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Le Crapaud


Étymologie :


  • CRAPAUD, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1180-90 « batracien » crapot (A. de Paris, Alexandre, éd. Elliott Monographs, branche III, 258) ; fin xiie s. crapaut (Moniage Guillaume, éd. W. Cloetta, 2e éd., 3207) ; 1541 péj. en parlant d'un homme (Calvin, Institution, 699 ds Littré) ; p. anal. 2. 1399-1400 « sorte de mortier » (document cité ds Gdf. Compl.) ; 1829 « affût de mortier plat » (Boiste) ; 3. 1611 crapaud de mer (Cotgr. ) ; 4. 1790 mobilier (texte cité ds Havard) ; 5. 1845 « défaut dans une pierre » (Besch.). Dér. (suff. -ot* et -aud*) du germ. *krappa « crochet » (en raison des pattes crochues du crapaud), v. agrafer, prob. par l'intermédiaire de l'a. fr. grape, crape (xie s. « rafle, grappe de raisin », v. grappe ; 1213 « crampon, grapin », v. agrafer ; cf. a. gasc. grape « crampon » 1re moitié xiiie s. ds Rayn.). Une dérivation du m. fr. crape « squamosité, crasse », 1393 ds T.-L. (Dauzat 1973, EWFS2), v. FEW t. 17, p. 131, fait difficulté du point de vue chronologique.

Lire aussi les définitions des noms communs pour trouver les première pistes d'interprétation symbolique : crapaud et grenouille.

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Zoologie :


Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt s'intéresse à la communication chez les animaux et chez les plantes, et en particulier à la toxicité des poisons qu'ils produisent :


Quant aux crapauds, ils n'ont rien à envier à leurs consœurs : leurs glandes parathyroïdes et leur peau sécrètent des venins de composition complexe (Batrachotoxine produite par Phyllobates aurotœnia). Leurs bufovenins provoquent des effets hallucinogènes, ce qui explique leur présence dans l'arsenal des sorciers. La peau de crapaud desséchée figure en outre dans la pharmacopée chinoise.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


CRAPAUD. Cet animal a figuré dans tous les maléfices en renom au moyen âge, les sorcières en étaient toujours environnées, et l'on était persuadé que le diable leur donnait le baptême.

Sur les bords de l'Orénoque, les indigènes regardaient aussi jadis ce reptile comme ayant le pouvoir de déterminer, dans certaines circonstances, la pluie et le beau temps ; et, à cet effet, ils le conservaient avec beau coup de soin sous un vase. Toutefois, lorsque le vœu des fervents ne se trouvait point exaucé, ceux-ci brisaient aussitôt le vase et frappaient très brutalement leur idole.

Les Tibétains croient que sur les bords d'un lac qui se trouve au sommet du Wa-ho, existe un grand crapaud qui a été divinisé, et ' qu'ils appellent hia-ma-tching-chin. Ils disent de lui : « On le voit difficilement ; mais on l'entend souvent gémir et crier à plus de cent lis (40 kilomètres) à la ronde. Ce crapaud habite les bords du lac depuis l'existence du ciel et de la terre, et comme il n'a jamais quitté ce lieu solitaire, il s'est divinisé et est devenu esprit de la montagne. Quand les hommes font du bruit et troublent le silence qui l'environne, il se met en colère contre eux, et les punit en les accablant de grêle et de neige. »

Beaucoup de gens du peuple accordent au crapaud un regard fascinateur semblable à celui du basilic, et cette croyance se loge même chez des individus qui ont assez de lumières pour la repousser. Un naturaliste du XVIII siècle, nommé Rousseau, raconte qu'ayant renfermé un gros crapaud sous un bocal et s'étant avisé de le regarder fixement, les yeux dans les yeux, comme on dit, il se trouva tout à coup saisi de telles palpitations, de telles angoisses et de tels mouvements convulsifs, qu'il serait mort infailliblement, si l'on n'était venu à son secours. « Cet animal, » dit-il, « après avoir inutilement tenté de sortir, se tourna vers moi en s'enflant extraordinairement, et s'élevant sur ses quatre pieds, il soufflait impétueusement sans remuer de place. Il me regarda ainsi sans varier les yeux que je voyais sensiblement rougir et s'enflammer. Il me prit à l'instant une faiblesse universelle, qui alla tout d'un coup à l'évanouissement, accompagné d'une sueur froide et d'un relâchement par les selles et les urines, de sorte qu'on me crut mort. » Le récit du naturaliste Rousseau n'établit nullement la puissance fascinatrice du crapaud ; mais ce qui paraît incontestable, c'est que le narrateur fut en proie à un grand trouble, quoique rien de sérieux ne le justifiât.

On a toujours considéré aussi le crapaud comme un animal venimeux, et quelques naturalistes de notre époque avaient tenté de faire ranger cette opinion au nombre des erreurs ; mais de récentes observations sont venues confirmer en partie l'ancienne croyance. Il parait qu'on peut manier ce reptile sans danger, mais il serait imprudent de ne point prendre des précautions contre les matières qu'il sécrète. Les petites vésicules que l'on remarque sur le dos de cet animal, contiennent un liquide blanc jaunâtre, composé en partie d'un poison assez actif. De plusieurs expériences qui ont été faites au muséum d'histoire naturelle, il résulte que de petits oiseaux dans la chair desquels on fit pénétrer quelques milligrammes de ce liquide, à l'aide d'une incision, succombèrent au bout de cinq minutes. Une colombe mourut en cinq minutes. Plusieurs décigrammes firent périr un bouc en une heure et demi. Les reptiles seuls résistèrent à ce poison. En Amérique, on confond quelquefois avec le curare, un autre toxique obtenu d'une espèce particulière de crapauds qui habitent le versant occidental de la Cordelière, non loin de la mer du Sud.

Le fait plusieurs fois reproduit de crapauds trouvés vivants au sein de corps solides, tels que des pierres et des troncs d'arbres, fut attesté par des savants du moyen âge, puis classé dans les erreurs de l'ignorance par la philosophie pédante du VII siècle. Toutefois, des exemples de ce phénomène ont été enregistrés dans les mémoires de l'Académie des sciences, en 1719, 1731, 1733, 1756 et 1781 ; et d'autres témoignages sont venus les confirmer de nos jours. Il est bien vrai que dans l'état actuel de nos connaissances, il est difficile de rendre compte de ce fait anormal qui blesse les lois que nous avons formulées pour l'étude de la physique ; mais le grand arbitre de toutes choses ne s'oblige pas à suivre les errements des professeurs.

Le conseiller Pierre Delancre assure que les grandes sorcières sont ordinairement assistées de quelque démon qui est toujours sur leur épaule gauche, en forme de crapaud, ayant deux petites cornes sur la tête ; mais il ne peut être vu que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. On baptise des crapauds au sabbat. Jeanne Abadie et d'autres illustres ont même révélé qu'elles en avaient vu baptiser dans les cimetières de Saint-Jean-de-Luz et de Siboro, parce que le diable, très audacieux ce jour-là, n'avait pas pourtant osé entreprendre cette cérémonie dans l'église. Ces crapauds étaient habillés de velours rouge, et quelques-uns de velours noir, ayant une sonnette au cou, et une autre aux pieds, avec un parrain qui leur tenait la tête, el une marraine qui tenait les pieds. Jeanne ajouta qu'elle vit cette marraine danser au sabbat avec quatre crapauds, l'un vêtu de velours noir, avec des sonnettes aux pieds, et les autres sans habillement ; elle portait sur l'épaule celui qui était vêtu ; l'un des trois autres était sur l'épaule droite, et les deux qui restaient sur chaque poing, en guise d'oiseaux chasseurs.

