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L'Estragon




Étymologie :

Étymol. et Hist. 1539 targon (L. Duchesne, In Ruellium de stirpibus epitome ..., Paris, p. [16] : Tarco, du targon) ; 1564 estargon (Ch. Estienne, L'Agriculture et maison rustique, Paris, 1. II, chap. 25, p. 43a) : Targon, que les jardiniers nomment estargon) ; 1601 estragon (Liébault, Maison rustique, p. 213 ds DG). Empr., par l'intermédiaire du lat. médiév. tarcon, altarcon (fin du xiie s., Gérard de Crémone ds Roll. Flore t. 7, p. 71), lat. bot. tarchon (1538, trad. lat. de Siméon Seth De Cibariis ds NED s.v. tarragon), gr. médiév. τ α ρ χ ο ́ν (xie s., Siméon Seth ds Roll., loc. cit.), à l'ar.tarh̬ūn (fin du ixe s., Razi ; début du xie s., Avicenne ds Devic) et celui-ci prob. au gr. class. δ ρ α κ ο ́ν τ ι ο ν « serpentaire ». Le es- initial s'explique mal.


Lire également la définition du nom estragon afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Artemisia Dracunculus ; Armoise âcre ; Armoise digestive ; Armoise estragon ; Arragone, Dragon ; Dragonne ; Estragon français ; Estrôon vrai ; Fargon ; Herbe aux dragons ; Herbe aux serpents ; Herbe dragon ; Gardon ; Petit serpent ; Serpentine ; Tarchon ; Targon ; Tarragon ; Tragoun ; Trason.

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Botanique :


Jean-Paul Clébert nous présente succinctement l'estragon dans son Herbier provençal (Éditions Rivages, 1985) :


Cette composée d'origine sibérienne ne se trouve plus que cultivée dans les jardins. Elle apparaît comme plante aromatique au XVIe siècle sous les noms de targon (1539) et d'estragon (1564) qui sont des déformations de son surnom "petit dragon" (dracunculus). Elle fit alors partie de ces herbes que cultivaient les moines dans leurs potagers avec l'approbation de leurs supérieurs parce qu'elles ne présentaient point de vertus dangereuses, comme certaines qui peuvent être excitantes, aphrodisiaques, narcotiques… L'estragon est en effet apéritif, stimulant de la digestion, antispasmodique. Rien qui ne porte au péché, même de gourmandise.

Encore qu'on découvrit bien vite le très subtil et très précieux parfum dont il dote les salades, les cornichons, la poule au pot, les truites froides, le poulet en cocotte… et le vinaigre.

 

Dans La Vie érotique de mon potager (Éditions Terre Vivante, 2019), Xavier Mathias nous révèle un secret sur la sexualité de l'estragon :


Abstinents ? Ils sont bien rares au potager les abstinents ne donnant pas de graines viables, même de façon exceptionnelle Il n'y a, à ma connaissance, que l'estragon vrai (Artemisia dracunculus) pour entrer dans cette catégorie des abstinents définitifs. A ne pas confondre avec l'estragon de Russie qui n'a aucun parfum (1).


Note : 1) Un scandale d'ailleurs que des graines soient vendues sous le nom d'« estragon », pouvant laisser croire qu'il y ait un quelconque rapport de parfum entre les deux. En résumé, si pour l'estragon ce sont des graines qu'on vous vend et non des plants, surtout n'achetez pas !

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Croyances populaires :


Selon Patrick Mioulane, auteur d'un article intitulé : "Estragon : la plante qui protège des dragons !" paru sur le site de newsjardintv.com le 24/12/2014 :


Les médecins célèbres de l’Antiquité tels Hippocrate (-460 à -370) et Pline l'Ancien (23-79) ont relayé dans leurs écrits une croyance populaire estimant, en raison de l’aspect serpentiforme des racines de la plante, que l'estragon assure une protection contre les morsures de serpents et autres bêtes venimeuses, parmi lesquelles on comptait aussi à l’époque… les dragons !

