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Le Pin



Étymologie :


  • PIN, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 114) ; ca 1200 pume de pin (Beuve de Hanstone, I, 674 ds T.-L.) ; 2. 1680 pin maritime (Rich.) ; 3. 1845 pin sylvestre (Besch.). Du lat. pinus, de même sens que le fr.


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Pinus sylvestris ; Pin de Riga ; Pin du Nord ; Pin sylvestre ;




Botanique :


Selon Stefano Mancuso et Alessandra Viola , auteurs de L'Intelligence des plantes (édition originale 2013 ; Traduction française Albin Michel, 2018),


"De manière générale, les arbres n'ont rien de timide et n’hésitent pas à entrelacer en parfaite liberté leurs propres frondaisons avec celles des autres. Toutefois, ceux qui appartiennent à des familles comme les Fagaceae, les Pinaceae ou les Mirtaceae pour ne citer que quelques-unes des plus communes, se montrent plutôt réservés et n'apprécient pas du tout ces frôlements inconvenants. Si vous pénétrez dans une pinède et que vous levez les yeux, vous remarquerez ainsi qu'en dépit de leur proximité, les pins font le nécessaire pour que leurs cimes ne se touchent jamais : ils laissent toujours un petit intervalle libre entre leurs aiguilles et celles de leurs voisins, de manière à éviter un contact dont on peut imaginer qu'il leur serait désagréable. Bien que l'on ignore toujours les raisons et les modalités précises de ce phénomène, il implique à l'évidence une forme ou une autre de communication permettant aux frondaisons de signaler leur présence et de parvenir à un accord sur une répartition de l'air et de la lumière susceptible d'éviter les conflits."

 

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Vertus médicinales :


Dans "Ethnobotanique abénakise". (In : Archives du Folklore, 1947, vol. 11, pp. 145-182), Jacques Rousseau rapporte l'usage suivant :


PINUS STROBUS. (Pin blanc), kobah'dié. La décoction d'écorce de pi n blanc (partie blanche seulement) et <¥ épinette rouge (Larix laricina) s'emploie contre la toux. Paquette se sert également des noms français pin blanc et épinette rouge.

La partie blanche de l'écorce interne est en réalité le liber. Les Tête-de-Boule de Manouan utilisent également contre le rhume le liber de pin blanc en emplâtre. La matière médicale admet la gomme de pin blanc pour la fabrication de potions contre la toux. Le nom abénaki du pin est à l'origine de plusieurs noms géographiques, notamment Cohasset, Cohoes, Coaticook. (Voir Laurent et Masta).

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


L'eau de boisson dans certaines montagnes est aromatisée avec les cônes du pin sylvestre, arola blanste ; on lui conserve sa fraîcheur en la mettant dans les seaux de mélèze, Larix europoea, placés sur des torches en paille de seigle. L'eau est d'autant plus fraîche que la torche est plus grosse et plus humide.




Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


PIGNONS. C'est le nom que l'on donne aux amandes de la pomme de pin . Dans les Alpes, où cet arbre croit sur les escarpements et au bord des précipices, les habitants prétendent que ce sont les maures qui ont maudit cet arbre, parce que les domestiques, au lieu de travailler, s'amusaient constamment, autrefois, à abattre des pommes de pin afin de manger leurs pignons.




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du pin :


PIN - HARDIESSE.

Cet arbre dédaigne les paisibles vergers ; il aime à baigner sa tête dans la rosée des nuages et à voir son feuillage sans cesse battu par les vents, et lorsqu'on l'a dépouillé de ses branches, il vogue sur les vagues agitées de l'Océan , pour y braver encore les tempêtes.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Pin - Hardiesse.

A cause de sa hauteur prodigieuse, le pin semble aimer à perdre sa tête dans les nuages et à braver les orages.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


PIN - HARDIESSE.

Ne disputez point avec un homme colère, et n'allez pas avec l'audacieux dans le désert, car le sang n'est rien devant lui, et lorsque vous serez sans appui, il vous brisera.

Ecclésiastes : VIII, 18-20.

Les pins aiment les terres arides et montagneuses où ils avoisinent les cieux. Quoi de plus romantique et de plus solitaire qu'une forêt de pins ? A la voix du Tout-Puissant, les végétaux parurent avec les organes propres à recueillir les bénédictions du ciel. Les pins recueillirent les vapeurs qui flottent dans l'air avec leurs folioles disposées en pinceaux. Depuis le cèdre du Liban jusqu'à la violette qui borde les bocages, il n'y eut aucune plante qui ne tendit sa large coupe, ou sa petite tasse, suivant ses besoins ou son poste. —On emploie les copeaux de tous les pins à faire des flambeaux, en choisissant ceux qui contiennent le plus de résine. Les anciens donnaient le nom de tœuda, flambeau, à toute espèce de pin qui pouvait servir à éclairer. Tout le inonde connaît l'usage de la chandelle de résine.

DES PINS.

On distingue plusieurs espèces de pins dont les principales sont le Pin Sylvestre, le Pin maritime et le Pin pinier.

Le pin sylvestre est un arbre qui s'élève à la hauteur de 25 à 30 mètres lorsqu'il se trouve dans un sol et sous un climat favorables. Son tronc est nu, droit et rameux à son sommet. Il forme dans une grande partie de la France, de vastes forêts, surtout dans les hautes montagnes. Il croit également en Suisse, en Allemagne, en Suède, en Norwege et jusque dans la Laponie. Dans le nord de l'Europe, cet arbre est très précieux ; on en construit des maisons, on en fait des meubles, des traineaux, des torches pour s'éclairer pendant la nuit. On retire de la poix du tronc et des racines en déchirant l'écorce et les lames du liber servent pour des tapis. — Linné dit que cet arbre abonde en Laponie, qu'il parvient à une hauteur prodigieuse, qu'il vit quatre cents ans et que son bois est d'une très grande force. Dans le Nord, les enfants mangent au printemps cette écorce qu'ils détachent de l'arbre avec le couteau. Les Lapons font avec cette écorce une sorte de pain dont ils se nourrissent. Pour cela ils choisissent les pins très élevés et dégarnis de branches, parce que ceux qui sont petits et rameux contiennent trop de résine. Ils enlèvent, dans le temps de la sève, l'écorce du tronc, dont ils ne conservent que les lames intérieures ; ils les mettent sécher à l'ombre, les coupent en morceaux, les broient sous la meule et les réduisent en une sorte de farine qu'ils délayent dans l'eau. Avec cette farine ainsi délayée, ils font des galettes fort minces qui, séchées au four, peuvent se conserver pendant un an.

Le pin nouveau ou de Bordeaux s'élève à 30 mètres de hauteur sur un tronc droit, revêtu d'une écorce lisse, grisâtre, un peu rouge sur les jeunes pousses. Il est précieux pour porter la fertilité dans les terrains stériles et sablonneux des rivages de la mer ; il s'oppose à l'impétuosité des vents et fixe la mobilité du sable. Son bois est excellent pour un grand nombre d'usages. Il fournit comme d'autres, de la résine, du brai, du goudron, de la térébenthine, du noir de fumée, etc. Il croit dans les terrains sablonneux des provinces méridionales ; il abonde aux deux extrémités de la chaîne des Pyrénées et dans les landes de Bordeaux où on l'appelle Pignada.

