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La Coupe des Schtroumphs




Étymologie :


  • COUPE, subst. fém.

Étymol. et Hist. I. 1155 cupe (Wace, Brut, 6949 ds Keller, p. 212 a). II. 1851-95 sp. en réf. à l'Angleterre (ds Quem.) ; 1863 (Littré). I du b. lat. cuppa « coupe » (Nierm.), class. cupa « grand vase en bois, tonneau » ; II calque de l'angl. cup, terme de sp. ca 1640 ds NED.


  • PE()ZIZE, (PEZIZE, PÉZIZE), subst. masc.

Étymol. et Hist. 1803 pézise (Boiste) ; 1811 pezize (Wailly). Du gr. π ε ́ ζ ι ς « sorte de champignon sans stipe » (cf. encore André, s.v. pezica).


  • SCHTROUMPH, adj. et subst. fém.

Inventé par le dessinateur Peyo (Pierre Culliford) lors d’un repas avec André Franquin. Lui désignant la salière, il aurait dit en éternuant : « Passe-moi le … schtroumpf !?!? ». D’autres sources affirment plutôt qu’il aurait eu un trou et aurait dit « Passe-moi le truc, là, le schtroumpf…». Ensuite la conversation aurait continué en schtroumpf, en remplaçant certains noms et adjectifs par schtroumpf et les verbes par schtroumpfer.

Notons que, phonétiquement, schtroumpf se prononce pratiquement comme le mot allemand Strumpf, qui signifie « chaussette ».

Du SCHFPN, Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la Police nationale qui exista en France sous ce nom de 1968 à 2007.


Lire également la définition des noms coupe, pézize et Schtroumph afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Chlorociboria aeruginascens - Chlorosplénie verdissante - Green elfcup - Green wood cup - Hélotie bleu-vert - Pézize bleue - Pézize bleu-vert - Pézize turquoise - Pézize verdissante.

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Sur le site Franquin.com on peut lire le témoignage précieux de Peyo lui-même concernant l'invention du terme Schtroumpf :


C’est en 1945, que Franquin fait la connaissance de Pierre Culliford, alias Peyo (1928-1992) au studio CBA où il est gouacheur. Il entrera quelques années plus tard au " journal de Spirou " grâce à l’appui de Franquin. Il lancera ses séries cultes "Johan et Pirlouit", "Benoît Brisefer" et les célébrissimes "Schtroumpfs", dont voici l’histoire de la naissance du nom racontée par Peyo lui-même :


"En 1958, j'étais un jour en vacances à la mer avec Franquin et, à table, je lui ai demandé de me passer quelque chose, sans en trouver le nom : "Passe-moi... le schtroumpf !". J'avais forgé ce terme sur le modèle de "un truc, un machin, un bidule"... Il m'a répondu : "Tiens, voilà le schtroumpf, et quand tu auras fini de le schtroumpfer, tu me le reschtroumpferas !" On s'est ainsi amusés à schtroumpfer pendant les quelques jours que nous avons passés ensemble, c'était devenu un gag pour nous. Nous consacrions nos moments de détente à traduire en "schtroumpf" des tirades de Racine ou des fables de La Fontaine, ainsi que des chansons à succès de l'époque. Ce qui donnait des résultats assez surprenants et tout à fait hilarants, du genre : "Maître Schtroumpf sur un arbre schtroumpfé tenait dans son schtroumpf un schtroumpf !..."

Peyo

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Mycologie :


Voilà la description que fait le site Aujardin.info de la Pézize turquoise :


[...] Chlorociboria aeruginascens est une des seule Pézizes du genre Chlorociboria à être présente dans l'hémisphère Nord. La Pézize turquoise ne possède pas le nom d'une pierre précieuse au hasard. En effet, ce champignon Ascomycète teinte de bleu-vert le bois mort de nos forêts de feuillus. Si la rencontre insolite des sporophores bleus a lieu principalement en été et en automne, sa trace bleue laissée sur les souches mortes persiste tout au long de l'année.


Description de Chlorociboria aeruginascens : Ce petit champignon complètement bleu-vert vif ou vert turquoise fait entre 2 et 10 mm de diamètre. Le sporophore, nommé ici apothécie correspond à la partie visible du champignon. Chez la Pézize turquoise l'apothécie est en forme de coupe irrégulière et mince. La partie externe de la coupe est légèrement plus pâle que la partie intérieure tapissée par l'hyménium, partie fertile. La marge est plus ou moins ondulée et elle jaunit en vieillissant. Chlorociboria aeruginascens possède bien un pied, toutefois court. Il est souvent excentré et de même couleur que le sporophore. La chair est très fine, immuable à la coupe et n'émet pas d'odeur particulière.

