Anne
Le Rubis
Étymologie :
RUBIS, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 rubis forme plur. « pierre précieuse d'un rouge vif » (Benoît de Ste-Maure, Troie, 14773 ds T.-L.) ; 1228 rubi balois, balaiz rubiz « rubis d'un rouge léger » (J. Renart, Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, 4830, 3351) ; b) 1783-88 rubis du Bresil « topaze » (Buffon, Hist. nat. des minéraux, t. 3, p. 530) ; 1768 rubis de Bohême « variété de quartz rose » (Valm.) ; 2. 1539 « boutons, taches qui apparaissent sur le nez, surtout chez un buveur » (G. Corrozet, Blasons domestiques, Blas. de la cuisine ds Gdf. Compl.) ; 3. 1640 « boire tout et puis égoutter la dernière goutte sur l'ongle » (Oudin Ital.-Fr. : faire rubis sur l'ongle) ; 1685 payer rubis sur l'ongle « payer exactement et immédiatement » (Fur.) ; 4. 1704 « couleur rouge éclatante, objets de cette couleur » (Trév.) ; 5. 1791 « nom donné à des colibris de couleur vive » (Valm.) ; 6. 1801 « pierre dure servant de pivot à un rouage d'horlogerie » (Fourcroy, Système des connaissances chim., t. 2, p. 293). Empr. au lat. médiév. rubinus « rubis » (dér. de rubeus « rouge »), la forme du plur. rubis a fait disparaître rubi vers le xvie s. ; on trouvait également la forme robin (ca 1165, Benoît de Ste-Maure, op. cit., 13407 ds T.-L.) jusqu'au xiiie s. ; la forme fr. s'explique par l'infl. de la forme prov. robi où le -n était normalement tombé (v. FEW t. 10, p. 535a, 536a). Pour 3, cf. Rey-Chantr. Expr.
ESCARBOUCLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. Ca 1150 [ms. mil. xiiie s.] escharbocle (Nymes, éd. McMillan, 245). Altération d'apr. boucle*, de l'a. fr. escarbocle (ca 1100, Roland, éd. J. Bédier, 1531 : escarbuncle), dér. de l'a. fr. carbocle (ibid., 1326 : carbuncle ; devenu ultérieurement carbo(u)cle) empr. au lat. class. carbunculus « petit charbon ; escarboucle ».
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Symbolisme :
Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Chevalier et Gheerbrant, on peut lire que :
"Le rubis, selon Portal, était considéré dans l'Antiquité comme l'emblème du bonheur ; s'il changeait de couleur, c'était un sinistre présage, mai il reprenait sa teinte pourprée lorsque le malheur était passé ; il bannissait la tristesse et réprimait la luxure, il résistait au venin, prévenait de la peste et détournait les mauvaises pensées.
Pierre de sang, il fut utilisé homéopathiquement pour les préparations de médicaments anti-hémorragiques. Pour la même raison, la tradition populaire voulait en Russie qu'il soit bon pour le cœur, le cerveau, la mémoire, la vigueur et qu'il clarifie le sang. Il est par extension devenu la pierre des amoureux qui enivre sans contact (N.A. Teffi, Souvenir, Paris, 1932). Pourtant, s'il faut en croire le bon évêque Marbode, c'est l’œil unique et rougeoyant que portent au milieu du front dragons et vouivres. On l'appelle alors l'escarboucle. Elle surpasse toutes les pierres les plus ardentes, jette des rayons tels qu'un charbon allumé, dont les ténèbres ne peuvent venir à bout d'éteindre la lumière."
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D'après Le Livre des superstitions, Mythes, légendes et croyances (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995 et 2019) proposé par Éloïse Mazzoni,
"Le rubis, qui était l'emblème du bonheur dans l'Antiquité, passait pour la plus précieuse des pierres que Dieu avait créées. Abraham aurait acquis un rubis dans les circonstances suivantes : « Quand notre Seigneur Brahim [Abraham] eut construit cette maison de Dieu-Bite Allah, laquelle est la kaaba, le Temple de La Mecque, l'ange Gabriel lui apporta un énorme rubis que les péchés des Hommes ont noirci. Ce n'est point une pierre vulgaire, car elle a des yeux, une langue, des oreilles; Elle voit, elle entend, et "au jour de la Balance" [le Jugement dernier], elle témoignera en faveur de ceux qui l'ont baisée, contre ceux qui l'auront méprisée ». Une tradition fait du rubis la pierre talismanique de l'ange gardien Malchadiel.
