Étymologie :
VER, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 980 verme « larve de certains insectes qui ronge le bois » (Jonas, éd. G. de Poerck, 155) ; b) 1538 ver à soie (Est., s.v. bombyx) ; 1512 ver coquin « délire, fantaisie, colère » (Gringore, Prince des Sotz, Moralité, I, 261 ds Hug.) ; 1538 ver coquin « larve qui ronge la vigne » (Est., s.v. volucra ) ; 1556 ver luisant « insecte qui jette une lueur dans l'obscurité » (Belleau, Petites inventions, Le Ver luisant de nuict ds Œuvres poét., éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 1, p. 70) ; c) 1488 [éd.] « remords » (La Mer des hystoires, t. 1, f°24a ds Gdf. Compl.) ; 2. a) ca 1150 verm « lombric terrestre ; tout animal qui offre une conformation analogue à celle du lombric » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1531) ; 1530 ver de terre (Palsgr., p. 290) ; b) 1225-30 nu come vers « entièrement nu » (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 443) ; 1611 nu comme un ver (Cotgr.) ; 3. 1174-76 ver « vermine » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1459 et 3973) ; 4. a) fin xive s. ver « parasite en forme de ver qui se développe dans le corps de l'homme et des animaux » (Aalma, 7.014 ds Roques t. 2, p. 240) ; 1714 ver solitaire « ténia » (N. Andry, De la génération des vers dans le corps de l'homme, p. 81 ; cf. éd. 1700, p. 90 : ce qui [...] l'a fait nommer solium ou solitaire) ; b) 1405 tirer les vers du né à qqn ,,faire parler, questionner habilement`` (Christine de Pizan, Trois vertus, éd. C. C. Willard, 210, 91) ; c) ca 1850 tuer le ver « boire à jeun un verre d'alcool » (Murger ds Larch. 1859). Du lat. vermis « ver ».
Lire aussi la définition de ver pour amorcer la réflexion symbolique.
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Expressions populaires :
Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expression populaires bien connues :
Pas piquée des vers : On dit d'une histoire, d'une situation, d'une anecdote, d'une chanson, qu'elle n'est pas piquée des vers, quand elle est généralement excellence en son genre, et cela signifie qu'elle est drue, quelquefois un peu verte, et même, peut-être, franchement salace.
Le ver est depuis toujours ce qui gâte, qui ronge, aussi bien les chairs que les végétaux ; c'est le « principe de corruption » des Anciens, le symbole du vieillissement, du périssable. La locution piqué des vers était déjà en usage au XVIIe siècle, au sens propre, appliquée aux étoffes mitées et au bois vermoulu. « Ver , dit Furetière en 1690, se dit aussi d'une certaine tigne, ou petit animal qui s'engendre dans les étoffes, ou dans les bois qui sont vieux. Ce bois, ces étoffes ne valent rien, elles sont piquées des vers. »
« Ne pas être piqué des vers » signifie donc à l'inverse jeune, sain, solide, encore dans toute sa vigueur.
L'expression apparaît avec une valeur métaphorique vers le premier tiers du XIXe siècle, pour désigner une personne jeune et vigoureuse. On relève une première attestation en 1832, dans Les Amours de Mahieu - Mahieu, ce personnage de bossu, franc luron paillard, petit bourgeois au parler dru dont les caricatures firent florès sous la Monarchie de Juillet, se vante de la conquête d'une belle fille :
C'est qu'elle n'était pas piquée des vers,
C'est c'qu'il faut à Mahieu !
Le sens est : une fille jeune et fraîche, une « belle plante », propre à la joute amoureuse de l'insatiable bossu (1).
C'est encore cette valeur au premier degré qui demeure en 1867, glosée par Delvau : « Ne pas être piqué des vers. Être bien conservé, avoir de l'élégance, de la grâce - dans l'argot du peuple qui emploie cette expression à propos des gens et des choses. »
Trente ans plus tard l'expression avait évolué vers son sens actuel ; elle s'était dématérialisée, passant à des situations, des événements « pas piqués des vers », tout en conservant l'idée de vigueur Dans ce passage du Père Peinard, à la fin du siècle, le sens paraît être « ce sera nouveau, dynamique, épatant, et rudement chic ! » : « C'est qu'aussi ce ne sera plus comme avant : il y avait désaccord à tel point entre les prolos des villes et les gars de la cambrousse que quand les uns se levaient, les autres les laissaient en frime. »
« Au prochain coup, ça ira autrement : des villes aux campluches on se tendra les pognes et, en chœur, on marchera ! Aussi, ce ne sera pas piqué des vers ! Ça ronflera tant et si bien que la sociale nous fera en plein risette. » (Le Père Peinard, 18 septembre 1898).