Le mycélium, formé de fins filaments bleus, se propage sur le bois mort lui donnant une couleur bleu particulière.


Détermination de la Pézize turquoise : Chlorociboria aeruginosum peut facilement se confondre avec Chlorociboria aeruginosa qui est une espèce très proche. Cependant Chlorociboria aeruginosa est beaucoup plus rare que la Pézize turquoise, à l'œil nu on peut la différencier avec son hyménium plutôt jaunâtre ou verdâtre. Au niveau de la détermination au microscope la Pézize turquoise possède des spores presque deux fois plus petits que ceux de Chlorociboria aeruginosa.


Milieu de vie de l'hélotie bleu-vert : Chlorociboria aeruginascens apprécie le bois mort de feuillus et particulièrement celui de chêne.

C'est un champignon saprophyte, son mycélium se nourrit de débris organiques. On rencontre principalement la Pézize turquoise à la fin du printemps et ce jusqu'en automne.

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Le site Wikipédia explique clairement une des spécificités des pézizes, qui tient à leur forme si particulière de coupe offerte :


L'apothécie est la fructification des discomycètes. L'apothécie est parfois appelée pézize1 (bien que ce terme soit ambigu).

Elle a la forme d'une coupe garnie intérieurement d'un hyménium nu (zone fertile) constitué d'asques (cellules reproductrices) et de paraphyses (filaments stériles entre les asques).

Le terme apothécie vient du grec ancien : ἀποθήκη (apothêkê, « réserve, entrepôt »). Ce dernier mot est lui même composé de ἀπό (apó, « hors de ») et de θήκη (thếkê, « boîte, coffre »).

 




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Usages traditionnels :


F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) évoque la capacité tinctoriale de ce champignon :


Le bois imprégné naturellement du mycélium de la Pezize bronze, Peziza æruginosa, Fl . Dan., garde une belle couleur verte qui le fait employer comme ornement par les tourneurs de Tunbridge Wells.

 

On lit partout sur le Net que la Pézize turquoise était utilisée depuis la Renaissance en marqueterie comme colorant du bois mais il est difficile de trouver des références. La contribution de loin la plus intéressante est celle de l'auteur Sodabowski (pseudo derrière lequel semble se cacher Thomas Rodriguez), qui écrit en 2011, sur le forum de MycoDB l'article suivant (l'article étant malheureusement ancien, les liens proposés ne fonctionnent plus et les images ne sont pas disponibles ) :


L'intérêt de la pézize turquoise est pour moi la coloration qu'elle donne au bois, motivation initiale de mes recherches et raison de mes publications sur ce site (d'autres seront peut-être intéressés à leur tour par cette utilisation, et le peu d'informations disponibles étant éparpillé sur le tout Internet et succinct dans la littérature imprimée...). Je ne distinguerai pas ici les différentes espèces du genre Chlorociboria, seule la xylindine qu'ils produisent m'intéresse :


Le bois coloré par ce champignon a été utilisé au moins dès le 15e siècle en marqueterie. La xylindine, pigment sécrété par Chlorociboria, est totalement stable à la lumière. En revanche, en milieu basique, les rayons ultraviolets la détruisent (extrait de l'article). Ce pigment est également sensible à la chaleur et il faut prendre garde à ne pas surchauffer le bois lors de son débit ou du ponçage. La température à laquelle la xylindine est détruite n'a apparemment jamais été déterminée à ce jour, je posterai un article détaillé à ce sujet dès que j'aurai le temps de faire cette mesure.

La pézize turquoise est un colonisateur secondaire, survenant après celle par une pourriture blanche (d'après une étude menée par Sara Robinson, docteur ès biologie forestière, université de Toronto, Canada, un de ses articles).

Malgré ses nombreuses tentatives, S. Robinson n'est pas parvenue à cultiver Chlorociboria avec un bon degré de répétabilité. Dans la mesure où d'autres champignons modifiant la coloration du bois existent, elle est passée à autre chose depuis. J'ai donc décidé de reprendre le flambeau et mettre à profit mes connaissances (résiduelles!) en biologie et une partie de mon temps libre pour tenter de déterminer plus précisément les conditions naturelles de son développement, dans le but avoué de le cultiver pour pouvoir ensuite l'utiliser afin de teinter du bois destiné à la marqueterie : les nuances de coloration sont incomparablement plus belles que l'uniformité donnée par une coloration artificielle. En outre, il arrive aussi (à un stade précoce toujours) que la diffusion de la xylindine soit partielle, bordée par les lignes de mélatonine formées dans le bois lors de la rencontre de deux colonisateurs antagonistes: vraiment du plus bel effet (brut, puis poncé au grain 600).