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Symbolisme :


Jacques Brosse dans La Magie des plantes (Éditions Hachette, 1979) consacre dans sa "Flore magique" un article à l'Estragon :


Comme l'armoise, l'absinthe, l'aurone ou les génépis, l'estragon est une Artemisia, mais elle seule joue dans la cuisine un rôle de premier plan, surtout en France où elle est des plus appréciées. L'estragon fait partie des « fines herbes » et à ce titre aromatise les salades et les cornichons qu'il adoucit, voire les gigots ou le succulent poulet à l'estragon ; il entre dans la composition de sauces exquises : la béarnaise, la rémoulade, la ravigote et la source verte, il parfume aussi très agréablement la moutarde. Autrement dit, un cuisinier digne de ce nom ne peut se passer de lui.

Pourtant, ce n'est pas en raison de ses qualités culinaires que l'estragon connut un grand succès, lorsque les Maures l'apportèrent en Espagne, probablement au XIIIe siècle, mais pour les remarquables propriétés médicinales qu'on lui attribuait. Selon les médecins arabes, cette plante providentielle non seulement excitait les humeurs, tonifiait l'estomac et le cœur, mais « faisait venir le mois aux femmes », propriété qu'elle partageait donc avec l'absinthe ; enfin elle était un antidote contre le venin des serpents. C'est d'ailleurs ce pouvoir qui valut à la plante son nom d'estragon, écrit d'abord « targon » qui est une adaptation de l'arabe tarkhoum. Mais ce mot arabe procède lui-même de drakontion, nom grec de la serpentaire, espèce tout à fait différente, puisqu'il s'agit d'un arum. Toutefois, Pline appelle l'estragon dracunculus, ce qui veut dire petit dragon ou petit serpent, et en certaines provinces françaises on lui donne encore aujourd'hui le nom de « serpentaire ». Qu'on ait vu en lui dans l'antiquité un dompte-venin n'a rien de très surprenant, puisque d'autre Artemisia passaient pour chasser les serpents des maisons. Et, après tout, y avait-il si loin, pour la « pensée sauvage » qui se fie à l'apparence des êtres plus qu'à leur anatomie, du ver au serpent ; et l'on pourrait ajouter du serpent à l'organe fécondateur masculin objet de l'horreur d'Artémis ?

Toujours est-il que, comme remède, la renommée de l'estragon resta en Europe occidentale fort limitée, car c'est seulement au XVIe siècle que la plante se répandit vraiment chez nous ; elle venait en effet de fort loin, les Arabes la recevant eux-mêmes de Russie et de Tartarie. On lui reconnaît encore cependant, bien qu'il ne soit plus utilisé que comme condiment, des vertus qui sont d'ailleurs aisément constatables ; l'estragon est apéritif, stomachique et stimulant, et la liqueur que l'on en fait est toujours appréciée dans certaines campagnes ; c'est en effet un digestif aussi efficace qu'agréable au goût.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Estragon (Artemisia dracunculus) a les caractéristiques suivantes :


Pouvoirs : Amour sensuel ; Chasse.


Utilisation magique :

Avant d'arriver en Europe, importé, comme beaucoup d'autres plantes orientales, par les croisés, cette variété d'armoise était très prisée des Arabes qui l'appelaient Tarkhoum ; ils la faisaient entrer dans des charmes passionnels et lui prêtaient des vertus aphrodisiaques.

Une tradition presque similaire se retrouve chez les Amérindiens qui frottaient d'Estragon leur corps et leurs vêtements pour se rendre désirables aux personnes du sexe opposé.

Chez les Chippeways du Michigan, cette herbe aromatique portait chance pendant les campagnes de chasse aux animaux à fourrure.

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Dans la tradition arabe, l'estragon, réputé pour ses vertus aphrodisiaques, servait à confectionner des philtres d'amour. Les Indiens d'Amérique s'en frottaient le corps et les vêtements, croyant ainsi se rendre irrésistibles aux membres du sexe opposé. Les Chippeways du Michigan, eux, faisaient confiance à l'estragon pour leur porter chance lors des chasses aux animaux à fourrure.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


La symbolique de cet aliment est semblable à une grande feuille blanche carrée (ou un cadre) : pleine de calme, de silence, de pureté et sans un son. Il y règne un silence… un silence intérieur au sein de la structure quadrangulaire terrestre. Une résolution de toute agitation, de tout vacarme. Un écran présentant une surface vide ou blanche. Tout a été nettoyé, éliminé. Il s'agit ici de faire le vide, d'éliminer toute surcharge, d'évacuer d'anciennes choses qui peuvent s'en aller… c'est la recherche d'une vacuité, une vacuité intérieure ; l'impulsion de se défaire de tout ce qui est de trop.

