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La Belle-de-Nuit




Étymologie :


  • BELLE-DE-NUIT, subst. fém.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1680 bot. (Rich. : Belle de nuit. Plante qui porte des fleurs rouges, ou jaunes, qui s'ouvre et fleurit la nuit et se ferme le jour) ; 2. 1776 « prostituée » (P. de Mairobert, Anecd. sur Mme Dubarry dans Vocabula Amatoria, dict. frçs angl. 35 dans Quem. : La plupart de ces belles de nuit ne seraient pas présentables au grand jour) ; 3. 1845 ornith. (Besch. : Nom vulgaire de la rousserolle). Composé de belle, fém. de beau*, de et de nuit*.


Lire également la définition de la belle-de-nuit afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Mirabilis jalapa - Admirable - Faux-jalap - Merveille du Pérou - Mirabilis - Nyctage -

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Vertus médicinales :


Pierre-Joseph Bic'hoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :


Racine de Belle-de-Nuit. L'extrait aqueux de la racine de cette plante purge foiblement ; mais en joignant un tiers de son extrait à l'esprit de vin, il purge très bien.




Symbolisme :


Selon Charles Joseph Chambet, auteur de l'ouvrage intitulé Emblèmes des fleurs, ou Parterre de Flore (Éditions Audin, 1833) :


Belle-de-nuit

Emblème : Fuir et redouter l'amour


Solitaire amante des nuits,

Pourquoi ces timides alarmes,

Quand ma muse, au jour que tu fuis,

S'apprête à révéler tes charmes !

Si, par pudeur, aux indiscrets

Tu caches ta fleur purpurine,

En nous dérobant tes attraits,

Permets du moins qu'on les devine.

Lorsque l'aube vient éveiller

Les brillantes filles de Flore

Seule tu sembles sommeiller

Et craindre l'éclat de l'Aurore.

Quand l'ombre efface leurs couleurs,

Tu reprends alors ta parure ;

Et de l'absence de tes sœurs

Tu viens consoler la Nature.

Constant. Dubos.

Cette fleur redoute l'éclat de la lumière et la chaleur du jour : elle se ferme sur les neuf heures du matin, pour se rouvrir après le coucher du soleil, et jouir de la fraîcheur de la nuit.


Mot-clef : Timidité.

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Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette fleur :


Automne -Octobre.

BELLE DE NUIT - TIMIDITÉ.


Solitaire amante des nuits,

Pourquoi ces timides alarmes,

Quand ma muse, au jour que tu fuis,

S'apprête à révéler tes charmes !

Si, par pudeur, aux indiscrets

Tu caches ta fleur purpurine,

En nous dérobant tes attraits,

Permets du moins qu'on les devine.


Lorsque l'aube vient éveiller

Les brillantes filles de Flore

Seule tu sembles sommeiller

Et craindre l'éclat de l'Aurore.

Quand l'ombre efface leurs couleurs,

Tu reprends alors ta parure ;

Et de l'absence de tes sœurs

Tu viens consoler la Nature.


Sous le voile mystérieux

De la craintive modestie,

Tu veux échapper à nos yeux,

Et tu n'en es que plus jolie.

On cherche, on aime à découvrir

Le doux trésor que tu recèles ;

Ah ! pour encor les embellir,

Donne ton secret à nos belles.

Constant Dubos

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Belle-de-nuit - Timidité et Petite maîtresse.

Elle ne fleurit que le soir, après le coucher du soleil, qu’elle craint et qu’elle évite.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


BELLE DE NUIT - TIMIDITÉ.

Comme une palissade en un lieu élevé et une muraille de pierre sans ciment ne résisteraient pas à la tempête, ainsi le cœur timide et l'esprit de l'insensé ne résisteront pas à la crainte.

Ecclésiaste. XXII, 21-22.

La belle de nuit du Pérou est une très belle plante qui ne s'élève guère qu'à la hauteur de 50 à 60 centimètres. Sa racine est épaisse, charnue et pivotante. La tige principale qui s'élève de cette racine jette beaucoup de rameaux et ces rameaux poussent de manière à former une tête large, arrondie et chargée de fleurs. On la cultive dans nos parterres en la semant en place aussitôt qu'on ne craint plus les gelées tardives. Ses fleurs varient singulièrement dans leurs couleurs et sur le même pied. Il n'est pas rare d'en voir de rouges, de blanches, de jaunes ; d'autres sont panachées de rouge et de blanc, d'autres de jaune et de rouge.