Au mois de septembre 1610, un homme, se promenant dans la campagne, près de la ville de Bazas, vit un chien qui se tourmentait près d'un trou, sans jamais se calmer : cet homme, ayant fait creuser, trouva deux grands pats renversés l'un sur l'autre, liés ensemble à leur ouverture, et garnis de toile ; le chien ne se calmant point, on ouvrit les pots, qui se trouvèrent pleins de son, au-dedans duquel reposait un gros crapaud, vêtu de taffetas vert. -


CRAPAUDINE. Pierre que l'on prétendait se trouver dans la tête des crapauds, et que les sorcières recherchaient pour les employer dans la pratique de leurs maléfices.

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Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :


En Carême, quand les enfants demandent de la viande, on leur dit qu'il y a des crapauds dedans. [...]


199. - En parlant d'une personne fière et qui fait de l'embarras, on dit qu'elle se rebouffit comme un crapaud sur une pierre chaude.

200. – A Saint-Briac, pour empêcher les varioleux de porter les marques de la petite vérole, on met un crapaud sous leur oreiller.

 

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


Peu d'animaux sont aussi riches en légendes que les Crapauds. Il est vrai qu'ils sont lourds et disgracieux et que leur peau est froide et visqueuse. Pourtant ils sont inoffensifs et utiles.

Les naturalistes d'autrefois ont chargé le Crapaud de toutes sortes de méfaits. « Cet animal, dit Gessener, naturaliste allemand du seizième siècle, est très vénéneux, horrible à voir et extrêmement nuisible. Lorsqu'on le touche il entre en colère, souille l'homme de son urine et l'empoisonne par son haleine délétère. La peau du corps touchée par son urine et par sa bave entre de suite en putréfaction ; son poison, pris à l'intérieur, est sûrement mortel. A sa vue seule l'homme pâlit et se trouve mal. Le Crapaud empoisonne les herbes sur lesquelles il passe et celles qu'il souille de sa bave. »

Puis il raconte un cas survenu en Angleterre. Un Crapaud était venu se placer sur la bouche d'un moine endormi sur des joncs. N'osant pas enlever le Crapaud on porta le dormeur près d'une fenêtre où se trouvait une Araignée en train de tisser sa toile. Aussitôt que l'Araignée vit son ennemi le Crapaud, elle se laissa glisser et le piqua à plusieurs reprises ce qui le fit mourir. Ainsi le moine fut sauvé.

Il ajoute encore que ceux qui boivent de l'eau des mares avalent parfois à leur insu des œufs de Crapauds ou de Grenouilles, ce qui est fort dangereux, car ces œufs éclosent dans le corps de l'homme et il faut alors une médication des plus énergique pour les expulser.

Si les naturalistes écrivaient des choses aussi absurdes on ne s'étonnera pas de la crainte inspirée au public par les Crapauds.

De petits Crapauds sont censés parfois tomber du ciel, ce sont les « pluies de Crapauds ». On a dit que des trombes auraient pu soulever l'eau des étangs avec les Crapauds, ce qui n'est pas possible ; d'autres ont trouvé une explication bien plus simple, c'étaient les gouttes de pluie qui se transformaient en Crapauds. Fatio cite deux cas : en 1863 près de Meiringen, et en 1864 vers Fluelen, où de nombreux Crapauds ont surgi du sol desséché, au moment d'une grande pluie.

Telle est sans doute l'explication des pluies de Crapauds : par les temps humides, ces animaux sortent de leurs retraites et se montrent en grand nombre à des endroits où en n'en voyait point auparavant.

On a prétendu qu'on avait trouvé des Crapauds encastrés dans des murs ou dans des pierres, où ils se seraient maintenus vivants depuis la fabrication du mur ou la formation de la pierre.

Le Révérend Père L. de Cocatrix nous a raconté un cas: qu'il avait « observé » aux Giettes sur Saint-Maurice. Il était convaincu qu'un Crapaud avait été trouvé à l'intérieur d'une pierre, au moment où on l'avait cassée.

Des cas de ce genre ont été signalés en 1546 par Agricola, en 1561 par Melchior Guillardinus, en 1565 par Fulgose. D'autres cas ont été cités au seizième et au dix-septième siècle. Vers 1750 on prétendit avoir trouvé un Crapaud vivant dans un mur formé d'un massif de plâtre dans les environs de Paris ; on supposait que le Crapaud y avait vécu pendant 40 ou 50 ans.

Plusieurs naturalistes entreprirent des expériences, entre autres Buckland à Oxford, en 1825. Il fit creuser des cavités dans des blocs et y plaça des Crapauds. Ceux des petites cavités moururent assez vite, quelques-uns des grandes cavités étaient encore vivants au bout d'une année, mais l'eau et l'air pouvaient pénétrer.

Si les Crapauds peuvent résister longtemps au jeûne pourvu qu'ils aient de l'humidité qu'ils absorbent par la peau, il est impossible qu'ils puissent vivre à l'intérieur d'une pierre. Ceux qui l'affirment ont commis une erreur dans l'interprétation des faits.

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Jean-Jacques Barloy, dans un article intitulé "Rumeurs sur des animaux mystérieux." In : Communications, 52, 1990. Rumeurs et légendes contemporaines. pp. 197-218 fait l'état des lieux de l'énigme du crapaud volant :


Dans une lettre datée du 26 août 1985, M. Marcel Buisson, d'Alençon, me rapporte des faits pour le moins incroyables. Dans le parc d'un château, près de Fresnay-sur-Sarthe, dans les années 1916- 1921, auraient existé des crapauds volants.

Identiques par l'aspect général à des crapauds ordinaires, ils auraient possédé de courtes ailes membraneuses, comparables à celles des chauves-souris.

« Ces crapauds, précisait mon correspondant, s'envolaient lorsque l'on s'approchait très près d'eux, à 1 mètre environ. Leur vol lourd, à 2 mètres environ du sol — jamais plus —, ne dépassait pas 10 mètres. »

Leur nombre était d'une trentaine de spécimens. Le père de M. Buisson en aurait tué un. Comme j'exprimais mon scepticisme tout en demandant si le sujet tué avait été conservé, M. Buisson répondit : « Toujours vus au même endroit, sous des peupliers d'Italie, au crépuscule. Vol lourd et de courte distance — direction le ruisseau. Nous pouvions les approcher à 1 ou 2 mètres. Ils étaient toujours posés en bordure de l'allée du parc. Celui que mon père a tué, et que nous avons eu entre les mains, n'a pas été conservé. Pourquoi mon père l'aurait-il fait ? »

Lorsque l'on a affaire à un témoignage aussi affirmatif sur des faits qui paraissent impossibles, il y a de quoi être fort perplexe. Essayons tout de même de chercher une explication zoologique.

