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La Pipe indienne

Dernière mise à jour : 20 sept.




Autres noms : Monotropa uniflora - Fleur fantôme - Flûte indienne - Monotrope uniflore - Pipe fantôme - Plante cadavre - Plante de glace - Plante fantôme - Racine des convulsions -




Botanique :


Merlin Sheldrake, auteur d'un ouvrage étonnant intitulé Le Monde caché, comment les champignons façonnent notre monde et influencent notre vie (Random House, 2020 ; Éditions First, 2021 pour la traduction française) présente ainsi cette fleur surprenante :


Dans le Nord-Ouest des États-Unis, entre l'océan Pacifique et les montagnes Rocheuses, s'étend une vaste région. Dans cette partie du monde, les forêts sont très majoritairement vertes, raison pour laquelle je suis toujours interloqué par ces massifs de plantes d'un blanc intense qui poussent sur le tapis d'aiguilles de sapin. Ces plantes fantômes n'ont pas de feuilles. Elles ressemblent à des pipes en terre plantées sur leur embout. Au lieu d'avoir des feuilles, elles présentent de petites écailles, qui s'enroulent autour de leur tige. Elles poussent dans des zones fortement ombragées de la forêt, là où aucune autre plante ne peut se développer, en touffes serrées, à la manière de certains champignons : de fait, si elles ne présentaient pas si clairement l'apparence de fleurs, on pourrait croire qu'il s'agit de champignons. Ces plantes qui font semblant de ne pas en être, on les appelle Monotropa uniflora.

Monotropa, ou « plante fantôme », a depuis longtemps perdu sa faculté de photosynthèse, abandonnant par la même occasion ses feuilles et la couleur verte. Mais comment, au juste ? La photosynthèse est l'une des habitudes les plus anciennes du végétal. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une caractéristique non négociable de la végétabilité. Et pourtant, Monotropa l'a abandonnée. Imaginez que vous découvriez une espèce de singe qui ne mange pas, mais qui abrite dans sa fourrure des bactéries photosynthétiques, qui lui fournissent son énergie à partir du soleil. Indéniablement, la rupture est radicale.

La solution est d'ordre fongique. Comme la majorité des plantes vertes, Monotropa dépend de ses partenaires fongiques mycorhiziens pour survivre. Cependant, leur dynamique symbiotique est sensiblement différente : les plantes vertes « normales » fournissent à leur partenaire fongique des composés organiques riches en énergie, que ce soit des glucides ou des lipides, en échange des nutriments minéraux issus du sol. Monotropa a trouvé le moyen d'éviter de passer par la case échange. Au lieu de cela, les fungi mycorhiziens lui fournissent le carbone et les nutriments, et elle semble ne rien donner en retour.

D'où provient le carbone de Monotropa, dans ce cas-là ? Les fungi mycorhiziens reçoivent tout leur carbone des plantes vertes. Cela signifie qu'au bout du compte, le carbone qui alimente Monotropa (car c'est en très grande majorité de cette matière qu'elle est composée) doit provenir d'autres plantes et être acheminé par un réseau mycorhizien partagé : si du carbone n'était pas transféré d'une plante verte à Monotropa par le biais de connexions fongiques communes, Monotropa ne pourrait pas survivre.

Cela fait longtemps que Monotropa déconcerte les biologistes. A la fin du XIXe siècle, ce fut un botaniste russe qui, se débattant avec la question de savoir comment ces plantes pouvaient même exister, fut le premier à suggérer que des substances pouvaient être échangées entre plantes via des connexions fongiques. Son hypothèse ne prit pas. Il ne s'agissait que de fugaces conjectures, cachées dans un obscur article, qui finirent par disparaître plus ou moins sans laisser de traces. L'énigme de Monotropa fut laissée à pourrir pendant soixante-quinze ans, avant qu'Erik Björkman, un botaniste suédois, décide de s'y intéresser. En 1960, il injecta des glucides radioactifs à des arbres et put démontrer que la radioactivité s'accumulait dans les Monotropa voisines. Ce fut la première démonstration que des substances pouvaient être échangées entre plantes par voie fongique. (1)

Monotropa fut l'appât qui attira les biologistes vers un sujet où ils découvrirent un phénomène biologique entièrement nouveau. Depuis les années 1980, nous savons pertinemment que Monotropa n'est pas une anomalie. La plupart des plantes font preuve d'une grande promiscuité et peuvent se lier à de nombreux partenaires mycorhiziens. Il en va de même pour les fungi mycorhiziens et leurs rapports avec les plantes. Des réseaux mycorhiziens distincts peuvent fusionner. Avec quel résultat ? La possibilité d'obtenir des systèmes étendus, complexes et collaboratifs de réseaux mycorhiziens partagés.


