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Le-Miroir-de-Vénus




Autres noms : Legousia speculum-veneris ; Mirette ; Roucette ; Spéculaire des moissons ; Spéculaire miroir ;


Botanique :


Dans un article intitulé "La nomenclature linnéenne : pourquoi les plantes changent (trop) souvent de noms ?" (in : Revue scientifique Bourgogne-Nature - 14-2011, pp.. 29-33) Jean Vallade prend divers exemples afin de valdier son propos, dont le Miroir de Vénus qui nous intéresse :


L’histoire nomenclaturale un peu compliquée peut être enfin illustrée par une autre espèce, chère au cœur des Bourguignons, Legousia speculum-veneris (L.) Chaix, nom actuellement valide du « Miroir de Vénus ».

Le genre Legousia a été créé par Jean-François DURANDE (1732-1794), membre de l’Académie de Dijon et Directeur du Jardin botanique de cette ville de 1773 à 1789, en hommage à Bénigne LEGOUZ DE GERLAND (1695- 1774) fondateur du-dit Jardin botanique en 1772. DURANDE, dans sa Flore de Bourgogne (1782), crée l’espèce Legousia arvensis Durande [11], laquelle sera rebaptisée Legousia durandii par DELARBRE en 1800 dans sa Flore d’Auvergne. En fait, cette plante avait été décrite d’abord par LINNÉ sous le nom de Campanula speculumv eneris L. dans son Species Plantarum (1753) puis Dominique CHAIX (1730-1799) place cette espèce dans le genre Legousia en 1785 et lui attribue le nom actuel de Legousia speculum-veneris (L.) Chaix. On doit préciser que cette espèce a aussi « voyagé » un temps dans trois autres genres : Franz-Wilibald SCHMIDT (1764-1796) en 1793 puis Conrad MOENCH (1744-1805) en 1794 lui attribuent le nom de Prismatocarpus speculum, Alphonse DE CANDOLLE (1806-1893) la place dans le genre Specularia, en la nommant, successivement en 1830, Specularia speculum (L.) A. DC. puis Specularia speculum-veneris (L.) A. DC. et enfin L.C. von Vest (1776-1840) et E.G. VON STEUDEL (1783-1856) la nomment Pentagonia speculum Vest ex Steud. en 1841.


Pourquoi ces changements de nom ? Les différents exemples rapportés ci-dessus montrent que les noms attribués aux plantes ont souvent un caractère provisoire et sont fréquemment sujets à révision. Plusieurs causes sont à l’origine de ces changements nomenclaturaux, les uns sont d’ordre « botanique » les autres d’ordre « historique ». [...] Dans de nombreux cas, la distinction entre les arguments « botaniques » et « historiques » est difficile à établir. Par ailleurs, les critères retenus pour séparer deux taxons évoluent dans le temps ce qui est particulièrement visible aujourd’hui où les données moléculaires s’ajoutent (ou se substituent ?) aux critères de ressemblances morphologiques classiques et viennent parfois bouleverser les différents rangs taxonomiques comme c’est le cas par exemple pour la famille des Scrophulariaceae.

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Usages traditionnels :


Francis Olivereau et Gilles Corriol, auteurs du Guide des fleurs des champs. (Belin éditeur, 2014) rapportent un usage oublié :


Le saviez-vous ? Contrairement à leurs cousines les campanules, à fleurs en forme de cloches, les miroirs-de-Vénus ont les fleurs presque planes. Les flores anciennes signalent la possibilité de consommer les jeunes pousses et même les racines du Miroir-de-Vénus.




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du miroir de Vénus :


MIROIR DE VENUS - FLATTERIE.

Aussitôt que le soleil répand sur nos moissons sa lumière dorée, on voit briller au milieu d'elles le pourpre éclatant des fleurs étoilées d'une jolie campanule ; mais si quelques nuances viennent à obscurcir les rayons de l'astre du jour, aussitôt les corolles de ces fleurs se reploient comme aux approches de la nuit. On conte qu'un jour Vénus laissa tomber sur la terre un de ses miroirs. Un berger rencontra ce bijou, et aussitôt qu'il eut jeté les yeux sur cette glace, qui avait le don d'embellir, il oublia sa maitresse, et n'eut plus d'autre soin que celui de se mirer sans cesse. L'Amour, qui craignit les suites d'une si folle erreur, cassa la glace, et changea ses débris en cette jolie plante, qui en a retenu le nom de Miroir de Vénus.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Miroir de Vénus - Flatterie.

Cette plante ne s’ouvre que par un beau soleil, comme l’âme d’une coquette ne s’ouvre aux tendres sentiments que par la flatterie.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


MIROIR DE VÉNUS - FLATTERIE. -

L'homme qui parle à son ami un langage flatteur tend un filet à ses pieds.