1) Un oiseau de nos régions est surnommé le crapaud volant : c'est l'engoulevent. Mais sa silhouette est celle d'un grand martinet.

2) Certains petits échassiers (chevaliers, bécassines) s'envolent effectivement devant les pas du promeneur qui parcourt une prairie humide, et vont se poser un peu plus loin. Il faudrait cependant beaucoup de bonne volonté pour en faire des crapauds volants.

3) Les anomalies tératologiques sont certes nombreuses chez les crapauds (que l'on pense aux travaux de Jean Rostand), mais aucune ne les a jamais dotés d'ailes leur permettant de voler.

4) II existe, dans le Sud-Est asiatique, une grenouille volante, ou plus exactement planeuse, le rhacophore. Grâce à ses palmures très développées, tant aux pattes antérieures qu'aux membres postérieurs, cette grenouille effectue des « descentes en parachute » depuis les arbres. On pourrait imaginer que cet amphibien a été introduit dans la Sarthe, et qu'une petite population y a survécu quelque temps. Mais, en aucun cas, le rhacophore ne possède d'ailes évoquant celles d'une chauve-souris.

[...]

- Les affaires de crapauds découverts vivants, après y avoir séjourné longtemps, dans de la boue ou des pierres sont légion. Ainsi, au XVIe siècle, Ambroise Paré évoque un « gros crapaud vif » trouvé à Meudon au milieu d'une grande et grosse pierre. A Blois, en 1851, c'est dans un nodule de silex qu'un crapaud aurait été découvert vivant. En fait, il paraît impossible qu'un crapaud puisse survivre si longtemps dans de telles conditions.

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Dans son article intitulé "Corps à corps de bêtes et de gens : envenimation et représentations du corps dans le folklore français (XIXe-XXe siècles)", paru dans la Revue Ruralia, 09/2001 (Édition électronique URL : http://ruralia.revues.org/244), Corinne Boujot s'intéresse à une catégorie animale particulière :


"Dans la région de Rennes, partie orientale et de la Bretagne dite “ Pays gallo ”, on appelle v’lin — ou “ venin ” — un groupe d’espèces animales qui peut paraître hétéroclite. Il réunit, en effet, des reptiles, des batraciens, des arachnides et différents insectes dont ceux pourvus d’un dard. On y trouve donc aussi bien la couleuvre que la vipère ou l’anguille, le lézard vert, la salamandre, le crapaud ou encore l’araignée, la guêpe, le frelon ainsi que la libellule... Dans cette catégorie, v’lin, c’est aussi le nom plus spécifique du crapaud (Bufo bufo) qui, en tant qu’animal éponyme, apparaît doté d’une valeur emblématique. C’est en travaillant sur la pratique d’un guérisseur, panseur (ou “ passeur ”) de venin, que j’ai découvert l’existence de cette catégorie animale directement corrélée à une classe générique de symptômes, dits aussi “ vlin ”, sur lesquels porte l’intervention du panseur. Nous sommes là dans une problématique de l’envenimation : celle-ci se manifeste par le gonflement, la destruction des tissus, la purulence et, souvent, la brûlure.

[...]

On a vu, dans la région de Rennes comme dans celle de Tarente, que différents venimeux semblaient réunis sous le nom d’un animal érigé en emblème de la problématique de l’envenimation, ici le crapaud, là l’araignée. [...]

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Symbolisme :


Mots clefs : la Protection, le Succès.


En Extrême-Orient, Crapaud est un dieu de la pluie. Les Vietnamiens disent qu’il est l’oncle du dieu du ciel, à qui il commande l’ondée, et quiconque le blesse sera foudroyé par le ciel. Crapaud est symbole de succès ; écarlate, il est symbole de force, de courage et de richesse : Crapaud Écarlate est synonyme d’homme riche. En pays Maya, on dit que les Crapauds prient mieux que nous pour obtenir la pluie. Chez les Bambaras, il est censé se transformer en Souris pendant la saison sèche. On dit qu’il guérit les brûlures et qu’il ne craint pas la morsure du Serpent. Avatar du feu, Crapaud serait capable de provoquer l’inertie du Serpent qui le déglutit. Les Bambaras le comparent à la Terre, à laquelle le Soleil (le Serpent) ne peut nuire en la mordant. Il exprime ésotériquement le concept de mort et de renouvellement. Pour les tribus Bamoun, où son nom est Tito, il est la synthèse des horizontales et des verticales, et joue un rôle très important dans les légendes des origines. Chez les Pygmées-Bambuti, Crapaud est un esprit maléfique responsable de l’installation de la mort sur terre. En Phryné, il symbolise la luxure. En Occident, il a été un symbole royal et solaire avant la fleur de lys et il figure sur l’étendard de Clovis. Crapaud est souvent considéré comme l’inverse de la Grenouille dont il serait la face lunaire, infernale et ténébreuse. Dans de nombreuses théophanies lunaires, Crapaud est l’attribut des morts. Au Moyen-Âge, il est, avec le Serpent, l’attribut naturel du squelette. S’il est chez nous symbole de laideur et de maladresse, ce n’est pas le cas en Chine, où il est considéré comme la divinité de la Lune. Si le vieux Crapaud est séché, il permet, comme la Grenouille, d’obtenir la pluie. Crapaud protège aussi des armes, et retourne celles-ci contre l’agresseur. C’est lui qui dévore la lune au moment des éclipses.


Source : http://francoise1.unblog.fr/2016/06/04/crapaud-la-protection-le-succes/

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Dans le Dictionnaire des symboles (édition originale, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on apprend que :


"la peur de cet animal crépusculaire en fait communément chez nous un symbole de laideur et de maladresse. Mais si l'on va au-delà de cette apparence, on découvre que le crapaud porte toutes les significations issues de la grande chaîne symbolique eau-nuit-lune-yin. Ainsi les Chinois le considèrent comme la divinité de la lune sur laquelle ils le voient : la femme de Yi-le-Bon-Archer, qui s'était enfuie après lui avoir dérobé la drogue de l'immortalité qu'il avait reçue de la Reine Mère de l'Occident, parvint dans la lune et y fut transformée en crapaud. Elle en est demeurée la divinité. Ce qu'on pourrait, au moins à titre de curiosité, rapprocher de l'antique proverbe rapporté par Littré : Ki crapaud aime, lunette (petite lune) il semble. C'est aussi un crapaud qui dévore la lune au moment des éclipses. Si la tradition chinoise semble parfois hésiter entre un aspect yin et un aspect yang du crapaud, c'est le premier qui prédomine, ce qui s'explique par la prédilection de l'animal pour les retraites sombres et humides. Le crapaud ne se distingue d'ailleurs pas toujours parfaitement ainsi de la grenouille, et le vieux crapaud, à condition d'être séché, permet comme elle d'obtenir la pluie. En outre, le crapaud protège des armes et les renvoie au tireur.


Les Vietnamiens, qui l'apprécient fort et connaissent aussi son rôle annonciateur de la pluie, disent qu'il est l'oncle du Dieu du ciel, à qui il commande l'ondée bienfaisante ; quiconque le bat sera foudroyé par le Ciel. Il est encore symbole de succès et, s'il est écarlate, symbole de force (on le donne comme fortifiant aux enfants), de courage et de richesse : Que le garçon de talent porte dans ses bras le crapaud écarlate, dit une légende d'image populaire vietnamienne. Crapaud écarlate est synonyme d'homme riche : faut-il expliquer cela par l'extrême rareté de l'animal ou par sa couleur faste ?