Note : 1) Le botaniste russe en question était F. Kamienski, qui publia ses hypothèses concernant Monotropa en 1882 (Trappe ; 2015). Pour l'étude utilisant des glucides radioactifs, voir Björkman ; 1960.

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Usages traditionnels :


Chat GPT propose les informations suivantes (mais non sourcées) :


Monotropa uniflora, communément appelée "héllébore blanc" ou "plante fantôme", a été utilisée traditionnellement par certaines cultures pour divers usages. Voici quelques-uns des usages traditionnels associés à cette plante :

  1. Médicinale : Dans certaines traditions de médecine autochtone en Amérique du Nord, les parties séchées de Monotropa uniflora étaient utilisées pour traiter des affections telles que les maux de tête, les douleurs musculaires, les douleurs articulaires et les problèmes gastro-intestinaux. Elle était également utilisée comme diurétique et expectorant.

  2. Cérémonies et rituels : En raison de son apparence inhabituelle et de son symbolisme mystérieux, Monotropa uniflora était parfois utilisée dans des cérémonies et des rituels. Elle était parfois incorporée dans des amulettes, des talismans ou des objets utilisés pour favoriser la protection, la guérison ou la connexion spirituelle.

  3. Teinture : Les tiges et les fleurs de Monotropa uniflora contiennent des pigments qui peuvent être utilisés pour teindre des matériaux tels que le tissu ou la laine. Les couleurs obtenues vont du beige au brun clair.

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante à propos de la pipe :


Certains prétendent que fumer la pipe dissipe le chagrin et amène, dans certaines circonstances, le succès. On appelle « pipe de la chance » celle que les peintres, les chasseurs, les pêcheurs, ou les joueurs allument traditionnellement pour se placer sous de bons auspices. Pour les Américains, faire des ronds de fumée attire l'argent, notamment si le fumeur parvient à conduire un nuage vers sa poche. Laisser tomber sa pipe annonce également une rentrée d'argent inespérée mais la casser présage une dispute nuisible à ses projets ou un malheur. En outre, si elle s(éteint trois fois, il faut redouter des pertes.

Un homme qui allume sa pipe à la flamme d'une bougie rend sa femme mégère et infidèle, et ses enfants borgnes ; celui qui le fait au feu d'une cheminée peut compter sur des ennuis : selon les Anglais, il fait entrer un maléfice dans la maison. Ces derniers conjurent le mauvais sort en retournant avec les pincettes le morceau de charbon placé traditionnellement dans l'âtre et en disant « que le Seigneur soit avec nous ».

Si la pipe appartenant à un défunt tombe, elle prédit la mort pour la personne qui se trouve à côté. Quand l'odeur de pipe persiste plus longtemps que d'habitude et semble plus dense et plus tenace, c'est un signe de vent ou de pluie.

Enterrer des vieilles pipes cassées dans les champs de pommes de terre éloigne les sangliers (Ardennes).

Chez les Kalmouks (Mongols de Sibérie), allumer sa pipe avec du papier enflammé entraîne la mort.

Les Indiens d'Amérique fument rituellement en formant un cercle ; la pipe doit toujours être passée dans le sens de la course solaire (ou des aiguilles d'une montre). On considère qu'il est maléfique de prendre la pipe d'un homme assis à sa gauche. La refuser est non seulement une injure mais entraîne également un désastre pour toute la communauté. Dans certaines tribus, on choisit l'homme qui doit accomplir une tâche spéciale ou dangereuse en réunissant un cercle de fumeurs : la pipe passe de main en main et celui qui la reçoit éteinte est désigné.

Selon une superstition des Wajiji d'Amérique centrale, les voyageurs doivent prendre avec eux des morceaux de pipes en guise de protection.

Voyant des Anglais fumer la pipe, les habitants des îles Sandwich croyaient que « les Blancs étaient des dieux qui avaient du feu dans la bouche. »

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Siolo Thompson nous offre un très bel Oracle des Simples - Savoir ancestral des Sorcières de campagne - (Llewellyn Publication 2018 ; Éditions Arcana Sacra, 2019) dans lequel une carte est consacrée au Monotrope uniflore :


Mot clef : Mystère


Monotropa uniflora, aussi connue en anglais sous les noms de plante fantôme, flûte indienne ou plante cadavre est un mystérieux petit organisme. J'ai vu cette plante délicate pour la première fois lors d'une randonnée sur le Mont Hood en Oregon.