Le pin pinier est un arbre touffu et d'un beau feuillage qui croit en Italie, en Espagne, et dans nos départements méridionaux. Son tronc droit, élevé, se divise à sa partie supérieure en beaucoup de branches étalées formant une belle tête : les cônes sont gros, arrondis, ou pyramidaux et rougeâtres, renfermant des amandes huileuses, d'une saveur douce comme des noisettes. Les amandes qu'on appelle pignons sont blanches, douces, et très nourrissantes. On les mange dans les pays méridionaux crues ou rôties. On les confit au sucre et on les mêle avec d'autres confitures. On en fait des dragées, des pralines, des crèmes, des émulsions pectorales et adoucissantes. Les meilleurs pignons nous viennent de la Provence, du Languedoc et de la Catalogne. On en retire par expression une huile très agréable au goût et aussi douce que celle qu'on obtient des amandes.


RÉFLEXION.

L'ignorance donne de la faiblesse et de la crainte ; les connaissances donnent de la hardiesse et de la confiance : rien n'étonne une âme qui connait toutes choses avec distinction. (Mme DE LA SABLIÈRE.)

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Pin - Hardiesse.

Cet arbre aime à dominer ses compagnons, il brave les tempêtes et se plaît sur les cimes des montagnes. On tire une excellente résine du pin et son bois est très recherché pour les constructions navales.

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Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, auteurs du Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982),


"Le pin est très généralement, en Extrême-Orient, un symbole d'immortalité, ce qu'expliquent à la fois la persistance u feuillage et l'incorruptibilité de la résine.

Les Immortels taoïstes se nourrissent des graines, des aiguilles et de la résine. Cette nourriture les dispense de toute autre, elle rend le corps léger et capable de voler. La résine de pin, si elle s'écoule le long du tronc et pénètre dans le sol, produit, au bout de mille ans, une sorte de champignon merveilleux, le fou-ling, qui procure lui-même l'immortalité. Les fleurs des pins du Ciel de la Pureté de Jade donnent l'éclat de l'or à qui les mange (Maspéro).

C'est un symbolisme de même nature qui fait choisir, au Japon, le pin et le binoki (cyprès) pour la construction des temples de Shintô et la confection des instruments rituels. Même idée encore : dans les sociétés secrètes chinoises, le pin (associé au cyprès) est figuré à la porte de la Cité des Saules, ou du Cercle du ciel et de la terre, séjours d'immortalité. Près des autels de la Terre, rapporte Confucius, les Hia plantaient des pins et les Yin des cyprès (Entretiens, 3).

Le pin apparaît, dans l'art, comme un symbole de puissance vitale ; dans la vie courante japonaise, comme un signe de bon augure ; dans la littérature, par la suite d'un calembour, il évoque l'attente. Deux pins rappellent la légende de Takasago et symbolisent l'amour, la fidélité conjugale.

Dans l'iconographie occidentale, la pomme de pin est parfois figurée entre deux coqs qui se la disputent, ce qu'on ne peut manquer de rapprocher des deux dragons se disputant la perle : c'est le symbole de la vérité manifestée.

En Chine, le pin se trouve souvent associé aux autres symboles de longévité ; il forme une triade avec le champignon et la grue, ou bien avec le bambou et le prunier. Les Chinois, pour qui le bonheur suprême est de vivre longtemps, se figurent peut-être qu'en associant ces symboles leur pouvoir en sera d'autant plus renforcé. Pour eux, argent, honneurs, amour, enfants, ne se conçoivent comme vraiment agréables que s'ils sont assurés d'avoir le temps pour en profiter.

Au Japon, le pin (matsu) est encore le symbole d'une force inébranlable forgée tout au long d'une vie de difficiles combats quotidiens ; symbole aussi des hommes qui ont su conserver intactes leurs pensées, malgré les critiques qui les entouraient, parce que le pin lui-même sort vainqueur des assauts du vent et de la tempête. Durant la semaine des fêtes du Nouvel An, les Japonais placent de chaque côté de l'entrée de leur maison deux pins, sensiblement de la même grandeur. C'est une tradition shintoïste qui veut que les divinités (Kami) vivent dans les branches des arbres. Le pin étant un arbre à feuillage permanent a été préféré à tous les autres. Ils sont ainsi placés à l'entrée de la maison pour y attirer les kami et leurs bienfaits. Ils sont souvent entourés d'un shimenawa. Il y a une poésie japonaise très connue là-bas, drôle et ironique, sur ces pins jumeaux :


Joie et tristesse à la fois !


La pomme de pin est souvent tenue à la main par Dionysos, comme un sceptre : elle exprime, comme le lierre, la permanence de la vie végétative ; elle y ajoute cette nuance : une sorte de supériorité du dieu sur la nature considérée dans ses forces élémentaires et enivrantes. Elle représente l'exaltation de la puissance vitale et la glorification de la fécondité. Les Orphiques vouaient à Dionysos un culte à mystères, selon lequel le dieu mourait dévoré par les Titans, puis ressuscitait : symbole de l'éternel retour de la végétation, et en général de la vie. A Delphes, aussi, il apparaissait durant trois mois, régnant sur le sanctuaire, et disparaissait le reste de l'année. Les historiens y vient un mythe de religion agraire. Le pin était aussi consacré à Cybèle, déesse de la fécondité. Il serait la métamorphose d'une nymphe, que le dieu Pan aurait aimée. La pomme de pin symbolise cette immortalité de la vie végétative et animale.


Le culte de Cybèle à Rome, ce grand drame mystique (Franz Cumont), qui n'est pas sans rappeler les cérémonies du culte isiaque, mettait en effet le pin à l'honneur : un pin était abattu et transporté dans le temple du Palatin par une confrérie qui devait à cette fonction son nom de dendrophores (porte-arbres). Ce pion, enveloppé, comme un cadavre, de bandelettes de laine et enguirlandé de violettes, figurait Attis mort (l'époux de la déesse) : celui-ci n'était primitivement que l'esprit des plantes et un très ancien rite des campagnards phrygiens se perpétuait, à coté du palais des Césars, dans les honneurs rendus à cet arbre de mars. Le lendemain était un jour de tristesse où les fidèles jeûnaient et se lamentaient auprès du corps du dieu... Veillée mystérieuse... résurrection attendue... On passait alors brusquement des cris de désespoir à une jubilation délirante... Avec le renouveau de la nature, Attis s'éveillait de son long sommeil de mort et, en des réjouissances déréglées, des mascarades pétulantes, des banquets plantureux, on donnait libre cours à la joie provoquée par un retour à la vie. Le pin symbolisait le corps du dieu mort et ressuscité, image lui-même dans les cultes de Cybèle de l'alternance des saisons."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Air

Divinités : Pan ; les Satyres.

Pouvoirs : Fécondité ; Guérison ; Bonheur ; Chance.


