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La Campanule



Étymologie :

  • CAMPANULE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1694 campanule (Tournefort, Elemens de botanique, 3e part., section VII, genre I Campanula, p. 90). Empr. au lat. médiév. campanula proprement « petite cloche », terme de bot. aux viiie-ixe s. (Fragm. mul. I, 15 ds Mittellat. W. s.v., 129, 16) ; l'ital. campanula est déjà mentionné en 1600 par O. de Serres, Théâtre d'Agric., VI, 10 ds Hug. Pour les noms de fleurs dérivés du lat. campana ou clocca, v. FEW t. 2, pp. 150b-151a et p. 792a.


Lire également la définition de la campanule pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Campanula trachelium ; Campanule gantelée ; Doigtier ; Gants de Notre-Dame ; Ortie bleue ; Pétrole.

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Botanique :


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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de l'agrimoine :


AGRIMOINE OU RELIGIEUSE DES CHAMPS - RECONNAISSANCE.

L'Agrimoine est cette jolie campanule dont les fleurs, du lilas le plus tendre [?], sont suspendues à la tige en forme de clochettes. Madame de Chasteney dit, dans son Calendrier de Flore : On soupçonne que le nom d’Agrimoine a été donné à cette plante par la ressemblance de ses calices dépouillés de fleurs, avec les petites clochettes des ermites. Pour moi, je pense que la reconnaissance a fait donner le nom de Religieuse des champs à cette campanule jolie, solitaire et bienfaisante, en l'honneur de quelque bonne, douce et complaisante hospitalière.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Campanule - Travail.

A cause de la forme de sa corolle renversée qui ressemble à un dé à coudre.


Pyramidale bleue ou Campanule - Constance.

La tige, qui s’élève à plus d’un mètre , est constamment garnie de belles fleurs bleues.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


CAMPANULE - FLATTERIE .

Fleurs en forme de clochettes, d'une couleur bleuâtre, douce et agréable à l'œil. La campanule s'appelle encore vulgairement miroir de Vénus.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


CAMPANULE — DISCRÉTION.

Ne découvrez pas votre cœur à tout homme de peur qu'il ne vous témoigne une amitié perfide et qu'il ne médise ensuite.

de Ecclésiaste VIII, 22.

Presque toutes les espèces de ce genre sont herbacées ; les fleurs sont de couleur bleue, quelquefois blanches ; beaucoup se font remarquer par leur forme, leur grandeur, leur nombre, la vivacité de leurs couleurs, par leur disposition en pyramide, en bouquets, en épis, en belle panicule ; la plupart sont admises comme ornement dans nos parterres ; d'autres sont employées comme alimentaires quoique appartenant à une famille suspecte , à cause des sucs laiteux et caustiques renfermés dans les tiges et les feuilles.

Les deux espèces les plus remarquables sont la campanule des jardins et la campanule pyramidale.


MAXIMES.

Un silence discret sera toujours plus utile que la sincérité la plus adroite et la plus spirituelle. On ne s'est jamais repenti de s'être tu, mais on s'est souvent repenti d'avoir parlé.

(FLÉCHIER, Réflexions sur les caractères des hommes.)

Il est plus aisé de se taire tout-à-fait que de ne pas trop parle.

(L'Imitation de J.-C. )

Peu parler et faire beaucoup voilà le partage des âmes droites.

(FÉNELON, Lettres sur la discrétion.)

 

Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


CAMPANULE GANTELÉE. Aux XIIe et XIIIe siècles, un bouquet de tiges de cette plante, porté au bout d'un long bâton, formait par suite d'idées superstitieuses ou de certains préjugés sur lesquels on n'est point renseigné aujourd'hui, une sorte d'égide et de garantie à l'abri desquelles on se livrait à toutes espèces d'insultes et de voies de fait. Il était indispensable que ces tiges fussent tressées et mêlées à quelques rameaux feuillées ; on les élevait en l'air, puis on injuriait les personnes que l'on voulait attaquer, et tout était légitimé. On commit ainsi des crimes odieux dans les campagnes de France, et il fallut recourir aux mesures les plus sévères pour y mettre un terme. La cruelle destination qu'avait reçue la campanule gantelée (Campanula trachelium), la fit proscrire ensuite pendant près de trois siècles.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Campanule - Surveillance.