Aujourd'hui l'image du bois et des étoffes s'est entièrement effacée ; appliquée à des propos, à une historiette, l'expression garde cependant une connotation de « verdeur » caractéristique. Une lettre « pas piquée des vers », est une lettre qui en dit « des vertes et des pas mûres », qui tient des propos vigoureux dans une langue drue et crue, qu ne mâche pas ses mots. Ca peut secouer l'opinion, des harangues pareilles : « … je dois dire qu'avec moi, Brinon dans nos rapports, travaux ensemble, fut toujours correct, régulier… et il aurait eu à dire lui aussi !... de ces propos qu'on m'attribuait !... pas piqués des vers !... que la Bochie était foutue !... Adolf, catastrophe !... propos publics et en privé... » (Louis Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957).
1) Ce sens existe et vit toujours, inchangé, dans certains parlers occitans ; on dit d'un homme : n'est pas cussonnat ! (le cusson étant indifféremment le ver du bois, du fruit ou le charençon), pour dire qu'il a conservé une force physique intacte et impressionnante, voire tout sa vigueur sexuelle. De même pour une femme.
Avoir une trichine dans le jambonneau : Le seul intérêt de cette locution éphémère, imitation passagère de "l'araignée au plafond", c'est qu'elle offre un témoignage précieux sur la manière caractéristique dont la gouaille populaire récupérait à son usage, au XIXe siècle comme aujourd'hui, les mots à la mode qui font un temps la lune de l'actualité. en effet, elle a le mérite d'avoir été enregistrée, ce qui est rare, au moment de sa création. Alfred Delvau l'a recueillie à la fin de son dictionnaire, en 1867, au supplément qu'il composa durant l'impression de l'ouvrage et qu'il rajouta in extremis.
Les trichines dont des petits vers filamenteux, parasites des tissus musculaires chez l'homme et chez plusieurs animaux. Ils se multiplièrent à partir des années 1830, sans qu'on pût connaître le mode de transmission d'un sujet à un autre. Ce sont les Allemands, gros consommateurs de cochon, qui mirent, si l'on peut dire, le doigt dessus. « Le 12 janvier 1860, une jeune paysanne, une servante, présentant quelques uns des symptômes de la fièvre typhoïde, entrait à l'hôpital de Dresde. Elle mourut quinze jours après. Un médecin allemand, M. Zeuker, en fit l'autopsie. Quel fut son étonnement quand, au lieu de rencontrer les lésions propres à la fièvre typhoïde, il trouva des milliers de trichine dans les muscles de la défunte !... Le médecin fit une enquête. Il apprit que le fermier chez qui la jeune fille avait été servante avait, vingt-trois jours avant l'entrée de celle-ci à l'hôpital, tué par un cochon et que tous ceux qui en avaient mangé avaient été malades. Il se fit remettre de la viande de ce porc ; elle était remplie de trichines. Dès ce moment l'histoire pathologique de la maladie était fondée. » (Pierre Larousse)
L'événement fit grand bruit dans toute l'Europe. Ce fut la découverte la plus hautement claironnée dans les milieux populaires en France, à cause des implications culinaires immédiates : bien faire cuire la viande de porc, car une forte cuisson détruit les trichines. Ce fut une des premières scies de l'hygiène scientifique qui entonnait ainsi à son propre compte des malédictions quasi coraniques !
C'est au début de 1867, précisément, que la nouvelle atteint Paris ; Delvau notait donc à la fin de l'année :
« Avoir une trichine dans le jambonneau. Être un peu fou, un peu maniaque. L'expression est toute récente, et, sous sa forme plaisante, elle constate la peur sérieuse dont nous avons été galopés au commencement de cette année à propos des vers microscopiques dont est, paraît-il, infecté la chair du compagnon de saint Antoine. »
L'Almanach du Hanneton, relevé par L. Larchey, porte également cette année-là : « T'as trop de trichines au plafond. » Mais ce ne fut qu'un feu de paille ; « trichine » n'était pas un mot capable de tenir la route dans une image populaire. Toutes ces expressions étaient cuites d'avance.
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Zoologie :
Karine-Lou Matignon entame un dialogue fécond avec différents scientifiques dans La plus belle histoire des animaux (Éditions du Seuil, 2000), ici avec Pascal Picq :
- A quoi ressemblent les premiers animaux ?
- A des vers. Leur corps semblable à du blanc d’œuf, se compose de segments juxtaposés le long de l'axe du corps. Ils sont capables de se déplacer par reptation ou à l'aide de cils vibratiles comme les ciliés. C'est la forme la plus simple du comportement animal. Ce sont des organismes qui ne possèdent ni nerfs, ni cerveau, ni appareillage sensoriel et pourtant ils se nourrissent, possèdent une bouche et un anus, se rétractent quand on les touche, se détournent de ce qui n'est pas comestible pour eux, réagissant à la lumière vive, aux vibrations, à la température. Arriveront ensuite d'autre vers dotés d'une tête et d'une queue.
[...]
- Il paraît incroyable de songer que des vers soient les précurseurs des animaux que nous connaissons aujourd'hui !