On lit dans le Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle de 1836 : « Les forêts situées dans le département des Basses-Pyrénées, et sur divers autres points de la chaîne de ces montagnes, renferment des Pins d'une grosseur vraiment extraordinaire. Ces arbres, dont les uns sont cannelés comme des piliers gothiques, les autres décomposés à l'intérieur, servent de cabanes aux pâtres et autres ouvriers qui s'y abritent contre la pluie et les tempêtes. Tous ne sont rien cependant auprès des tiges privilégiées que l'on admira durant plusieurs siècles aux îles Canaries et qui, vues de loin, avaient l'apparence de navires flottants. Il en existait encore un en 1684, à Tiéror, ayant 10 m de diamètre à la base, dont la végétation première était de beaucoup antérieure à l'année 1483 ; aujourd'hui, le Pin del Paso, que l'on vénère à l'île de Palma, est le seul de la même époque qui conserve toujours une vigueur vraiment surprenante. »

Les forêts du mont Ida (montagne de Crète qui joue un rôle dans de nombreuses légendes de la mythologie grecque) abritèrent la nymphe Œnone qui alla s'y cacher pour échapper aux poursuites de Pan ; mais le dieu cornu aux pieds de bouc s'enfonça à son tour dans les sous-bois profonds, et ses amis les Pins lui indiquèrent la caverne où se terrait la nymphe aux abois...


Utilisation rituelle : Le centre du culte de Pan était en Arcadie où le petit dieu pastoral et lubrique avait plusieurs sanctuaires, les principaux étant ceux du mont Parthénion et de Mégalopolis. Des guirlandes d'aiguilles et de pommes de Pin décoraient ces temples. Les jours de fête, on faisait avancer en procession des tortues dont la carapace était recouverte de rameaux de Pin.

Plus tard, on lui consacra une grotte au nord de l'Acropole, dite grotte de Pan ; l'intérieur était orné de Pin et de chêne, et tout autour circulaient des tortues.

Dans les dionysiaques, Pan et ses amis les Satyres étaient souvent couronnés ou ceinturés de Pin.


Utilisation magique : Les pommes de Pin ont partout la réputation de favoriser la fertilité, la fécondation. Les plus actives, assure-t-on, sont celles que l'on cueille à la Saint-Jean, quand les graines nichées sous les écailles commencent à mûrir. Les femmes mangent ces semences pour être enceintes ; les hommes pour accroître leur potentiel viril.

Une très vieille tradition polonaise veut que les pignons d'une certaine variété de Pin (non précisée), mangés avant la bataille, rendent les guerriers invulnérables...

Le Pin représentait pour les Assyriens l'emblème de la vie. Le même mythe se retrouve au Japon où cet arbre est symbolique. Etant toujours vert, il est l'image de la ténacité et de la vieillesse saine et vigoureuse. On recourait à ses aiguilles pour chasser les mauvais esprits. Quand ils recevaient des invités, les Japonais accrochaient au-dessus de leur porte d'entrée une branche chargée de cônes et d'aiguilles bien vertes ; ce rameau de Pin symbolisait la vie qui circule grâce aux relations humaines et à l'amitié.

En Sardaigne, les aiguilles, accompagnées de leurs bourgeons résineux, sont brûlées sur des réchauds en fer non étamé pour renverser les sorts, pour retourner l'envoûtement à son envoyeur.

Dans beaucoup d'îles grecques, c'est une infusion de bourgeons que l'on répand pour exorciser un local.

La sciure de Pin aurait des vertus guérisseuses ; on en répand dans la chambre d'un malade, ou bien on la brûle avec diverses gommes-résines aromatiques.

La sève est purificatrice ; on en extrait une essence que l'on ajoute à l'eau du bain, ou que l'on dilue à très petite dose dans une huile de massage (l'huile d'olive vierge convient parfaitement).

Des rameaux bien chargés en aiguilles, mis dans la maison, sont toujours bénéfiques. En Autriche, on en faisait des croix qui étaient placées devant la cheminée. En Suisse, lorsque le bétail redescendait des alpages pour passer l'hiver dans la vallée, la première fois que les bêtes reprenaient contact avec leur étable, on les y faisait rentrer en marchant sur un lit d'aiguilles de Pin.

En Vendée, les empreintes digitales de la Vierge sont imprimées sur les graines plates, larges, que l'on trouve dans certaines variétés de pommes de Pin.

L'ambre jaune est, croit-on généralement, la résine fossilisée d'une espèce antédiluvienne de Pins - ce qui n'empêche nullement cette substance d'être un précipité des larmes qu'ont versées ces "arbres quand ils ont vu monter Jusqu'à leurs branches les eaux du déluge, incapables qu'ils étaient, ces malheureux, d'aller demander une place à bord de l'arche de Noé.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Croyant que son bien-aimé Atys, divinité de la Fertilité,

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :

"Voici ce que Pline l'Ancien écriait à propos du pin, au Ier siècle après Jésus-Christ : "... le plus admirable est le pin pignon : il porte un fruit mûrissant, un qui arrivera à maturité l'année suivant et un autre la troisième. Aucun arbre n'est plus avide de se prodiguer : le mois même où l'on cueille une pigne, une autre mûrit ; la répartition est telle qu'il ne se passe pas un mois sans qu'il en mûrisse." (Pline l'Ancien, Histoire naturelle). En lisant ces lignes, on comprend comment, dans l'esprit des grecs, la pomme de pin devint un symbole de fécondité, de reproduction, d'éternel retour de la vie, de renaissance perpétuelle.

En Grèce, le pin était consacré à Attis, un héros dont la légende mythique est assez complexe. Selon elle, il aurait été aimé par son propre père, qui était un être hermaphrodite et le rendit fou. Sous son influence, il s'émascula et en mourut. Toutefois, des pins poussèrent au-dessus de sa tombe, et les pommes de ces arbres, se reproduisant sans cesse, symbolisèrent alors sa vie éternelle. Enfin, signalons qu'en Chine le pin est aussi considéré comme un facteur de vie éternelle. Ainsi, les moines taoïstes mâchent-ils des graines, des aiguilles et de la résine de pin en disant des prières, dans l'espoir de devenir immortels..."

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Éditions Québec-Livres, 2013), présente ainsi Le Pin (Pinus) : "Il s'agit, bien entendu, du conifère que tout le monde connaît.


Propriétés médicinales : Les propriétés médicinales du pin sont bien connues des Amérindiens de l'Amérique du Nord. On utilise son écorce interne en décoction pour soulager la congestion pulmonaire et comme expectorant. On s'en sert aussi dans les sirops contre la toux due au rhume et à la grippe. Les nouvelles aiguilles du pin ainsi que sa résine étaient utilisées comme infusion pour soulager les symptômes du rhume et de la grippe. On se servait également de la résine en cataplasme pour les plaies et les blessures.


Genre : Masculin.


Déités : Cybèle ; Vénus ; Dionysos ; Ashtart.


Propriétés magiques : Guérison ; Protection ; Purification.


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITION

  • La majorité des rituels de fertilité incluent de la résine ou des aiguilles de pin.

  • Au Japon, une branche de pin attachée à l'entrée de la maison garantissait l'harmonie et la paix.