Enlevée au Pérou, son sol natal, cette fleur était passée dans les jardins des possessions espagnoles ; sa beauté lui fit donner le nom de merveille du Pérou. Ce nom lui fut encore confirmé par un phénomène particulier, offert par la fleur, et qui jusque-là n'avait pas encore été observé en Europe, celui de ne s'ouvrir qu'au coucher du soleil et de ne se fermer qu'à son lever, d'où lui est venu le nom vulgaire de Belle de nuit, et ce qui sans doute a fait choisir cette plante pour être le symbole de la timidité. Le phénomène de l'épanouissement de ses fleurs au coucher du soleil tient, d'après l'explication de Linné, à ce que cette plante, née dans un hémisphère opposé au nôtre, où le jour existe lorsque nous avons la nuit, conserve chez nous la faculté de s'ouvrir à la même heure du jour, qui arrive pour nous à l'entrée de la nuit. C'est, du reste, ce que le poëte Castel nous fait très bien entendre dans ces vers, après avoir dépeint le phénomène :


Mais chacune le soir voile son front vermeil,

Se retire à son heure, et cède au doux sommeil.

Si l'on voit quelques fleurs d'origine étrangère

Éviter parmi nous l'éclat de la lumière,

Et comme les beautés qui régnaient à la cour,

Veiller pendant la nuit, dormir pendant le jour,

C'est qu'aux lieux où l'Europe a ravi leur enfance

Nait le jour, quand la nuit vers nos climats s'avance ;

C'est que de leur patrie elles suivent les lois,

S'ouvrent à la même heure ainsi qu'au même mois.


RÉFLEXIONS.

La timidité est un défaut dont il est dangereux de reprendre les personnes qu'ou veut en corriger.

(LAROCHEFOUCAULT.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


BELLE-DE-NUIT - AMOUR CRAINTIF - TIMIDITÉ.

Plante exotique dont les fleurs , qui ressemblent à celles du liseron , ne s'épanouissent qu'après le coucher du soleil. - On la nomme autrement Jalap . Un poëte a dit :


Si l'on voit quelques fleurs d'origine étrangère

Éviter parmi nous l'éclat de la lumière,

C'est qu'aux lieux où l'Europe a ravi leur enfance,

Le jour naît quand la nuit vers nos climats s'avance ;

C'est que de leur patrie elles suivent les lois ,

S'ouvrent à la même heure , ainsi qu'au même mois ...


Cette explication est plus ingénieuse que vraie.

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Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte notamment les équivalences de l'Horloge de Flore :


[...] Convolvulus de nuit - Obscurité.

Cette variété de liseron ne fleurit que nuit ; par sa forme il ressemble beaucoup au lis, mais n'en a pas le parfum.

[...]

Il est des fleurs qui s'ouvrent invariablement à la même heure ; les horticulteurs profitent de cette horloge naturelle pour régler leur temps, et les amoureux emploient ce moyen pour indiquer le moment où ils passeront sous les fenêtres de celle à qui ils offrent leurs vœux.


Cinq heures du soir = La belle de nuit.


L'autrice s'intéresse également aux caractéristiques des plantes qui permettent de définir un baromètre botanique :


Belle de nuit - Alarme d'un cœur sensible.

Cette fleur redoute et craint l'éclat du soleil et ne fleurit que le soir.

[Suit le poème déjà cité deux fois précédemment].

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Dans Les Fleurs animées, tome 1 (Frères Garnier, Libraires-Éditeurs, 1867) J. J. Grandville nous propose la petite histoire que voici :


Les Fleurs de Nuit

Je vous aime, fleurs de nuit ; je vous préfère à toutes vos sœurs qui brillent pendant le jour.

Quand le soleil vient de disparaître à l'horizon, lorsque les ombres descendent le long des rameaux, semblables à de longs cils qui s'abaissent, alors la fleur de nuit s'entr'ouvre, et les premiers rayons de l'étoile du soir viennent se jouer sur sa corolle.

Les fleurs et les étoiles sont sœurs : que se disent-elles ?

Elles se racontent les longs ennuis de la journée ; elles échangent leurs rayons et leurs parfums, elles mêlent leur âme à la grande âme de la nature.

Un sylphe évaporé vient les troubler dans leurs entretiens, mais la fleur de nuit ne l'écoute pas ; la fleur de nuit n'est pas coquette. E

Elle n'aime que ceux qui souffrent.

Comme le bruit du vent, comme le murmure de l'eau, le parfum de la fleur de nuit console.

Elle écoute la plainte du berger, elle sourit aux rêveries de la jeune fille, elle prête l'oreille aux chants du poète.

Sa molle senteur prête un charme secret à votre premier rendez-vous, elle vous enveloppe comme d'un voile d'innocence et de pureté.

Aucun insecte ne se pose sur les fleurs de nuit : la phalène bourdonne autour d'elles; elle effleure leur calice, mais elle craindrait de s'y arrêter.

Parfois seulement, une fée se blottit au fond de leurs corolles, pour éviter les poursuites de quelque lutin.

Chaque soir, la blanche Titania, pour parcourir son domaine nocturne, sort de son palais, qui est une belle-de-nuit. Pendant que les bois frissonnent, que l'onde murmure que les amoureux se parlent, que les poètes chantent, que des bruits vagues, des soupirs étouffés remplissent la plaine, la fleur de nuit s'ouvre plus largement.

Frissons, soupirs, murmures, échos, chants de poète, haleines amoureuses, tout cela se mêle dans les airs et retombe avec la rosée sur la nature.

