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Le Lièvre


Étymologie :


  • LIÈVRE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1780 : Pur un sul levre vait tute jur cornant) ; 1155 (Wace, Brut, 4738 ds T.-L. : Quant vient en guerre e en estur, Si semble lievre de pöur) ; ca 1176 (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4500 : Malvés et coarz come lievres) ; 1316 (Geoffroy, Chron. métr., 692 ds T.-L. : ... a Mons em Pevre [Mons-en-Pevele] Où Flamenz füirent com lievre). 2. fig. a) ca 1200 (Poème moral, 338, ibid. : Cant il seit [li malz mïes] un riche home malement agrevet : « Or me vat bien », fait il, « un gras lievre ai trovet ». b) 1465 (G. Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 276, 22 : vecy où git le lievre et le droit difficile du neud) ; 1663, 15 déc. lever un lièvre « être le premier à soulever une affaire » (Chapelain, Lettres, éd. Ph. Tamizey de Larroque, t. 2, p. 340 b). Du lat. lepus, leporis « lièvre ».


Lire aussi les définitions des noms lapin et lièvre afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Zoologie :


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Croyances populaires :


Selon Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur du Dictionnaire infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres, les personnages, les livres, les faits et les choses : qui tiennent aux apparitions, à la magie, au commerce de l'enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux grimoires, aux prodiges, aux erreurs et aux préjugés, aux traditions et aux contes populaires, aux superstitions diverses, et généralement à toutes les croyants merveilleuses, surprenantes, mystérieuses et surnaturelles. (Tome troisième. La librairie universelle de P. Mongie aîné, 1826) :


LIÈVRE. — On raconte des choses merveilleuses de cet animal. Evax et Aaron disent que si l'on joint ses pieds avec une pierre, ou avec la tête d'un merle, ils rendront l'homme qui les portera si hardi qu'il ne craindra pas même la mort. Celui qui se les attachera au bras ira partout où il voudra, et s'en retournera sans danger. Que si on en fait manger à un chien, avec le cœur d'une belette, il est sûr qu'il n'obéira jamais, quand même on le tuerait.

Archelaus, Plutarque, Philostrate et beaucoup d'autres ont prétendu que les lièvres naissaient hermaphrodites. Les docteurs juifs sont de la même opinion. La loi du Lévitique, qui défend d'en manger, est fondée sur ce que cet animal désigne l'esprit d'usure par sa fécondité, et la lubricité efféminée par ce mélange des deux sexes.

Si des vieillards aperçoivent un lièvre traverser un grand chemin, ils ne manquent guère d'en augurer quelque mal. Ce n'est pourtant, au fond, qu'une menace des anciens augures, exprimée en ces termes : inauspicatum dat iter oblatus lepus. Cette idée n'avait apparemment d'autre fondement, si ce n'est que nous devons craindre, quand un animal timide passe devant nous ; comme un renard, s'il y passe aussi, nous présage quelque imposture. Ces observations superstitieuses étaient défendues aux Juifs, comme on le voit dans Maimonide, qui les rapporte à l'art de ceux qui abusent des événements pour les convertir en signe heureux ou sinistre. Chez les Grecs modernes, si un lièvre croise le chemin d'une caravane, elle fera halte jusqu'à ce qu'un passant, qui ne l'ait pas vu, coupe le charme en traversant la route.


LIÈVRE (LE GRAND). Les Chipiouyans, peuplade sauvage qui habite l'intérieur de l'Amérique septentrionale, croient que le grand lièvre, nom qu'ils donnent à l'Être suprême, étant porté sur les eaux avec tous les quadrupèdes qui composaient sa cour, forma la terre d'un grain de sable tiré de l'Océan, et les hommes des corps des animaux ; mais le grand tigre, dieu des eaux, s'opposa aux desseins du grand lièvre. Voilà, suivant eux, les principes qui se combattent perpétuellement.

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Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


LIEVRE. Lorsque cet animal traverse un chemin, c'est un mauvais présage pour les Musulmans, les Hindous, les Ecossais et les habitants de quelques-unes de nos provinces.

A Saint-Etienne, près de Remiremont, en Lorraine, la rencontre en voyage de ce timide animal est regardée comme d'un très mauvais augure. A Sapois, demander à une jeune fille si elle a mangé du lièvre, c'est presque lui faire une injure. La raison en est qu'on est- persuadé que pour être beau ou belle il faut manger du lièvre pendant sept jours de suite, croyance qui ne pouvait exister chez les Hébreux auxquels la loi du Lévitique en interdisait la nourriture.


LIÈVRE D'AUGERANS. Le village d'Augerans est une localité du Val-d'Amour, dans le département du Jura. Parmi les choses merveilleuses qu'on y voyait autrefois, ou citait particulièrement un certain lièvre que les laboureurs et les bergers rencontraient constamment sur la place publique à leur retour des champs. Ce lièvre n'éprouvait aucune crainte à leur approche ; il semblait, au contraire, par ses sauts et ses grimaces leur adresser une sorte de défi ; les pierres qu'on lui lançait ne lui faisaient aucun mal ; et nul chasseur, lancé à sa poursuite, n'avait pu l'atteindre d'un coup de fusil. Ce manège durait depuis un temps immémorial, à la connaissance de tous les habitants du lieu, lorsque la révolution de 1789, obligea aussi le lièvre d'émigrer. Il reparut, selon quelques-uns, en 1839, mais nous ne saurions le garantir.

 

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


Contre la dysenterie on recommandait autrefois de tuer un Lièvre le Vendredi Saint et de faire des compresses avec son sang.

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Symbolisme :


Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :


"Il faut penser à l'extrême importance du bestiaire lunaire dans cette tapisserie sous-jacente de la rêverie profonde, où se sont inscrits les archétypes du monde symbolique, pour comprendre la signification des innombrables lièvres et lapins, mystérieux, familiers et souvent inconvenants compagnons des clairs de lune de l'imaginaire. Ils hantent toutes nos mythologies, nos croyances, nos folklores. Jusque dans leurs contradictions tous se ressemblent, comme se ressemblent les images de la lune. Avec elle, lièvres et lapins sont liés à la vieille divinité Terre-Mère, au symbolisme des eaux fécondantes et régénératrices, de la végétation, du renouvellement perpétuel de la vie sous toutes ses formes. Ce monde est celui du grand mystère où la vie se refait à travers la mort.

L'esprit, qui n'est que diurne, s'y heurte, saisi à la fois d'envie et de crainte devant des créatures, qui prennent nécessairement pour lui des significations ambiguës.

Lièvres et lapins sont lunaires, parce qu'ils dorment le jour et gambadent la nuit, parce qu'ils savent, à l'instar de la lune, apparaître et disparaître avec le silence et l'efficacité des ombres, enfin parce qu'ils sont à tel point prolifiques que c'est leur nom que M. Larousse a choisi pour illustrer le sens de ce mot.

La lune en arrive à devenir parfois elle-même un lièvre. Ou du moins le lièvre est-il souvent considéré comme une cratophanie de la lune. Pour les Aztèques, les taches de l'astre provenaient d'un lapin qu'un dieu avait jeté à sa face, image dont la signification sexuelle est aisément perceptible. En Europe, en Asie, en Afrique, ces taches sont des lièvres ou lapins, ou bien un Grand Lapin, ainsi qu'il appert encore aujourd'hui dans la comptine :


J'ai vu dans la lune

trois petits lapins

qui mangeaient des prunes

en buvant du vin

tout plein.