- D'autant que ces vers ne sont pas apparus du jour au lendemain. Il a fallu attendre plus d'un milliard d'années avant que les cellules eucaryotes donnent naissance aux organismes pluricellulaires, et on ne sait pas avec exactitude comment ils se sont développés. Nos cellules eucaryotes ont donc ouvert la voie à la reproduction sexuée et sont à l'origine de la coopération entre cellules. Groupées en colonies, celles-ci sont devenues solidaires les unes des autres, se sont organisées, se sont spécialisées, pour finalement donner des organismes beaucoup plus gros qu'elles. Ces derniers se sont ensuite dotés d'organes différenciés indispensables pour assurer des fonctions précises comme la respiration, la digestion, la reproduction ou l'évacuation des déchets. Tout cela semble exploser au début du Cambrien, comme si la vie n'en pouvait plus d'attendre.
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Didier Van Cauwelaert, dans un ouvrage intitulé Les Émotions cachées des plantes (Éditions Plon, 2018) nous rappelle rapidement les étapes du développement de la vie sur terre :
... la nature a essayé d'innombrables modèles, abandonnés plus ou moins vite.
On a retrouvé l'un de ces brouillons en 1946, dans un état de conservation remarquable, à Ediacara (Australie du Sud). Datant de six cent millions d'années, ces fossiles d'organismes mous dépourvus de squelettes, en forme de rubans, de feuilles ou de crêpes, furent considérés par le paléontologue Adolf Seilacher comme la première tentative d'organisation animale de la vie cellulaire. En fait ces « prototypes » se développaient en étendant indéfiniment leur surface, comme le font les végétaux par leur système foliaire. Mais ce bricolage évolutif ne parvint à se maintenir que durant cent millions d'années, avant de disparaître totalement au début du paléozoïque (ère primaire).
Seul héritier d'un tel modèle d'architecture biologique, procédant par extension au lieu de constituer un « dedans » organique : le ténia, ou ver solitaire, segmentées en éléments aplatis pouvant atteindre plusieurs mètres de long. « Après l'extinction de la faune d'Ediacara, souligne Jean-Marie Pelt, c'est l'ultime tentative de la nature, tout à fait marginale cette fois, pour inventer un animal fonctionnant comme une plante. »
Selon Pascal Ide, auteur d'un article intitulé "Pour une approche philosophique des champignons" (In : Revue des Questions Scientifiques, vol. 194, 2023, n°1-2, pp. 1-103) :
De manière éloquente, après avoir connecté étroitement cerveau et intelligence, dans les neurosciences, les biologistes cherchent désormais à les dissocier. Une expérience est, de ce point de vue et de celui développé dans cet article, riche de sens. Les biologistes étudient volontiers les vers plats du fait d’une double propriété : leur capacité de régénération (décapités, les plathelminthes ont le pouvoir de faire repousser leur tête) et leur apprentissage. Des scientifiques de l’université Tufts ont entraîné des platodes pour qu’ils se remémorent les caractéristiques de leur milieu, puis leur ont coupé la tête. Or, une fois le cerveau repoussé, ils se sont souvenus de leur environnement. Il faut donc conclure que, chez ces organismes, le siège de la mémoire n’est pas le cerveau (Shomrat & Levin, 2013). Cette expérience a été étendue à des animaux réputés particulièrement « intelligents » comme les pieuvres (Hague, Florini & Andrews, 2013 ; Godfrey-Smith, 2018, chap. 3).
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Croyances populaires :
Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :
Les Gordius, ces vers parasites, dont le dernier stade est libre dans l'eau, sont désignés par le nom significatif de « fils de Serpents ». On prétend que, si on les avale en buvant de l'eau, ils se transforment en Serpents dans l'estomac (Vallée d'Illiez, Nendaz, Hérémence). Vers 1920, un journal du pays, signalait gravement un fait de ce genre à Massongex : une jeune fille ayant avalé un de ces vers avait un Serpent dans l'estomac ; on la fit jeûner et le Serpent ayant faim sortit pour boire du lait qu'on présentait à la jeune fille.
A Saint-Luc, on les connaît sous le nom de « filet » ; les bestiaux qui les avalent à l'abreuvoir gonflent démesurément et finissent par éclater. Les Araignées auraient la même propriété ; on les redoute. Une Vache ou une Chèvre gonflent-elles, elles ont avalé un filet ou une Araignée.
Ana M. Cabo-González, autrice de « Quand les propriétés des plantes défiaient l’entendement », (Annales islamologiques, 51 | 2017, pp. 39-51) s'intéresse notamment aux propriétés merveilleuses des plantes mais aussi à l'interaction des humains avec elles :
D’autres exemples intéressants sont ceux qui traitent de l’influence que les femmes réglées ont sur les plantes, les récoltes, les vins et les confitures. Ces influences peuvent être bénéfiques ou nuisibles, et elles sont déjà mentionnées dans les travaux d’Aristote. Dans le premier cas, la femme qui a ses règles et qui marche pieds nus, les cheveux dénoués à travers les champs infestés par des vers provoquera la chute et la mort des vers, et donc les plantes prospéreront. Cette histoire est répétée par Columelle qui l’emprunte à Démocrite, et elle se trouve chez Pline, Palladium et Cassien. Elle est ensuite transmise à travers Ibn Wāfid à la littérature agricole andalouse et parvient à Alonso de Herrera (Sáez, 1986, p. 16-17.).