Pointant hors du sol de la forêt ces tiges presque translucides et ces sommités en forme de clochettes ne ressemblaient ni à une plante, ni à un champignon, et j'ai été profondément intriguée. J'ai fait quelques recherches et j'ai découvert qu'à la différence de la plupart des plantes, la monotrope ne contient pas de chlorophylle. C'est un organisme parasitique qui ne tire pas son énergie du soleil, mais des champignons de certains arbres. Les hêtres semblent être ses préférés. Parce qu'elle ne dépend pas de la lumière du Soleil pour pousser, elle peut prospérer dans des environnements très sombres. En raison des conditions complexes qu'elle exige, cette plante est en fait très rare, au contraire de toutes les autres plantes de ce livre.

Elle est parfois complètement blanche, et a souvent des accents noirs ou roses vers l'extrémité de sa tige et sur ses fleurs. L'aspect blanc et cireux de cette plante lui vaut le nom de plante cadavre. Son nom de flûte indienne vient du fait que beaucoup de tribus amérindiennes se servaient de cette plante comme remède pour les problèmes oculaires et de traitement pour les spasmes et autres mouvements involontaires.

J'ai inclus la monotrope dans ce projet presque comme un œuf de Pâques ; vous n'en trouverez peut-être jamais, mais il se peut que, dans les circonstances adéquates, vous tombiez dessus et puissiez l'admirer.

Propriétés oraculaires : L'indication oraculaire, Mystère, fait référence à la nature très étrange de cet organisme et à sa capacité à pousser dans le noir. La monotrope me fait penser à la Papesse et à la Lune du tarot. Ce n'est pas une plante qu'on peut cultiver dans un jardin, car elle est étroitement associée aux arbres sous lesquels elle pousse, et aux champignons du sol de la forêt. Tout comme quand on voit la Papesse dans un tirage du tarot, cette plante fait référence aux relations souterraines et subconscientes, et aux mystères obscurs du monde invisible. Si vous essayez de gérer une relation difficile, ou de trouver un moyen de sortir d'une période ou d'une relation compliquée, essayez de plonger profondément en vous. Cherchez à voir au-delà des aspects superficiels du problème, à vous relier à votre part d'ombre. Quelquefois, il faut plonger dans les ténèbres pour trouver la lumière.

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Anne Frédérique propose un article intitulé "Le monotrope uniflore ou le pirate fantôme" (publié le 1/09/2022 sur le blogue du site Guêpe) dans lequel elle expose sa version criminalisée de la plante :


Cette plante bien de chez nous ne ressemble en rien aux autres herbacées forestières. Du haut de ses 20 cm de moyenne, le monotrope est blanc translucide, ce qui lui donne des airs de fantôme (la ghost plant), avec des flocons noirâtres sur les feuilles (elles-mêmes ne ressemblent pas à des feuilles, mais plutôt à des écailles). Certains individus prennent une teinte rosée lorsqu’ils sont encore jeunes. Un fantôme rose…! Chaque tige porte une unique fleur (uniflore… t’as catch), elle aussi blanche translucide. Elle a une forme de clochette, pendant vers le sol. Cette courbature ajoute un je-ne-sais-quoi à son look glauque. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, plus la fleur devient mature, plus elle se redresse sur la tige. Elle laisse ensuite place à un fruit bizarroïde rond. Cette capsule étrange sèche, se fend et libère les graines.  

 

Pourquoi blanche ? Le monotrope uniflore ne contient pas de chlorophylle. La chlorophylle, c’est ce qui donne la couleur verte aux plantes et c’est un des rouages dans la mécanique de la photosynthèse. Donc, sans chlorophylle, notre monotrope n’obtient pas d’énergie par la lumière du soleil. Nope. À la place, il a trouvé un moyen bien efficace : parasiter. Il est le third wheel le plus prolifique de l’histoire des parasites. Le monotrope s’ingère dans une relation déjà existante entre un champignon mycorhizien et son hôte, un conifère. Dans cette relation de mutualisme, les sucres sont produits par l’arbre et transmis au champignon, qui lui, donne des sels minéraux en retour. Classique mutualisme. C’est alors que notre parasite se faufile entre les deux pour voler les sucres produits par l’arbre. Avoue que c’est de la piraterie de haut niveau !  

