans l'air. C'est la lueur douce d'une lumière blanche qui guide sur la voie d'un long parcours.


Imaginez...

Vous vous promenez sur un sentier naturel pour retrouver votre équilibre, vous sentir ancré et connecté la terre. Vous faites le tour d'un creux sur le chemin et vous voyez, se tenant à petite distance de là, un cerf blanc. Vous ressentez sa présence spirituelle si positive qui vous submerge alors que vous le regardez. Il s'avance vers vous, pose son museau sur votre bars, puis repart. Il se retourne vers vous, alors vous le suivez jusqu'à une source. il y boit, et vous y buvez aussi. Vous vous sentez régénéré, comme si vous étiez passé à un niveau de conscience supérieur. Le cerf s'incline sur une de ses pattes, puis se redresse et disparaît dans la forêt.

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Symbolisme alchimique :


D'après Patrick Rivière, auteur de L'Alchimie, science et mystique (Éditions De Vecchi, nouvelle édition augmentée 2013),


"Tandis que le cerf majestueux incarne parfaitement l'âme ou le Soufre philosophique, la licorne incarne, quant à elle, l'esprit ou le Mercure volatil des philosophes. Lambsprinck ne nous laisse aucun doute à ce sujet dans son Traité sur la pierre philosophale :

"Alors la forêt recevra le nom de corps

On découvrira aussi avec certitude et vérité

Que l'unicorne est Esprit à toute heure,

Quant au cerf, il ne désire nul autre nom

Qu'Âme, et nul ne le lui ravira."

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Symbolisme onirique :


Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


Le grand animal de nos forêts européennes brandit ses bois magnifiques à la façon dont on expose un mystère. L'image du cerf arrêté, les bois dressés, au profond de la forêt, a quelque ressemblance avec l'attitude du prêtre catholique, bras levés pour l'offertoire. Ce n'est pas au sujet du cervidé qu'il faut s'attendre à une interprétation simple. Il est singulièrement difficile de faire la part de traductions primaires inspirées par certaines caractéristiques de l'animal, d'attributions symboliques conventionnelles dont l'usage répétitif constitue le seul fondement et de sens archétypiques avérés. Le tiers des corrélations observées se concentre sur les symboles de la famille des animaux, les autres se répartissent sur l'ensemble des familles.

Parmi les associations les plus fortes, s'imposent le sanglier et le lapin. Est-ce leur caractère commun de gibier qui rapproche les trois animaux ? Dans les rêves, aucun indice ne permet d'attribuer au cerf cette connotation de bête éternellement traquée, promise à la fatale défaite, que proposerait volontiers une approche intellectuelle. On notera simplement, sans tirer de conclusion, que, dans sa course imaginaire, le cerf précède presque toujours la sanglier et le lapin, qui marchent sur ses traces et que la queue du cerf rappelle étrangement celle du lapin. Comme le lapin, le cerf apparaît souvent dans des situations où il semble ouvrir des voies nouvelles, initier de nouveaux états psychologiques, où il établit des relations entre des éléments séparés. Sa vélocité, sa force souple, sa capacité à réaliser des bonds prestigieux, lui confèrent peut-être cette disposition de conducteur. Dans le rêve, de très belles images de cerfs franchissant des abîmes témoignent de la faculté du symbole à réussir la réunion d'opposés qui semblaient irrémédiablement antagonistes. Cependant, le rêveur manque rarement de mentionner le sentiment de fragilité que lui inspirent, parallèlement, les pattes frêles du cervidé.

Nous ne savons pas s'il convient d'accepter ou de refuser le sens de symbole du don mystique, de représentation christique, qu'on attribue parfois au cerf. Plusieurs séquences présentent des éléments, certes épars et ambigus, qui vont dans le sens d'une telle traduction. Mais nous ne disposons d'aucun rêve où le cerf soit clairement inscrit dans une situation d'expérimentation spirituelle authentique. Dans de nombreuses séances, on remarque aussi des associations qui paraissent justifier le regard que C. G. Jung porte sur le cerf, qu'il identifie à la licorne et à ses significations alchimiques. C. G. Jung ne cite le cerf que dans cette acception. Dans l'imaginaire, le cheval, l'âne, le zèbre et la licorne sont les compagnons rapprochés du cerf, et cela invite à considérer la vision jungienne avec attention.