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Symbolisme :
D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
Le ver est le "symbole de la vie renaissant de la pourriture et de la mort. Ainsi, dans une légende chinoise, le genre humain provient de la vermine du corps de l'être primitif, et, dans la Gylfaginning irlandaise, des vers éclos dans le cadavre du géant Ymir obtiennent, sur l'ordre des dieux, la raison et l'apparence des hommes.
Un mythe analogue se retrouve en Amérique du Sud, chez les Indiens Cashihuana, pour lesquels les premiers hommes apparaissent, après le déluge, dans les cadavres des géants qui formaient l'humanité précédente.
Cette conjonction pourrait confirmer l'interprétation de Jung, selon laquelle le ver symbolise l'aspect destructeur de la libido, au lieu de son aspect fécondant. Dans l'évolution biologique, le ver marque l'étape préalable de la dissolution, de la décomposition. Par rapport à l'inorganique, il indique la voie ascendante de l'énergie primordiale vers la vie ; par rapport à l'organisé supérieur, il est régression ou phase initiale et larvaire.
Le roi d'Ulster, Conchobar, naît avec un ver dans chaque main. Le motif peut être rapproché de celui des serpents qu'étouffe Héraklès au berceau, mais ce n'est pas certain. Il s'agit plus probablement d'une transformation, du passage à un état supérieur, symbolisé par l'état larvaire transitoire. Il en est ainsi de la naissance de plusieurs personnages mythologiques : Cùchulainn naît d'un ver avalé par sa mère Dechtire, buvant dans une coupe d'airain. Les deux taureaux de la Razzia des Vaches de Cooley naissent des porchers royaux, transformés en vers et avalés respectivement par une vache du Nord (Ulster) et une vache du Sud (Connaught).
Dans toutes ces légendes, le ver apparaît comme le symbole de la transition, de la terre à la lumière, de la mort à la vie, de l'état larvaire à l'envol spirituel."
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Selon Éloïse Mozzani, auteure de Le Livre des superstitions, mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019) :
Les vers et la vermine symbolisent "la vie renaissant de la pourriture et de la mort". On trouve deux exemples frappants de ce symbolisme dans une légende chinoise selon laquelle "le genre humain provient de la vermine du corps de l'être primitif" et dans la tradition irlandaise voulant que "des vers éclos dans le cadavre du géant Ymir obtiennent, sur l'ordre des dieux, la raison et l'apparence des hommes".
Dans le folklore, le ver était rendu responsable des affections dentaires et des maux de ventre et considéré en même temps comme un remède puissant à ces états, selon le précepte bien connu : guérir le mal par le mal. en ce qui concerne les dents, on croyait qu'un parasite s'y introduisait en provoquant douleurs et infection. Des vers réduits en cendre sur une source de chaleur, puis introduits dans la dent (ou dans l'oreille) passaient pour expulser le ver responsable ou le faire tomber sans douleur car "réduits en cendre, purifiés par le feu, les vers accélèrent le processus entamé par leurs congénères vivants". On recommande de recourir à ces remèdes "aux changements de lune car les vers croissent et décroissent avec celle-ci" et de préférence un mardi ou un vendredi.
Les douleurs de ventre étaient expliquées également par des vers qui "vous pissent au cœur". Pour les en chasser, il fallait avaler un ver rôti et réduit en cendres, remplir ses chaussettes de vers vivants u, comme cela se pratiquait en Seine-Maritime, entourer le malade de centaines de lombrics. En Belgique, on venait à bout d'un ver solitaire ou ténia en plaçant du lait près de la bouche de la personne atteinte : le ver en sortait pour boire le liquide.
On en protège également une personne ou un animal grâce à une prière magique à dire trois fois de suite avant le lever du soleil :
Je te chasse au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
Que tu ne manges, ne boives de la chair, des os, du sang de X (nom de la personne ou de l'animal)
Que tu deviennes aussi patient que Job
Aussi bon que saint Jean quand il baptisa notre Seigneur
Dans les eaux du Jourdain.
Ne pas hésiter à prononcer ces paroles devant un chien : s'il mange des vers blancs, il devient enragé.
Les vers font tomber la fièvre : en mettre neuf dans un sachet appliqué sur la poitrine du malade, les renouveler pendant trois jours puis les jeter au feu (Belgique). Ils calment les maux de gorge des jeunes enfants qui portent autour du cou un collier de toile plein de lombrics (Deux-Sèvres) et soulagent ne sciatique lorsque la partie douloureuse est frottée d'huile obtenue en mettant dans le fumier une bouteille remplie de ces animaux qui avec la chaleur se décomposent et donnent un liquide gras.