Chez les Maya Quiché comme en Extrême-Orient, il est un Dieu de la pluie. On dit encore en pays maya que les crapauds prient mieux que nous pour obtenir la pluie. Dans l'iconographe aztèque, il représente la terre.

Dans les mythes concernant l'origine du feu, chez certaines tribus indiennes d'Amérique du Sud (Tupimamba, Chiriguano), le crapaud se fait complice de l'homme pour dérober le feu à son premier possesseur, le vautour.

Les traditions africaines relatives a crapaud sont très diverses.

Pour les Bambara, il est censé se transformer en souris pendant la saison sèche. d'autre part, un lien existe entre l'homme et le crapaud du fait que l'embryon humain, à une certaine étape de la gestation, est censé se transformer en crapaud, s'il s'agit d'un embryon femelle - ou un margouillat (petit lézard),s s'il s'agit d'un embryon mêle. Lié à l'eau, à la terre, à la femme et à l'humidité, il passe pour guérir les brûlures, et on le dit invulnérable à la morsure du serpent, avatar du feu ; il serait capable de provoquer l'inertie du serpent qui le déglutit ; il est en affinité avec le sexe de la femme amenant, lors du coït la flaccidité post-éjaculatoire de la verge. En fonction de ce même symbolisme, les Bambara le comparent à la terre à laquelle le Soleil -cet autre serpent - ne peut nuire en la mordant. Enfin, comme tous les symboles associés du complexe terre-eau-lune, il exprime ésotériquement le concept de mort et de renouvellement, d'où son utilisation pour désigner une classe de société initiatique. L'instrument de musique qui le représente à cette occasion est le tambour à frottement, dont le symbolisme sexuel est évident.

Chez les tribus Bamoun, son nom est Tito. Il est la synthèse des horizontales et des verticales. Il évoque la silhouette d'un personnage assis ou d'un porteur. Il jour un rôle très important dans les légendes des origines.... sur les bords du lac Tchad, c'est au crapaud que les célèbres femmes à plateau doivent une mode toute fondée sur les liens mystiques qui nouent à la vie du crapaud la vie de ces tribus.

Cependant, pour les pygmées Bambuti, le crapaud serait un esprit maléfique, responsable par sa maladresse (voulue ?) de l'installation de la mort sur terre.

Selon la tradition peule de Kaydara, l'huile de crapaud pénètre la pierre. Au disciple qui lui demande comment passer de l'ignorance au savoir, le maître de l’initiation répond : Transforme-toi en huile de crapaud. C'est dire que l'homme, sans déplacer les choses, peut les pénétrer jusque dans leur profondeur par la fluide finesse de son esprit.


En Occident, le crapaud aurait été un symbole royale et solaire, antérieurement à la fleur de lis : il figure à ce titre sur l'étendard de Clovis. Mais n'y-a-t-il pas, ici encore, interroge Guénon, confusion avec la grenouille, symbole de résurrection ? Le crapaud est en effet le plus souvent considéré comme l'inverse de la grenouille, dont il serait la face lunaire, infernale et ténébreuse : il intercepterait la lumière des astres par un processus d'absorption. Son regard fixe dénoterait une insensibilité, ou une indifférence à la lumière.

Comme tant de théophanies lunaires, le crapaud est aussi l'attribut des morts. Dans l'ancienne Egypte, le crapaud - comme la grenouille - était associé aux morts et l'on en a découvert momifiés dans les tombeaux... Le crapaud est, avec le serpent, l'attribut naturel du squelette au Moyen Âge.

En Grèce, il était le nom d'une courtisane célèbre, Phryné, qui se jeta toute nue dans les flots pour jouer à l'Anadyomène, après avoir pris part, avec d'autres courtisanes, aux libres réjouissances, dont Aphrodite était le prétexte, et qui terminaient la fête des Poséidonia. Elle était saluée du titre d'interprète et prêtresse d'Aphrodite. Le crapaud semble avoir symbolisé en elle la luxure.


Dans les traditions de la magie et de la sorcellerie européennes, le crapaud joue un rôle précis. Quand il se tient sur l'épaule gauche d'une sorcière, il est une des formes du démon ; ce qui est censé très bien marqué par les deux cornes minuscules qu'il porte sur le front. Les sorcières en prenaient un soin infini ; elles baptisaient leurs crapauds, les habillaient de velours noir, leur mettaient des sonnettes aux pattes et les faisaient danser. La pierre qui existe, dit-on, dans la tête des crapauds était un talisman précieux pour obtenir le bonheur sur la terre."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Le crapaud, anciennement dédié à Saturne, est

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :


L'étymologie du nom que l'on donne à cet amphibien de la famille des vertébrés nous est encore d'un précieux secours pour comprendre les symboles et les croyances qui lui furent attribués. en effet, "crapaud" tient son origine d'un mot allemand, kruppa, signifiant "crochet", et qui a aussi donnée "crampe, crampon" et "crapahuter".

Nous savons que la crampe est un contraction musculaire involontaire, que le crampon est un crochet, mas que, familièrement, ce mot qualifie ne personne tenace, têtue, ou dont on ne parvient pas à se défaire ou à se détacher. Nous savons aussi que "crapahuter" est un verbe familier, lui aussi, relativement récent, puisqu'il est issu d'une déformation de "crapahuter", terme qui désignait à l'origine, c'est-à-dire vers la fin du XIXe siècle, un appareil de gymnastique, puis qui fut employé pour dire que l'on faisait de l'exercice.

De plus, si l'on prend en compte le fait que le crapaud est un animal nocturne qui reste enfoui dans la terre sans manger et sans boire durant les mois d'hiver, on dispose de tous les éléments qui ont induit nos ancêtres voir en lui un être assimile à la grande déesse Terre, à la Lune, évoluant dans les zones d'ombre, obscures, voire ténébreuses. C'est ainsi que de nombreux contes mettant e scène des sorcières nous apprennent que ces dernières utilisaient souvent la bave de crapaud pour jeter un sort maléfique ou préparer une potion empoisonnée. Il fut donc perçu comme un animal primitif, de ceux qui furent présents au moment où la vie surgir des eaux originelles mais qui, du fait qu'ils vivent aussi bien dans l'eau qu'à l'air libre, en sont restés à un stade intermédiaire, donc primitif, comme s'ils s'étaient figés, fixés dans un état, en refusant d'évoluer.

Ce sont donc toutes ces informations qu'il faut retenir lorsqu'un crapaud apparaît dans un rêve, et surtout le fait qu'il est avant tout une représentation du grand principe féminin, le fameux yin des Chinois, auquel ces derniers l'assimilaient tout naturellement, voyant en lui un symbole de la Lune. Ils pensaient même que les éclipses de Lune étaient dues au fait que, régulièrement, le crapaud l'avalait et la recrachait.