Avec sa part de cette pluie, il se forme, au fond de la fleur des nuits, une perle humide et brillante ; elle s'agite, elle tremble, le moindre souffle d'air la briserait, et le zéphyre matinal va se lever.

Alors la fleur des nuits se referme, pour conserver la perle précieuse qui s'est formée pendant la nuit.

Ainsi le poète renferme précieusement dans son cœur le trésor des rêveries qu'il a amassé dans la solitude. Voilà pourquoi j'aime les fleurs de nuit, pourquoi je les préfère à leurs sœurs qui brillent pendant le jour.

 

Le Dictionnaire Larousse en 2 volumes (1922) propose des pistes pour comprendre le langage emblématique des fleurs :


Nom Signification Couleur Langage emblématique

Belle-de-nuit Discrétion Diverses La prudence s'impose

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Contes et légendes :


Helena Petrovna Blavatsky rapporte une :


Légende sur la Belle-de-Nuit

Tradition des steppes


Tout au commencement de la création du Monde et bien avant le péché qui perdit Ève, un frais buisson vert étendait ses larges feuilles sur le bord d’un ruisseau. Le soleil, jeune à cette époque, fatigué de ses débuts, se couchait lentement, et tirant sur lui ses rideaux de brouillards, enveloppait la terre d’ombres profondes et noires; alors on vit s’épanouir sur une des branches du buisson une modeste fleur; elle n’avait ni la fraîche beauté de la rose ; ni l’orgueil superbe et majestueux du beau lys. Humble et modeste elle ouvrit ses pétales, et jeta un regard craintif sur le monde du grand Bouddha. Tout était froid et sombre autour d’elle ! Ses compagnes sommeillaient tout autour courbées sur leurs tiges flexibles ; ses camarades, mêmes filles du même buisson, se détournaient de son regard; les papillons de nuit, amants volages des fleurs, se reposaient bien un moment sur son sein, puis s’envolaient vers de plus belles. Un gros scarabée faillit la couper en deux en grimpant sans cérémonie sur elle à la recherche d’un gîte nocturne, et la pauvre fleur effrayée de son isolement, et de son abandon au milieu de cette foule indifférente, baissa la tête tristement et laissa tomber une goute de rosée amère. Mais voilà qu’une petite étoile s’alluma dans le ciel sombre ; ses brillants rayons vifs et doux percèrent les flots des ténèbres, et soudain la fleur orpheline se sentit vivifiée et rafraîchie comme par une rosée bienfaisante . . . toute ranimée elle leva sa corolle et aperçut l’étoile bienveillante. Aussi reçut-elle ses rayons dans son sein, toute palpitante d’amour et de reconnaissance Ils l’avaient fait renaître à l’existence.

L’aurore au sourire rose chassa peu à peu les ténèbres et l’étoile fut noyée dans l’océan de lumière que répandit l’astre du jour ; des milliers de fleurs courtisanes le saluèrent, se baignant avidement dans ses rayons d’or. Il les versait aussi sur la petite fleur ; le grand astre daignait l’envelopper, elle aussi, dans ses baisers de flammes . . . mais pleine de souvenir de l’étoile du soir, et de son scintillement argentin, la fleur reçut froidement les démonstrations du fier soleil. Elle avait encore devant les yeux la lueur douce et affectueuse de l’étoile ; elle sentait encore dans son cœur la goute de rosée bienfaisante et, se détournant des rayons aveuglants du soleil, elle serra ses pétales et se coucha dans le feuillage tout épais du buisson paternel. Depuis lors, le jour devint la nuit pour la pauvre fleur, et la nuit le jour; dès que le soleil apparait, et embrasse de ses flots d’or le ciel et la terre,— la fleur est invisible ; mais une fois le soleil couché, et que, perçant un coin de l’horizon obscurci, la petite étoile apparait, la fleur la salue joyeusement, joue avec ses rayons argentins, respire à larges traits sa douce lueur.

Tel est aussi le cœur de beaucoup de femmes. Le premier mot bienveillant, la première caresse affectueuse, tombant sur son cœur endolori s’y enracinent profondément ; et se sentant toute émue à une parole amicale, elle reste indifférente aux démonstrations passionnées de l’univers entier. Que le premier soit comme tant d’autres, qu’il se perde dans des milliers d’astres semblables à lui ; le cœur de la femme saura le découvrir, de près comme de loin, elle suivra avec amour et intérêt son cours modeste et enverra des bénédictions sur son passage. Elle pourra saluer le fier soleil, admirer son éclat, mais fidèle et reconnaissante, son cœur appartiendra pour toujours à une seule étoile.

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Littérature :


La Belle-de-Nuit


Quand je m’endors et quand je rêve

La belle-de-nuit se relève.

Elle entre dans la maison

En escaladant le balcon,

Un rayon de lune la suit,

Belle-de-nuit, fleur de minuit.


Robert Desnos, "La Belle-de-Nuit" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

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