  • Des aiguilles de pin saupoudrée sur le sol, avant de balayer, assurent que l'on balaie également les vibrations négatives.

RITUEL POUR ATTIRER LES BONS ESPRITS :

Ce dont vous avez besoin :

  • une chandelle jaune

  • de l'encens de cèdre ou de pin

  • une petite branche de pin avec les aiguilles

Rituel : Allumez votre chandelle et votre encens. Prenez votre branche de pin et levez-la vers le ciel., puis passez-la au-dessus de la flamme et de la fumée d'encens en disant :


J'invoque les esprits bénéfiques

Afin qu'ils gardent ma demeure

Et que tous en profitent.


Attachez votre branche de pin au-dessus de la porte de derrière ou au-dessus de la fenêtre de la cuisine."

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013), Michel Pastoureau nous apprend que :


"Tout verger est construit comme un espace symbolique, et [que] chaque plante qui s'y trouve possède sa signification propre. Celle des fleurs varie beaucoup selon les époques et les régions et prend en compte plusieurs particularités : la couleur, le parfum, le nombre de pétales, l'aspect des feuilles, les dimensions des unes et des autres, l'époque de la floraison, etc. Quelques idées peuvent néanmoins être dégagées pour le Moyen Âge central : Le lis est symbole de pureté et de chasteté, [...] De même, les arbres sont toujours signifiants. [...] Le pin [est l'arbre] de la hardiesse et de la droiture...."

 

Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle du pin :


Nom botanique : Pinus spp.

Propriétés énergétiques : Accroît la force émotionnelle et la confiance en soi ; élimine la négativité ; améliore la pratique de la méditation ; apporte la protection.

Archanges correspondants : Michaël et Raziel.


Propriétés curatives : Le pin est un arbre majestueux. Même si les pommes de pin ne sont techniquement pas des fleurs (elles contiennent les graines du pin), elles constituent de formidables talismans de protection. Déposez-les devant votre porte d'entrée, à l'extérieur, pour barrer la route aux énergies négatives. Par conséquent, els gens qui pénétreront chez vous accepteront le contrat spirituel de s'exprimer avec amour et de vous traiter avec respect. Si vous vous installez près d'un pin dans vos moments de vulnérabilité, il vous redonnera des forces et de l'assurance.

Le pin bonsaï constitue un outil de méditation fantastique. Il possède toutes les qualités du pin et il peut en outre approfondir votre vie spirituelle. En sa présence, vous sentirez votre force grandir en vous/


Message du pin : « Je vous aide à prendre votre place et à garder la tête haute. Je maintiens votre équilibre émotionnel. N'adhérez jamais à la négativité des autres. Votre mantra deviendra : "Les mots en m'atteignent plus". Si des gens ressentent le besoin de vous agresser verbalement, sachez que leur comportement révèle un manque de confiance plus qu'une animosité à votre égard. Ne vous questionnez pas davantage sur l'opinion que les autres ont de vous et soyez pleinement satisfait de ce que vous êtes. Vous êtes merveilleux et bienveillant.

Vous remarquerez rapidement une diminution des situations désagréables, car je vous protège des mauvaises vibrations et des paroles qui dégagent des énergies négatives. Tout ce que vous dites et entendez passe par un filtre d'amour, ce qui est bénéfique pour vous et pour ceux qui vous entourent. »

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Sylvie Verbois, auteure de Les arbres guérisseurs : Leurs symboles, leurs propriétés et leurs bienfaits (Éditions Eyrolles, 2018) transcrit le message que lui inspirent les arbres :

Mot-clé : Être en harmonie.

Élément : Terre ; Eau ; Feu ; Air.

Émotion : Peur ; Mélancolie ; Colère ; Tristesse.


J'apporte harmonie et paix, je remotive votre esprit chagrin et renforce la joie de vivre. Je vous libère de ce qui vous pèse et dont vous ne parvenez pas à vous détacher. Je viens redonner du souffle en déposant paix et douceur sur votre cœur, clarté et courage, force et rectitude. J'ouvre vos yeux sur la pression permanente dans laquelle vous vivez. Cessez de ne regarder que les défauts, les travers, les manques. Vous n'avez pas à vous sentir coupable d'avoir commis fautes et erreurs, ce ne sont que des impressions fugaces. Reprenez courage et retrouvez le chemin de l'espérance. Respirez ce sentiment délicieux de liberté !

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Liz Marvin, autrice de Grand Sage comme un Arbre (Michael O’Mara Books Ltd, 2019 ; First Éditions, 2021 pour la traduction française) transmet les messages qu’elle a pu capter en se reconnectant aux arbres :

Apprends de ton passé : le Pin noir

Comme les gens, les arbres s’épanouissent quand ils tirent des enseignements de leurs expériences passées. Pour un arbre, les grands vents représentent une grande difficulté, et plus encore s’il pousse sur la pente exposée comme le Pin noir. Et si vous êtes l’arbre en lisière de la forêt, le vent vous atteint de plein fouet. Les Pins qui poussent en bordure de forêt d’adaptent à cette attaque constante des vents hivernaux en modifiant leur croissance, et en développant un tronc plus solide et plus fuselé.


Tiens bon : le Pin sylvestre

Si on prend le temps d’apprendre à se connaître, on peut être aussi stoïque et sûr de soi que le Pin sylvestre (on a le droit de ne pas vouloir pour autant être exposé au vent des Highlands toute la journée). Cet arbre existe depuis au moins 10 000 ans, donc on peut estimer qu’il a eu le temps de réfléchir. Mais on ne peut qu’être inspiré par ce grand et puissant résineux qui a survécu à tout ce que les dix derniers millénaires lui ont fait subir.

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Ogham :


Voir la fiche dédiée à l'Ogham Peine.

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


PIN. — Arbre funéraire et phallique. Dans la forme de son fruit, on croyait reconnaître le membre viril. Nous avons déjà dit plusieurs fois que les arbres funéraires sont symboliques de l’immortalité, de la génération et de la vie éternelle. Le pin, comme le cyprès et le sapin, à cause de la solidité de leur bois et de leur feuillage toujours vert, figurait la perpétuité de la vie ; ce symbole semblait donc convenir aux cérémonies funéraires, chez les peuples qui croyaient à l’immortalité de l’âme. Pline (XVI, 10) dit : « Picea feralis arbor et funebri indicio ad postes posita. » En Russie, lorsqu’on porte le cercueil au cimetière, on le couvre de branches de pin ou de sapin ; Artémidore prétend que le pin vu en songe annonce la destruction.

Le pin était aussi appelé l’arbre de Cybèle. On raconte que Cybèle, après la mort d’Atys, se réfugia sous un pin, dans lequel elle croyait que son bien-aimé s’était transformé :


Et succincta comas, hirsutaque veruce pinus

Grata Deum matri, siquidem Cybeleius Atys

Exuit huc hominem, truncoque induruit illo.


Martial appelle les fruits du pin (nuces pineae) « fruits de Cybèle » :


Poma sumus Cybelae, procul hinc discede, viator,

Ne cadat in miserum nostra ruma caput.