En Inde, où la gemme est désignée par le terme sanscrit ratnanavala ou « Seigneur des pierres précieuses », une légende veut que d'énormes rubis éclairent les demeures des dieux. En Orient, le rubis est qualifié de « goutte de sang issue du cœur de Mère Nature ».
La gemme soit sa couleur rouge (associée au feu) de représenter la hardiesse et la vaillance : porter un rubis rend courageux. La pierre est également l'emblème de la prospérité et de la joie. C'est pour cela, dit-on, que Joséphine choisit de porter, au couronnement de Napoléon, un anneau d'or serti d'un rubis.
Symbole de charité, d'amour pur et de loyauté, le rubis unit les époux, éloigne la tristesse, les mauvaises pensées et même les idées suicidaires, apaise les passions, garanti de la luxure, renforce l'intuition et amène le contentement, la sagesse ou la paix. Considéré comme la pierre des amoureux, le rubis aide en outre à surmonter les chagrins d'amour et provoque la réconciliation de ceux qui se sont battus. Celui qui porte un rubis suscite le respect chez autrui, voire la vénération.
Si le rubis, censé accroître l'estime de soi, favoriser les prises de décision et développer l'art de négocier, convient aux personnes volontaires, audacieuses et ouvertes aux autres, cette pierre de feu ne devrait jamais être portée par les individus violents et cruels : le rubis « exalte[rait] leurs penchants à la colère, à a luxure, à l'avidité, à l'ambition forcenée, aux actions sanglantes ». Il faut savoir aussi qu'en avoir un sur soi le jeudi porte malheur.
A suivre
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Selon Valérie Gontero, autrice de « Un syncrétisme pagano-chrétien : la glose du Pectoral d’Aaron dans le Lapidaire chrétien », (in : Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2006) :
Le lapidaire mixte est consacré aux douze gemmes les plus célèbres de La Bible : celles du Pectoral d’Aaron, reprises en partie par la Jérusalem Céleste. L’Exode décrit deux fois le gigantesque pendentif qui orne la poitrine du Grand Prêtre, élaboré selon les directives divines : « Ils le garnirent de quatre rangs de pierres précieuses : première rangée : une sardoine, une topaze, une émeraude ; deuxième rangée : un rubis, un saphir, un jaspe ; troisième rangée : une pierre d’ambre, une agate et une améthyste ; quatrième rangée : une chrysolite, un onyx et un béryl ; elles étaient serties d'or dans leurs montures (1). »
À la fin de la Bible, L’Apocalypse de saint Jean dépeint la Jérusalem céleste, dont les piliers sont taillés dans les mêmes gemmes, à quelques exceptions près : « Les soubassements du mur de la ville sont ornés de toutes sortes de pierres précieuses ; le premier est de jaspe ; le deuxième de saphir ; le troisième de calcédoine ; le quatrième d'émeraude ; le cinquième de sardonyx ; le sixième de sardoine ; le septième de chrysolithe ; le huitième de béryl, le neuvième de topaze ; le dixième de chrysoprase ; le onzième d’hyacinthe ; le douzième d'améthyste (XXI, 19-20). »
[...] Dans le lapidaire, l’exégèse s’effectue à plusieurs niveaux, de la partie au tout, du microcosme au macrocosme. Ainsi une senefiance est dévolue à chaque gemme, à chaque rangée (parfois même au rang de la gemme sur la rangée) et enfin à l’ensemble des douze pierres du Pectoral. Le texte considère les qualités physiques et la disposition des gemmes pour établir des correspondances avec les qualités morales et les expériences spirituelles des chrétiens, comme l’illustre le tableau suivant, récapitulant les données de la seconde partie du lapidaire.
Gemme | Rang sur le Pectoral d'Aaron et dans la Jérusalem céleste | Symbolique des nombres | Couleur | Symbolique religieuse et mystique |
1ère rangée | La prudence | | | |
Rubis | 4e/absent 1er de la deuxième rangée | Dieu est toujours parmi les siens, et ne demeure pas en un lieu précis Illumine les autres pierres | Rouge | Jésus Christ qui éclaire son peuple et chasse les ténèbres ; Dieu qui illumine le monde |
[...] Le raisonnement analogique, qui sous-tend l’ensemble du texte, s’appuie systématiquement sur le nombre et sur la couleur, mais reprend aussi des propriétés décrites dans la partie païenne du lapidaire. L’analogie principale, aux ramifications variées, s’enrichit parfois d’analogies secondaires, qui étoffent et complexifient la glose.