Ces diverses considérations exposées, nous devons avouer n'avoir jamais été capable, face à un scénario dans lequel apparaissait le cerf, d'apporter une interprétation qui nous satisfasse totalement, tant que nous nous sommes tenu aux différentes orientations de sens que nous venons d'évoquer.

Il a fallu le neuvième rêve de Cédric, qui pourtant avait déjà mis en scène le cerf dès la première séance, pour que nous puissions établir - après des années d'incertitude - une solide conviction sur la signification du symbole.

Le jour de la mort de son père, Cédric, qui avait alors treize ans, apprit que celui qui venait de disparaître n'était pas son père biologique. Ce dernier était un ami de la famille, la filiation naturelle étant connue de tous, sauf de l'enfant. L'information, que l'on avait souhaitée apaisante, devait avoir un impact négatif considérable sur la psychologie du jeune garçon. Parfaitement apte à comprendre intellectuellement la situation, Cédric était incapable de gérer la tempête provoquée par elle au niveau de l'inconscient. A treize ans, Cédric se trouvait en pleine activation œdipienne. Son théâtre œdipien s'était normalement développé par rapport aux acteurs habituels : sa mère et le seul père qu'il se connaissait. L'inconscient de Cédric ne pouvait pas transférer, sur commande, la relation œdipienne qu'il entretenait avec le père décédé, su une autre personne. Il entra donc dans une phase de refus généralisé et d'agressivité, douloureuse pour tous et qui le conduisit, à dix-neuf ans, à faire appel à la cure de rêves. Le neuvième rêve de Cédric, véritable chef-d’œuvre de réaménagement psychologique, commence par cette séquence :

« ... Je suis dans une forêt enneigée, l'hiver... je marche dans la neige. J'aperçois des animaux sauvages, des cerfs et des biches... je suis habillé en chasseur... avec un fusil de chasse... je laisse tomber le fusil dans la neige, volontairement. J'enlève cet accoutrement idiot de chasseur et j'aperçois, au loin, un combat de cerfs : deux cerfs qui se battent. Ils se battent pour une femelle commune... il y a des hiboux dans les arbres, la tête en bas... J'entre dans un igloo... (y a un igloo)... je fais un grand feu dans l'igloo... les parois de l'igloo fondent... je donne de grands coups pour les casser... tout ça tombe... une horde de cerfs passe à côté de l'igloo tout fondu.... je monte sur un cerf, qui me dirige, avec plein d'autres cerfs et de biches... »

La suite du rêve apporte une brillante confirmation du sens de représentation paternelle dévolue au cerf dans la séquence qui précède. Ces « deux cerfs qui se battent pour une femelle commune », ce sont, bien entendu, les deux images du père, également flatteuses, car les deux hommes sont des personnalités connues et attachantes, qui se bousculent dans l'inconscient de Cédric. Leur affrontement même, indique que le jeune homme est sorti de l'attitude figée de refus agressif dans laquelle il s'était enfermé, modification qu'il exprime par l'abandon volontaire du fusil, du vêtement de chasseur et par la démolition de l'igloo. La fin du rêve mêle les images et les commentaires explicites, ce qui dissout toute hésitation sur l'interprétation. Ce jour-là, Cédric nous parla pour la première fois de sa double paternité. L'ensemble de sa cure, y compris les séances précédentes, offre de très nombreuses confirmations de la disposition du cerf à représenter l'image paternelle.

Ce jour-là aussi, nous nous sommes étonnés de n'avoir pas perçu plus tôt cette disposition. Dans la mesure où nous savions depuis des années que la biche symbolise la mère et l'anima, il eût été logique de supposer que le cerf avait vocation de représenter le père et l'animus. D'autres patients ont apporté depuis d'incontestables démonstrations de la pertinence de cette traduction.