On avait demandé à Zeus la résurrection d’Atys changé en pin ; Zeus consentit seulement à ce que le pin fût toujours vert. La pomme de pin se voit souvent dans les mains d’Asclépios. Une inscription votive trouvée dans le temple de ce dieu nous apprend qu’un certain Julien, qui souffrait d’une maladie des poumons, en mangeant trois jours de suite, avec du miel, des pignons déposés sur l’autel d’Esculape, fut sauvé et en remercia le dieu devant tout le monde. Meiners, dans ses Briefe über die Schweiz (Francfort, 1785), parle des amandes de la Pinus Cembra L., dont l’huile était de son temps spécialement recommandée contre les maladies du poumon.

Pour prolonger la vie atteinte par la phthisie, on employait le fruit du pin, symbole non pas seulement d’une longue vie, mais d’une vie perpétuelle. Il n’est, d’ailleurs, nullement impossible que le jus des noix de Pinus Cembra L. puisse être de quelque soulagement dans les pulmonies.

La pomme de pin représentait sans doute le membre mutilé d’Atys, que Cybèle ou Rhéa recouvrit de sa robe. Plutarque, dans son livre sur Isis, nous apprend que dans les mystères de cette déesse, à Biblos, dans le temple de Baltis, la mère des dieux, on couvrait le pieu sacré (öáëëüò, phallus) avec le linge d’Isis. Ce fruit était consacré à Poséidon et à Bacchus, mais spécialement à ce dernier : « C’est surtout, écrit M. Lenormant dans le Dictionnaire des antiquités grecques et latines, la pomme de pin, óôñüâéëïò, ê§íïò, qui tient une place importante parmi les attributs de Dionysos, et qui souvent termine son thyrse (ainsi que la pomme). Gerhard la croit empruntée au culte phrygien ; Émile Braun y voit un symbole de fécondité et de reproduction, un fruit de l’hiver (1) ; peut-être son attribution à Bacchus est-elle venue simplement, comme l’ont pensé Chateaubriand et Welcker, de l’usage conservé par les Grecs modernes de faire infuser des pommes de pin dans les cuvées pour conserver le vin par le moyen de la résine. Dans les interprétations d’un mysticisme alambiqué, chères aux Orphiques, la pomme de pin fut envisagée comme « une image du cœur de Zagreus, déchiré par les Titans. » Dans les monuments assyriens, on trouve la pomme de pin offerte au dieu gardien de la vie. Une chanson populaire de la Roumanie citée par le sénateur Massarani dans son Étude sur les peuples de la Roumanie, nous apprend que deux amoureux morts d’amour et ensevelis dans le même cimetière furent changés l’un en pin, l’autre en vigne, et qu’ils continuent ainsi à s’embrasser. En dépit de la légende de saint Martin, écrite par Sulpicius, qui représente le pin comme un arbre diabolique (2), le christianisme même l’a consacré. La ville d’Augsbourg, qui a pour enseigne une pomme de pin, est sous le patronage de sainte Afra ; en Sicile, on croit reconnaître dans l’intérieur du fruit la forme d’une main, et précisément la main de Jésus bénissant le pin qui l’avait sauvé pendant sa fuite en Égypte (cf. Genévrier et Palmier). M. Pitré nous a communiqué cette légende : « Il pino si tiene in molta stima perchè fornisce l’incenso per le funzioni religiose e richiama a Gesù Bambino. Raccogli una pina, sgusciane il frutto e tagliane verticalmente il gheriglio. Se tu vi guardi bene dentro, vedrai qualche cosa che somiglia a una mano ; è quella del Bambino in atto di benedire. E’ da sapere che, nella Fuga in Egitto, la Sacra Famiglia non avendo ove adagiarsi, incontrato per via un Lupino (un lupin), vi si accostò. A quei tempi il Lupino, come il Tameriggio (tamarix), era un bell’ albero e il frutto squisito assai. Il Lupino egoista si rifiutò ad accogliere sotto di sè i poveri fuggitivi, e strinse e raccolse i suoi larghi rami, sicchè essi rimasero allo scoperto e dovettero proseguire tra la stanchezza e il panico il doloroso viaggio ; ma visto, indi a non molto, un pino, e sotto di esso ricoveratisi, il pino allargò i suoi bei rami ed amorosamente nascose nel suo frutto il Bambino. Da quel giorno in poi, ebbe il favore della mano del Bambinello e prosperò sempre, e il Lupino maledetto fu condannato a non sollevarsi una spanna sulla terra e il suo frutto ad essore amaro quale oggi si trova. »

Le pin a encore fait d’autres miracles. A Ahorn, près de Cobourg, un vent effrayant envoyé par une sorcière avait fait plier le clocher de l’église ; tout le monde, dans les villages d’alentour, s’en moquait ; un pâtre, pour délivrer son village d’une pareille honte, attacha une grande corde à un pin que l’on montrait encore du temps de Nork (Mythologie der Volkssagen und Volksmärchen), et, à force d’invocations et imprécations magiques, parvint à redresser le clocher. Nork ajoute que, l’année 1300, à Krain, près d’un couvent de femmes, une statue de la madone cachée dans le tronc d’un pin, se fit entendre à un prêtre ; c’est pourquoi, dans le voisinage, fut bâtie une église en l’honneur de la Vierge. Dans un chant populaire serbe, un enfant demande à voir ce qu’il y a sous l’écorce du pin ; il voit alors dans le pin une jeune fille assise qui brille comme le soleil. Dans une tradition des sauvages de l’Amérique du Nord, citée par Mannhardt, Lettische Sonnenmythen, le soleil remplace le pin. « Bei den Dogribindianern, écrit-il, im fernsten Nordwesten Amerika’s, pflanzte Chapewee, als er nach der grossen Fluth die Erde formte, ein Stück Holz auf, das zu einem Fichtenbaum wurde, der mit erstaunlicher Schnelligkeit wuchs, bis sein Gipfel den Himmel berührte. Ein Eichhörnchen lief diesen Baum hinauf und wurde von Chapewee verfolgt, bis er die Sterne erreichte, wo er eine schöne Ebene fand. Hier fing sich die Sonne in der Schlinge, die er für das Eichhörnchen legte. » Nous revenons donc ici à l’arbre lumineux, à l’arbre heureux, à l’arbre de bon augure, qui est devenu un arbre nuptial et anthropogonique ou symbolique de tout un peuple.