Lors de mes expéditions en forêt (voir la liste des récoltes sur la fiche de Chlorociboria) j'ai constaté, dans ma zone de recherche en tous cas, que la pézize turquoise se développe sur l'arbre alors qu'il est encore debout, à environ 1 m du niveau du sol. Comme l'a relevé S. Robinson lors de son étude, l'hôte doit avoir été infesté par un basidiomycète au préalable, et dans le cas des spécimens que j'ai trouvés, les candidats à la colonisation préalable sont au moins deux : Trametes versicolor, et Fomes fomentarius (une sacrée peau de vache qui bouffe le bois en un rien de temps, mais qui forme de magnifiques corps fructifiants très décoratifs une fois bien secs). Je prévois de mener une étude exhaustive in situ lors de ma prochaine expédition courant Juillet 2011, comprenant un échantillonnage complet des colonisateurs présents dans l'arbre infesté en fonction de la position verticale, afin de tenter d'établir la chronologie des faits.


Voici ma "recette" personnelle, dans le cas où on recherche une zone d'infestation, et non le corps fructifiant :

  • se concentrer sur des arbres morts encore debout (ceux tombés sont en général bien bouffés mais on peut quand même récupérer des fragments utilisables). Des feuillus, principalement le bouleau et surtout le hêtre (majorité de mes récoltes).

  • écorcer le tronc à environ un mètre du sol, du côté orienté au Nord (la pézize turquoise se développe à l'obscurité) et observer attentivement toute zone légèrement en creux survenue directement sous l'écorce, qui doit venir facilement.

  • si une tâche brun-verdâtre foncé apparait, gratter légèrement en surface ; si la teinte devient vert franc, bingo, il s'agit d'une colonisation précoce de Chlorociboria, et le fragment de bois est suffisamment résistant pour être utilisé en ébénisterie (eh, l'arbre tient encore debout ! ).

Il est préférable de réduire le fragment de bois à chaque extrémité par sciages successifs de tranches de 1 cm afin de conserver le maximum de la zone teintée. On peut aussi le débiter en plaquettes à la scie à ruban, mais prendre garde à la dégradation irréversible de la xylindine si la température de la lame augmente (frottements). Comme signalé en début d'article, la température exacte de dégradation de la xylindine n'a pas encore été établie, et fera l'objet d'un article ultérieur.

Il est également possible de prolonger l'action de Chlorociboria dans l'échantillon trouvé en imprégnant d'eau le spécimen et en le conservant à l'abri de la lumière mais avec de l'air (c'est un champignon aérobie). J'ai pu doubler la saturation en xylindine d'un fragment récupéré, dont la moitié avait été séchée immédiatement et l'autre moitié immergée et conservée à l'abri de la lumière pendant plusieurs mois.


Concernant le séchage, justement, il est évidemment préférable de récolter ses spécimens par temps sec. Lors du séchage, qui doit être lent, le bois va immanquablement se fendre. Il vaut mieux éviter le séchage directement sur le radiateur... Un ventilateur posé dans un coin de l'atelier, directement vers la pile de bois, fait bien mieux l'affaire. Si le bois est humide, il est bon de commencer par le faire sécher au soleil en le tournant une fois par jour (des moisissures se développeraient sinon : pas bon ! ).

Il est parfaitement possible d'utiliser ce bois partiellement dégradé en placage ou bien pour réaliser des panneaux flottants en ébénisterie. Ceux qui n'ont jamais entendu nos compères anglophones parler de "spalted wood" trouveront sur ce lien d'autres images, de quoi se convaincre des merveilles que Dame Nature fait en douce lors du processus de pourriture du bois. Le tout étant d'arriver avant que la lignine ne soit totalement détruite! Une fois le bois totalement sec (6% d'humidité), on peut le travailler. Il n'y a pas plus de risques avec les champignons présents dedans qu'avec la sciure qui flotte dans l'air d'un atelier, mais il est évidemment préférable d'avoir une aspiration permanente des sciures et un filtrage efficace de l'air, ou à défaut, une protection respiratoire de qualité! Il est déconseillé aux personnes immunodéprimées de travailler avec du bois infesté par des champignons, par principe de précaution. [...]


