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La Truite



Étymologie :


  • TRUITE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4239) ; 1564 truite soulmonnée (Thierry) ; 2.1751 « partie d'un fourneau de brasserie » (Encyclop. t. 2, p. 401, s.v. brasserie). Du b. lat. tructa « id. » 2e moit. ives. chez St Ambroise dont les mss donnent aussi la forme trocta (v. Cor.-Pasc., s.v. trucha), prob. empr. (mais qui semble sans rapport avec le gr. τ ρ ω ́ χ τ η ς, autre nom pour α ̓ μ ι ́ α « thon », d'abord adj. « qui mange », v. Ern.-Meillet) ; cf. le lat. sc. truttae salmonatoe 1555 (Rondelet, Universae aquatilium historiae pisces, p. 161) ; le sens 2 s'explique prob. par une analogie de forme.


Définition du nom à lire également pour réfléchir à la symbolique de ce poisson.

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Zoologie :


En apprendre davantage sur la migration et la smoltification de la truite en France.

 

Selon Frans de Waal, auteur de Sommes-nous trop "bêtes" pour comprendre l'intelligence des animaux (Édition originale 2016 ; traduction française : Éditions Les Liens qui Libèrent, 2016) :


"Dans une série d'études menées en mer Rouge, Bshary a observé une chasse coordonnée entre une truite léopard, ou truite de corail - un magnifique mérou rouge-brun qui peut atteindre près d'un mètre de long -, et une murène géante. Ces deux espèces forment un couple parfait. La murène peut entrer dans les fissures de la barrière de corail, alors que la truite chasse dans les eaux environnantes. Les proies peuvent échapper à la truite en se cachant dans une anfractuosité, et à la murène en s'enfuyant dans l'eau, mais elles ne peuvent pas esquiver les deux réunies. Dans une des vidéos de Bshary, on voir une truite de corail et une murène nager côte à côte comme des amies en promenade. Elles recherchent mutuellement leur compagnie : la truite vient parfois recruter activement sa complice en balançant curieusement la tête près de celle de la murène. Cette dernière répond en quittant sa fissure et en la rejoignant. Comme les deux espèces ne partagent pas, mais avalent la proie en entier, leur comportement semble être une forme de coopération dans laquelle chacune obtient une récompense sans rien sacrifier à l'autre. Elles courent après leur propre gain, mais l'atteignent plus facilement ensemble que séparément.

Cette répartition des rôles tient naturellement à deux prédateurs qui ont des styles de chasse différents. Ce qui est vraiment spectaculaire, c'est que le modèle d'ensemble – deux acteurs qui semblent avoir ce qu'ils vont faire et quel bénéfice ils vont en tirer – n'est pas celui qu'on associe habituellement aux poissons. Nous avons beaucoup d'explications supposant une cognition de haut niveau pour nos propres comportements, et nous avons du mal à croire qu'elles soient vraies aussi pour des animaux qui ont un cerveau beaucoup plus petit. Mais, au cas où on l'on s'imaginerait que les poissons font preuve ici d'une forme simplifiée de coopération, les récents travaux de Bshary fragilisent cette théorie. On a montré à des truites de corail une fausse murène (une murène en plastique capable de quelques mouvements, comme sortir d'un tube) qui pouvait les aider à attraper des poissons. L'expérience suivait la même logique que le test de traction dans lequel les chimpanzés recrutaient des auxiliaires quand ils en avaient besoin, mais ne le faisaient pas s'ils pouvaient accomplir seuls la tâche. Les truites ont réagi absolument comme les grands singes, et se sont montrées tout aussi capables de décider de l'utilité ou non d'un partenaire.

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Dans le Hors-série de Causette (été 2018) intitulé « Histoires d'A...mours », Claudine Colozzi nous propose un petit "Kama-sutra des animaux" sous forme d'abécédaire :


La truite femelle n'hésite pas à simuler l'excitation sexuelle pour tester l'ardeur de plusieurs prétendants. Quand elle en repère un, elle creuse un nid dans le sable et secoue son corps dans tous les sens pour expulser ses ovules. Cette attitude incite d'autres mâles à se rapprocher et à libérer leur semence. S'ils ne sont pas assez nombreux, il arrive qu'aucun œuf ne soit fécondé. La femelle part alors en quête de nouveaux géniteurs pour optimiser les chances de reproduction.