L’analogie par le nombre, véritable mode de pensée au Moyen Âge, est la plus marquante dans le lapidaire. Les clercs accréditent l’exégèse biblique des nombres en se fondant notamment sur le verset suivant : « Mais vous réglez toutes choses avec mesure, avec nombre et avec poids » (Sagesse, XI, 21).
Dans son versant numérique, la glose s’attache au rang de la gemme, sur le pectoral d’Aaron (rang parmi les douze gemmes, rangée, place sur la rangée) et dans la Jérusalem céleste (rang parmi les piliers de gemmes). Pourquoi douze gemmes ? Le douze représente le syncrétisme du nombre matériel 4 et du nombre spirituel 3, et fait écho au 7, qui incarne la perfection. Les gemmes matérialisent les douze tribus d’Israël – comme il est dit dans L’Exode et rappelé dans le lapidaire (v. 601-608) – mais aussi les douze apôtres (v. 662-667).
Rang | Pectoral d'Aaron | Apôtre | Tribu d'Israël |
4 | Rubis | André | Ruben |
[...] Le va-et-vient entre les textes de L’Exode et de L’Apocalypse de saint Jean est parfois entravé : en effet, les gemmes qui ornent le pectoral ne sont pas exactement les mêmes que celles de la Jérusalem céleste [...].
Du point de vue numérique, la symétrie entre les textes bibliques comporte donc des failles, que le clerc parvient à résoudre très habilement, en remplissant les vides de sa démonstration. Le premier hiatus apparaît avec le rubis, absent de la Jérusalem céleste. Selon le clerc, l’absence du rubis métaphorise l’omniprésence de Dieu, Lui qui est partout sans s’arrêter nulle part :
Seint Jehans en sa glose dit
que li biaus rubi pas ne vit
ou haut fondement precïeus
car li verai Deus gracïeus
est entre ses amis tojors,
nus ne set nus de ses sejorz
en .I. eure en cor (autre) ou meleu ;
einsi n’a point de propre lieu
fors la ou li plest demorer,
par tot doit l’en Dieu aorer. (v. 921-930)
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Maïa Toll, auteure de Les Cristaux du chaman, 36 cartes divinatoires, A la découverte du pouvoir des pierres et des cristaux (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs du Rubis :
Mot-clef : Vous, en beaucoup plus
Échelle de Mohs : 8
Le rubis est comme l'amour : il peut vous combler ou vous videz Comme l'amour, le rubis sert d'amplificateur, il grossit vos traits positifs et négatifs. Il vous donne du courage et de l'assurance... si ces graines sont déjà semées en vous. Si le manque de confiance et la haine de soi ont déjà pris racine, il les intensifiera. Le rubis stimulera votre énergie si vous êtes en forme, mais vous mettra à plat si vous vous sentez fatigué. Il ne fait pas de distinction et ne juge pas, il accentue simplement ce qui est déjà là. comme l'orpheline du Magicien d'Oz l'a découvert en chaussant les souliers rouge rubis, c'est un apprentissage en accéléré. Passez une bague en rubis à votre doigt et vous deviendrez vous en XXL. Mais êtes-vous prêt ?
Rituel : Amplifie l'intention
Le rubis est la pierre du magicien qui sait que tout est énergie. Changer l'amplitude de l'énergie change le monde. Mais comment ? Grâce à l'intention et à l'attention.
Ce sur quoi vous vous concentrez compte ; cela ne façonne pas seulement votre vision du monde, mais le monde lui-même. Imaginez que caque personne émette l'intention de nourrir les affamés. L'attention étant amplifiée, idées et actions arriveraient vite En peu de temps, la faim serait un problème du passé.
Le matin, émettez une intention pour la journée (plus modeste que celle de lutter contre la faim dans le monde).
Fortifiez cette intention par une action comme l'écrire dans votre journal.
A chaque repas, prenez un moment pour vous reconcentrez sur votre intention.
Le soir, notez les résultats !