Ajout suite à des questions d'internaute : la couleur exacte dépend du lieu de récolte, en Amérique la coloration est franchement bleue, alors que dans les Pyrénées (là où j'ai ramassé mes échantillons) c'est plutôt du bleu-vert ou même carrément vert émeraude. Il y a plusieurs variétés de Chlorociboriae en Europe (deux, aeruginosa et aeruginascens, plus 13 autres en Nouvelle-Zélande) mais à l'heure actuelle aucune étude n'a été faite sur les raisons pour lesquelles le bois est soit franchement bleu soit carrément vert. J'ai ma petite idée sur la question, je pense qu'un autre champignon qui teinte le bois en jaune se développe dans les mêmes conditions que la pézize, et celui-ci ne serait pas présent dans les échantillons totalement bleus que j'ai pu voir provenant d'Amérique ou d'ailleurs. Pour tout te dire, j'ai isolé deux souches différentes dans l'écorce d'un de mes échantillons ramenés en début d'année, l'une étant Chlorociboria et l'autre, à identifier, produit un mycélium carrément jaune. Je l'ai mis en culture afin de l'isoler au mieux pour pouvoir le faire analyser par des professionnels.

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Symbolisme :

C'est en recherchant des documents pour enrichir l'article déjà ancien sur la Coupe de l'Elfe, dénomination traditionnelle anglo-saxonne pour certaines pézizes orangées, que la découverte de cette pézize de magnifique couleur, dont je n'avais vu que la trace dans le bois mort des forêts m'a enthousiasmée ! Et merci aussi de m'avoir permis de m'évader des nouvelles du monde furibondes.


Je ne pus m'empêcher de la trouver parfaite comme Graal de nos désormais traditionnels Schtroumpfs, (N'oublions pas que Gargamel a besoin des Schtroumpfs pour fabriquer la Pierre Philosophale) au même titre que l'amanite tue-mouches est devenue leur habitation attitrée voire le sceptre de leur roi, comme on peut le découvrir sur la couverture de l'album ci-contre.


Et bien sûr, c'est à travers les Schtroumpfs tous les lutins bleus de la mythologie qui seront à l'honneur...

 

Dans « Histoires de rencontres », (Empan, vol. no 45, no. 1, 2002, pp. 111-116) on peut lire le petit article suivant qui associe le lutin bleu à la psychothérapie :


Serge Lebovici, Penser le soin (n° 6, octobre 1991)


Je téléphone à Serge Lebovici et lui indique notre souhait qu’il participe à notre réflexion autour de « Penser le soin ». C’est un homme disponible malgré ses tâches et curieux de l’autre, de la vie. Il est d’accord pour écrire. Il me dit même qu’il a dans son ordinateur ce qu’il a envie de nous dire. Quelques jours après, nous recevons sa disquette.

Un souvenir s’impose à moi…

Il y a longtemps maintenant, un enfant de 10 ans, en psychothérapie, présentant une inhibition intellectuelle avec des parents inquiets. Je m’interroge sur cette situation que je ne sens pas et ne comprends pas. Dans le matériel pauvre des séances, surgit un jour un lutin bleu. Je me mis à lire Les Schtroumpfs. J’étais particulièrement intéressé par le Grand Schtroumpf qui dit toujours qu’il faut s’entraider, car l’union fait la Schtroumpf. Devinette : qui est schtroumpf, qui a un schtroumpf vert et qui schtroumpfe quand on le schtroumpfe ? Réponse un schtroumpf, non deux schtroumpfs.

Je vous conseille vivement de lire Schtroumpf vert et vert schtroumpf de Peyo paru en 1973. Il est question de groupe et de langage... sans schtroumpfette. Le Grand Schtroumpf bleu devint quelque temps le centre de nos séances. En fait, j’appris qu’il vivait à la capitale et que la famille l’avait rencontré. J’appris aussi que le grand-père maternel n’était pas le père de la mère… Nous étions là, déjà, dans la filiation à l’affiliation et au mandat familial.

Vous avez compris que le Grand Schtroumpf aux yeux bleus était Serge Lebovici, que les parents et l’enfant avaient consulté et qu’une alchimie particulière avait été mise en jeu à travers lui, entre les différents partenaires de cette rencontre…

Rémy Puyuelo

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