Dans un rêve, son caractère amphibie, mais aussi sa capacité à vivre de longs mois sus la terre sans boire et sans manger peuvent signifier que les forces psychiques les plus sombres et les plus lumineuses procèdent du même principe ou, plus simplement, que lorsque nous avons des idées sombres et négatives, ou quand nos pensées sont éclairées et positives, il s'agit toujours de nous, tels que nous sommes. Ce rêve nous induit alors à ne rejeter aucune partie de nous-mêmes, positive ou négative. Enfin, l'aspect crampon du crapaud ne doit pas non plus être négligé, surtout chez un rêveur au caractère et aux sentiments possessifs, dépendants ou jaloux."

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Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007, traduction française, Éditions Contre-dires, 2018) nous délivre un :


Message des grenouilles et des crapauds :


L'eau est l'élément le plus incroyable. Elle porte l'amour cosmique

et le pouvoir de la purification du physique et de l'âme.

Nous vous invitons à passer plus de temps dans l'eau.

Aimez-la, bénissez-la et remerciez-la. Vous baigner, nager,

prendre une douche ou marcher sous la pluie accélère

votre ascension et remplit votre cœur d'amour.


Les crapauds ont une mission spirituelle similaire à celle des grenouilles. Comme les grenouilles, ce sont des amphibiens. Ils vivent sur terre, mais toujours assez près de l'eau et ils s'accouplent dans un ruisseau ou un étang d'eau stagnante, ou près de ceux-ci. Leur frai doit être immergé, et certains crapauds posent le chapelet d’œufs sur leur dos pour s'assurer qu'ils atteignent le bon endroit. Ils hibernent aussi pendant l'hiver, mais ils sont plus terrestres, de sorte qu'ils se cachent dans des tas de feuilles en décomposition ou des tas de bois et des terriers. Les têtards se détachent du frai après ne dizaine de jours et ils se transforment progressivement, ou se métamorphosent, en jeunes crapauds pendant environ deux mois. Leur mission d'âme est de prouver qu'il est possible de changer du tout au tout. La mission de service des crapauds est la même que celle des grenouilles, c'est-à-dire garder les insectes, les limaces et les serpents sous contrôle quand ils deviennent trop nombreux. Ils viennent eux aussi de Neptune, mais leur fréquence vibratoire n'est pas aussi élevée que celle des grenouilles, parce qu'ils n'ont pas une relation aussi étroite avec l'eau.

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013) Michel Pastoureau s'attache à retracer l'histoire de la perception visuelle, sociale, culturelle de cette couleur en Occident, de l'Antiquité au XIXe siècle. C'est aussi l'occasion d'évoquer d'autres éléments de la symbolique liées à la couleur verte. Ainsi :


"Le crapaud est la vedette du bestiaire des poisons. La culture médiévale ne l'aime pas et en fait "une grenouille condamnée par le Seigneur à vivre sous terre". Tous les bestiaires soulignent sa laideur, son caractère immonde, son lien avec les magiciennes ou les sorciers. Hypocrite, il participe au sabbat revêtu d'une livrée verte, alors que sa couleur naturelle est le gris, et s'y livre à des orgies avec sa cousine la grenouille, qu'il déteste et dont il est jaloux parce qu'il elle vit dans l'eau. Surtout, sa bave, son urine, ses sécrétions et son venin entrent dans la composition de nombreux philtres et breuvages destinées à nuire, voire à tuer. En revanche, séché et réduit en poudre, le crapaud peut avoir des vertus prophylactiques, attirant sur lui les forces du mal et protégeant ainsi celui qui le porte sur lui, enfermé dans un petit sac de toile ou de cuir."

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Contes et légendes :


Jean-Jacques Barloy, dans un article intitulé "Rumeurs sur des animaux mystérieux". In : Communications, n°52, 1990. Rumeurs et légendes contemporaines. pp. 197-218, rapporte un témoignage relatif à des crapauds volants :


D'étranges créatures volantes.

Dans une lettre datée du 26 août 1985, M. Marcel Buisson, d'Alençon, me rapporte des faits pour le moins incroyables. Dans le parc d'un château, près de Fresnay-sur-Sarthe, dans les années 1916- 1921, auraient existé des crapauds volants.

Identiques par l'aspect général à des crapauds ordinaires, ils auraient possédé de courtes ailes membraneuses, comparables à celles des chauves-souris.

« Ces crapauds, précisait mon correspondant, s'envolaient lorsque l'on s'approchait très près d'eux, à 1 mètre environ. Leur vol lourd, à 2 mètres environ du sol — jamais plus —, ne dépassait pas 10 mètres. »

Leur nombre était d'une trentaine de spécimens. Le père de M. Buisson en aurait tué un. Comme j'exprimais mon scepticisme tout en demandant si le sujet tué avait été conservé, M. Buisson répondit : « Toujours vus au même endroit, sous des peupliers d'Italie, au crépuscule. Vol lourd et de courte distance — direction le ruisseau. Nous pouvions les approcher à 1 ou 2 mètres. Ils étaient toujours posés en bordure de l'allée du parc. Celui que mon père a tué, et que nous avons eu entre les mains, n'a pas été conservé. Pourquoi mon père l'aurait-il fait ? »

Lorsque l'on a affaire à un témoignage aussi affirmatif sur des faits qui paraissent impossibles, il y a de quoi être fort perplexe. Essayons tout de même de chercher une explication zoologique.

1) Un oiseau de nos régions est surnommé le crapaud volant : c'est l'engoulevent. Mais sa silhouette est celle d'un grand martinet.

2) Certains petits échassiers (chevaliers, bécassines) s'envolent effectivement devant les pas du promeneur qui parcourt une prairie humide, et vont se poser un peu plus loin. Il faudrait cependant beaucoup de bonne volonté pour en faire des crapauds volants.

3) Les anomalies tératologiques sont certes nombreuses chez les crapauds (que l'on pense aux travaux de Jean Rostand), mais aucune ne les a jamais dotés d'ailes leur permettant de voler.

4) II existe, dans le Sud-Est asiatique, une grenouille volante, ou plus exactement planeuse, le rhacophore. Grâce à ses palmures très développées, tant aux pattes antérieures qu'aux membres postérieurs, cette grenouille effectue des « descentes en parachute » depuis les arbres. On pourrait imaginer que cet amphibien a été introduit dans la Sarthe, et qu'une petite population y a survécu quelque temps. Mais, en aucun cas, le rhacophore ne possède d'ailes évoquant celles d'une chauve-souris.

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Littérature :


Le Crapaud


Un chant dans une nuit sans air… – La lune plaque en métal clair Les découpures du vert sombre. … Un chant ; comme un écho, tout vif Enterré, là, sous le massif… – Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre… – Un crapaud ! – Pourquoi cette peur, Près de moi, ton soldat fidèle ! Vois-le, poète tondu, sans aile, Rossignol de la boue… – Horreur ! – … Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ? Vois-tu pas son œil de lumière… Non : il s’en va, froid, sous sa pierre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.               Ce soir, 20 Juillet. Tristan Corbière, "Le Crapaud" in Les Amours jaunes, 1873.

*

*

Dans ses Histoires naturelles (1874), Jules Renard brosse des portraits étonnants des animaux que nous connaissons bien :


Né d’une pierre, il vit sous une pierre et s’y creusera un tombeau.

Je le visite fréquemment, et chaque fois que je lève sa pierre, j’ai peur de le retrouver et peur qu’il n’y soit plus.