Une confiture de vers vivants guérit l'épilepsie tandis que, réduits en poudre, ils traitent une jaunisse, à moins que l'on préfère cette recette des Vosges : " Se procurer une poignée de vers de fumier, autant de cloportes, laver et faire infuser pendant vingt-quatre heures dans une pinte de vin blanc. En boire trois verres par jour." Dans cette même région, on soutient que la main d'un nouveau-né pas encore baptisé qui écrase un ver acquiert le pouvoir de guérir un panaris par simple attouchement. Les Languedociens obtiennent une pommade efficace contre cette inflammation en faisant bouillir deux ou trois lombrics avec de la racine de bardane et de la cire d'abeille.
Contre les rétentions d'urine, Galien et Dioscoride recommandaient de boire des vers hachés et cuits dans de l'eau et du miel et, en cas de calculs de la vessie, de les avaler avec du vin.
Au XVIIe siècle, faire avaler à sa bien-aimée des vers réduits en poudre était considéré comme un charme d'amour efficace, à condition que l'on eût éliminé les têtes et les queues de deux de ces animaux avec deux couteaux neufs utilisés en même temps et joints l'un à l'autre. L'opération devait se dérouler un vendredi matin, jour de Vénus.
Des vers attrapés le jour de la Saint-Jean constituent un porte-bonheur en Belgique ; mais entendre dans un meuble ou une poutre des vers à bois, surnommés "horloges de la mort", est un très sinistre présage en Alsace.
Comme tous les insectes nuisibles, les vers peuvent obéir aux sorciers et être envoyés par maléfice. Ils sont censés également se prêter de bonne grâce aux rites visant à les chasser des cultures. En Puisaye, les cultivateurs, pendant la semaine de Noël, entraient dans le champ par le côté gauche, en faisaient le tour pour ressortir du côté droit, indiquant aux vermines le chemin qu'elles devaient prendre. Enfin, ils revenaient dans le champ pour prononcer trois fois, une conjuration en faisant des signes de croix :
Ver de terre je te jure,
Te conjure
Par le grand Dieu vivant
De quitter cette pâture.
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Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007 ; traduction française : Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :
Message des insectes de la quatrième et de la cinquième dimension :
Nous sommes honorés de vous apporter la guérison, l'amour
la lumière, les messages et la sagesse de nos planètes. Nous avons
beaucoup plus à vous offrir que ce ce Diana a pu partager.
Cela ne représente que la pointe de l'iceberg.
[...] Les insectes de la quatrième dimension : Les vers
Les vers viennent de Neptune, la planète de la spiritualité supérieure. Ils ont accédé à la quatrième dimension parce qu'ils ont collectivement décidé comme acte de service d'aérer le sol. Ils augmentent la quantité d'air et d'eau dans la terre, et ils décomposent la matière organique, telle que les feuilles et l'herbe, de telle sorte que les plantes peuvent l'utiliser. De plus, ils ne mangent jamais de tissus végétaux vivants et ne nuisent en aucun cas aux plantes.
Je considérais les vers de terre comme de petites créatures très utiles que j'accueillais dans le sol jusqu'à ce que j'aie vu des photos du ver géant de Gippsland en Australie qui mesure en moyenne un mètre de long, mais peut atteindre trois mètres de long ! J'aurais besoin d'un seul spécimen pour aérer tout le sol de mon jardin.
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Symbolisme onirique :
Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),
"Le ver est l'un des signes les plus énigmatiques dont se sert le langage symbolique. A mesure que le chercheur réunit des informations de plus en plus riches, il sent croître le flux dans lequel s'enveloppe l'image. Pourtant, le ver onirique ne se satisfait pas de rôles inconsistants. Sur la scène du rêve, il crée, par sa seule présence, une atmosphère puissante. Puissante mais imprécise ! Paradoxalement, au terme de l'étude, il faut beaucoup d'application pour dissiper le vague dans lequel l'image tend à s'évanouir. Un fantôme ne serait pas moins saisissable. Dans l'article consacré au vautour, nous formulons une observation identique. En serait-il ainsi de tout symbole lié à la mort ? Car les vers et les vautours ont en commun cette vocation de nécrophages qui renvoie à l'angoisse de mort. Quel ver l'imaginaire met-il en scène ? Le rêveur utilise parfois l'expression ver de terre, plus rarement celle de ver luisant ou de ténia. Le plus souvent, les mots du patient évitent de préciser l'image. C'est l'intonation qui traduit la charge symbolique troublante que véhicule l'évocation du ver. Sur ce point aussi le ver et le vautour vont de compagnie.
L'impression qui domine, après lecture de nombreux scénarios, c'est que le ver du rêve est d'abord un ver blanc. Quels que soient sa taille - qui peut être gigantesque - ou le nombre par lequel l'image se multiplie, le ver onirique s'apparente toujours aux larves dévoreuses : asticots ou gros vers blancs.