Le roi Crésus (Hérodote, III) menace les habitants de Lampsaque, de détruire leur ville comme on tranche un pin lequel, une fois coupé, ne repousse plus ; l’image était d’autant plus à propos, que la ville de Lampsaque autrefois, dit-on, s’appelait Pityousa, « endroit planté de pins ». Dans un dessin pompéien, on trouve, avec une couronne de pin, un Amour champêtre ; nous trouvons aussi les Faunes couronnés de pin dans Ovide (3). Virgile appelle le pin pronuba, parce que les flambeaux des noces étaient en bois de pin. Dans l’hymne de Callimaque à Diane, et dans Longus, les vierges portent une couronne de pin ; la pomme de pin non ouverte symbolisait la vierge. En Podolie, en Petite Russie, les gâteaux de noce sont ornés de petites branches de pin ; au Japon, le pin semble être devenu un symbole de constance et de fidélité conjugales ; M. Savio, dans son livre Il Giappone (Milan, 1875), nous décrit ainsi certains usages nuptiaux : « Les époux boivent, chacun à son tour, trois fois, trois petites tasses de saké, devant un arbrisseau de pin, l’image d’une grue, une tortue, et un groupe qui représente un vieux et une vieille devenus célèbres à travers les siècles, à cause du bonheur conjugal dont ils avaient joui pendant leur vie, nommés Takasago-no-gigi-babà. Le pin signifie la perpétuité du genre humain et la constance dans l’amour conjugal, puisqu’il se conserve toujours vert, même sous la neige ; la grue représente le bonheur ; la tortue est le symbole d’une longue vie, puisque l’on croit que cet animal peut atteindre l’âge de dix mille ans. Une fois terminée la cérémonie qui lie ensemble les deux époux, un chœur de jeunes filles, s’accompagnant avec le sciamisen, chante ce qui suit : « Les eaux des quatre océans sont tranquilles, et le pays est si calme que le vent n’ose pas même agiter les feuilles de ses arbres. Que les ainoi (espèce de pins qui poussent deux à deux, dans la province de Harima) puissent devenir l’emblème de votre union ; alors nous vous verrons toujours unis dans ce royaume pacifique et bienheureux. »


Note : 1) Dans les chants populaires de la Kabylie la pomme du pin semble un symbole phallique. « Salut, ô pomme de pin, dit une femme infidèle, le mari que j’ai ne me plaît pas ; Dieu fasse qu’il me soulage aujourd’hui ! »

2) Item dum in vico quodam templum antiquissimum diruisset et arborem pineam, quae fano erat proxima, esset aggressus excidere, tum vero antistes loci illius ceteraque gentilium turba coepit obsistere. Et cum iidem illi, dum templum evertitur, imperante domino, acquievissent, succidi arborem non patiebantur. Ille quidem eos sedule commonere, nihil esse religionis in stipite, Dominum potius cui serviret ipse sequerentur, arborem illam excidi oportere, quia esset daemoni dedicata. » — Dans certains endroits de l’Allemagne, on transporte au pin certaines maladies dont on veut se délivrer.

3) Cornigerumque caput pinu praecinctus acuta,

Faunus in immensis qua tumet Ida jugis.

[...]

TRINITE. — Bauhin connaissait une Herba Sanctae Trinitatis ; l’arbre d’Adam aussi et l’arbre de la croix, à laquelle ont contribué, dit-on, trois arbres, le cèdre, le cyprès et le palmier (ou l’olivier, ou le pin), fut reconnu comme l’emblème de la Trinité. Caldéron le décrit ainsi :


El cedro, que es arbol fuerte,

Es como el padre divino,

Que engendra perpetuamente ;

La palma que dice amor,

Pues sin el amor no crece

Ni da fruto, semejante

Es al Espiritu ardiente,

Que enciende en amor los pechos ;

El cipres, que dice muerte,

Como el Fijo es, pues el solo

De las tres personas muere.

*

*

Dans Arbres filles et garçons fleurs, Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs (Éditions du Seuil, février 2017) de Françoise Frontisi-Ducroux, on peut lire que :


"autre victime du dieu Pan la nymphe Pytis, tentant d'échapper au viol, fut engloutie par la Terre, qui, compatissante, fit surgir à sa place un pin - pitys. L'arbre soupire lorsque souffle Borée, autre amoureux de la nymphe et rival de Pan, qui aime à se couronner d'aiguilles de pin.

[...] Ovide ne fait dans les Métamorphoses qu'une brève allusion au héros qui "sortit de l'état humain pour se durcir en un tronc et devenir le pin à la tête dressée, à la chevelure compacte, cher à Cybèle, la mère des dieux". Il figure ainsi dans la liste des arbres qui se déplacent au son de la lyre d'Orphée. Mais le poète est plus prolixe dans les Fastes, lorsqu'il décrit le culte de Cybèle, divinité phrygienne, bien acclimatée en Grèce du Nord et à Rome. Laissons de côté l'histoire complexe de ce culte renommé, pour ne retenir ici que ce qui concerne notre propos, la métamorphose et son contexte. Contexte érotique ici encore. Attis est un très bel adolescent qui, dans les forêts, éveille l'intérêt de Cybèle, la puissante déesse "couronnée de tours". Attis est un doublet d'Adonis, si ce n'est que l'amour de Cybèle est chaste : elle se réserve le garçon à titre de serviteur de son temple. Elle lui fait jurer fidélité et chasteté. Attis promet, mais viole son serment en perdant sa virginité avec une nymphe des bois, naïade en même temps. Cybèle entre en rage, abat la nymphe et son arbre, et frappe de folie Attis, qui part errer dans les montagne et finalement s'émascule : "Ah ! que périssent les parties qui m'ont perdu", s'écrie-t-il "en tranchant le fardeau de ses aines". Cette pulsion castratrice semble héréditaire. Car sa mère, une nymphe du nom de Nana, avait conçu Attis, son merveilleux enfant, en mangeant les fruits d'un grenadier, lui-même issu des résidus de l'émasculation involontaire d'un androgyne monstrueux, nommé Agdistis... que Zeus en personne avait engendré pendant son sommeil en fécondant la Terre dont il était épris. Désir incestueux si l'on considère que cette dernière, dite Magna Mater, qui est aussi Cybèle, est la mère de tous les dieux. Mais passons sur cette histoire compliquée qui comporte encore d'autres variantes . Attis devient non point un grenadier comme son végétal aïeul, mais un pin, tandis que son sexe coupé, soigneusement enveloppé et enterré par la déesse, donne naissance à la violette. C'est le rhéteur latin Arnobe, converti au christianisme, qui le dit. Ses intentions sont malveillantes, car il veut mettre en lumière les folies indécentes des religions "païennes", mais cet érudit n'invente pas. Il se contente de rapporter. toujours est-il que Cybèle suspend des bouquets de violettes aux branches du pin. La dichotomie du destin d'Attis exprime la nature ambivalente du héros dès lors qu'il s'est castré... ou même avant, peut-être (on a entraperçu son arbre généalogique). Le poète Catulle parle de lui tantôt au masculin, tantôt au féminin : "Je suis femme, je fus jeune homme, éphèbe, enfant la fleur du gymnase, un athlète triomphant." (Ovide, Métamorphoses, X, 103 ; Fastes, IV, 221 s. ; Arnobe, Adversus Nationes, V, 5 ; Catulle, Pensées, 64 ; cf aussi Pausanias, Description de la Grèce, VII, 17, 9 s.).