Il y est.

Caché dans ce gîte sec, propre, étroit, bien à lui, il l’occupe pleinement, gonflé comme une bourse d’avare.

Qu’une pluie le fasse sortir, il vient au-devant de moi. Quelques sauts lourds, et il me regarde de ses yeux rougis. Si le monde injuste le traite en lépreux, je ne crains pas de m’accroupir près de lui et d’approcher du sien mon visage d’homme.

Puis je dompterai un reste de dégoût, et je te caresserai de ma main, crapaud !

On en avale dans la vie qui font plus mal au cœur.

Pourtant, hier, j’ai manqué de tact. Il fermentait et suintait, toutes ses verrues crevées.

« Mon pauvre ami, lui dis-je, je ne veux pas te faire de peine, mais, Dieu ! que tu es laid ! »

Il ouvrit sa bouche puérile et sans dents, à l’haleine chaude, et me répondit avec un léger accent anglais :

« Et toi ? »

*

*

Dans un étrange roman policier intitulé M. Malbrough est mort (1ère édition, 1937 ; Librairie des Champs-Élysées, 1991), Pierre Véry évoque le chant des crapauds :


Hier soir, allongé sur mon lit, j'écoutais le chant des crapauds. De vieilles connaissances, ces crapauds ! Ils sont cinq.

Ré !

Sol !

Mi !

Do !

Fa !

Dans la nuit, la sempiternelle succession de ces notes !

Mes cinq crapauds sont des familiers de la terrasse, des habitués ! Ils ont chacun leur place attitrée.

M. Ré loge près du massif de lauriers d'Espagne. M. Sol a installé ses pénates au pied d'un bananier rachitique. M. Mi a fait les cent pas - et la police ! - sur la plate-bande de capucines. M. Do a élu domicile dans des buis, près du cadran solaire. M. Fa, enfin, gîte au frais, sous une énorme pierre, à deux pas de la statue de bois.

!... Sol !... Mi !... Do !... Fa !...

!... Sol !... Mi !... Do !... Fa !...

Je m'explique les différences de voix par les différences d'âge et de sexe.

Parfois, je me figure entendre de gentils joueurs de xylophone !

Ou bien, je dis à la Dame de Cœur que ce sont de délicats orfèvres. Ils manœuvrent de légers, presque immatériels marteaux d'argent, d'or, de rubis. Sur des enclumes de diamant, ils placent les rayons de lune ; ils les façonnent en volutes, en torsades, en rosaces, en fleurons... Ils en font des fleurs, des papillons.

- Mais quand il n'y a pas de lune, comme c'est le cas en ce moment ?

- Ils fabriquent des belles de nuit, le bleu et le violet foncés des fleurs et des feuilles ! Et ils font les papillons bruns, et ceux qui ont des ailes de velours noir ! Ils tournent les grains du cassis !

Or, M. Ré, soudain, se tut.

Je pensais qu'il avait adroitement lancé sa langue sur une proie. Quand, à son tour, M. Sol fit silence.

Puis, timidement, M. Ré repartit. Mais M. Sol se taisait toujours. Et voilà que M. Mi, maintenant, devenait muet ! Je me levai, en proie à une émotion intense.

Je comprenais que ce n'était pas sans motif que le , que le sol, que le mi étaient morts. Les silences de mes amis les crapauds étaient parlants, et il n'y avait point deux manières de les interpréter.

Quelqu'un marchait sur la terrasse.

Et non seulement les silences des crapauds trahissaient cette présence, mais encore l'ordre même dans lequel les batraciens se taisaient me fournissait des indications précises sur les mouvements du rôdeur inconnu, sur les diverses positions qu'il occupait.

« - Attention ! » disait le silence de M. Ré. « Un quidam, venant du parc, se tient près des lauriers d'Espagne ! » Là-dessus, silence de M. Sol. Qui veut dire : « - Le quidam s'avance vers le bananier. » (En d'autres termes, il s'approche de la maison.) Puis, silence de M. Mi. Signification : « - L'individu se dirige vers la plate-bande de capucines. » (Autrement dit, il s'éloigne de la maison.)

Penché sur la terrasse, j'épiais.

Silence de M. Do, suivi, presque immédiatement , du silence de M. Fa.

Je traduis : « Le personnage a couru de la plate-bande de capucines jusqu'à la statue, en passant près du cadran solaire. »

*

*

"Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l'austère nuit des marais s'appellent et ne se voient pas, ployant à leur cri d'amour toute la fatalité de l'univers"

René Char, Feuillets d'Hypnos, n°129, 1945.

 

Le Crapaud

Sur les bords de la Marne Un crapaud il y a Qui pleure à chaudes larmes Sous un acacia. — Dis-moi pourquoi tu pleures Mon joli crapaud ? — C'est que j’ai le malheur De n’être pas beau. Sur les bords de la Seine Un crapaud il y a Qui chante à perdre haleine Dans son charabia. — Dis-moi pourquoi tu chantes Mon vilain crapaud ? — Je chante à voix plaisante, Car je suis très beau, Des bords de la Marne aux bords de la Seine Avec les sirènes.

Robert Desnos, "Le Crapaud" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

*

*

Dans Un peu plus loin sur la droite (Éditions Viviane Hamy, 1996), roman policier de Fred Vargas, nous découvrons l'un de ses héros Louis Kehlweiler, dit l'Allemand, à qui l'auteur a donné un compagnon d'aventures insolite qui s'appelle Bufo :


"Ça ne te gêne pas que je pose Bufo sur le banc ?

- Pas du tout, dit Vincent.

- Mais ne le dérange pas, il dort.

- Je ne suis pas assez dingue pour faire la conversation à un crapaud.

- On dit ça et parfois on y vient.

- Tu lui causes beaucoup ?

- Tout le temps. Bufo sait tout, c'est un coffre-fort, un scandale vivant. Dis-moi, tu n'as vu personne s'approcher du banc ce matin ?

- C'est à moi que tu parle ou à ton crapaud ?

- Mon crapaud n'était pas levé ce matin. Donc, c'est à toi.

*

*

Nous retrouvons nos deux héros dans Un peu plus loin sur la droite (Éditions Viviane Hamy, 1996) du même auteur :


- Attendez, dit Kehlweiler, je vais vous montrer un truc. Vous voulez bien me tenir Bufo ?

- Avec plaisir.

- Bon, tendez la main.

Louis sortit une bouteille d'eau de son sac et mouilla la main de Lanquetot.

- C'est pour Bufo, expliqua-t-il, on ne peut pas le tenir à main sèche. Au bout d'un moment, il en a marre, il a trop chaud, cela ne lui vaut rien. Voilà. Attrapez Bufo entre le pouce et l'index, assez fermement, parce qu'il ne vous connaît pas. Pas trop fort, hein ? J'y tiens, moi, à ce type. C'est le seul gars qui me laisse causer sans m'interrompre et qui ne me demande jamais de comptes. Bon, à présent, regardez. [...]

Louis rangea l'os et reprit le crapaud.

- Viens, Bufo, on va marcher un peu, toit, moi et l'inspecteur. L'inspecteur est un nouveau copain. Tu as vu ? Il ne t'a pas fait mal, hein ?