Quand il n'est pas la lune elle-même, le lapin ou le lièvre est son complice ou son proche parent. Il ne peut être son époux, car il faudrait pour cela qu'ils possèdent une nature contraire ; mais il est son frère ou son amant, cas dans lequel leurs rapports ont quelque chose d'incestueux, c'est-à-dire de sacré gauche. Les années lapin du calendrier aztèque sont gouvernées par Vénus, frère aîné du soleil, qui comment l'adultère avec sa belle-sœur Lune. Pour les Maya-Quiché, ainsi qu'en témoigne le Popol-Vuh, la déesse Lune se trouvant en danger fut secourue et sauvée par un héros Lapin ; le Codex Borgia illustre cette croyance en rapprochant dans un même hiéroglyphe l'effigie d'un lapin de celle d'une jarre d'eau, qui représente l'astre proprement dit. En sauvant la Lune, le Lapin sauve le principe du renouvellement cyclique de la vie, qui gouverne également sur terre la continuité des espèces végétales, animales et humaines.

Le Lapin - et plus souvent encore le Lièvre - devient ainsi un Héros Civilisateur, un Démiurge, ou un ancêtre mythique. Tel apparaît Menebuch, le Grand Lapin des Algonquins Ojibwa et des Sioux Winebago.

Possesseur du secret de la vie élémentaire, qui était déjà reconnu à cet animal dans la glyptique égyptienne (Enel, La Langue sacrée, Paris, 1932), il met ses connaissances au service de l'humanité : Menebuch apparut sur terre sous les traits d'un lièvre et permit à ses oncles et tantes, c'est-à-dire à l'espèce humaine, de vivre comme ils le font aujourd'hui. c'est à lui que remontent les arts manuels. Il combattit les monstres aquatiques des profondeurs ; après un déluge, il recréa la terre et, à son départ, la laissa dans son état actuel. C'est parce qu'il participe de l'inconnaissable, de l'inaccessible, sans cesser pour autant d'être un voisin, un familier de l'homme sur cette terre, que le lapin ou lièvre mythique est un intercesseur, un intermédiaire entre ce monde et les réalités transcendantes de l'autre. Il n'existe pas d'autre lien que Menebuch entre les hommes et l'invisible Grand Manitou, divinité suprême ouranienne qui constitue, tout comme Yahvé, une représentations du Père archétypal. Menebuch est donc un Héros-Fils, ce qui le rapproche du Christ selon Gilbert Durand : Pour les nègres d'Afrique et d'Amérique comme pour certains Indiens, la lune est lièvre, animal héros et martyr, dont l'ambiance symbolique est à rapprocher de l’agneau chrétien, animal doux et inoffensif, emblème du Messie lunaire, du fils, par opposition au guerrier conquérant et solitaire. Les Algonquins, après leur évangélisation, ont effectivement reconduit Menebuch sous la forme de Jésus-Christ. Radin voit ici l'expression archétypale du deuxième stade de la conception du Héros, après le Trickster ou joueur de tours, proche parent du Bateleur des Tarots, dont les motivations sont purement instinctives ou enfantines. Menebuch, précise Radin, est un animal faible, qui lutte cependant et est prêt à sacrifier son caractère enfantin à une évolution future.

La mythologie égyptienne renforce cette induction quand elle donne les apparences du lièvre au grand initié Osiris, qui est dépecé et jeté dans les eaux du Nil pour assurer la régénération périodique. Aujourd'hui encore, les paysans chi'ites d'Anatolie expliquent l'interdit alimentaire dont est frappé le lièvre, en disant que cet animal est la réincarnation d'Ali ; or ils considèrent Ali comme le véritable intercesseur entre Allah et les Croyants, auxquels ce saint héros a sacrifié ses deux fils ; ce que souligne en termes précis le distique ésotérique des derviches Bektachi : Mohammed est la chambre, Ali est le seuil. On peut encore citer en Inde la Sheshajâtaka, où le Bodhisattva apparaît sous la forme d'un lièvre pour se jeter en sacrifice dans le feu.

Le lièvre, qui, comme la lune, meurt pour renaître, est devenu de ce fait dans le Taoïsme, le préparateur de la drogue d'immortalité. On le représente au travail à l'ombre d'un figuier, broyant des simples dans un mortier. Les forgerons chinois utilisaient son fiel pour la fonte des lames d'acier : il était censé communiquer force et éternité à l'acier, pour ces mêmes raisons qui faisaient qu'en Birmanie on le considérait comme l'ancêtre de la dynastie lunaire.

L'ambivalence symbolique du lièvre apparaît souvent en des images ou des croyances qui imbriquent si bien les deux aspects - faste et néfaste, gauche et droit - de son symbole, qu'il est difficile de les isoler. Ainsi, on dit en Chine que la hase conçoit en regardant la lune et, selon le texte d'Yan Tcho-Keng-lou : les jeunes filles se conduisent presque toujours comme des lapines qui regardent la lune ; d'où cette croyance chinoise que, si une femme enceinte reçoit les rayons lunaires, son enfant naîtra avec un bec de lièvre. Nous touchons ici à la signification sexuelle diffuse et multiple qui unit lune, lapins et lièvres. Au Cambodge, l'accouplement ou la multiplication des lièvres était censé faire tomber les pluies fertilisantes, qui proviennent également de la lune, étant yin. Pour les paysans aztèques ce n'est pas un dieu-lapin mais les quatre cents lapins, quatre cents exprimant l'idée même de surnombre, c'est-à-dire d'abondance inépuisable, qui protègent les moissons. Mais ces familières petites divinités agraires étaient aussi les maîtres de la paresse et de l'ivrognerie, toutes deux habitudes que combattait très sévèrement le rigide code civil mexicain. La même ambivalence symbolique se retrouve dans la signification augurale des années-lapin du calendrier : elles peuvent être indifféremment bonnes ou mauvaises car le lapin saute d'un côté et de l'autre.

Tout ce qui est liée aux idées d'abondance, d'exubérance, de multiplication des êtres et des biens porte aussi en soi des germes d'incontinence, de gaspillage, de luxure, de démesure. Aussi l'esprit, à un moment donné de l'histoire des civilisations, s'insurge-t-il contre les symboles de la vie élémentaire qu'il voudrait contrôler ou endiguer. Il craint en effet que ces forces, naturellement agissantes et positives dans l'enfance de l'homme et du monde, ne détruisent ensuite ce qui se fera grâce à elles. A ce que l'on pourrait nommer l'âge de raison [vision évidemment obsolète] les peuples s'élèvent contre les religions animistes. Elles frappent alors le lièvre d'un tabou. Dans le Deutéronome et le Lévitique, il est stigmatisé et interdit comme l'impur.

Les Celtes d'Irlande et de Bretagne, sans aller si loin, l'élevaient pour leur plaisir, mais ne consommaient pas sa chair, mentionne César. [Attention, le tabou peut être au contraire signe de vénération de l'animal]. Des interdits semblables sont attestés chez les Baltes, dans toute l'Asie et jusqu'en Chine. Si l'on repense à Menebuch et à Trickster, on peut alors imaginer que le lièvre est symboliquement associé à la puberté, qui n'a plus les excuses de l'enfance, mais en produit les premiers fruits. Singes et renards, dans le bestiaire sélénique, sont les plus proches voisins des lièvres et lapins. Tous sont les compagnons d'Hécate qui nourrit la jeunesse, mais hante les carrefours, et finalement invente la sorcellerie."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Bec-de-lièvre : Les croyances relatives au bec-de-lièvre (déformation de la bouche qui la fait ressembler à celle d'un lièvre) sont souvent associées à cet animal. une femme enceintre risque de transmettre cette malformation à son enfant selle rencontre un lièvre (déchirer ses vêtements conjure la malchance), pose le pied sur son gîte, ou ressent le besoin d'en manger. Selon une croyance du Moyen Âge, il suffisait qu'une jeune fille mangeât une tête de lièvre pour donner naissance un jour ou l'autre à un enfant souffrant d'un bec-de-lièvre.