La tige de cette plante est haute d'un demi-mètre, et d'une grande flexibilité ; elle croit dans les champs et se couvre de charmantes clochettes lilas.

Voyez sur sa tige naissante

S'élever cette fleur des champs ;

Aimable fille du printemps.

Sur la verdure renaissant,

Elle brille quelques instants.


On cultive beaucoup la campanule dans les jardins, surtout celle qui donne de larges fleurs violettes ou blanches évasées et découpées sur les bords en cinq parties. Quelques personnes prétendent que la campanule a aussi pour symbole le travail parce que cette fleur étant renversée à la forme d'un dé à coudre. C'est son nom, qui en latin signifie clochette, qui lui a fait attribuer l'emblème de la surveillance par allusion à la cloche pendue dans certains pays au cou des béliers, des vaches et des chiens de berger qui surveillent les troupeaux.


Elle propose ensuite une équivalence symbolique pour différentes fleurs

Pyramidale - Orgueil.

C'est une campanule qui élève sa tige jusqu'à la hauteur de deux à trois mètres ; ses fleurs sont étagées de bas en haut et forment une superbe pyramide .

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Campanule gantelée (Campanula trachelium) a les caractéristiques suivantes :


Pouvoirs : Chance ; Combat le mensonge et la duplicité.


Utilisation magique : A propos des vertus de cette plante qui, paraît-il, contraignait celui qui la porte à toujours dire la vérité, citons l'usage que l'on en faisait aux XIIe et XIIIe siècles. Un bouquet de campanules gantelées en pleine floraison, porté au bout d'un long bâton, autorisait celui qui le tenait à assommer, égorger ses voisins, à se déclarer l'ennemi de tout venant, à massacrer, piller, violer et à se livrer impunément à mille atrocités, fort prisées en ces temps pour le moins troublés.

Cette singulière déclaration de guerre était parfaitement codifiée : il fallait que les tiges de la Campanule soient tressées, et les rameaux devaient avoir toutes leurs feuilles; il ne devait pas y avoir moins de six fleura par tige. On brandissait ce bouquet haut dans les airs en vociférant un flot d'injures adressées aux personnes que l'on voulait attaquer, et l'affaire était légitimée. Les agressés n'avaient aucun recours. C'était à qui se signalerait, sous le drapeau de la Campanule, par les massacres les plus féroces, les vendetta les plus sanglantes. Les seigneurs féodaux, toujours en guerre les uns contre les autres, entretinrent cette coutume aussi longtemps qu'ils le purent. Le pouvoir royal dut prendre des mesures très sévères pour y mettre fin.

Cette cruelle destination, et les tristes souvenirs qu'elle a laissés, firent longtemps proscrire la plante ; on l'arracha des jardins, on la détruisit dans les prés, le long des talus ombragés où elle croît de préférence. Il fallut attendre la Renaissance pour que, enfin réhabilitée, la Campanule gantelée fasse sa réapparition en Europe comme plante d'ornement - dédouanée sous le sobriquet de « gants de Notre-Dame » alors que, par le passé, sa fonction avait été plutôt diabolique.

Si vous parvenez à retourner complètement un doigt de Campanule sans le déchirer ni l'abîmer, vous obtiendrez très vraisemblablement les faveurs de celui ou celle que vous aimez.

Si vous attendez une grosse rentrée d'argent, et qu'elle tarde à cause de divers obstacles, cueillez une campanule gantelée au lever du soleil en récitant : « Campanule, campanule fais de moi, Avant la nuit l'égal d'un roi. » Et placez aussitôt la grappe florale entière dans votre chaussure. Attendez-vous à ce que beaucoup de « choses » se passent avant le coucher du soleil...