Si nous avons choisi le singulier pour intituler ce chapitre, alors que les rêves proposent autant - sinon un peu plus - d'images de grouillement de vers, c'est en raison de l'effet saisissant que propage toujours le ver unique. Dans l'ordre des fréquences d'apparition se rangent donc le ver blanc, le ver de terre, le ver luisant, le ténia. Chacune de ces figures souligne un aspect spécifique de la symbolique globale du ver.
Il est une image bien particulière, qui prend une place statistique notable dans les productions imaginaires : celle du ver gigantesque, du ver immense, dans lequel le rêveur ou la rêveuse sont appelés à pénétrer. Il s'agit souvent de ces monstrueux vers de sable que Franck Herbert a mis en situation dans Dune. Plusieurs patients font même, au cours de leur rêve, explicitement référence à cette oeuvre de science-fiction. Cela n'affaiblit en rien la force symbolique de l'image, qui surgit parfois de l'inconscient du rêveur des années après la lecture de l'ouvrage.
Vers quelles étranges contrées du psychisme le ver entraînera-t-il le praticien à l'écoute de son patient ? Il n'est pas surprenant que les monstrueuses créatures de Franck Herbert soient entrées en résonance avec l'inconscient collectif : elles évoluent dans la même ambiance de trouble et de menace que les vers du rêve. L'observation du contenu des scénarios conduit à distinguer, dans le prolongement du ver singulier et du grouillement de vers, celui dans lequel pénètre le rêveur et ceux qui s"insinuent dans le corps qu'ils dévorent.
Toutes les images de vers sont liées aux thèmes angoissants de la mort et/ou de la castration.
Le ver immense peut s'offrir comme un lieu d'épreuve et de renaissance, comparable à la baleine de Jonas. Le grouillement de vers tend à manifester un état névrotique actif que le rêveur se donne à voir pour s'imposer de le résoudre. Cela peut se rattacher à l'angoisse métaphysique, à un blocage de la sexualité ou au besoin de réhabiliter des valeurs instinctuelles refoulées dans l'ombre. L'ombre au sens que C. G. Jung donne à ce mot.
80% des hommes et des femmes qui ont produit les scénarios pris en référence vivaient, à cette époque de leur cure, un rapport inconfortable à la sexualité. Quelle que soit l'image du ver produite par le rêveur, ver pluriel ou ver singulier, le symbole est toujours associé à l'idée de multiplicité. Dans le cas du ver gigantesque, le patient soulignera l'aspect innombrable des anneaux qui composent l'animal. La longueur est exprimée en kilomètres, la présence en milliers d'années. Milliers ou millions, les mots du rêveur ne lui paraissent jamais abusifs lorsqu'il s'agit d'établir la multiplicité qui s'attache à l'image. La vision du ténia se prête aux mêmes représentations puisque ce ver "solitaire" se propage par le détachement de quelques-uns des nombreux anneaux qui le constituent.
Cédric avait treize ans lorsque son père est décédé, cinq ans plus tôt. Le jeune homme s'engage dans la cure alors que le décès d'un ami de ses parents, auquel il était très attaché, vient actualiser la brutale réalité de la mort. Le quatrième scénario présente des images qui placent le ver à la fois sous l'éclairage de l'épreuve initiatique et dans le rôle d'un linceul duquel il importe "à tout prix" de se dégager :
"... Je reviens sur la plage... là, je m'enfonce plus dans le sable en marchant... il y a un trou sous la dune... j'entre à l'intérieur, par curiosité... puis je m'enfonce... je marche... sur les côtés, les parois sont humides, visqueuses même !... Et j'entends des battements de cœur et... je m'aperçois que je ne suis pas dans une galerie, mais dans un énorme ver de terre... je veux sortir à tout prix de cet endroit... ça bouge dans tous les sens.. je me dirige vers la bouche, pour pouvoir sortir... j'entends une voix familière qui me parle... je reconnais la voix de mon père qui dit : "Ça fait des années que je suis là-dedans et il faut que je sorte !"... Je refuse de l'aider... je fais mon chemin tout seul... je finis pas atteindre la bouche... je profite d'un instant où la bête a ouvert la bouche et je sors très vite..."
Dans son quinzième rêve, Anne se met face à la mort qu'il faut accepter comme facteur de renouvellement :
"... Je suis enfermée dans cette douleur-là... je vois passer une grande procession, on entend des lamentations... peut-être qu'on enterre des lépreux... la mort a fait son œuvre... c'est au Moyen Âge... y a des cagoules noires, une grande croix, un cortège qui chante des trucs lugubres... qui marche lentement... Moi, il faut que je regarde ça ! C'est quelque chose à quoi je ne peux pas faire face... je ne peux pas voir qu'on va mettre les corps dans un trou et qu'ils vont se décomposer... pour savoir, il faudrait que j'aille dans la fosse, carrément... il faut que je fasse face... pas de fuite !... Je ne peux pas imaginer des os blancs qui vont rester... tout va pourrir dans l'humidité de la terre... en même temps, c'est plus simple.. des asticots qui dansent... il ne reste rien ! Je vois une terre humide, épaisse, féconde, grouillante de vers, d'activité souterraine... du coup c'est moins triste... tout est récupéré... mille dents qui grignotent, digèrent, dispersent, transforment... être dedans, ça fait un peu moins peur... [...] Maintenant je vois une pousse verte, en train de grandir, elle est encore sous la terre... une grande feuille avec plein de racines blanches... bien ancrées dans la terre..."