Pour en protéger son bébé, la future mère évitera également de regarder un lapin (Italie), et même la lune, le lièvre étant, avec le lapin, un animal lunaire (Chine) ; elle ne doit pas non plus boire dans un verre fêlé (Scandinavie) ou couper quoi que ce soit (Inde).


Lièvre : Animal lunaire, comme le lapin (et souvent confondu avec lui), car il vit la nuit et se reproduit très facilement, le lièvre fut associé par les Égyptiens au grand dieu Osiris, protecteur des forces végétales et chargé de la résurrection des morts. Les Saxons, selon l'historien Bède le Vénérable (673-736), le dédièrent à Eastre, déesse du Printemps et du Renouveau de la nature, qui aurait donné le noms de Pâques (Easter en anglais) ; c'est pourquoi le lièvre, et non le lapin, symbolise la fête de la Résurrection (le lièvre de Pâques pond les œufs de Pâques).

On rerouve cette idée en Extrême-Orient où « le lièvre qui, comme la lune, meurt pour renaître, est devenu de ce fait dans le taoïsme le préparateur de la drogue d'immortalité [...]. Les forgerons chinois utilisaient son fiel pour la fonte des lames d'épée : il était censé communiquer force et éternité à l'acier ». Ce qui n'est pas sans rappeler que le lièvre blanc, ou le lapin blanc tel que le représente la fameuse tapisserie de La Dame à la licorne, est le symbole de la Terre pour les alchimistes qui recherchent l'élixir de longue vie ou d'immortalité.

Signalons encore que les Chiites d'Anatolie ne mangent jamais de lièvre, considérant que l'animal est la réincarnation d'Ali, intercesseur entre Allah et les croyants ; Les Celtes, tout comme les Hébreux, s'interdisaient également de manger sa chair.

Sans doute à ase de ses relations privilégiées ave le paganisme, le lièvre, désigné comme impur parla Bible, fut, à l'inverse du lapin, associé au diable et aux sorciers, ceux-ci lui empruntant sa forme. On a même donné un nom à la métamorphose de l'homme en lièvre : la lépanthropie. Les Irlandais, par exemple, tuent le 1er mai « tous les lièvres qu'ils trouvent parmi leur bétail, les prenant pour des vieilles qui guettent le beurre ». Le folklore me,ntionne souvnet l'existence de lièvres-sorciers que le plus rusé des chasseurs ne peut abattre à moins d'utiliser une balle d'argent ; lorsqu'lil est atteint par ce précieux projectile, l'animal reprend apparanece humaine. Selon une légende de Dordogne, le diable, sous la forme d'un très gros lièvre, invite, par des signes de la patte, à se rendre au sabbat. Dans les traditions de nombreuses régions (Bretagne, Creuse, Auvergne...), les lièvres-lutins, comme celui appelé mami dans le Forez, se moqent des chasseurs et les poursuivent ou les font courir. Des paysans et des bergers ont signalé, jusqu'au siècle dernier, l'appparition d'un lièvre surnaturel sur la place publique d'Augerans (lcalité du Val-d'Amour, Jura), qui semblait « par ses sauts et ses grimaces, leur adresser une sorte de défi ». Dans la Manche, des lièvres ferrés, qu'on entendait courir sur les ponts ou à proximité de rocailles, gardaient des trésors.

Les revenants ou les âmes maudites peuvent également se transformer en lièvres : c'est le cas notamment d'anciens seigneurs du pays de Lanion, réputés pour leur cruauté : « Ils seront délivrés quand ils auront essuyé des casseurs tirant sur eux sans connaître leur qualité autant de coups de fusil qu'ils en ont tiré ou fait tirer sur les pauvres gens qui étaient autrefois sous leur dépendance ».

Dans une grande partie de l'Europe (jusqu'en Sibérie), chez les musulmans et chez les hindous, le lièvre est de mauvais augure. En rencontrer un n'annonce rien de bon, surtout s'il traverse la route, passe devant quelqu'un ou pénètre dans une maison. Pour conjurer le sort, il faut revenir à son point de départ ou se retourner trois fois. Selon une croyance du XVIIe siècle, voir un lièvre fuir présageait une disgrâce. L'animal porte malheur aux mariés qui le voient au retour de la messe de mariage, à la femme enceinte car son enfant sera dot d'un bec-de-lièvre (sauf si elle déchire trois fois un de ses vêtements) ou de longues oreilles, aux marins auxquels il prédit une terrible tempête ou un naufrage, et aux pêcheurs qui risquent de rentrer bredouille. Les hommes de la mer le craignent d'ailleurs tout autant que le lapin et s'abstiennent de prononcer son nom, précaution partagée également par certains mineurs.

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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Hachette Livre, 2000) :


"Lièvre ou furet dans nos rêves comme dans nos comptines, il court, il court, il prolifère, il se démultiplie. Nous savons tous qu'il est agile et très rapide. Nos ancêtres firent de lui un animal lunaire, tout simplement par ce que le jour il se terre, mais à la nuit tombée il adore gambader dans les bois, les champs et les prairies. Ainsi, les Chinois, qui ont choisi cet animal pour figurer le quatrième signe de leur zodiaque, croient que la Lune est habitée par un lièvre de jade occupé à broyer des ingrédients dans un bol pour préparer un élixir d'immortalité. Si Neil Armstrong n'a pas vu ce lièvre légendaire et mythique lorsqu'il a fait "un petit pas pour l'homme, mais un grand pas pour l'humanité", comme chacun sait - grand pas qui, d'ailleurs, jusqu'à aujourd'hui n'a pas servi à grand-chose - , c'est tout simplement parce qu'il n'était pas chinois.

En Chine toujours, on attribue au lièvre les qualités de lucidité, de clairvoyance, parce que cet animal, pourvu de longues oreilles et de pattes plus hautes et plus puissantes que celles du lapin, son congénère, naît avec les yeux ouverts. Ayant la réputation non usurpée d'être particulièrement fécond, il fut un symbole d'abondance, d'opulence, de richesses, mais aussi de gaspillage ; et il fut souvent choisi pour figurer un individu peu recommandable, aux mœurs dissolues, aux instincts débridés. Toutefois, ici, nous nous devons de souligner une nuance qui, de notre point de vue, a son importance : c'est plus souvent le lapin, aux oreilles courtes, qui est associé à la luxure dans l'esprit de nos ancêtres, tandis que le lièvre, quant à lui, l'est à la course, à la vitesse, à la rapidité.

Cette distinction est à prendre en compte dans un rêve. Selon qu'un lapin - un tas de petits lapins le plus souvent - ou un lièvre apparaît dans un songe, son interprétation sera différente. En effet, on pourrait dire que le ou les lapins présents dans un rêve révèlent une espèce de débordement de ce que les psychanalystes nomment la libido. Le lapin annonce toujours une prolifération quelconque des fantasmes, des idées, des émotions, des angoisses, etc. Tandis que le lièvre est en relation avec le dynamisme, l'agilité, les réflexes du mental, l'intelligence instinctive qui sait très exactement ce qui doit être fait et le fait au bon moment."