 

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Symbolisme :


La truite voit son nom attribué au 15e jour du mois de fructidor du calendrier républicain ou révolutionnaire français, généralement chaque 1er septembre du calendrier grégorien.

 

Jean-Jacques Cleyet-Merle dans un article intitulé "Les figurations de poissons dans l'art paléolithique." (In : Bulletin de la Société préhistorique française, tome 84, n°10-12, 1987. Études et Travaux / Hommage de la SPF à André Leroi-Gourhan. pp. 394-402) précise que :


Les détails graphiques insistent sur ce thème de la reproduction, thème qui est de nouveau abordé sur l'argile de Niaux : deux truites, bien reconnaissables grâce à leur nageoire adipeuse bien marquée, tracées à même le sol, sont associées en une probable scène « d'accouplement », le mâle réaliste dominant la femelle traitée de façon plus fruste. Contrastant avec la rareté de leur apparition sur les parois des grottes, la recherche du détail et la place de premier plan qu'occupent les poissons sont riches de symboles. Ils résistent au laminage d'une théorie dogmatique réduisant l'art préhistorique à l'expression d'une sexualité travestie et leurs figurations nous ouvrent d'autres horizons. Sur un plan d'égalité avec les grands mammifères, le cheval, le bison, le mammouth — le poisson a son abri comme le mammouth a le sien à Saint-Front — ils sont peut-être l'aboutissement graphique d'une mythologie complexe, dont la signification nous échappe encore largement, à une époque où l'homme, l'animal aquatique et son milieu, n'étaient pas séparés par la théorie des quatre éléments. Un mythe, vivant sous de multiples formes pendant des millénaires (du périgordien au magdalénien), universel, qui dépassait les frontières et tissait sa toile sur toute l'Europe.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


La superstition veut que les truites détournent l'orage : « On a supposé qu'elles avaient cette vertu parce qu'on les voit jouer à la surface de l'eau quand il touche à sa fin ».

Aux États-Unis, contre la coqueluche, on met sur la tête du malade une truite vivante ; en Angleterre, on fait avaler le poisson, également vivant, à une vache malade.

Selon un dicton des Vosges, « à la Saint-Nicolas, si les truites qui fraient suivent le milieu de la rivière, l'hiver sera sec. Si elles suivent le bord, il sera mouillé. » Lorsque le frai commence tôt dans l'année, on prédit un hiver prématuré.

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Symbolisme celte :


Selon Sabine Heinz, autrice d'un ouvrage intitulé Les Symboles des Celtes, (1997, traduction française Guy Trédaniel éditeur 1998),


"La truite, elle aussi, fait partie des principaux poissons qu'aimaient manger les Celtes insulaires. Elle prend parfois la place du saumon ; tous deux sont présents dans les contes européens.

Elle peut également symboliser le Christ ou être porteuses d'âmes. En tant que telle, elle est bien entendu taboue :