Attis est aimé de Cybèle parce qu'il est encore un enfant, puer en latin, pais en grec, un tout jeune adolescent, en devenir certes, mais encore indéterminé. La déesse lui demande de rester à ce stade. Mais il devient homme en rencontrant la nymphe, et son châtiment le fait basculer dans l'état féminin. "Aucun duvet ne vient brunir ses joues de rose et sa voix est aiguë." (Nonnos, Dionysiaques, XXV, 311 s.). Car le manque de virilité est considéré comme féminité. Et la femme est pensée comme un homme manqué. C'est là une représentation très répandue. C'est, par exemple, celle d'Aristote, mais tous les médecins antiques ne la partagent pas. Devenu "femme", Attis est voué à devenir un arbre. Le nom du pin est de genre féminin. Mais la virilité dont il s'est séparé fait éclore une fleur (on se souvient qu'Aphrodite est née semblablement du sexe tranché d'Ouranos). Il rejoint ainsi la cohorte des garçons aimés d'une divinité et morts prématurément. La violette cependant ne porte pas, contrairement au narcisse, au crocus et à l'hyacinthe, un nom masculin. Elle est grammaticalement féminine en latin, viola, et neutre en grec, ion. Neutre, c'est-à-dire ne-utrum, ni l'un ni l'autre. Cette neutralité dit, bien mieux qu'une féminité factice, le statut d'Attis, partagé entre l'arbre et la fleur.

A l'instar d'Attis, les prêtres de Cybèle, depuis Hiéropolis, en Phénicie, jusqu'à Rome, se castrent lors de rituels spectaculaires et violents. Plus tard l'opéra de Lulli fera chanter le héros, devenu Atys, en une version très édulcorée due au poète Quinault. (Note : Cet "opéra du roi" fut ressenti comme faisant allusion au Roi-Soleil, partagé entre la reine et Madame de Maintenon. Il va de soi que la castration a été évacuée de la tragédie.)."

*

*




Littérature :

"Je plante en ta faveur...


Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle,

Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours :

J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,

Qui croîtront à l'envi de l'écorce nouvelle.

Faunes, qui habitez ma terre paternelle,

Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours, Favorisez la plante et lui donnez secours,

Que l'été ne la brûle et l'hiver ne la gèle.


Pasteur qui conduiras en ce lieu ton troupeau,

Flageolant une églogue en ton tuyau d'aveine,

Attache tous les ans à cet arbre un tableau


Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine

Puis, l'arrosant du lait et du sang d'un agneau,

Dis : « Ce pin est sacré, c'est la plante d'Hélène. »


Pierre de Ronsard, « Je plante en ta faveur... » in Sonnets pour Hélène, 1578.

 

Le Pin des Landes

On ne voit en passant par les Landes désertes, Vrai Sahara français, poudré de sable blanc, Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc, Car, pour lui dérober ses larmes de résine, L’homme, avare bourreau de la création, Qui ne vit qu’aux dépens de ceux qu’il assassine, Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon ! Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte, Le pin verse son baume et sa sève qui bout, Et se tient toujours droit sur le bord de la route, Comme un soldat blessé qui veut mourir debout. Le poëte est ainsi dans les Landes du monde ; Lorsqu’il est sans blessure, il garde son trésor. Il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde Pour épancher ses vers, divines larmes d’or !

(1840).


Théophile Gautier, "Le Pin des Landes" in Espana, 1845.

*

*

Dans Regain (Editions Bernard Grasset, 1930) de Jean Giono, le lecteur amoureux de nature est à la fête à l'instar du personnage principal Panturle :


"Panturle s'est arrêté au débouché du ruisseau, juste au-dessus du saut du Gaudissart et il a pris l'affût sous un pin. [...]

Le pin est penché sur l'eau. Il est tout maltraité de vent et d'eau ; la peau de dessous le tronc toute moisie. Panturle embrasse le tronc gluant et il monte en faisant les ciseaux avec ses genoux, en lançant ses grandes mains qui se referment sur le rond des branches en tirant des bras, glissant des reins, de la résine plein les doigts. Dans le vide de sa tête, seul le vent sonne, et son désir.

Il s'est installé, tout cassé comme une bête sur la longue branche au-dessus du vide. Il voit bien de là. La branche craque. Il voit bien ; sa guette le rend tout tremblant. Ses longs muscles jouent tout seuls de la claquette au milieu de la chair comme les longues cordes qui tiennent les seaux au fond des puits.

Rien.

La branche a craqué. il est là, de tout son poids avec les feuilles.

Et soudain, la branche a eu un long gémissement et s'est penchée ; il a donné un coup de rein dans son instinct d'animal et jeté les mains vers l'autre branche, là-haut ; mais, celle-là, c'est comme si elle s'envolait et il tombe."

*

*

Le carnet du bois de pins

9 août 1940.


Cela relègue très haut et très doux les effets du vent, les oiseaux et les papillons eux-mêmes. Et le concert vibrant de myriades d’insectes.


D’aspect sénile, chenu comme la barbe des vieillards nègres.


On est très bien là-dessous, tandis qu’aux faîtes il se passe quelque chose de très doucement balancé et musical, de très doucement vibrant.


Il faut qu’à travers ces développements (au fur et à mesure caducs, qu’importe) la hampe du pin persiste et s’aperçoive.

Tels mâts du pied jusques à mi-hauteur Tout frisés, lichéneux comme un vieillard créole, Sans nulle gêne entre eux de lianes ou de cordes, {(Sans planche lisse au sol) { Sans planches lavées au sol mais des tapis épais, (coiffures) Et portant au ciel des {chapeaux coniques et verts Que traverse le vent, qui tamisent la lumière… Non des voiles tendues, mais quelques fruits serrés Comme des ananas…

9 août 1940. — Le soir.

Non ! Décidément, il faut que je revienne au plaisir du bois de pins. De quoi est-il fait, ce plaisir ? — Principalement de ceci : le bois de pins est une pièce de la nature, faite d’arbres tous d’une espèce nettement définie ; pièce bien délimitée, généralement assez déserte, où l’on trouve abri comme le soleil, contre le vent, contre la visibilité ; mais abri non absolu, non pas isolement. Non ! C’est un abri relatif. Un abri non cachottier, un abri non mesquin, un abri noble. C’est un endroit aussi (ceci est particulier au bois de pins) où l’on évolue à l’aise, sans taillis, sans branchages à hauteur d’homme, où l’on peut s’étendre à sec, et sans mollesse, mais assez confortablement. Chaque bois de pins est comme un sanatorium naturel, aussi un salon de musique… une chambre, une vaste cathédrale de méditation (une cathédrale sans chaire, par bonheur) ouverte à tous les vents, mais par tant de portes que c’est comme si elles étaient fermées. Car ils y hésitent.


Ô respectables colonnes, mâts séniles ! Colonnes âgées, temples de la caducité.

Rien de riant, mais quel confort salubre, quelle température des éléments, quel salon de musique sobrement parfumé, sobrement adorné, bien fait pour la promenade sérieuse et la méditation.

Tout y est fait, sans excès, pour laisser l’homme à lui seul. La végétation, l’animation y sont reléguées dans les hauteurs. Rien pour distraire le regard. Tout pour l’endormir, par cette multiplication de colonnes semblables. Point d’anecdotes. Tout y décourage la curiosité. Mais tout cela presque sans le vouloir, et au milieu de la nature, sans séparation tranchée, sans volonté d’isolation, sans grands gestes, sans heurts. Par-ci, par-là, un rocher solitaire aggrave encore le caractère de cette solitude, force au sérieux.