Louis se tourna vers Lanquetot.

- Je lui parle comme ça parce qu'il est un peu con, je vous l'ai déjà expliqué. Faut être simple avec Bufo, n'utiliser que les notions de base : les gentils, les méchants, la bouffe, la reproduction, le sommeil. Il ne sort pas de là. Parfois, je tente des discours un peu plus ardus, philosophiques même, pour lui éveiller l'esprit

- L'espoir fait vivre.

- Il était beaucoup plus con quand je l'ai eu. Plus jeune aussi. Marchons, Lanquetot.

[...]

- Entendu. Qu'est-ce que c'est que ce truc que tu as dans la main ?

- C'est mon crapaud. Je l'humidifie un peu.

Marc serra les dents. Bon, voilà, ce type était cinglé. Et lui, il s'était fourré là-dedans.

- Tu n'aimes pas les crapauds, n'est-ce pas ? Il ne fait pas de mal, on se parle, voilà tout. Bufo - Bufo c'est son nom -, écoute-moi avec attention : le gars avec qui je parle s'appelle Marc. C'est un rejeton de Vandoosler. Et les rejetons de Vandoosler sont nos rejetons. Il va surveiller les clebs à notre place pendant qu'on va aller bouffer. T'as pigé ?

Kehlweiler leva les yeux vers Marc.

- Faut tout lui expliquer. Il est très con.

Kehlweiler sourit et remit Bufo dans sa poche.

- Ne fais pas cette tête. C'est très utile, un crapaud. on est obligé de simplifier le monde à l'extrême pour se faire comprendre, et parfois, c'est soulageant.

Kehlweiler sourit encore plus. Il avait une forme spéciale de sourire, contagieuse. Marc sourit. Il n'allait pas se laisser démonter par un crapaud. On a l'air de quoi à travers le monde si on a la trouille d'un crapaud ? D'un imbécile. Marc avait très peur de toucher les crapauds, c'est entendu, mais il avait aussi très peur d'avoir l'air d'un imbécile.

[...]

- Tu veux bien me tenir Bufo ? Je cherche mes cigarettes.

- Non. Ce crapaud me dégoûte.

- Ne t'en fais pas, dit Kehlweiler en s'adressant à Bufo. Il dit ça comme ça, sans savoir. Faut pas avoir de la peine. Reste bien tranquille sur le blanc, je cherche ms clopes. Alors ? Tu as eu d'autres chiens ?

[...]

"Si tu me cherches, je suis à la machine, des questions en suspens. Fais gaffe à ta saloperie de crapaud, il fait le con dans la salle de bains. Marc."

*

*

Dans Sans feu ni lieu (Éditions Viviane Hamy, 1997) de Fred Vargas, nous retrouvons les deux personnages évoqués plus haut :


"- Il y en a plus que ça. Attends-moi, je vais à la petite fontaine et je reviens. Je vais mouiller Bufo.

Marc se crispa.

- Tu as pris ton crapaud avec toi ? dit-il d'une voix criarde.

- Oui, je suis passé le chercher tout à l'heure. Il se faisait chier dans le panier à crayons, et si tu veux bien y réfléchir une minute, on le comprend. Il faut que je l'aère, moi, cette bête. Je ne te demande pas de le prendre.

Marc, hostile et dégoûté, regarda Louis humecter son gros crapaud grisâtre, lui faire quelques recommandations et l'enfourner à nouveau dans la grande poche droite de sa veste.

- C'est dégueulasse, ajouta-t-il pour tout commentaire.

- Tu veux une bière ?

Les deux hommes s'installèrent à la terrasse d'un café presque désert. Marc prit soin de s'asseoir à la gauche de Louis, à cause de la poche à crapaud.

[...]

Puis il sortit un chiffon à vitres de la boîte à gants, l'humidifia largement avec l'eau du caniveau, posa Bufo sur le siège avant et le recouvrit du tissu mouillé. Comme ça, l'amphibien lui foutrait la paix.

- Tu vois, Bufo, dit-il à son crapaud en mettant le contact, il y a deux types dans la nature qui n'ont rien de pacifique. Ce n'est pas eux qui penseraient à te mettre un chiffon sur la tête.

Louis braqua lentement et dégagea la voiture.

- Et moi, mon vieux, ajouta-t-il, j'ai l'intention de les retrouver, ces deux types.

[....]

Là, il secoua d'une main molle ses couvertures, un rituel vespéral obligatoire depuis que Bufo avait pris la sale manie d'aller se coincer à la nuit entre le matelas et la courtepointe - une vieille courtepointe allemande qui lui venait de son père, lourde comme du ciment, parfaite pour vous tenir solide au lit quand on a le tournis de bière. Parfaite aussi pour le crapaud qui retrouvait là la sensation d'étau réconfortante des anfractuosités des rochers. Louis l'en délogeait systématiquement et Bufo allait trouver refuge dans une caverne de la bibliothèque, derrière les tomes infranchissables du Grand Larousse du XIXe siècle. C'était un principe superstitieux chez Louis. Tant qu'il enverrait Bufo se terrer ailleurs, c'est que l'espoir de ne pas dormir seul tenait toujours bon. Et l'espoir, c'est déjà la moitié du chemin.

- Casse-toi, Bufo, dit Louis en l'attrapant délicatement, tu outrepasses tes droits d'amphibien. Qu'est-ce qui te dit que je n'attends pas quelqu'un ? Pas une princesse transformée en crapaud merdique dans ton genre, non, mais une vraie belle femme qui n'aimerait que moi ? Tu te marres ? T'as tort, bonhomme. Ça peut arriver. Une vraie belle femme sur ses deux jambes, pas une fille résignée devant son vainqueur comme celles que se traille le vieux Clairmont. Tout compte fait, tu as bien fait de ne pas venir, tu n'aurais pas aimé ce type. Tu as l'âme trop pure, c'est comme Marc. En revanche, je pense que tu sympathiserais aisément avec merlin, c'est le portrait tout craché de ton grand-père, et surtout, il a un sancerre du tonnerre. Quoi qu'il en soit, si cette belle créature arrive ce soir, tâche de te montrer un peu plus avenant qu'avec Sonia. Tu ne te souviens pas de Sonia ? La fille qui a habité là l'an dernier et à qui tu as fait la gueule cinq mois durant ? Elle est partie, Sonia, elle te trouvait nul. Et moi aussi, elle me trouvait nul.

Louis déposa Bufo derrière le Grand Larousse.

- Et n'oublie pas : n'essaie pas de tout lire, ça ne te vaudra que des embarras.

[...]

Louis traversa lentement le cimetière par une allée brûlante et récupéra sa voiture surchauffée. Il vaporisa Bufo avant de l'installer sur le siège avant. Il se demandait comment il allait planquer le crapaud pendant le voyage si Vandoosler le Jeune l'accompagnait. Dans la boîte à gants, peut-être ? Louis la vida de son tas de cartes routières et de déchets divers et étudia la visibilité du petit habitacle. Il ne comprenait pas que Mars puisse être à ce point dégoûté par les amphibiens. De toute façon, il ne comprenait presque pas Marc, et vice versa. [...]