Il y a très longtemps, une femme ravissante fut promise à un fils de roi, mais il mourut et fur jeté dans un lac. La femme perdit la raison et le suivit. Dès lors, on aperçut souvent une truite blanche, comme on n'en avait encore jamais vu de pareille et comme on n'en a jamais plus vu par la suite. Personne ne fit de mal à la truite jusqu'au jour où des malfaiteurs arrivèrent ; il y avait parmi eux un gredin particulièrement mauvais qui raconta qu'il l'avait attrapée et mangée. Effectivement, il l'avait ramenée chez lui et mise dans la poêle. Ses gémissements et ses cris le firent rire. Au bout d'un moment, il fut d'avis qu'elle était bien cuite d'un côté, mais ce n'était pas le cas. Il retourna la truite pour essayer de cuire l'autre côté. Il la retourna ainsi plusieurs fois. Finalement, il la laissa telle qu'elle était et y planta son couteau et sa fourchette pour en goûter un morceau. La truite poussa un grand cri ; elle sauta au milieu de la pièce et se transforma en une belle jeune femme vêtue de blanc. Le sang coulait de son bras. Elle le gronda de l'avoir dérangée et blessée, lui expliquant qu'elle était à la recherche de son amant ; si, pendant son absence, il passait dans le lac et qu'elle le manquait, elle le métamorphoserait et le poursuivrait éternellement. Il lui demanda grâce et elle lui conseilla de devenir un bon citoyen, d'aller se confesser et de la ramener dans le lac. Avant qu'il puisse dire un mot, la femme disparut et il ne vit plus que la truite sur le sol. Il prit ses jambes à son cou et ramena la truite jusqu'au lac où l'eau se colora de rouge lorsqu'il l'y remit. Aujourd'hui encore, les truites ont une marque rouge sur le côté. L'homme ne devint pas seulement un bon citoyen, il finit même par devenir ermite et pria pour l'âme de la truite blanche."

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Par son caractère, la Truite elle-même est comme un gamin à l'air espiègle, un galopin qui ose prendre, voler s'il le faut : pour ne pas mourir de faim. Il saisit -même s'il doit le faire en cachette - ce sont il a réellement besoin pour "vivre", pour subvenir à ses besoins vitaux. Peut-être va-t-il quelquefois trop loin à cet égard, mais cela ne part pas d'un mauvaise intention. Il a l'art de prendre tout le monde de vitesse. Il est capable de s'enfuir à toutes jambes pour sauver sa peau, pour se protéger, pour préserver la vie en lui. Il voit le côté joyeux de la vie ; il ose entreprendre des choses sans crainte. Il compte sur sa vitesse, son adresse. Opportuniste, il profite de chaque moment où il peut chiper quelque chose d'une manière ou d'une autre. Il prend bien soin de lui ! Il a des yeux d'enfant vifs et éveillés. On lui pardonnerait tout car il n'est pas mauvais au fond. Il ne fait que préserver la vie en lui, même dans des circonstances très pénibles. Il prend en main le doit-de-la-vie, là où la société des hommes manque de justice.

La vraie sphère psychique de la Truite dit ceci : "Zut. Je dois me débrouiller tout seul ici. Je ne vais pas trop me soucier de ce que les autres me disent à propos de ma conduite, de mes actes. Je sais ce que j'ai à faire ; je n'ai pas de mauvaises intentions. Simplement, je n'ai pas d'autre choix que d'entreprendre ceci ou cela. Qu' "ils" disent ce qu'ils veulent..." Il ne demande aucune compréhension de la part des autres. Il agit simplement à partir de son sentiment, de sa connaissance, de son cœur, par solidarité avec lui-même.

Celui qui a une forte envie du Goût de truite se fait souvent du mouron pour rien : que vont-ils dire de moi ? Puis-je vraiment faire cela ? Il fait trop attention au autres. Il se comportera tantôt comme ceci, tantôt comme cela, à force de se regarder par les yeux des autres, à force de croire qu'il faut tenir compte de ce qu' "ils"... Il doit apprendre à vivre entièrement à partir de lui-même, de son sentiment, de son point de vue absolument personnel. Il n'a de comptes à rendre à personne, sauf à son cœur, à sa conscience. Il a le droit d'être simplement tel qu'il est ! Qu'il s'agisse de son apparence (les normes imposées à l'apparence "extérieure" par la société à laquelle il appartient) ou de règles de conduite, etc. Il apprendra à vivre sincèrement à partir de lui-même sans se soucier le moins du monde de ce que es autres pensent ou attendent de lui.