Cependant, le sens du symbole n'est pas toujours aussi clair : du cerf qui brame pour appeler la biche égarée qui s'élance pour le rejoindre à celui qui règne en maître incontesté du territoire, dans beaucoup de rêves de femmes, le cervidé laisse penser à des repositionnements majeurs vis-à-vis de l'influence paternelle, changements allant dans le sens d'une prise d'autonomie de la pensée par l'intégration de l'animus. Cela se trouve renforcé par le fait que, dans un tiers des séances où surgit le cerf imaginaire, ce dernier n'est qu'un masque, ou encore la tête coupée de l'animal. Ce peut, certes, être induit par ces nombreux trophées que chacun a pu voir ornant les murs d'une note douteuse, mais on sait par ailleurs que l'inconscient ne se laisse imposer que les images qui le servent ! Que dire d'une séquence dans laquelle Jacques, qui voit la tête d'un cerf, indiscutablement liée au père, et qui enchaîne sur la vision d'une guillotine ruisselante de sang et du bourreau brandissant la tête du roi Louis XVI ? Il serait difficile de représenter plus crûment l'élan de libération qui porte Jacques jusqu'au meurtre symbolique du père !

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Et puisque nous avons utilisé le mot élan, il est opportun de préciser que cerf, élan et daim sont des images quasi synonymes. Les nuances entre ces animaux, intéressantes, se rapportent surtout aux cornes. De très belles images de cerfs aux bois ornés de hiboux, de spirales ou de roses méritent une recherche particulière, dont les résultats sont exprimés dans l'article consacré aux cornes.

Laissons donc le maître des forêts regagner les sous-bois enneigés, car il est une figure d'hiver. Lorsqu'il surgira dans un rêve, majestueux et insaisissable, il sera sage d'observer l'ombre qu'il dessine au sol : on y devinera souvent la silhouette imposante du père du rêveur.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :




Littérature :


Jules Renard nous propose dans ses Histoires naturelles (1874) de petits portraits ou historiettes relatives aux animaux les plus communs mais pourtant tous plus étonnants les uns que les autres.


J’entrai au bois par un bout de l’allée, comme il arrivait par l’autre bout.

Je crus d’abord qu’une personne étrangère s’avançait avec une plante sur la tête.

Puis je distinguai le petit arbre nain, aux branches écartées et sans feuilles.

Enfin le cerf apparut net et nous nous arrêtâmes tous deux.

Je lui dis :

« Approche. Ne crains rien. Si j’ai un fusil, c’est par contenance, pour imiter les hommes qui se prennent au sérieux. Je ne m’en sers jamais et je laisse ses cartouches dans leur tiroir. »

Le cerf écoutait et flairait mes paroles. Dès que je me tus, il n’hésita point : ses jambes remuèrent comme des tiges qu’un souffle d’air croise et décroise. Il s’enfuit. « Quel dommage ! lui criai-je. Je rêvais déjà que nous faisions route ensemble. Moi, je t’offrais, de ma main, les herbes que tu aimes, et toi, d’un pas de promenade, tu portais mon fusil couché sur ta ramure. »

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Dans la nouvelle intitulée "Si je t'oublie, Jérusalem" parue dans le recueil Les Palmiers sauvages (Édition originale, 1939 ; traduction française 1952), William Faulkner décrit un cerf particulier :