 

Rareté du fantôme : Cette ingénierie criminelle est étonnante (et évite de dépenser plein d’énergie pour acquérir du carbone, comme les autres plantes). C’est pour cette même raison qu’on la rencontre rarement puisqu’elle fait face à plusieurs contraintes. Il faut non seulement trouver une relation parfaite de mutualisme à squatter, mais il faut aussi un habitat, des conditions météo et des pollinisateurs spécialisés. Les bourdons sont un des seuls insectes à assurer la pollinisation de nos fantômes : leurs intenses vibrations secouent le pollen de la fleur et permettent la pollinisation.  

Parce qu’il n’a littéralement pas besoin de soleil pour pousser, on trouve le monotrope dans les endroits sombres, dénudés des autres plantes photosynthétiques. C’est un solitaire, mais pour de bonnes raisons. Personne ne veut avoir un p’tit voleur dans son entourage !

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Synthèse Chat GPT (non sourcée) du 17 mai 2023 :


Monotropa uniflora, également connue sous le nom d'"héllébore blanc" ou de "plante fantôme", est une plante herbacée vivace qui pousse dans les régions tempérées de l'hémisphère nord, principalement dans les forêts de conifères. Cette plante a un aspect unique et inhabituel, ce qui lui confère un symbolisme particulier.

Le symbolisme de Monotropa uniflora est souvent associé à des concepts tels que la fragilité, la rareté, la mystère et la transformation. Voici quelques interprétations symboliques courantes de cette plante :

  1. Rareté et unicité : Monotropa uniflora est une plante relativement rare et peu commune, ce qui peut être associé à l'idée de rareté et d'unicité. Sa présence peut être considérée comme précieuse et spéciale.

  2. Fragilité et vulnérabilité : La plante est dépourvue de chlorophylle et tire sa nutrition des champignons du sol. Elle dépend donc étroitement de son environnement pour survivre. Cette dépendance et sa nature délicate peuvent symboliser la fragilité et la vulnérabilité.

  3. Mystère et fascination : L'apparence pâle et fantomatique de Monotropa uniflora suscite souvent fascination et mystère. Son caractère inhabituel et sa capacité à pousser dans des conditions ombragées et peu propices peuvent être interprétés comme des symboles de mystère et d'énigme.

  4. Transformation et renaissance : Monotropa uniflora passe par un processus de transformation pour obtenir sa couleur pâle caractéristique. Au début, la plante est rose puis devient blanche. Cette transformation peut être associée à des idées de renaissance, de renouveau et de transformation personnelle.

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Mythes et légendes :


ChatGPT propose, au 17 mai 2023, les informations suivantes (à vérifier car elles ne sont pas sourcées) :


Monotropa uniflora, connue sous le nom d'"héllébore blanc" ou de "plante fantôme", est souvent entourée de légendes et de folklore en raison de son apparence étrange et de sa nature inhabituelle. Bien qu'il n'y ait pas de légendes spécifiques qui lui sont exclusivement associées, voici quelques exemples de contes et de croyances liés à cette plante :

  1. Origine mythique : Dans certaines légendes autochtones nord-américaines, on raconte que Monotropa uniflora est née des empreintes laissées par les pas d'un esprit ou d'un être surnaturel dans la neige ou la rosée matinale. Cela expliquerait sa couleur pâle et son apparence fantomatique.

  2. Plante des fées : Dans les croyances populaires, Monotropa uniflora est parfois considérée comme une plante associée aux fées et aux esprits de la nature. On dit que la plante pousse là où les fées ont dansé ou se sont posées.

  3. Symbole de transformation : En raison de sa capacité à passer d'une teinte rose à une couleur blanche, Monotropa uniflora est parfois considérée comme un symbole de transformation et de métamorphose dans certaines traditions folkloriques. Elle représente le passage de l'état initial à une nouvelle forme.

Ces légendes et histoires contribuent à l'aura mystérieuse et fascinante entourant Monotropa uniflora.


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Littérature :


The Ghost Plant


From Us She wandered now a Year,

Her tarrying unknown,

If Wilderness prevent her feet

Or that Ethereal Zone


No eye hath seen and lived

We ignorant must be—

We only know what time of Year

We took the Mystery.


The plume upon her Steeple

Made white as Drift within

From malady or Mortuary—

This Land infer the sin—


But whether it were patient

Or in Eider Vest,

How know, for neither

Was seen to tell—


Nor know I how the Hare to ask

His venerable Dam,

How Beast could sneak abroad so soon

And tell the butchered Lamb.


No longitude has Gracie

No latitude Miss Rose

For probity of a Ghost

That will not tell its name—


Emily Dickinson, poème 512.

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