Le Mangeur de truites veut-il se donner un air distingué, aimable, important, fier, riche, suffisant ? Ou sera-t-il naturellement lui-même ? Dans le premier cas il sera perçu comme plus raide qu'il ne l'est en réalité, son corps peut littéralement se pétrifier, se rigidifier ou perdre sa souplesse, son agilité ; son corps retient peut-être des épanchements, ou il fume un gros cigare, il porte un chapeau particulier, pour cultiver une Image... Son cour paraît fatigué parce qu'il veut maintenir bien haut un "visage" de façade tourné vers l'extérieur au lieu d'écouter avec amour et tendresse sa nature intérieure. Il peut s'agir de cet homme qui se fait passer pour lus vaillant, plus fort, plus dur, plus riche... qu'il ne l'est en réalité.

La Truite transmet aussi le message suivant : "Prends bien soin de toi, même dans des circonstances difficiles. Ta vie, pour toi, passe avant tout. Ne soumets pas ta conduite aux normes d'une construction sociale, ni à ce que les autres pourraient penser de toi... Sois plutôt sincère, aimant et bon envers toi-même. Dès lors, tout ria toujours bien pour toi."

La Truite le met en garde de ne plus écouter les 'autres' mais de prêter l'oreille à ton essence vitale la plus profonde. Sois à l'écoute de ton Cœur. Suis ta Nature, ta voix intérieure, spontanée. Naturelle. Si tu regardes la vie avec optimisme, en toute confiance, sans crainte, et que tu agis pour bien faire, pour préserver la vie en toi, la Vie elle-même, la Mère Nature t'aidera... Regarde la Vie à partir de ton cœur, par tes Yeux !"

Celui qui a envie de Truite lorgne trop les autres au lieu de s'orienter davantage vers les et sur lui-même. Il se sent, dans un certain sens, un peu sur ses gardes ; il surveille son environnement, les autres, avec une espèce de méfiance Comme si c'étaient eux qui ne lui permettaient pas d'être simplement lui-même, lui interdisant d'ingérer ce que sa nature lui demande, de consommer ce que son corps lui demande, etc. ... ! Or c'est lui-même qui peut, de façon plus tranquille, en toute confiance, prendre soin de sa personne dans la vie, 'donner' ce dont il a besoin. Il doit prendre soin de lui-même ; il fera bien de ne rien s'interdire, de ne pas se saboter lui-même. Il fera bien, à l'occasion, de se tourner vers l'intérieur, comme un ermite : subvenant à ses propres besoins, sage, heureux, tranquille et sans se soucier de l'avis des autres... IL ne doit pas demander aux autres un 'droit' d'exister, un droit d' 'Être', il ne doit pas leur demander "s'il a bien le droit d'être tel qu'il EST selon sa nature". Il ne doit pas craindre que ce soient les autres qui lui dérobent quelque chose, qu'ils l'empêchent d'être lui-même : lu seul peut se permettre d'être tel qu'il est ; lui seul peut se donner ce dont il a besoin. Et il accomplira ceci chaleureusement, sans aucun sentiment de honte ou de culpabilité, sans crainte qu'on lui 'interdise' de se prendre en charge. Comme s'il était 'un voleur', un petit garnement lorsqu'il se procure ce qu'il lui faut dans la Vie ! Et cela n'a rien à voir avec des convoitises. En effet, il s'agit en l'occurrence de l'air qu'il respire, il s'agit du droit d'être soi-même, tel qu'il est, il s'agit de la nourriture dont il ressent le besoin, il s'agit de pouvoir aller et venir comme il sent devoir le faire selon sa nature. Il ne doit absolument pas se sentir coupable, se sentir vissé par le 'chasseur' comme un gibier traqué...

Il suit dorénavant ses lois naturelles et ne rend des comptes qu'à son propre Cœur, sans plus ! Il cesse de se sentir 'poursuivi' ou 'pris sur le fait' lorsqu'il pourvoit à ses besoins, lorsqu'il vit selon sa nature. (Il est évident qu'il ne s'agit pas ici d'assouvir ses propres appétits animaux et convoitises).