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Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007, traduction française, Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :


Message des lapins et des lièvres :

Même si vous avez l'impression que vous

êtes insignifiant, il se peut que vous ayez une mission

d'âme d'une grande importance. Travailler avec les

autres peut faire apparaître la magie.


Malgré leur ressemblance, les lièvres viennent de Sirius alors que les lapins viennent d'Orion. Les lièvres portent des connaissances très anciennes sur la Terre dans la géométrie sacrée de leur plan. Comme beaucoup d'animaux, ils sont là pour apprendre et enseigner l'amour, la survie et la confiance dans un corps physique. Leur mission est de transmettre dans le sol et à chaque créature et personnes qu'ils rencontrent la connaissance qu'ils possèdent sur l'ancienne Terre.

Ils sont liés à l'archange Uriel, l'archange responsable du plexus solaire, qui les aide à prendre confiance en eux-mêmes afin qu'ils puissent s'assumer pleinement. Quand ils pourront le faire et qu'ils afficheront un plexus solaire doré, et que l'humanité atteindra le même niveau, ils pourront introduire la sagesse ancienne et la répandre. Il m'est arrivé de voir deux lièvres dans un jardin, qui se tenaient fiers et immobiles. Ils n'ont pas dansé et ne se sont pas chamaillés comme je l'espérais, mais je considère néanmoins comme un cadeau le fait qu'ils soient venus dans mon jardin et qu'ils se soient connectés énergétiquement avec moi. Nous nous sommes regardés pendant quelque temps, puis ils ont disparu sans faire de bruit.

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Pour David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien (Watkins Publishing, 2011 ; traduction française Éditions Véga, 2011), le lièvre appartient à la famille de la Sagesse intérieure, au même titre que l'hippopotame, le chien, l'aigle, l'ours polaire, le cheval, le coyote, le papillon, la chouette, la salamandre, le saumon, le phoque, le paon, la grue, le tigre, le bœuf et la pieuvre.


Sagesse intérieure : Invoquer un esprit animal, c'est éveiller de nouvelles perceptions. Tout phénomène naturel, y compris l'animal, est intrinsèquement mystérieux. L'indicible que recèle toute forme de vie nous ramène aux questions fondamentales sur l'existence. Comment et pourquoi s'est formé le cosmos ? Pourquoi les choses existent-elles plutôt que le néant (comme s'interrogent souvent les philosophes) ? La méditation peut nous apporter une conscience silencieuse des vérités qui se cachent derrière ces énigmes. Lorsque nous plongeons nos yeux dans ceux d'une autre créature, nous sommes confrontés à de profonds mystères, dont l'animal est l'incarnation vivante.

Ce chapitre présente les animaux susceptibles de nous guider vers de nouveaux indices et une acuité nouvelle. Si nous sommes prêts à nous ouvrir et à écouter, nous pouvons gagner en maturité spirituelle et avancer dans notre voyage intérieur. [...]

Avec leurs grandes et larges oreilles à bout noir, en forme de tunnel et légèrement plus grandes que leur tête, les lièvres sont dotés d'une grande qualité d'écoute et familiers des notes de la création. Ils sont capables d'analyser les sons avec une précision d'horloger et de déterminer leurs sens exacts.

On confond souvent lièvres et lapins, mais la fourrure du lièvre est plus rousse et il présente de très longues et "retentissantes " pattes arrière ainsi qu'une queue noire - même si les deux espèces partagent de nombreux traits communs. Le lièvre sait exactement quand fuir pour échapper au danger et se mettre à l'abri ; il se tient toujours prêt à déguerpir. Il pense et agir rapidement, bondissant et détalant au moindre signe de danger.

Animal ingénieux, il utilise son discernement, employant de fins stratagèmes pour échapper aux prédateurs et les mener sur de fausses pistes. Il court par exemple en ligne droite, se cache puis revient par où il est venu, laissant des traces confuses de son passage. Il se déplace aussi par sauts à angle droit avant de retrouver son chemin initial, désorientant le chasseur.

Trois lièvres reliés dans un cercle forment un motif que l'on trouve dans les sites sacrés d'Extrême-Orient et de Moyen-Orient, ainsi qu'en Europe. L'animal est alors associé à la fertilité et au cycle lunaire. Il est intéressant de notre que de nombreuses cultures, y compris celles de l'Inde, de la Chine, du Japon et du Mexique, voient un lièvre dans les taches sombres de la lune, suggérant par là qu'il a toujours été considéré comme mystique.

Doué d'une perception aiguë, le lièvre capte chaque vibration sonore et rassemble les indices, dépassant les distorsions pour atteindre le fondement. Si cet animal ultra-sensitif est votre totem, vous entendrez l'appel subtil qui motive vos avancées personnelles, et y répondrez.


Mot-clé : Oreilles au ciel.

Le Lièvre sur la Lune

Qui est attiré par la lune ferait bien de choisir le lièvre pour animal spirituel, ou le lapin s'il préfère. Ces deux créatures sont légendairement prolifiques ; de plus, elles apparaissent et disparaissent telles des ombres, comme la lune elle-même. Eostra, déesse germanique de la fertilité, vivait sur la lune et possédait un lièvre qui, au moment de sa fête du printemps, pondait des œufs, symboles du renouvellement de la vie ; c'est l'origine des œufs et du lapin de Pâques (en anglais easter, venant d'Eostra).

Dans une légende chinoise, une fille nommée Chang'e se retrouva bloquée sur la lune après avoir volé une pilule qui conférait l'immortalité. Découvrant qu'elle pouvait voler, elle s'élança vers la lune, poursuivie par son mari, Houyi, un immortel exilé, rappelé à la terre par des vents puissants. Une fois arrivée sur la lune, elle toussa et recracha cette pilule, puis demanda au lièvre qui vivait là de lui en fabriquer une deuxième à l'aide d'un mortier et d'un pilon, afin qu'elle puisse retourner vers son mari. Le lièvre est toujours là-haut, occupé à la tâche. Le mari se fit construire un palais dans le soleil (yang) et Chang'e un palais sur la lune (yin). Chaque mois, Houyi rend visite à Chang'e et la lune brille, pleine d'une beauté particulière."

 

A lire : un article intéressant que je n'ai pas jugé utile de couper :

Le Lièvre aux quatre points cardinaux
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de Guy Lachenaud, « Les avatars d’un animal énigmatique : le lièvre aux quatre points cardinaux et de siècle en siècle. » (In : Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°2, 2014. pp. 76-93) :

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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), le Lièvre est défini par les caractéristiques suivantes :


Traits : Le Lièvre symbolise l'indépendance, la survie et la rapidité. C'est un signe d'abondance, de fertilité et de chance. Bien qu'ils aient l'air de se ressembler, le lièvre est une espèce complètement différente du lapin. Le lièvre naît les yeux grands ouverts, il est tout couvert de fourrure, il a des marques noires sur les oreilles, et il est capable de prendre soin de lui dans l'heure qui suit sa naissance. Il est aussi gros que le lapin, avec des oreilles plus grandes, ses pattes avant sont plus longues et plus fines, ses pattes arrière plus musclées et ses pieds plus larges. Le lièvre court à des vitesses qui lui font atteindre trente-sept fois la longueur de son corps en une seconde. Il est plus rapide que le guépard ! Il a également une alimentation différente de celle du lapin. Il préfère les écorces dures, les brindilles et les pousses à l'herbe verte. Le lièvre est capable de changer de couleur pour devenir blanc en hiver, ce qui lui permet de se confondre avec la neige.