Enfin, réminiscence tenace, et bien évidemment inconsciente, des cruautés moyenâgeuses : quiconque porte une Campanule sur soi est contraint de dire la vérité à propos de tout. Dans de nombreuses régions d'Europe, et par extension aux États-Unis, le folklore des campagnes reste attaché à cette idée. Au Tyrol, lorsqu'un enfant est soupçonné de ne pas dire la vérité, on lui bourre les poches de Campanules ; le gamin se trouble, fond vite en larmes et avoue son mensonge.

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Dans Le Livre des Fleurs (Librairie philosophique J. Vrin, 1989), Georges Ohsawa (Nyoiti Sakurazawa) tente d'initier les Occidentaux à cet art ancestral particulièrement subtil qu'est celui des fleurs.


Ainsi, il nous apprend qu'on prête aux fleurs "non seulement une beauté personnelle, mais des qualités, des mouvements d'humeur, un caractère complet, une âme, minuscule reflet de la grande âme de la nature. [...]

La campanule a un charme démocratique, elle est agréable à regarder en été lorsque la température étouffante fait tolérer un certain laisser-aller. Mais il lui manquera toujours ce port clame et tranquille qu'on rencontre chez d'autres espèces plus aristocratiques, sûres de leur supériorité.

S'il faut choisir, la campanula persinfolia est plus agréable dans sa modestie que la campanula medium qui n'a pas l'air de se rendre compte de son peu de tenue.

D'ailleurs celle-ci est un modèle de discrétion à côté de l'hibiscus mutabilis qui semble toujours fier d'une victoire, et qui montre ses couleurs éclatantes d'un air glorieux."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


On croyait aux XIIe et XIIIe siècles qu'en levant en l'air un bâton sur lequel était attaché un bouquet de tiges de cette plante herbacée, à clochettes violettes, on pouvait insulter et frapper n'importe quel individu sans aucun risque et en toute impunité. Tant de voies de fait furent commises à l'époque que la campanule, pourtant très ornementale, proscrire pendant près de trois siècles, ne fut réhabilitée que sous la Renaissance.

Qui parvient à retourner la fleur de campanule sans l'abîmer obtiendra les faveurs de son (sa) bien-aimé(e), et qui porte de la campanule, appelée aussi "gants de Notre-Dame", est contraint de dire toujours la vérité, dit-on aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis : "Au Tyrol, lorsqu'un enfant est soupçonné de ne pas dire la vérité, on lui bourre les poches de campanules ; le gamin se trouble, fond vite en larmes et avoue son mensonge."

Enfin, "si vous attendez une grosse rentrée d'argent, et qu'elle tarde à cause de divers obstacles, cueillez une campanule gantelée au lever du soleil en récitant :


Campanule, campanule, fais de moi

Avant la nuit l'égal d'un roi.


Et placée aussitôt la grappe florale entière dans votre chaussure. Attendez-vous à ce que beaucoup de "choses" se passent avant le coucher du soleil".

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Eric Pier Sperandio auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Editions Québec-Livres, 2013) présente ainsi la Campanule (Campanula rotundifolia) : "Plante aux fleurs bleues très attrayantes qui pousse à l'état sauvage tant en Europe qu'en Amérique du Nord.


Propriétés médicinales : Il faut se tourner vers la médecine chinoise pour connaître les propriétés médicinales de cette plante car l'herbier occidental ne lui en reconnaît pas.

Dans le système traditionnel chinois, les racines sont utilisées comme expectorant et pour soulager la congestion des poumons et des bronches. Une tisane faite avec des racines peut aussi supprimer la toux. D'autre part, les racines utilisées en cataplasme sont très efficaces pour drainer le pus d'une plaie.


Genre : Féminin.


Déités : Perséphone.


Propriétés magiques : Chance - Vérité.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • la tradition veut que si l'on arrive à tourner une campanule à l'envers sans l'endommager ou la briser, on réussira à gagner le cœur de la personne qu'on aime..

  • Une légende folklorique affirme que quiconque porte une fleur de campanule sur lui ne peut s'empêcher de dire la vérité.

RITUEL POUR ATTIRER LA CHANCE

Voici un petit rituel simple et charmant pour attirer les bonnes grâces de Dame Fortune.

La prochaine fois que vous verrez une campanule, cueillez-la en disant :


Campanule ! Campanule !