Marc avait pris le volant pendant que Louis se taillait une sieste su la banquette arrière. Réveille-moi quand on verra la Loire, avait-il dit. Vers trois heures et demie, Marc avait passé Montargis et ouvert d'une main tâtonnante la boîte à gants pour y chercher la carte routière. Ses doigts avaient effleuré quelque chose de sec et mou et il avait poussé un cri en se garant en catastrophe sur le bas-côté. Il avait risqué un coup d’œil dans la boîte et découvert Bufo qui roupillait sur un vieux chiffon humide. Nom de Dieu, il avait touché le crapaud.

Révolté, il s'était retourné pour insulter Louis, mais l'Allemand ne s'était même pas réveillé.

Marc avait bégayé des jurons et avait très lentement refermé le couvercle de la boîte à gants, appelant à lui la figure du Courageux Pâtissier pour se donner de la bravoure. Un gars qui cherche le tueur aux ciseaux ne peut pas décamper devant une saleté de crapaud? En sueur, il avait repris la route et ne s'était calmé qu'après un bon bout de conduite.

[...]

Quand sa migraine leva un peu sa tenaille, Marc regarda Merlin qui, encadré de deux flics, remuait ses lèvres de batracien de manière incohérente et mécanique. Une mouche dans le casque, à n'en pas douter, une monstrueuse mouche aussi effarante que celle qu'il avait dessinée à Nevers. Ce spectacle conforta Marc dans sa terreur des crapauds, encore qu'il sût confusément que cela n'avait rien à voir."

*

*

Dans son roman policier Sous les Vents de Neptune (Éditions Viviane Hamy, 2004), Fred Vargas continue de partager avec le lecteur son attirance étonnante pour les crapauds :


« Tels sont les gosses, Danglard, dans ces petits villages, et tel j'étais. Dans la bande, il y en avait qui collaient une cigarette allumée dans la bouche des crapauds, et après trois ou quatre bouffées, ils explosaient. Comme un feu d'artifice qui leur faisait gicler les entrailles. Moi, je regardais. Je vous endors ?

[…]

- Pardon, coupa Danglard, soucieux. Le crapaud explosait-il réellement ou bien est-ce une image ?

- Réellement. Il gonflait, il atteignait la taille d'un melon verdâtre et soudain, il explosait. Où en étais-je, Danglard ?

[…]

- Mais comment se fait-il que le crapaud fumait ?

- Dites, Danglard, vous m'écoutez ? Je vous raconte l'histoire d'un homme d diable, et vous revenez sans cesse à ce satané crapaud.

- J'écoute bien entendu mais, tout de même, comment se fait-il que le crapaud fumait ?

- C'était comme ça. Dès qu'on fourrait une cigarette allumée dans sa gueule, le crapaud se mettait à pomper. Pas comme un gars accoudé tranquillement au bar, non. Comme un crapaud qui se met à pomper comme un abruti, sans s'arrêter. Paf paf paf. Et soudain, il explosait.

Adamsberg décrivit une large courbe de son bras droit, évoquant la nuée d'entrailles. Danglard suivit l'ellipse des yeux et hocha la tête, comme s'il enregistrait un fait d'une considérable importance. puis il s'excusa brièvement.

[...]

- Tout le monde était vieux, dans votre village ?

- C'est ce qu'il semble, quand on est môme.

- Mais pourquoi, quand on lui mettait la cigarette, le crapaud se mettait-il à aspirer ? Paf paf paf, jusqu'à ce qu'il explose ?

- Mais je n'en sais rien, Danglard ! dit Adamsberg en levant les bras.

[...]

- Non, c'est Ruth. Hugo ne vous connaissait pas, rappelez-vous. C'est la fin d'un long poème, Booz endormi. Mais dites-moi juste une chose. Est-ce que cela leur fait la même chose, aux grenouilles ? Je veux dire, fumer, paf paf paf et explosion ? Ou seulement aux crapauds ?

Adamsberg lui jeta un regard las.

- Désolé, dit Danglard en avalant une gorgée.

[...]

Après le dîner, une fois les enfants dans leur chambres, il s'installa à sa table, soucieux, avec trois bières et huit dossiers. Tous s'étaient couchés beaucoup trop tard. Il avait eu l'idée malencontreuse de leur raconter au dîner l'histoire du crapaud qui fumait, paf paf paf et explosion, et les questions avaient été pressantes. Pourquoi le crapaud explosait-il ? Pourquoi le crapaud fumait-il ? Quel volume de melon atteignait-il ? Les entrailles montaient-elles très haut ? Cela faisait-il la même chose aux serpents ? Danglard avait fini par leur interdire toute forme d'expérimentation, toute introduction de cigarette dans la gueule d'un quelconque serpent, crapaud ou salamandre, tout autant que dans celle d'un lézard, d'un brochet ou de n'importe quelle foutue bestiole.

[...]

- Pour vous dire, quand on avait pas quinze ans, on s'amusait des fois à attraper des grenouilles près de l'étang, et puis on les faisait exploser à la cigarette. Je dis pas que c'est bien joli, mais on n'avait pas beaucoup de distractions à Collery.

- Des grenouilles ou des crapauds ?

- Des grenouilles. Des rainettes vertes. Quand on leur met une cigarette dans la gueule, elles se mettent à aspirer et plof, elles explosent. Faut le voir pour le croire.

- Je me figure, dit Adamsberg.

- Eh bien, le Roland, combien de fois il est arrivé avec son couteau, et crac, il coupait directement la tête de la grenouille. Ça giclait le sang partout. Bon, au résultat, je reconnais que ça revenait au même. Je veux dire que la grenouille, elle était morte. Mais on trouvait que ça faisait une différence de façon de faire, et on n'aimait pas sa manière. Après, il essuyait le sang de la lame sur l'herbe et il s'en allait. Comme pour bien montrer qu'il pouvait toujours faire plus fort que nous.

[...]

En s'enfonçant dans la ruelle où logeait Clémentine, il claqua des doigts. Il lui faudrait penser à raconter à Danglard l'affaire des rainettes de l'étang de Collery. Il serait certainement content d'apprendre qu'avec les grenouilles, cela marchait aussi. Plof, et explosion. Un son un peu différent.

Mais l'heure n'était pas aux grenouilles.

[...]

- Merci Danglard. Une dernière chose : sachez qu'avec les grenouilles, en tout cas les rainettes vertes, cela marche aussi. L'explosion."

*

*

Dans Un lieu incertain (Éditions Viviane Hamy, 2008), Fred Vargas établit un parallèle entre le traitement cruel des enfants envers les crapauds et les instincts du meurtrier :


"... Je sais ce que vous allez me dire, bloqua Danglard en levant son verre en rempart. Dans votre foutu village de Caldhez, des gamins faisaient exploser les crapauds dès le berceau. Mais il y a une marge.

- Non, je n'allais pas parler des crapauds.

L'idée des crapauds, que les gosses faisaient exploser en une immonde giclée de sang et d'entrailles en leur faisant fumer une cigarette ramena la main d'Adamsberg vers le paquet de Zerk.

- C'est une vraie reprise, commenta Danglard en le voyant allumer sa troisième cigarette.

- C'est à cause de vos crapauds.

- C'est toujours à cause de quelque chose. Moi, je lâche le blanc. Terminé. celui-ci, c'est mon dernier verre."

*

*

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