Talents : Abondance - Ambitieux - Artiste créatif - Diligent - Téméraire - Fertilité - Souplesse - Chance - Indépendant - Pense rapidement - Solitaire - Vitesse - Défend ses droits - Force - Survie - Transformation - Vertueux.


Défis : Tromperie - Illusion - Fraude - Avidité - Imitation - Plaisantin - Attitude désagréable - Pas sociable - Égoïste - Ombrageux - Effrayant - Rusé - Problèmes de confiance - Pas fiable.


Élément : Terre.


Couleurs primaires : Brun - Gris.


Apparitions : Lorsque le Lièvre apparaît, cela veut dire que vous êtes différent de ce que vous semblez être. Vous avez en vous une essence bien plus forte que ce que les autres vous attribuent. Tout en préférant gérer les choses désagréables avec finesse, vous vous battez dur, si c'est nécessaire, pour faire passer votre point de vue et défendre les autres ou votre territoire. C'est souvent une surprise pour votre entourage de vous voir réagir en prenant en charge ainsi les choses, parce qu'ils ne savaient pas que vous aviez cela en vous. Vous êtes sensible, indépendant, et vous avez tendance à préférer la solitude aux activités de groupe. Le Lièvre vous pousse à agir rapidement lorsque l'occasion se présente. Ne négligez pas ce qui est évident, en voulant voir la situation différemment de ce qu'elle est vraiment. Voyez la vérité qui est là, puis prenez une décision consciente et intelligente.


Aide : Vous avez besoin de prendre en charge une situation et d'agir rapidement. Saviez-vous que la femelle peut frapper le mâle en pleine face si elle n'est pas intéressé lorsqu'il s'approche d'elle pour la prendre ? C'est un signe qui indique que vous devez vous défendre, défendre votre morale et vos idéaux au lieu de suivre les mouvements de la foule. Cela ne veut pas dire que vous devez sortir vous battre contre les autres, mais que vous devez être fort dans vos convictions et ne pas laisser les autres vous influencer lorsqu'ils ne sont pas d'accord. La vitesse est importante pour vous à présent. Il y a des situations qui vont se présenter à vous où vous allez devoir penser rapidement et agir vite pour réussir. Ne pensez pas trop à ce que vous allez faire. Fiez-vous à vos instincts et à votre intuition qui vont vous guider dans la bonne direction. La Lièvre vous met en garde : méfiez-vous de ceux à qui vous faites confiance, surtout dans les nouveaux projets. Le Lièvre vous avertit que, de la même façon qu'un lièvre est tout à fait différent d'un lapin, quelqu'un de proche de vous n'est pas ce qu'il semble être.


Fréquence : L'énergie du Lièvre est d'une tonalité haute, perçante et longue, qui retombe soudain dans le silence, puis recommence au bout de quelques instants, en répétant le même son. Cela donne la sensation d'être pressé, de sauter partout, comme si vous veniez de recevoir une petite décharge électrique.


Voir aussi : Jackalope ; Lapin.

Imaginez...

Vous êtes sorti faire un jogging sur un sentier qui quitte le parc pour aller vers un champ. Vous êtes en train de grimper une pente légère, lorsque vous voyez un lièvre au bord du sentier. Dès qu'il vous voit, il se met à courir à vos côtés. Alors, vous décidez de faire la course avec lui. Vous faites appel à toute votre puissance, en accélérant, mais le lièvre vous bat haut la main. Essoufflé, vous ralentissez puis vous vous arrêtez, et vous vous penchez, mains sur les genoux, pour essayer de reprendre votre souffle. Vous ne vous étiez pas rendu compte que vous aviez cette qualité de vitesse en vous ! Et puis vous n'aviez jamais essayé de faire la course avec un lièvre auparavant... Avec un sourire, vous levez les yeux et voyez, assis au beau milieu du chemin, le lièvre. Vous éclatez de rire et lui dites : "D'accord, t'as gagné !" Je ne peux pas continuer à faire la course contre toi..." Comme s'il avait compris, le lièvre s'éloigne en bondissant et disparaît de votre vue.

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Dans l'édition revue et augmentée de Les Animaux totems dans la tradition amérindienne (Éditions Le Dauphin blanc, 2019) Aigle bleu nous transmet la médecine du Lièvre :


Les mots clés de la médecine du lièvre sont maîtriser sa peur. Tout chez le lièvre indique la volonté d'échapper à son prédateur. De tous les animaux de sa taille, il est celui qui court le plus vite. Il peut se déplacer à une vitesse de 60 km/h, atteindre des pointes de 80 km/h et faire des bonds de plus de 2 mètres à la verticale, ce qui est très impressionnant pour un animal de sa taille. Il a des oreilles plis grandes que sa tête, ce qui lui permet d'entendre avec clarté tout ce qui se passe dans son environnement. De plus, il use de camouflage, son pelage étant de la même couleur que les sous-bois où il habite l'été, et devient blanc comme la neige pendant l'hiver.

Pour comprendre la médecine du lièvre, il faut comprendre la peur. Dans l'enseignement des Premières Nations d'Amérique du Nord, nous disons qu'il y a deux peurs réelles : la peur de tomber te la peur d'un bruit soudain. Toutes les autres peurs sont des créations de notre imagination et si nous leur donnons de l'importance, si nous abritons en nous des peurs, elles finiront par susciter leur objet. Celui qui a peur des voleurs recevra leur visite et celui qui a peur du feu passera au feu.

Ainsi, il n'y a pas de meilleure tactique que d'affronter sa peur, car la peur est lâche. Tant que nous la fuyons, elle nous suit comme notre ombre, mais à la minute où nous l'affrontons, elle disparaît comme l'illusion qu'elle est.

Ainsi, le lièvre, qui est rempli de peur, sera souvent paralysé à la vue d'un prédateur et ne saura pas utiliser ses talents naturels pour y échapper. C'est lorsqu'il est dans l'action, c'est-à-dire lorsqu'il ne réagit pas négativement à la peur, qu'il réussit à échapper à son prédateur.

Il n'y a rien de plus doux que la fourrure d'un lièvre. Les couvertures les plus prisées par les Premières Nations avant le contact des Européens étaient des couvertures de fourrures de lièvre tressées. Une seule couverture pouvait comporter des centaines de peaux de lièvre. Elles étaient légères, très douces et très chaudes. Ainsi, ceux qui ont la médecine du lièvre aiment-ils le confort dans leur vie et ont-ils habituellement peur de tout ce qui pourrait menacer leur bien-être.

S'ils apprennent à affronter leur peur, ils vivront longtemps dans le confort qu'ils aiment. mais s'ils donnent de l'importance à leur peur, ils finiront entre ses dents. Ainsi est la médecine du lièvre.

Faites appel à la médecine du lièvre pour vous aider à faire face à vos peurs ou pour aiguiser et affiner vs talents naturels plutôt qu'être paralysé par la peur. Le lièvre vous enseigne comment être attentif à chaque pensée afin de débusquer les peurs et les pensées de fuite et de refoulement et de mieux les mettre en lumière, ce qui dissipe toutes vos craintes. Puis, lorsque vous aurez bien mis en lumière ce qui pourrait vous nuire, reposez-vous dans le confort de votre tanière en toute confiance et sécurité !

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Symbolisme celte :

Dans L'Oracle des Druides, Comment utiliser les animaux sacrés de la tradition druidique (édition originale 1994 ; traduction française Guy Trédaniel, 2006) de Philip et Stephanie Carr-Gomm, le Lièvre (Geàrr) est associé à trois mots-clefs :


Renaissance - Intuition - Équilibre.