Des vers blancs de la mort aux racines blanches d'où va jaillir une vie verte... l'itinéraire est court, la traduction aisée ! De très nombreux scénarios montreraient ainsi le ver dans sa fonction de résolution de l'angoisse de mort. Il faudrait pouvoir reproduire l'intégralité d'un très beau rêve, le vingt-huitième de la cure de Vincent, pour en apprécier l'ampleur. Nous le résumons en quelques mots. Vincent voit un bateau ventru, qu'il désigne lui-même comme "une sorte d'Arche de Noé chargée de sauver la vie animale". L'Arche est habitée par un jeune garçon et eux sortes d'animaux. Sur le pont, confortablement installés sur de la paille fraîche, sont les animaux domestiques "utiles à la vie", la vache, le cheval, la brebis, la chèvre, etc. Dans la cale grouille la vermine "des animaux gluants, rampants, ils se côtoient : cloportes, nœuds de reptiles, vers de terre... ces deux mondes sont distincts et, pour l'instant chacun reste bien dans son local... le jeune enfant est intrigué par le monde du dessous, un monde qui grouille... c'est froid et visqueux, car ces animaux vivent dans leur merde... ils se complaisent dans ce milieu nauséabond, dans cette fange... Le jeune enfant est effrayé et subjugué... comme s'il avait besoin de se confronter avec le monde du dessous... de se mêler à ce milieu... de sentir le contact des reptiles, des vers, sur sa peau... comme si ce passage était nécessaire pour s'endurcir... alors il se déshabille, descend l'échelle, il s'immerge là-dedans jusqu'à se laisser ouvrir par les animaux... il rampe avec eux au fond de la cale... Il les sent partout, sur son cou, dans ses cheveux, sur sa figure, sur ses mains, ses pieds, ses genoux...
Nous écourtons à l'extrême un long récit d'un réalisme saisissant,. Lorsque cette immersion rituelle dans le monde inférieur est accomplie, tus les animaux disparaissent et le bateau est propre et neuf : " C'est un joli bateau de bois, d'un bois très sain, solide. Finalement, c'est un enfant seul et fort qui sort du bateau dans le nouveau monde, l'esprit libre et prêt pour la vie !"
Le scénario s'achève sur ces mots édifiants. Dans cette situation les vers participent à la représentation des forces instinctuelles, particulièrement sexuelles, qu'il s'agissait de réhabiliter. D'autres rêves de Vincent autorisent à l'affirmer, cet enfant qui sort l'esprit et fort c'est lui-même délivré des emprises castratrices.
Puisque cet exemple renvoie à la signification sexuelle du ou des vers, c'est le troisième scénario de Solange qui nous paraît le document le plus convaincant sur cet axe de traduction. Atteinte, dès sa jeune enfance, par la vision fréquente du pénis paternel en position de repos, ce qu'elle a reçu comme une atrophie de l'organe, Solange est incapable, à vingt-sept ans, de surmonter sa répulsion pour le corps d'un homme. Nous rassemblons ci-dessous les phrases les plus significatives d'un long rêve qui se déploie entièrement sur le même thème :
".... J'essaie de traverser la rivière, sur le pont... un pont qui ondule... je n'arrive pas à le traverser tellement il ondule... ça bouge beaucoup... c'est comme un serpent... je suis en même temps sur le dos d'un animal et sur le pont... [...] Maintenant, je suis devenue microscopique... je rentre sous terre... y a plein de bestioles, vers de terre, cloportes, plus grosses que moi... y a un ver, genre ténia, qui me regarde, avec des poils partout. je prends une épée et je la lui plante dans le cou... il pousse un cri... je l'ai tué ! Je trépigne de bonheur... je saute d'un pied sur l'autre... c'est quelque chose de primitif... [...] Là, je vois un champignon rouge... ça de fait penser à un phallus... des anges me lancent des pierres, ils me lapident... [...] Et j'aperçois un pied qui écrase une maison... c'est un personnage immense dont je ne vois que le pied et la jambe... c'est un ogre... sa chaussure s'est fendue en deux... comme si la semelle se détachait... ça découvre un pied atrophié... c'est comme un pied gonflé de bébé... les orteils sont tous petits... je prends des ciseaux et je les coupe... non ! je n'y arrive pas ! Je prends des ciseaux de plus en plus gros... ça y est... le sang gicle... j'adore ça !... comme si j'étais devenue un charnier... les ciseaux sont beaucoup plus grands que moi... j'ai enlevé un gros morceau de chair... y a plein de vers dedans... ah ! c'est dégueulasse... je recolle la chaussure... je repars à reculons, comme dans les films qu'on repasse à l'envers..."