Tel est donc le message de la Truite. L'être humain ne se culpabilise plus d'être tel qu'il EST en accord avec sa nature et de se procurer ce dont il a besoin pour vivre dignement. Il ose à présent s'accorder le droit d'exister, l'amour, l'attention, la nourriture (au propre comme au figuré)... quoi qu'en disent ou qu'en pensent les autres !

Ne se sent-il pas encore tout à fait à l'aise parmi les gens ? Se contorsionne-t-il encore dans tous les sens, affecte-t-il encore top une certaine attitude ? En ce cas, cela indique qu'il n'ose pas encore être tout à ait lui-même, selon sa nature, son caractère. De quelque manière qu'il se comporte, l devra toujours se conduire en harmonie avec 'la vie', avec sa nature essentielle, faute de quoi la vie ne le soutiendra pas !

Il ne doit jamais se trahir. Vivant désormais sans façon à partir de sa propre nature, il est fier d'être qui il est, plutôt que qui il pense devoir 'montrer' qu'il est. Comme il s'approuve tel quel, qu'il ne se sent pas coupable et n'a pas honte de lui-même, il ne ressentira pas le besoin de se faire passer pour 'meilleur' ou 'autre'... Il vit tout naturellement et s'occupe bien e sa personne. Il ne prend plus de 'posture' affectée : il est désormais qui il est. Il vit à partir de l'intérieur. Point n'est besoin que l'autre soit d'accord avec lui... pourvu qu'il se comprenne lui-même, dans l'amour et dans la justice.

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Contes et légendes :

Écoute, Pèlerin de toi-même, la Légende d’Orval ; du Val d’Or où tout est possible :


Or donc en ces temps-là il advint que Mathilde, veuve de Godefroid le Bossu, duc de Lorraine, s’en vint rendre visite à son parent Arnould, comte de Chiny, pour tenter d’apaiser quelque peu la douleur d’un double deuil. Nul n’échappe en effet au sort commun, et Mathilde n’était veuve que depuis peu lorsque son fils unique fut englouti par la Semois alors qu’il jouait sur son cours pris par le gel.

Ainsi le comte évoqua-t-il la présence, dans une forêt voisine, d’ermites y menant une vie angélique. Mathilde, brûlant de rencontrer ces saints hommes, se rendit au lieu-dit dès le lendemain, et fut touchée au plus profond par la rude fraternité qu’elle découvrit chez ceux-là qui avaient décidé de quitter l’agitation du siècle.

Après être demeurée quelques instants en prière dans leur robuste oratoire de chêne, elle les rejoignit auprès d’une fontaine dans l’eau de laquelle, en quête de fraîcheur, elle plongea la main. Mais voici que l’onde fait glisser de son doigt l’anneau qu’elle porte, cher souvenir de son époux disparu. On imagine sans peine la désolation de Mathilde et l’empressement de ses compagnons à retrouver l’objet. Mais en vain : celui-ci demeurait enfoui dans les graviers.

Les voici dès lors aux pieds de Notre-Dame Marie, patronne du lieu, implorant son aide avec la ferveur qu’on devine. Oraisons faites, Mathilde et les membres de la communauté s’en revinrent vers la source d’où ne tarda pas à émerger une truite tenant dans sa bouche l’anneau perdu : « Voici l’or que je cherchais ! s’écria la dame, Heureuse la vallée qui me l’a rendu ! Aussi je souhaiterais qu’on l’appelle désormais le Val d’Or. »



Note : Les Fils de Cîteaux, ultime et affectueux lien avec l’Église de mon père, ne me tiendront pas rigueur de citer ce passage de Tillière d’ailleurs publié sous leurs auspices et rendant aux dieux tutélaires ce qui leur appartient sans doute : » Si Godefroid le Bossu, époux de Mathilde, avait eu un enfant, pourquoi aurait-elle adopté son neveu Godefroid de Bouillon ? Cette fort belle histoire pourrait bien être un remaniement d’une vieille légende d’origine pré-chrétienne „. Que les enfants d’Épona (parfois appelée sainte Brigitte – de Kildare) soient rassurés : nulle communauté chrétienne ne pouvait mieux que les Cisterciens respecter l’esprit des lieux. Que la Paix soit avec eux et avec tous ceux qui sont en chemin vers le cœur du roncier.