Le mouvement de sa sagaie ne faiblit pas, ni ralenti, ni accéléré ; continuant de ramer avec la même régularité épuisée et hypnotique, il vit le cerf qui nageait. Il ne savait pas ce que c'était, ni qu'il avait modifié la course du bateau pour le suivre ; il s'était contenté de fixer ses regards sur la tête qui nageait devant lui tandis que la barre d'eau déferait et que le canot s'enlevait, selon le vieux mode familier, sur une lame où s'entrechoquaient arbres, maisons, ponts et clôtures, et il ramait toujours même lorsque sa pagaie ne trouvant plus que de l'air à frapper, ramant encore tandis qu'avec le cerf il était lancé en avant, côte à côte avec l'animal qu'il suivait des yeux maintenant, voyant le cerf commencer à émerger de l'eau jusqu'à ce qu'il se mette réellement à courir à la surface, continuant de s'élever, sortant entièrement de l'eau pour disparaître plus haut dans un decrescendo d'éclaboussures et de branche cassées, sa petite queue mouillée faisant une tache claire, l'animal tout entier se dissipant dans l'espace comme de la fumée. Au même instant le bateau rencontra l'obstacle et se renversa et l'homme se trouva à son tour sur ses pieds, de l'eau jusqu'à mi-jambes, bondissant, retombant sur ses genoux, grimpant, les yeux fixés sur le cerf disparu.

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Martin Cruz Smith, auteur de Chiens et loups (Éditions Titanic Productions, 2004 ; traduction française Robert Laffont, 2006) raconte comment la faune et la flore vivent à nouveau dans la zone sinistrée de Tchernobyl :


Les arbres devenaient de plus en plus grands, les ombres de plus en plus épaisses, les racines plus anciennes et plus enchevêtrées. Arkady s'enfonçait parmi les fougères, provoquant la fuite d'araignées, de salamandres, de serpents, et réveillant tout un délicat frémissement de vie. Alex l'arrêta au bord d'une flaque de lumière aveuglante, une large prairie parsemée de marguerites grandes ouvertes et, çà et là, des drapeaux rouges de coquelicots. Il lui fit signe de s'accroupir et de garder le silence, puis il lui désigna l'autre extrémité de la prairie, où un cerf avec de grands bois – un superbe trophée pour un chasseur – et une biche les fixaient de leurs yeux sombres. Arkady ne s'était jamais trouvé si près d'un cerf en liberté. La tension qu'on lisait dans leur regard était bien différente de celle, placide, du cerf de zoo.

- C'est en broutant dans les vergers qu'ils s'engraissent ainsi, murmura Alex.

- Nous sommes toujours dans la zone ? demanda Arkady, incrédule.

- Oui. De la route on ne voit qu'un spectacle de cauchemar - Pripiat, les villages enfouis, les bois rouges -, mais le plus clair de la zone ressemble à ça. Maintenant, redressez-vous lentement.

Le cerf et la biche s'immobilisèrent en voyant Arkady se lever. Puis ils se mirent à se balancer d'une façon un peu particulière, mais sans s'enfuir.

- Comme le hérisson, confirma Alex, ils n'ont plus peur.

- Sont-ils radioactifs ?

- Bien sûr que oui. Ici, tout est radioactif. Tout ce qui est sur la terre l'est. Ce champ est à peu près aussi radioactif qu'une plage de Rio – il y a beaucoup de soleil à Rio. Voilà pourquoi je voulais que vous arrêtiez votre compteur Geiger. Je voulais que vous entendiez autre chose que ce petit tic-tac. Servez-vous donc de vos yeux et de vos oreilles. Qu'entendez-vous ?

Pendant une minute, Arkady n'entendit rien de plus que la rumeur étouffée de la vie des champs ou que le bruit de sa main écrasant un insecte sur son cou. Pourtant, en se concentrant sur les cerfs, il commença à percevoir leur mastication songeuse, le vol des libellules au milieu d'un feu croisé d'insectes dans un rayon de soleil et, en arrière-plan, le cri d'un écureuil dans un arbre. - La zone, reprit Alex, abrite des cerfs, des bisons, des aigles, des cygnes. La zone d'exclusion de Tchernobyl constitue le plus beau refuge d'animaux sauvages d'Europe, car on a abandonné les villes et les villages, les champs, les routes. Parce que l'activité normale des hommes est plus nuisible pour la nature que le plus grand accident nucléaire de l'Histoire.

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