Apporte-moi la chance,

Et ce, avant demain soir !


Placez ensuite la fleur dans votre chaussure et ne la retirez pas avant le lendemain.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier, collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; la Campanule raconte ainsi la sienne dans un conte estonien intitulé "La Clochette du chat" :


Des amoureux se blottissaient tendrement l'un contre l'autre dans un vase de cristal taillé. Le jeune homme élancé agitait sa clochette d'un bleu éclatant, la jeune fille lui donnait gaiement la réplique avec son grelot blanc. Ils discutaient à qui mieux mieux en s'amusant au jeu des devinettes. "Je donne ma langue au chat", se rendit la belle. "Quelle est la réponse ?"

"Le bal des souris dans une vieille lèche-frite", répondit le jeune homme, et il continua l'histoire, sans se faire prier :

Toute l'élite de la société des souris s'y était donné rendez-vous ce jour-là. On n'avait encore jamais vu une fête pareille. Aujourd'hui encore toutes les souris en parlent, vous n'avez qu'à le leur demander. De jeunes souriceaux élégants en veste de velours, des demoiselles à la fourrure plus douce que celle de l'hermine, des rats bien nourris, aux moustaches hérissées, tout ce beau monde mangeait, buvait, festoyait, dansait et s'amusait jusqu'à ce que leurs queues en tremblassent. En plein milieu de la fête surgit le chat aux pattes de velours. Il se prépara à bondir, s'éclairant de ses yeux verts, et hop ! il attrapa une souris dans ses griffes. Les autres s'égaillèrent comme ne nuée de moineaux, se glissant dans le moindre petit trou à leur portée.

Elles se tinrent coites, tremblant de peur et gémissant doucement mais, bientôt, leurs ventres les rappelèrent à l'ordre. Le mâle le plus ancien convoqua une assemblée des souris dans une galerie souterraine.

"Personne n'ose mettre e nez dehors", dit le vieux rusé. "Si nous n'arrivons pas à tromper le chat, nous finirons dans son ventre ou nous mourrons de faim. Réfléchissez pour trouver une solution."

Un bon conseil vaut de l'or. Les souris réfléchirent, cherchèrent des idées, mais sans résultat. Une grand-mère prit alors la parole.

"Ça y est, j'ai trouvé, mes enfants ! Nous allons réunir toutes nos richesses, que nous remettrons au fondeur de cloches pour qu'il nous fabrique une clochette. Nous l'accrocherons au cou du chat et, chaque fois qu'il voudra s'approcher de nous en rampant, la clochette nous préviendra, si bien que nous pourrons nous sauver à temps. Ainsi, nous aurons raison du chat aux pattes de velours !"

Toutes les souris en liesse se mirent au travail. Elles attelèrent douze paires de petites souris blanches à une vieille cuillère qu'elles chargèrent de tous leurs trésors : un morceau de fromage, un grain d'avoine, une vieille semelle, une bougie en graisse de bœuf, un croûton de pain et toutes sortes de bonnes choses encore. Et, fouette, cocher ! L'attelage emprunta les galeries les plus secrètes pour se rendre chez le fondeur de cloches. Celui-ci resta bouche bée devant ces "richesses", mais il ne renvoya pas les petites souris. Il fit fondre le métal, tout en attisant son feu, et tout en attisant son feu, il coula le métal dans le moule, et voilà ! La clochette était splendide. Elle tintinnabulait comme un grelot. "De quelle couleur la voulez-vous ? " s'enquit le fondeur. Les souris optèrent pour le bleu, trouvant qu'il irait à merveille au chat noir. Le fondeur trempa la clochette qui vira au bleu. Les petites souris purent reprendre le chemin du retour, le cœur léger.

"Nous sommes sauvées !" se félicitèrent-elles, une fois réunies. "Le chat ne pourra plus nous surprendre. Il ne nous reste plus qu'à lui suspendre la clochette autour du cou."