Réflexion : Vérification
Le rubis ressemble à la veuve noire, pas seulement à cause des marques rouges que l'araignée et le cristal partagent, mais à cause de sa morsure imprévisible. La tradition taoïste conseille de se méfier quand on travaille avec le rubis, car il amplifie le positif comme le négatif et peur aspirer l'âme de ceux qui s'en servent inconsidérément en fin de compte, le rubis nous demande de regarder où nous avons besoin d'un peu d'attention ou d'autodiscipline.
Quel est votre niveau d'énergie ?
Vous sentez-vous en forme ou à plat ?
Êtes-vous dévoré par des émotions rentrées, comme la colère ou la jalousie ?
Que se passerait-il si vous deveniez davantage vous ?
« Le rubis est la veuve noire du monde des cristaux »
(Sarah Thomas, Upper Clarifiy School of Stone Medicine)
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Joëlle Ricordel, dans un article intitulé "Des vertus et couleurs de quelques minéraux dans les écrits des médecins de langue arabe (IXe-XIIIe siècle). (In : Pallas. Revue d'études antiques, 2021, no 117, pp. 219-233) explique l'importance du rubis dans la pharmacologie arabe :
Le rubis (ياقوت) est la seule pierre précieuse de cette liste. Son nom, yāqūt, pose problème s’il est employé sans précisions car il désigne également d’autres corindons colorés ainsi qu’Ibn Biklāriš l’écrit se référant à Aristote : « La base des corindons est de trois sortes : la rouge, la jaune et celle qui tire sur un bleu très foncé. Chaque sorte présente de nombreuses nuances des plus intenses aux plus atténuées. Les corindons colorés sont chauds et secs au 1er degré mais le rubis est plus proche de la chaleur, le corindon bleu noir est plus proche du froid et la topaze est entre les deux. »
Le qualificatif rouge (aḥmar) est donc nécessaire pour parler du rubis le plus prisé et le plus recherché des corindons. Tous les médecins s’accordent à lui reconnaître une vertu en rapport avec le sang soit « qu’il empêche les effusions de sang » (Masīḥ), soit qu’il « pénètre avec le sang aux régions du cœur » (Ibn al-Bayṭār), et qu’il suffise « de le porter (sur soi) pour combattre la congélation selon Al-Rāzī, dans son Livre des Propriétés ». Le rubis est décrit comme possédant des vertus cordiales et hémostatiques.
[...]
L’échantillon de pierres de couleur rouge prononcé que nous avons choisi dans cette étude, pierres précieuses ou fines, inorganique ou organique, met en lumière une relation analogique basée sur la couleur entre le sang et les gemmes. Ces dernières semblent bien posséder une qualité particulière, ḫawaṣṣ, leur permettant d’être efficaces contre toute maladie en relation avec le flux sanguin (hémorragies, épanchements sanguins) et en rapport avec le muscle contrôlant le sang, le cœur, sur lequel ils agissent en le fortifiant au propre comme au figuré. On note aussi, que par effet d’opposition à la couleur blanche, certaines sont utiles dans les cas de leucorrhées.
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Littérature :
Dans William Shakespeare, II, 1 (1864), Victor Hugo élabore ce qu'on peut appeler "la théorie de l'escarboucle", à laquelle il fait déjà allusion dans "Les Mages" (Les Contemplations, Livre VI, 1856) et qui peut être appréhendée comme une glose du mot contemplation :
"Un des caractères qui distinguent les génies des esprits ordinaires, c'est que les génies ont la réflexion double, de même que l'escarboucle, au dire de Jérôme Cardan, diffère du cristal et du verre en ce qu'elle a la double réfraction.
Génie et escarboucle, double réflexion, double réfraction, même phénomène dans l'ordre moral et dans l'ordre physique ?
Ce diamant des diamants, l'escarboucle existe-t-elle ? C'est une question. L'alchimie dit oui, la chimie cherche. Quant au génie, il est. Il suffit de lire le premier vers venu d'Eschyle ou du Juvénal pour trouver cette escarboucle du cerveau humain.
Ce phénomène de la réflexion double élève à la plus haute puissance chez les génies ce que les rhétoriques appellent l'antithèse, c'est-à-dire la faculté souveraine de voir les deux côtés des choses."
L'Escarboucle bleue de Sir Arthur Conan Doyle : une aventure de Sherlock Holmes.
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