Plus de la moitié des très nombreuses corrélations observées autour du ver se répartissent entre deux familles de symboles : les parties du corps et les animaux. Les associations les plus fortes sont, dans l'ordre, les sables mouvants, le lis, le pénis, le cercueil et le personnage de la Mort.
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Les monstrueux vers-serpents qui se confondent avec les sables expriment probablement les énergies psychiques, redoutables tant qu'elles demeurent hors de portée de la conscience. Réservoir inépuisable de forces créatrices, la libido est aussi une menace constante pour le moi névrotique. Son activité souterraine échappe d'autant plus à l'entendement que l'harmonie du Soi n'est pas réalisée.
Le ver qui apparaît sur la scène de l'imaginaire est un acteur troublant. Drapé dans un linceul blanc, il peut tenir le rôle du roi de la vermine et déclamer les mots blafards de la névrose. Enveloppé dans le manteau noir de la Mort, il incarne le terme inéluctable de l'existence mais on obscur discours répand les germes d'une espérance. Il dit la mort, agent de renaissance. Le rêveur qui ose ses propres images peut être par lui délivré.
Le ver revêt souvent aussi le costume du serpent phallique pour interpréter toutes les variations possibles sur le thème de la sexualité. Le grand air de la castration, la complainte de l'incertitude homosexuelle, le cri de la répulsion, la polyphonie de la dispersion, la mélodie de la réhabilitation instinctuelle, autant de facettes du répertoire auquel le ver s'adapte avec brio.
Les exemples que nous avons produits l'ont montré, le ver du rêve est un symbole puissant, qui signe un épisode révélateur de la névrose.
En se référant aux grandes orientations que nous avons proposées, le praticien déterminera, dans la plupart des cas, l'axe de traduction correspondant le mieux au rêve qui lui est soumis."
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Mythologie :
Dimitri KARADIMAS, dans l'article suivant : "La métamorphose de Yurupari : flûtes, trompes et reproduction rituelle dans le Nord-Ouest amazonien" paru dans le Journal de la Société des Américanistes, 2008, vol. 94, no 94-1, pp. 127-169 :
Christine HughJones donne l'interprétation suivante pour les Barasana qui relient la première terre à un placenta primordial :
Le placenta enterré illustre plusieurs propriétés de l'univers-comme-matrice : un énorme ver blanc en sort, qui perce les couches de l'univers jusqu'à ce que Soleil Primordial lui brûle la tête. En raison de cette brûlure, il est appelé Le-Décapité (Rihoa Mangu), un personnage dépeint dans d'autres contextes comme un homme sans tête, le mari de Romi Kumu. La relation sexuelle entre Romi Kumu et Le-Décapité est ainsi transposée sur une échelle cosmique : l'hémisphère inférieur est semblable à une matrice contenant un placenta décomposé, et l'axe vertical, le pénis ou l'enfant, est fait par le passage vertical du ver. (ibid. , p. 267 ; italique et traduction de l'auteur, D. K.)
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François-Joseph Onda, auteur d'une thèse intitulée Le féminin dans les paysages pré-chrétiens irlandais. (Archéologie et Préhistoire. Université Rennes 2, 2012. Français.) rapporte un épisode mythique mettant en scène un petit ver rouge :
Un bref aperçu de celui [un récit] relatif à Lough Derg dans le comté de Donegal, associé à la créature Coaránach, permet d’expliciter les choses. Suite à la mort d’une sorcière maléfique nommée The Hag of the Finger (« La sorcière du doigt »), (ou The Devil’s Mother, « La mère du malin », dans d’autres versions), qui fut tuée par Fionn MacCumhaill, un nain aux cheveux rouges informa ce dernier et ses hommes qu’un petit vers rouge se trouvait caché dans les os de la sorcière et qu’il détruirait le monde s’il était libéré et suffisamment abreuvé. L’un des hommes de Fionn brisa l’un des os de la sorcière, libérant ainsi un long vers velu qu’il empala de sa lance et jeta dans le lac avoisinant. Aussitôt, les eaux du lac se mirent à bouillonner violemment et de ses profondeurs jaillit un serpent énorme et terrifiant appelé Coaránach qui commença à dévorer hommes et animaux. Ce monstre féminin serpentiforme n’était autre qu’une métamorphose du vers. Fionn le blessa, le forçant à regagner les profondeurs du lac. Son sang, en s’y répandant alors, changea la couleur de ses eaux et lui donna son nom, Lough Derg qui signifie « dark lake » (« lac sombre »).
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Littérature :
Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard brosse des portraits étonnants des animaux que nous connaissons bien, parfois réduit à une forme d'aphorisme étrange :
Le ver
En voilà un qui s’étire et qui s’allonge comme une belle nouille.
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