Ô sanatorium naturel, cathédrale heureusement sans chaire, salon de musique où elle est si {discrète {douce et reléguée dans les hauteurs (à la fois si sauvage et si délicate), salon de musique ou de méditation — lieu fait pour laisser l’homme seul au milieu de la nature, à ses pensées, à poursuivre une pensée… … Pour te rendre ta politesse, pour imiter ta délicatesse, ton tact, (instinctivement je suis ainsi) — je ne développerai à ton intérieur aucune pensée qui te soit étrangère, c’est sur toi que je méditerai : « Temple de la caducité, etc. »

« Je crois que je commence à me rendre compte du plaisir propre aux bois de pins. »

[...]

Du soleil dans un bois de pins

Dans une brosserie haut touffue de poils verts

Aux manches de bois pourpre entourés de miroirs

Qu’un corps radieux pénètre issu de la baignoire

Ou marine ou lacustre au bas-côté fumante

Il n’en reste tissu de mouches sans sommeil

Sur l’épaisseur au sol élastique et vermeille

Des épingles à cheveux odoriférantes

Secouées là par tant de cimes négligentes

Qu’un peignoir de pénombre entachée de soleil.

*

Les mouches plaintives

ou le soleil dans les bois de pins

Par cette brosserie haut touffue de poils verts

Aux manches de bois pourpre entourés de miroirs

Qu’un corps radieux pénètre issu de la baignoire

Ou marine ou lacustre au bas-côté fumante

Rien n’en reste au rapport de mouches sans sommeil

Sur l’épaisseur au sol élastique et vermeille

Des épingles à cheveux odoriférantes

Secouées là par tant de cimes négligentes

Qu’un peignoir de pénombre entachée de soleil.

La Suchère, août 1940.

Francis Ponge, Le Carnet du Bois de pins, Œuvres complètes, I,

Éditions Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1999, pp. 379-380-381-382.

*

*

Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la géométrie du Pin d'Alep :

5 février

(La Bastide)


Il existe une folie dont j'ai oublié le nom, et qui consiste à tout compter. Elle procure bien des satisfactions. [...] Considérons les étages de ce pin d'Alep : vingt branches principales de vingt branches secondaires de vingt branches tertiaires de vingt rameaux de vingt faisceaux de vingt (dix fois deux) aiguilles. Au total : soixante-quatre millions de pointes chlorophylliennes.

Vrai ou faux ?

Sachant que les aiguilles du pin d'Alep vont par deux, mais quelquefois aussi par trois, est-il possible qu'un de ces conifères possède un nombre premier de feuilles ?

Il existe une folie dont j'ai oublié le nom, et qui consiste à tout compter. Elle procure bien des satisfactions.

*

*

Dans Le Sang versé (Édition originale 2004 ; traduction française Albin Michel, 2014), Asa Larsson évoque les fantasmes que peut produire la forme des branches de pin :

Je me lève pour regarder dehors. Il est une heure et quart. On se croirait en plein jour. Les ombres des vieux pins sylvestres qui délimitent le bout du jardin s'étirent jusqu'au mur de la maison. Je m'imagine que ce sont des bras, des mains qui sortent du tombeau pour m'emporter. La lettre est toujours là, posée sur la table de la cuisine.

 

Martin Cruz Smith, auteur de Chiens et loups (Éditions Titanic Productions, 2004 ; traduction française Robert Laffont, 2006) raconte comment la faune et la flore vivent à nouveau dans la zone sinistrée de Tchernobyl :


- Je ne conseillerai à personne de mettre le pied dans ces bois.

De gauche à droite, un véritable mur de pins au feuillage rouillé s'étendait aussi loin que portait le regard d'Arkady. Comme les arbres étaient morts, il n'y avait pas de pommes dans les branches et, par conséquent, pas d'écureuils. Sauf quand un oiseau s'envolait, les pins restaient aussi immobiles que des poteaux. "Hélas ! pauvre Yorick ! Je l'ai bien connu." Arkady imaginait un crâne fiché sur chaque poteau. Une silhouette fantomatique fit une pirouette devant les arbres, s'agitant comme un mouchoir, et disparut.

- Une hirondelle blanche, expliqua Alex. Vous n'en verrez pas beaucoup dans les environs de Tchernobyl.

- Des braconniers viennent ici ?

- Non, ils ne sont pas fous.

- Et nous ?

- Si. On ne peut pas résister. Vous devriez voir ça en hiver : ce sol couvert de neige, comme un ventre creusé de mystérieuses cicatrices, ces arbres rouge sang. Ici, on l'appelle la forêt rouge ou la forêt magique. Un vrai conte de fées, n'est-ce pas ? Il n'y a pas à s'inquiéter, puisque les autorités prétendent que "les mesures appropriées seront prises. Nous contrôlons la situation."

Ils longèrent la lisière de la forêt rouge jusqu'à une parcelle de jeunes plants de pins. Alex sauta de la camionnette et coupa un bout de branche.

- Voyez cette extrémité rabougrie et déformée. Ça ne donnera jamais un arbre, juste des broussailles. Mais c'est un pas dans la bonne direction. L'administration est satisfaite de nos nouveaux pins. Dans deux cent cinquante ans, tout cela sera décontaminé. Sauf pour le plutonium : ça prendra vingt-cinq mille ans.

- Ça donne de l'espoir.

- Je crois.

Arkady se prit à mieux respirer quand les pins rouges cédèrent la place à des frênes et à des bouleaux.

*

*

Asa Larsson dans son roman policier intitulé Le Sang versé (Édition originale, 2004 ; Éditions Albin Michel, 2014 pour la traduction française) évoque elle aussi l'énergie particulière des pins :


Elle s'approcha de la porte du bungalow mais changea d'avis et entra dans la forêt. Les pins immobiles tendaient leurs cimes vers les étoiles qui s'allumaient une à une. Leurs longs manteaux bleu-vert flottaient doucement au-dessus de la mousse.

Rebecka s'allongea par terre. Les pins murmuraient, apaisants. Les derniers moustiques de la saison fredonnaient en chœur en se jetant sur les parties exposées de son anatomie. C'était tout ce qu'elle avait à offrir.

 

Sylvain Tesson entreprend grâce à Vincent Munier une véritable quête initiatique qu'il relate dans un récit de voyage qu'il a intitulé La Panthère des neiges, (Éditions Gallimard, 2019). Ce faisant, il évoque d'autres souvenirs :


J'avais aimé quelqu'un moi aussi. L'amour avait fait son office : tout le reste avait disparu. C’était une fille tiède et blanche qui vivait dans la forêt des Landes. Nous faisions des promenades dans les allées, le soir. Les pins plantés cent cinquante ans auparavant avaient colonisé les marais, prospéré derrière les dunes et diffusaient un parfum âcre et chaud : une sueur du monde. Les pistes étaient des rubans caoutchouteux sur lesquels on avançait souplement. « Il faut vivre à pas de Sioux », disait-elle. Nous surprenions des bêtes, un oiseau, un chevreuil. Un serpent s'enfuyait. Les hommes de l'Antiquité – muscles de marbre et yeux blancs – voyaient dans ces surgissements d'animaux l'apparition d'un dieu.

*

*




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