Un silence… habite cet aliment, une demande d' « assourdir » les choses, de les rendre un peu plus calmes, un peu plu silencieuses. Mets-toi un peu en retrait, ne sors pas la tête au-dessus ou en dehors du cadre, mais tiens-toi tranquillement à l'intérieur.

Chez l'être humain qui a envie d'Estragon, tout bourdonne quelquefois dans la tête comme dans une ruche affairée. Peut-être s'empoisonne-t-il de pensées rouges, nerveuses ou irritées, quelquefois hargneuses ; il a besoin d'une détoxication, d'une purification, d'une évacuation complète de tout ce qui jetait le trouble dans un espace de clame naturel. Il aspire inconsciemment à un grand nettoyage de tout ce qui l'irritait, de tout ce qui en quelques sorte empoisonnait son existence. Il veut apaiser en lui une colère ou une agressivité qui parfois s'enflamme, et il aspire à une tranquillité intérieure, à des reins qui fonctionnent bien et en douceur sans qu'il doive être question de stress d'une accumulation empourprée d'énergies fiévreuses.

« Laisse-moi parvenir au RIEN », dit l'Estragon. « Je veux avoir pendant un moment un écran gris-blanc, ne pus rien voir ni entendre, seulement rentrer dans mon silence intérieur. Je ne veux plus me faire de mauvais sang pour ceci ou cela. Je ne veux plus tirer des flèches empoisonnées sur tout ce qui me dérange… et j'aspire (quoique inconsciemment) à me retirer dans l'espace de mon propre être, tout blanc, pur et silencieux à l'intérieur. Dans la plénitude qui donne le repos. » Et l'écran de télévision devint blanc… Cependant l'être humain rejoint ici sa dynamique intérieure, car cette paix et cette harmonie internes ne signifient nullement qu'il n'est pas traversé par un mouvement d'énergies splendides tout au contraire ; mais c'est un flux inaltéré, qui n'est nullement perturbé par l'extérieur, par sa propre excitation nerveuse émotionnelle interne… cela reste un courant dynamique de forces électriques, mais issu du sein de la douceur, de l'amour, du recueillement, du silence intérieur… une présence totale au je, sans que survienne aucune excitation, perturbation émotionnelle ou agressivité, aucun poison, pour troubler le CALME.

Cet être humain se cherche lui-même et demeure maintenant à l'intérieur des limites de son être ; ceci en soi lui amène tout le calme dont il a besoin, c'est tout cas ce que l'Estragon lui demande. Ceci ne veut pas dire qu'il n'entre pas en communication avec les autre, mais cela se déroule autrement : à partir de l'état harmonieux de calme en lui, il ne s'irrite plus de rien ni de personne. Il séjourne dans les espaces les plus élevés et les plus beaux de son être et se retire en quelque sorte dans sa maisonnette, derrière sa porte... pour alors, du sein de cette indispensable sphère de tranquillité intérieure, frayer calmement avec les autres sans que ceux-ci transgressent les limites qu'il a placées. Il ne permet pas que quoi que ce soit ou qui que ce soit vienne encore perturber ce sanctuaire de son image vitale intérieure baigné d'une exquise tranquillité. Il est heureux, paisible intérieurement, émotionnellement calme… tout comme l'Estragon lui-même. Dans cette quête introspective, à partir de ce calme découvert dans l'intimité des chambres profondes de son être, il lui est aisé de vivre, il se senti fondamentalement heureux et en bonne santé.

Il habite dans sa "structure quadrangulaire" et ce qui se passe à l'extérieur, il n'y prête pas trop d'attention ; il se détache de tout ceci et se tourne vers sa pureté intérieure ; il s'absorbe dans le silence en lui-même et, à partir de là, il construit sa vie.. Il n'a pas opposé de résistance à ce que lui demandait l'Estragon : une sorte de retour sur soi pour delà regarder la vie et communiquer avec les autres dans le calme la tranquillité et la pureté, imperturbablement. Il ne sort plus des rives de son propre être et ne s'agite plus à propos de ce qui se passe au-delà de ses rives. Il ne regarde pas l'écran du monde autour de lui, il ne saisit pas, ne s'accroche pas, ne s'irrite pas, ne s'énerve pas… Il sait qu'il ne doit pas faire de remarques aux autres et lâche prise complètement vis-à-vis d'eux ; il ne se tourne plus vers le monde extérieur mais bien vers le monde intérieur de son être : c'est là ce que l'Estragon lui demande.