La carte représente un lièvre des neiges, lièvre qui peuplait originellement la Grande-Bretagne. Il fut plus tard remplacé par le lièvre brun, sans doute importé des plaines d'Europe centrale par les Romains. L'aube est sur le point d'apparaître mais la lune est encore dans le ciel. Un dolmen, symbole de la renaissance, s'élève à l'arrière-plan. Des œufs de vanneau reposent dans un nid : on racontait que les lièvres les y déposaient.. Au premier plan poussent la campanule (nommée "clochettes du lapin" en anglais), du "persil de lièvre" et des pattes-de-lièvres.

Le lièvre nous apporte l'équilibre, l'intuition, la promesse et sa réalisation. Consacré à la déesse, la lune et la nuit, il représente aussi l'aube, la lumière et l'est. C'est l'un des animaux qui se métamorphose le plus aisément et nous ne pouvons jamais savoir s'il se trouve ici ou dans l'Autre Monde. Il représente l'intuition, faisant soudainement apparaître les idées dans notre conscience, comme les œufs du vanneau d'Œstre apparaissent par magie dans son nid. Représentant l'esprit du maïs [1] et les deux équinoxes, le lièvre apporte l'exaltation qui accompagne la renaissance et une grande fécondité. Il sait consciemment qu'il faut lâcher prise lorsque la fin d'un cycle approche avant que ne se crée autre chose. Il vous aidera à surmonter les périodes de changement et à suivre les orientations de votre intuition.

1] Une de nos lectrices nous signale : "Petit détail : quand vous parlez de "l'esprit du maïs"... Oh !! C'est "esprit du blé" qu'il faudrait dire (ça semble être en lien avec mythologie celtique, etc, pas avec les Indiens d'Amérique !) C'est dû à une erreur de traduction : corn = le blé pour les anglais, = le maïs en Amérique"]


Renversée, la carte du lièvre suggère que l'équilibre de votre vie est menacé. Peut-être accordez-vous trop d'importance à l'Autre Monde, interprétant tous les événements inhabituels comme des signes majeurs ou prêtant trop d'attention aux messages spirites. Quelqu'un disait un jour au sujet des esprits : "Ce n'est pas parce qu'ils sont morts qu'ils sont intelligents." Pour être équilibrés, nous devons accorder autant d'attention au monde extérieur qu'au monde intérieur. Nombre de sources dispensent la sagesse et les conseils : vous avez peut-être besoin d'exercer votre jugement plus systématiquement que vous ne l'avez fait dans le passé.


Le Lièvre dans la Tradition


Les yeux perçants de ses lièvres et ses chiens,

Les mures et les fruits des noirs prunelliers

tissant leurs pans d'épines dans les bois


Extrait d'un poème irlandais du XIIe siècle, "Arran aux nombreux cerfs"


Jusqu'à récemment, le comportement des lièvres, habitués à brouter et se reproduire de nuit, n'était pas facile à observer. On croyait autrefois que les lièvres changeaient de sexe tous les ans et que leurs courses folles et leurs matchs de boxe caractéristiques se limitaient au mois de mars. Mais nous savons maintenant que ces comportements s'étendent à toute la saison des amours bien qu'il ne soit facile de les observer qu'en mars. Avant cette époque, la "folie" des lièvres est dissimulée le matin par la nuit, et plus tard par la végétation printanière.

Lorsqu'un gouverneur local déshérita ses filles, Boudicca, reine d'Iceni, dans l'est de la Grande-Bretagne, fomenta une révolte contre les Romains, parvenant presque à renverser leur régime. Dion, un écrivain classique, décrit l'utilisation qu'elle fit d'un lièvre pour prédire le résultat de la première bataille : "Quand elle eut fini de parler à son peuple, elle rendit un augure et laissa échapper un lièvre des plis de sa robe ; il s'enfuit dans la direction favorable et la foule entière hurla de joie. Boudicca, levant sa main au ciel s'écria : "Je te remercie, Andraste (déesse de la guerre et des batailles)... Je t'en prie et t'en supplie, accorde-nous la victoire."

Les lièvres étaient autrefois des animaux sacrés de la déesse ; ils apportaient la chance, la fertilité, la transformation et la guérison. Mais le christianisme pervertit et renversa leur signification, comme il le fit pour d'autres animaux de la tradition druidique, tels le chat et le serpent. Le chat et le lièvre sont étroitement associés et on leur donne an anglais les mêmes surnoms ; on disait au Moyen Âge que les sorcières se transformaient en lièvre pendant la nuit pour aller traire, ou pour voyager sur de grandes distances. Les "parlements de lièvres", dans lesquels ces animaux s'assoient en rond, rappelaient sans doute à leurs observateurs les cercles de sorcières, chaque lièvre y tenant la place d'une sorcière métamorphosée.

On transportait souvent sur soi une patte de lièvre pour se protéger des rhumatismes. On disait aussi qu'elle aidait les acteurs à rentrer dans la peau de leurs personnages. Par contre, en Écosse, trouvée à bord d'un bateau, elle était signe de malédiction et il était formellement interdit de prononcer le mot "lièvre" en mer. Croiser un lapin au départ d'un voyage était aussi un mauvais signe. On attribuait les becs de lièvre aux fées et à leurs manigances, ou à un lièvre dérangé accidentellement par une femme enceinte.


Renaissance, Résurrection, Esprit du Maïs [idem]

On a retrouvé des figurines de lièvre enterrées dans des tombes, car cet animal porte bonheur. Compagnon idéal des morts, il symbolisait la renaissance et l'immortalité accordées par la déesse. L'esprit du maïs [blé], possédant la capacité magique de se laisser mourir dans les champs après les récoltes de la fin de l'été pour renaître au printemps, était associé lui aussi à la renaissance. Les traditions païennes qui entouraient Alban Eiler, l'équinoxe de printemps, se retrouvent très clairement avec le christianisme. Le lapin de Pâques, qu' on appelle en anglais "Easter Bunny", était à l'origine un lièvre. Le mot Easter (Pâques) dérive du nom de la déesse saxonne Eostre dont l'animal sacré était le lièvre. Les lièvres dorment à l'air libre, dans des nids qui ressemblent à s'y méprendre à ceux des vanneaux. Lorsque les vanneaux pondent leurs œufs dans ces nids au printemps, on pourrait croire que les lièvres les ont fait apparaître par magie et on les assimile aux dons du Lièvre Sacré. Lors de l'équinoxe de printemps, la déesse et le lièvre apportent aussi la vie nouvelle et la renaissance. La fête de Pâques, dont la date est fixée par le calendrier lunaire, est une version chrétienne de ces idées druidiques ; elle marque la résurrection du Christ et l'apparition concomitante des lapins et des œufs en chocolat ou décorés.

Le lièvre réapparaît à l'équinoxe d'automne, Alban Alued, époque où les récoltes signalent que le printemps a tenu ses promesses. On appelait les derniers pieds de maïs [blé], récoltés "le lièvre" et on les coupait rituellement, disant qu'on "tuait ou coupait le lièvre". Si un lièvre s'en échappait au moment de la cérémonie c'était un très bon présage.