Source : Adaptation libre de la légende rapportée par Henriquez in N. Tillière, Histoire de l’abbaye d’Orval, Éditions d’Orval – 7° éd. 1967.

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Le Messager des truites, conte écologique moderne de Pierre-André Magnin.

 

Conte d'Irlande : variante


Il était une fois une dame d’une grande beauté qui vivait près d’un lac dans un somptueux château. La jeune femme était promise au fils d’un roi mais très peu de temps avant la célébration du mariage la future épouse fut sauvagement assassinée par des inconnus qui la jetèrent dans le lac.

Peu de temps après, on vit passer entre deux eaux, un poisson comme personne n’en avait jamais vu depuis la création des eaux et des poissons. Une truite toute blanche, qui n’arrêtait jamais de nager dans le lac, toujours inquiète, comme si elle cherchait sa moitié.

Les gens du pays décidèrent de ne jamais l’attraper, de ne jamais lui faire du mal, car ils pensaient que c’était une fée. Tout se déroulait sans souci jusqu’au jour où des truands, anciens soldats sans scrupules, arrivèrent dans le canton en se moquant des superstitions des paysans. Un des truands les plus grossiers jura qu’il attraperait la truite et en ferait son souper. Sans attendre, il se rendit au bord du lac et pêcha la magnifique truite blanche.

Il rentra chez lui et la jeta tout de suite dans la poêle. Le poisson se mit à se tortiller dans tous les sens et poussa d'horribles cris de chrétienne, tandis que le truand se tordait de rire. Quand il pensa que la cuisson était à point il décida de retourner la truite mais découvrit avec stupeur que le joli flanc argenté de la truite était intact, sans aucune trace de cuisson.

Il s’obstina à la faire cuire et décida de la retourner plus tard pour finir la cuisson. Malgré les cris humains qui continuaient à sortir de la truite, il la retourna de nouveau ... pour découvrir que rien n’avait changé et que le flanc du poisson était toujours aussi brillant et frais. L’homme ajouta du charbon pour forcer le feu, mais peine perdue, la truite ne cuisait point.

Ne voulant pas s’avouer vaincu le truand décida de découper une aiguillette dans le vif. Mais à peine la pointe du couteau entamait-elle la peau argentée que le poisson cria de douleur et sauta hors de la poêle. Il tomba à terre sous la forme d’une jeune demoiselle, la plus jolie qu’on n’ait jamais vue. D’une beauté à couper le souffle, la jeune femme était vêtue de blanc, sa chevelure blonde cerclée d’or coulait sur ses épaules et un filet de sang le long de son bras.

La jeune femme reprocha au truand de l’avoir pêchée et blessée et surtout de l'avoir empêchée de faire son devoir. L’homme tremblait de peur comme un chien dans un sac mouillé et il lui demanda pardon en bredouillant qu’il ne savait pas qu’elle faisait son devoir.

La femme lui répondit qu’elle attendait son fiancé qui devait la rejoindre par la voie des eaux et que s’il passait au moment où elle n’était pas présente, elle le perdrait pour toujours. Elle menaça l’homme de le changer en saumon et et de le poursuivre tant que l’eau courante courra.

Le truand lui demanda humblement ce qu'il devait faire pour éviter le châtiment qu'il méritait cependant. La femme lui répondit alors qu'il ne devait plus ni dire de gros mots ni faire de vilains tours ; qu'il se devait de filer le plus vite possible à confesse et d’être bon à l’avenir. Pour finir elle lui intima de la rejeter à l’eau.

L’homme commença à répondre : "jeter une belle femme comme toi..." , il n’avait pas finit de causer que déjà la belle était de nouveau transformée en une belle truite luisante. Alors il prit une assiette propre et la fit glisser délicatement avant de courir très vite la rejeter à l’eau. Il espérait sincèrement que le fiancé ne soit pas passé. L’eau rougit un peu avant de devenir claire et c’est depuis ce jour que la truite blanche porte un petit point au côté, vif comme le sang.