A partir d'un centre de bonheur intérieur, calme purifié, il demeure tourné au-dedans… et tout ce qui se passe au-dehors, il le laisse aux autres, à ce qui ou à celui qui est extérieur à lui. Il vit à partir de sa sérénité intérieure, sans plus vouloir remplir son écran avec les choses / gens /événements en dehors de lui-même. Ceci lui procure un merveilleux calme intérieur. Comme si son existence était une feuille blanche, comportant certes des lignes de force dynamiques, mais qu'il remplira lui-même, dans le calme et la pureté, avec les choses qui surgissent des profondeurs de son être, de son cœur. Il ne regarde, n'entend, n'inhale plus en lui les choses du monde extérieur ; il atteint un état de pureté intérieure, dans lequel il se vide silencieusement de tout le superflu dont il s'était rempli.

Avoir envie d'Estragon révèle d'ailleurs un désir de parvenir à cette pureté silencieuse intérieure, de bâtir sa vie sans plus "tourner son regard" vers les autres. Chacun vit sa vie de l'intérieur et laisse l'autre être dans son "être". L'on se dirige vers l'intérieur et l'on s'y épure, l'on y trouve le calme et le silence. L'on délimite ses frontières dans une structure carrée de sorte que rien ni personne venant du monde extérieur ne soit attiré à l'intérieur.

Un lâcher-prise, une intériorisation, une épuration, un état où l'on est davantage soi-même en se "retirant" en soi-même ; l'observation du monde extérieur n'a pas besoin d'aller au-delà de ce qui est nécessaire pour le bien-être. L'Essentiel. Se combler soi-même. Les yeux tournés vers l'intérieur dans un retour sur soi, le calme et le silence, et pourtant se sentir traversé par un merveilleux courant d'énergie. La porte ne s'ouvre sur l'extérieur que lorsque l'être humain le décide ou le veut lui-même… ; ne plus s'absorber continuellement, de manière agitée, dans les choses et les gens en dehors de soi, un lâcher-prise exactement comme l'Estragon l'y invitait.

Il en résulte une paix intérieure, un clame, et non plus un écran brouillé… L'être humain n'a plus aucun besoin de se faire du souci ou de s'irriter à propos de quoi que ce soit ou qui que ce soit, parce qu'il ne s'empoisonne plus en sortant de sa structure carrée et en transgressant ses limites. Il vit un peu plus vers l'intérieur, de l'intérieur, s'arrêtant et contemplant la magnificence de son paradis terrestre intérieur. Il va de soi qu'il peut partager ce calme et cette harmonie avec l'autre ou les autres, mais plus comme auparavant… d'une manière essentielle à présent. Seul cela qui est réellement précieux et vivant attire encore son attention. Il ne se remplit plus des innombrables images futiles qui s'imposent à lui en provenance du monde extérieur. Il connaît son propre terrain magnifique à présent assaini et purifié au lieu d'être encombré et pollué… Il habite intimement et avec délice à l'intérieur de ces murs. Il comprend à présent qu'il s'est toujours donné trop de tracas et qu'il a trop "rempli" sa tête. Au cours du processus de lâcher-prise et de purification, il éprouve ce que veut dire l'Estragon : ce silence merveilleux dans la plénitude de son propre être. A l'intérieur de ses propres frontières bien délimitées, le monde extérieur étant laissé à lui-même.

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Littérature :


Mon Dragon n'est pas con


Refrain :

Du haut d'un balcon

La tarasque c'est plutôt con

Mais pas mon dragon

Non mon bon, pas mon Dragon


Il broute l'estragon

Du vieux père Orgon

Dans son jargon, au père Orgon

L'estragon, c'est l'herbe aux dragons


Mais les Dogons, oui les Dogons

Du Mali, l'aiment aussi, l'estragon

Pour eux c'est un parangon

Ils en remplissent leurs wagons


Quand mon Dragon

En a plein le bidon

Il se met sous l'édredon

Et gare à qui fait grincer les gonds


Il est un peu glouton

Mais aussi doux qu'un mouton

Même avec les Teutons

Tontaine et tonton


Claude Gudin, "Mon Dragon n'est pas con" in Poèmes et chansons pour éplucher les légumes, (Éditions L'âge d'Homme ; 2002).

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