Le Lièvre ancestral

Puisque le lièvre était sacré, le tuer pour le manger était tabou ; on dit encore dans le Kerry que celui qui mange un lièvre, mange sa propre grand-mère. Comme pour la viande de cheval, cette interdiction était limité à l'Irlande et à la Grande-Bretagne. Seuls les rois de Tara avaient le droit de manger les lièvres de Naas. En Gaule, la chasse au lièvre était l'une des plus prisées. "La chasse de Cailleach" (déesse-vieille femme) était permise en Ulster immédiatement après les récoltes, et dans certaines régions d'Angleterre, le jour de Beltane. Les courses de lièvre n'apparurent que plus tard, très probablement avec l'arrivée des Romains, mais l'image du lièvre poursuivi par le lévrier tient une grande importance dans l'histoire de Taliesin : Gwion s'y transforme en lièvre pour échapper à la déesse Ceridwen, qui à son tour se change en lévrier pour continuer la poursuite.

Le lièvre est pratiquement impossible à élever en captivité et remarquablement fécond. Prisonnier, ses cris ressemblent à ceux d'un nourrisson humain. Beaucoup de civilisations l'associent elles aussi à la lune, la blancheur, l'aube et l'est."

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Selon Gilles Wurtz, auteur de Chamanisme celtique, Animaux de pouvoir sauvages et mythiques de nos terres (Éditions Véga, 2014),


"Le lièvre d'Europe est plutôt solitaire, mais il lui arrive de vivre en couple. Le lièvre court à une vitesse moyenne de 60 km/h avec des pointes à 80 km/h. Grâce à ses pattes arrière allongées et musclées, il est aussi capable de faire des bonds de deux mètres à la verticale, hauteur prodigieuse pour un animal si petit.

Le Lièvre ne recherche pas la protection de terriers souterrains, il s'aménage un nid à même le sol où il élève également ses petits. Pour réduire les risques de prédation, les levrauts sont très précoces et sont capables de survivre seuls très rapidement.


Applications chamaniques celtiques de jadis : Pour les Celtes, le lièvre, avec ses grandes oreilles, représentait l'écoute sous toutes ses formes. Tout d'abord, le sens physique, l'ouïe. Pour développer la finesse de l'oreille, ils pratiquaient un travail de métamorphose avec l'esprit du lièvre : dans un voyage chamanique ils se métamorphosaient en lièvre, devenaient le lièvre, et vivaient toutes ses qualités dans leur propre corps. Ils pouvaient donc entendre comme le lièvre durant le temps du voyage chamanique. Le but de cette pratique était de se familiariser avec cette ouïe fine pour la conserver après le voyage chamanique. Les guetteurs, les éclaireurs et les espions, les chasseurs, les sentinelles, les gardiens de troupeaux... de l'époque travaillaient beaucoup l'écoute avec le lièvre. De même, lorsque l'ouïe d'une personne était touchée suite à une maladie ou un accident, le chaman guérisseur faisait souvent appel à l'esprit du lièvre pour lui demander de le guider et de le conseiller quant à la nature du soin à prodiguer pour enclencher le travail de guérison. Ensuite, la personne concernée faisait elle-même un travail chamanique quotidien avec l'esprit du lièvre pour poursuivre et mener à bien le processus de guérison. Une prière spéciale liée à la guérison y était également associée.

A un autre niveau, le lièvre était un exemple d'écoute attentive, concentrée, réceptive. Être centré entièrement sur celui qui parle (ou chante ou joue de la musique) permettait à l'information de parvenir immédiatement, claire et nette, à son récepteur. Celui-ci pouvait alors percevoir le message à un niveau bien plus profond et comprendre des choses inaudibles et pourtant bien exprimées par l'attitude, les émotions, la posture, l'énergie, le ton du messager. Lors de certaines réunions ou discussions délicates, des informations étaient ainsi révélées sans être prononcées à haute voix, pour que seuls les auditeurs intéressés et attentifs puissent les percevoir et les comprendre et en faire bon usage et pour qu'elles échappent aux autres. Les Celtes utilisaient couramment ce procédé quand ils négociaient des traités avec l'ennemi ou quand, prisonniers, ils voulaient faire circuler des informations parmi les leurs sans que l'ennemi les intercepte.

L'esprit du lièvre permettait de travailler un autre aspect encore : ml'écoute dans le silence. Selon nos ancêtres, à un premier degré, l'écoute n'était bonne et optimale que si celui qui écoutait était parfaitement attentif et silencieux. Et sur un autre plan, ils savaient que l'écoute dans le silence était la seule manière de percevoir le message des esprits dans son intégrité. A cette attention silencieuse s'ajoutait l'écoute intérieure ; la seule qui permette de percevoir notre intériorité, notre être profond et de favoriser ainsi en nous des prises de conscience nouvelles qui nous font avancer sur notre chemin spirituel.


Applications chamaniques celtiques de nos jours : De nos jours, il est tout à fait possible pour un praticien en chamanisme celtique de travailler et de développer, sur le plan physique, son ouïe avec l'esprit du lièvre, soit, en cas de problèmes auditifs, pour faire un travail de guérison ; soit par nécessité professionnelle, pour affiner ce sens. De même, nous pouvons aujourd'hui aussi travailler avec l'esprit du lièvre pour améliorer nos capacités d'attention et notre centrage, pour une écoute optimale et subtile. Celle-ci est en effet très utile et importante dans de multiples circonstances professionnelles, sociales, familiales, relationnelles, spirituelles... puisqu’elle permet d'éviter des malentendus plus ou moins malheureux.

Et développer, avec l'aide et les enseignements de l'esprit du lièvre, l'écoute dans le silence, l'écoute de notre intériorité est, aujourd'hui encore, le plus sûr moyen d'approcher notre être profond, de notre essence, pour nous ouvrir, nous éveiller spirituellement.


Mot-clef : L'écoute."

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Contes et légendes :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Plusieurs particularités des animaux sont, l'objet d'explications populaires qui, comme celles de l'origine du bec du lièvre, sont parfois assez plaisantes : telle est cette petite fable béarnaise : un jour que la grenouille et le lièvre devisaient ensemble près d'une marnière, la bruine vint à tomber « Vite. dit la grenouille, déchausse-toi, et fuis, dans ton gîte moi je me sauve à l'abri » Et d'un coup elle est au fond de l'eau ; « Quelle pécore ! dit le lièvre, elle se jette dans l'eau pour ne point se mouiller. Et il se mit à rire de telle façon que sa lèvre se fendit. On raconte en Ille-et-Vilaine que les lièvres, fâchés d'être mal vus de tout le monde » se rassemblèrent pour aller se noyer en arrivant sur les bords d'un étang, toutes les grenouilles se mirent à crier. « Il y a encore des bêtes qui nous craignent ! » se dirent les lièvres et ils rirent tant que leur gueule est restée fendue depuis. Suivant un petit conte facétieux du pays wallon, au moment où un chasseur épaulait son fusil pour tirer un lièvre, une toute petite grenouille, éveillée brusquement, vint s'aplatir sur le nez de l'homme qui fit un saut en arrière et laissa retomber son fusil. Le lièvre fut pris d'un rire si violent que sa lèvre se fendit ; sa fente ne peut se fermer, parce que, chaque fois qu'il pense à cette aventure, il se met à rire de plus belle.

[...]

La petitesse de la queue de certains mammifères sauvages tient aussi à des circonstances légendaires ; Celle du lièvre est si courte, que l'on dit parfois populairement qu'il en est dépourvu ; dans le pays de messin, un de ses noms est Caoué, caouo , e'est-a-dire celui qui. »:a pas de qaeue. Voici, d'âpres les paysans niyernais, pourquoi il en a' si peu i, au moment où tous les = animaux sortaient de l'arche, le mulet lui lança une ruade, et lui coupa la queue c'est en punition de cette méchanceté que le mulet ne se reproduit pas. On raconte dans la même région que. le diable ayant percé l'arche avec un vilbrequin,Noé qui. n'avait pas de cheville pour aveugler la voie d'eau, coupa la queue du lièvre et s'en servit pour boucher le trou à la hâte a.