Le soir même le truand se fit ermite et pria le reste de sa vie pour l’âme de la truite blanche.


D'après Charles-Marie Garnier, Contes et Légendes du Pays d’Irlande, Fernand Nathan, 1955.

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014) :


"En Alsace, le lac de Bölchen regorge d'étranges créatures telles qu'une gigantesque truite portant sur son dos un sapin."

 

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Littérature :


La Truite


Dans une agape bien construite

Envisagez assurément

L'apparition de la truite

Comme un joyeux événement.


Quelques-uns la demande cuite

Avec maint assaisonnement,

Pris aux recettes qu'on ébruite.

Je la veux frire simplement.


Truites blanches ou saumonées,

D'Allemagne ou des Pyrénées,

Poissons charmants, soyez bénis !


Mais je sais les roches hautaines

Où se cachent vos souveraines :

Salut, truites du Mont-Cenis !


Charles Monselet, "La Truite", Sonnets gastronomiques in Le Plaisir et l'amour, 1865.

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Dans "La Barrette de Lady Stearling", nouvelle extraite du recueil Les Curieuses Enquêtes de M. Petitvillain, détective (1930) et écrite par Détective Ashelbé, si un singe semble au cœur de l'intrigue policière, c'est une truite qui permettra de résoudre l'énigme :


"Il prit un temps, puis, s'adressant à lady Stearling au milieu du silence général :

"Lorsque, du vivant de votre mari, vous habitiez en Écosse le château de Welsterborough, servait-on souvent de la truite à votre table ?"

Un désappointement général accueillit ces paroles imprévues. Lady Stearling se leva, rouge d'impatience, et répondit brusquement qu'elle ne voyait pas le rapport qu'une telle question pouvait avoir avec la perte, et surtout la restitution de sa barrette. Sans se départir de sa courtoisie, M. Petitvillain reprit :

"Pardonnez-moi, madame, cette question est, contrairement à ce que vous pouvez croire, de la plus haute importance."

Lady Stearling le regarda quelques instants, indécise. Enfin, elle dit :

"Oui on servait assez souvent de la truite à notre table en Écosse ! Mais, encore une fois, je ne vois pas...

- En mangez-vous aussi fréquemment ici ?

- Non... peut-être... je ne sais pas... Enfin, monsieur...

- Et puis-je savoir où vous vous la procurez ?

- Mais... au marché, ou dans une poissonnerie je suppose. Où voulez-vous trouver de la truite, à Saint-Germain, ailleurs que dans une boutique ou au marché ? En tout cas, monsieur, comme je continue à ne pas saisir le rapport qui peut exister entre un poisson et ma barrette, je vous prie de cesser cette plaisanterie et de tenir votre promesse... Si vous le pouvez.

- Je le ferai, madame, avec plaisir lorsque tous les hôtes et le personnel de votre maison seront réunis, comme je vous l'ai demandé."

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Dans L'Armée furieuse (Éditions Viviane Hamy, 2011) de Fred Vargas, le commissaire Adamsberg délocalise son enquête en Normandie où un des témoins est violemment attaqué :


" - Vous pouvez me pousser jusqu'à l'hôpital, brigadier ? Je dois voir le médecin avant son départ.

- Paraît qu'il a repêché la Léo comme on sort une carpe de la vase, dit Blériot en se réinstallant au volant, Flem sautant à l'arrière. Un jour, comme ça, j'ai tiré une truite fario de la Touques. Je l'ai carrément prise à la main. Elle avait dû s'assommer sur une roche ou quoi. J'ai pas eu le cœur de la bouffer, je sais pas pourquoi, je l'ai remise à l'eau."

 

Dans son recueil poétique Notes du ravin (Éditions Fata Morgana, 2016) Philippe Jaccottet évoque un souvenir de lecture :


Daumal : « ... la poésie blanche va à contre-pente, elle remonte le courant, comme la truite, pour aller engendrer à la source vive... »

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