Et c'est là que le bât blessait ! Personne ne voulait affronter le matou. Les souris se regardaient, interdites. Bien malin qui trouverait une solution ! La vieille grand-mère s'y hasarda quand même :

"Chargeons-en le plus courageux d'entre nous ! "

"Quelle idée ! " se défendit celui qui, pourtant, faisait toujours montre de sa bravoure. "J'ai peur de ma propre queue. Que le plus fort d'entre nous y aille ! "

"Qui dit que je suis le plus fort ? " s'indigna l'hercule de foire. "je n'arrive même pas à tordre un poil de souris. Ma propre femme me donne une correction quand bon lui chante. Envoyons le plus malin d'entre nous ! "

"Pas question ! " protesta le futé en cause. "Je n'ai pas inventé la poudre, vous savez. Il m'arrive de confondre ma patte gauche et ma patte droite, et de ne pas reconnaître le fromage du lard. Mais le plus bête d'entre nous pourrait faire l'affaire ! "

Aucune des souris n'était bête au point d'affronter le matou Patte-de-Velours. En fin de compte, elles se dispersèrent dan le monde entier, oubliant la belle clochette dans une clairière. Un jour, une petite fée l'y trouva. Elle l'accrocha sur une tige de fleur nue et la fit carillonner gaiement avant de continuer à vaquer à ses occupations.

"Et maintenant, vous savez comment la campanule fit son apparition parmi les fleurs des champs", conclut le jeune homme. Il s'inclina, en carillonnant doucement. Driling, driling, driling ! fit la clochette."

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) partage avec nous sa vision de la campanule :

10 juillet

(Fontaine-la-Verte)


J'aiguise mes regards sur les corolles des campanules étalées. Rien n'est minutieux comme ces vasques délicates cinq fois dentées, où plusieurs violets se fondent. Le soleil les amalgame parfois dans son four à photons. A d'autres moments, les pétales acquièrent une étonnante épaisseur : on y voit gonfler des nervures, battre des flux de sève.

L'esprit et la chair, Krishna ou Jésus sont des campanules.

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Dans son ouvrage poétique La Grande Vie (Éditions Gallimard, 2014) Christian Bobin évoque très souvent la nature et sa beauté sacrée. Ici, les campanules :


Le bleu des clochettes des campanules m'a mis K.-O.

[...]

J'ai une nouvelle lettre pour vous. Ce n'est pas moi qui l'ai écrite, mais un bouquet de lobélies - vous savez, ces fleurs bleu clair de la famille des campanules.


Je suis entré dans le cimetière. Mon père marchait à mes côtés : invisible, il allait avec moi voir sa tombe. Je me suis arrêté net devant une autre tombe. Elle ressemblait à une phrase parfaite : une croix au-dessus d'une dalle blanche et, devant la dalle, une vasque débordant de lobélies caressées par une main de lumière. Nous traversons les miracles en aveugle, sans voir que le moindre jaillissement d'une fleur est fait de milliers de galaxies, que les brindilles d'un nid déserté ou les étoiles d'un ciel noir parlent de la même absence adorable.


Un papillon a feuilleté les lobélies. Un lézard est apparu. Je me suis accroupi, je lui ai parlé. Le lézard surpris n'a plus bougé, ses pattes bien à plat, écartées comme les doigts d'un gant sur la pierre chauffée de clair. Les lobélies écoutaient.


Vous mourrez tous, dit Homère. Vous mourrez d'un trait de javelot ou d'une rupture d'anévrisme, sur un sol étranger ou dans une infernale chambre d'hôpital. Et tous, sans exception, l'ange qu efface les fautes posera sa main sur vos fronts en sueur, vous aidera à entrer dans le soleil à l’heure dite.


Les lobélies font partie de ces choses qui émerveillent la vie - un sourire sans lèvres, un passage secret, une phrase parfaite.


"Puis ils se couchèrent et reçurent le don du sommeil" : c'est la fin du septième chant de l'Iliade. Dites-moi pourquoi cette expression, "recevoir le don du sommeil", me donne une joie sans fin ?


Je me suis relevé, le lézard a filé. Entre les villes étourdies et l'absolu, il y a la zone en friche des cimetières. Une faille dans le mur du temps. Les lézards s'y glissent comme le chagrin et l'espérance.

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