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Mythologie :


Le Glossaire théosophique (1ère édition G.R.S. MEAD, Londres, 1892) d'Helena Petrovna Blavatsky propose plusieurs entrées relatives au lièvre :


CULTE DU LIEVRE. Le lièvre était sacré dans beaucoup de pays, spécialement chez les Egyptiens et les Juifs. Quoique ces derniers l'aient considéré comme un animal impur muni de sabots, impropre à la consommation, il était cependant sacré pour certaines tribus. La raison en était que dans une espèce particulière de lièvres, le mâle allaitait les petits. On le considérait alors comme androgyne ou hermaphrodite, et ainsi il devenait le symbole d'un attribut du Démiurge, ou Logos créateur. Le lièvre était le symbole de la lune dans laquelle, selon les Juifs, on peut toujours voir le visage du prophète Moïse. De plus la lune se rattache au culte de Jéhovah, divinité qui est éminemment le dieu de la génération, peut-être aussi et pour la même raison qu'on représente Eros, dieu de l'amour sexuel, portant un lièvre. Le lièvre était aussi consacré à Osiris. Lenormant écrit que le lièvre "doit être considéré comme le symbole du Logos... le Logos devrait être hermaphrodite et l'on sait que le lièvre est un symbole androgyne".


ŚAŚIN (sans.). Le nom d'un lièvre, qui dans la légende de la "lune et du lièvre" se jeta dans le feu afin de sauver des pèlerins mourant de faim, qui ne voulaient pas le tuer. Pour ce sacrifice, on dit qu'Indra l'a transféré au centre de la lune.

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Littérature :

Le Chien et le Lièvre


Un chien de chasse, ayant attrapé un lièvre, tantôt le mordait, tantôt lui léchait les babines. Le lièvre excédé lui dit : « Hé ! toi, cesse ou de me mordre ou de me baiser, afin que je sache si tu es mon ennemi ou mon ami. »

Cette fable s’applique à l’homme équivoque.


Ésope, (fin VIIè siècle - début VIe siècle av. J. C.) ; traduction par Émile Chambry, Fables

Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927.

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Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard brosse des portraits étonnants des animaux que nous connaissons bien :

Le lièvre

Philippe m’avait promis de m’en faire voir un au gîte. C’est difficile, et il faut l’œil des vieux chasseurs.

Nous traversions une éteule (les paysans disent une étoule) qu’un coteau protège contre le nord.

Un lièvre se gîte le matin, à l’abri du vent qui souffle, et, même si le vent tourne dans la journée, le lièvre reste à son gîte jusqu’à la nuit prochaine.

En chasse, moi, je regarde le chien, les arbres, les alouettes, le ciel ; Philippe regarde par terre. Il jette un coup d’œil dans chaque sillon à la dévalée et à la montée. Une pierre, une motte l’attire. C’est peut-être un lièvre ? Il va vérifier.

Et, cette fois, c’en est un !

« Voulez-vous le tirer ? » me dit Philippe, d’une voix contenue.

Je me retourne. Philippe, arrêté, les yeux fixés au sol, sur un point, le fusil haut, se tient prêt.

« Le voyez-vous ? dit-il.

– Où donc ?

– Vous ne voyez pas son œil qui remue ?

– Non.

– Là, devant vous.

– Dans la raie ?

– Oui, mais pas dans la première, dans l’autre.

– Je ne vois rien. »

J’ai beau me frotter les yeux pleins de buée. Philippe, pâle du coup qu’il a reçu au cœur en apercevant le lièvre, me répète :

« Vous ne le voyez pas ? Vous ne le voyez donc pas ! »

Et ses mains tremblent. Il a peur que le lièvre ne parte.

« Montrez-le-moi, dis-je, avec votre fusil.

– Tenez, là, l’œil, son œil, au bout du canon !

– Ah ! je ne vois rien ; épaulez, Philippe, mettez-le en joue. »

Je me place derrière Philippe, et, même par la ligne de mire de son fusil, je ne trouve pas !

C’est énervant !

Je vois quelque chose, mais ça ne peut pas être le lièvre ; c’est une bosse de terre, jaune comme toutes les mottes de l’éteule. Je cherche l’œil. Il n’y a point d’œil. Je me retiens de dire à Philippe :

« Tant pis, tirez ! »

Et le chien qui courait au loin est revenu près de nous. Comme il n’a pas le vent, il ne sent pas le lièvre, mais il peut s’élancer au hasard. Philippe le menace, à voix basse, de claques et de coups de pied, s’il bouge.

Philippe ne me parle plus. Il a fait l’impossible, et il attend que je renonce.

Oh ! cet œil noir, rond et gros comme une petite prune, cet œil de lièvre terrorisé, où est-il ?

Ah ! je le vois !

À mon coup de fusil, le lièvre bondit hors du gîte, la tête fracassée. Et c’est bien le lièvre que je voyais. Je l’avais vu presque tout de suite, j’ai de bons yeux. J’étais trompé par la pose du lièvre. Je le croyais en boule, comme un jeune chien, et je cherchais l’œil dans la boule. Mais le lièvre se gîte allongé, les pattes de devant jointes et les oreilles rabattues. Il ne fait un trou que pour placer son derrière, être le plus possible à ras de l’éteule. Le derrière est ici et l’œil là, très loin. De là ma courte hésitation.

« C’est lâche de tuer un lièvre au gîte, dis-je à Philippe. Nous aurions dû lui jeter une pierre, le faire sauver et le tirer tous deux à la course. Il ne pouvait pas nous échapper.

– Ce sera pour une autre fois, dit Philippe.

– C’est bien de me l’avoir montré, Philippe, il n’y a pas beaucoup de chasseurs comme vous.

– Je ne le ferais pas pour tout le monde », dit Philippe.

*

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Épitaphe pour un lièvre

Au temps où les buissons flambent de fleurs vermeilles, Quand déjà le bout noir de mes longues oreilles Se voyait par-dessus les seigles encor verts Dont je broutais les brins en jouant au travers, Un jour que, fatigué, je dormais dans mon gîte, La petite Margot me surprit. Je m’agite, Je veux fuir. Mais j’étais si faible, si craintif ! Elle me tint dans ses deux bras : je fus captif. Certes elle m’aimait bien, la gentille maîtresse. Quelle bonté pour moi, que de soins, de tendresse ! Comme elle me prenait sur ses petits genoux Et me baisait ! Combien ses baisers m’étaient doux ! Je me rappelle encor la mignonne cachette Qu’elle m’avait bâtie auprès de sa couchette, Pleine d’herbes, de fleurs, de soleil, de printemps, Pour me faire oublier les champs, les libres champs. Mais quoi ! l’herbe coupée, est-ce donc l’herbe fraîche ? Mieux vaut l’épine au bois que les fleurs dans la crèche. Mieux vaut l’indépendance et l’incessant péril Que l’esclavage avec un éternel avril. Le vague souvenir de ma première vie M’obsédant, je sentais je ne sais quelle envie ; J’étais triste ; et malgré Margot et sa bonté Je suis mort dans ses bras, faute de liberté.

Jean Richepin, La chanson des gueux, 1881.

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