Proverbes : XXIX. 5.

Comme on éprouve l'argent dans le creuset et l'or dans le fourneau ainsi l'homme est éprouvé par la flatterie.

Proverbes : XXVII, 21.

La campanule miroir de Vénus est une jolie petite plante, commune dans les champs et les moissons. Sa corolle est plane, ovale et d'un beau pourpre violet, ce qui lui a valu l'honneur d'être placée parmi les meubles de la toilette de Vénus. On dit que cette déesse ayant un jour perdu un miroir dont l'effet était d'embellir à ses propres yeux la personne qui s'y regardait, un berger le trouva et devint on ne peut plus amoureux de lui-même. Cupidon en fut indigné, il cassa le miroir et en changea les débris en miroir de Vénus. La tige de cette plante est anguleuse, souvent très ramifiée et munie de feuilles nombreuses. On la cultive en terre franche légère. On l'arrose fréquemment et on la sème en place au printemps.


DE LA FLATTERIE.

La flatterie est une profusion de louanges fausses ou exagérées, inspirée à celui qui les donne par un sentiment d'égoïsme ou d'intérêt personnel ; ou bien, en d'autres termes, un commerce honteux de mensonges, fondé d'un côté sur l'intérêt et de l'autre sur l'orgueil : c'est l'arme du flatteur. Née parmi les hommes, du besoin qu'ils ont les uns d'être trompés et les autres de tromper, la flatterie est plus ou moins coupable, basse, puérile selon ses motifs, son objet et les circonstances.

Le caractère du flatteur c'est de toujours admirer et de s'extasier. Mais il n'en est pas ainsi de la vérité ; au contraire, elle est bien plus simple et plus modeste. Un homme qui dit ce qu'il pense, le dit simplement et avec un air de sincérité qui ôte tout soupçon, mais les admirations et les exclamations des donneurs de louanges doivent paraître suspectes. Les personnes sincères ne prodiguent point les éloges. C'est une chose assez rare que de savoir manier la louange et de la dispenser avec agrément et avec justice. L'orgueil grossier ne loue que soi-même et on le méprise ; la vanité fine et délicate ne loue que pour avoir du retour et on s'en aperçoit ; le misanthrope ne loue point parce qu'il n'est content de personne et personne n'est content de lui ; le louangeur se discrédite et ne fait honneur ni à lui ni aux autres. L'homme sage loue ce qui mérite d'être loué ; c'est en quelque sorte se donner part aux belles actions que de les louer de bon cœur. Une louange délicate et placée à propos fait autant d'honneur à celui qui la donne qu'à celui qui la reçoit. Le grand Condé alla saluer Louis XIV après la bataille de Sénéf qu'il venait de gagner. Le roi était au haut de l'escalier. Le prince de Condé, qui avait de la peine à monter parce qu'il avait été fort maltraité de la goutte, dit au milieu des degrés : « Sire , je demande pardon à Votre Majesté si je la fais attendre. » Le roi lui répondit : « Mon cousin, ne vous pressez pas ; quand on est chargé de lauriers comme vous l'êtes on ne saurait marcher si vite.

Le compliment qu'un soldat fit à M. de Turenne dut le flatter parce qu'il n'avait aucun des caractères de la flatterie . Un soldat de son armée s'était donné le nom de ce général qui, l'ayant entendu, lui fit entendre qu'il s'en offensait. — « Morbleu ! mon général, lui dit le soldat, si j'avais su un plus beau nom que le vôtre, je l'aurais pris. Le maréchal de Villars, l'un des plus grands généraux qu'ait eus la France depuis M. de Turenne, entendit un officier qui disait à un de ses amis : « Je vais diner chez Villars. » Le maréchal lui dit avec bonté : « A cause de mon rang de général et non à cause de mon mérite, dites M. de Villars . — Monseigneur, lui répondit sur-le-champ l'officier, on ne dit point M. de César, j'ai cru qu'on ne devait point dire M. de Villars. »

Les justes éloges sont le plus noble encouragement du mérite, des talents et de la vertu, et ne peut-on pas même dire qu'ils en sont, dans cette vie, la plus digne et la plus douce récompense après celle de la conscience ? On peut et l'on doit même louer les jeunes gens pour les encourager, mais il faut le faire avec modération pour ne pas les rendre présomptueux : la louange comme le vin augmente les forces quand elle n'enivre pas.

Les louanges outrées et excessives font tort à celui qui les donne et à celui qui les reçoit ; c'est une espèce d'insulte. Ceux à qui on les adresse la sentent, s'ils ont le sens commun, et la punissent d'un souverain mépris. Un flatteur lisait devant Alexandre ce qu'il avait composé de son histoire. Étant arrivé à l'endroit où il le faisait combattre contre une troupe d'éléphants dont on lui en faisait tuer un de chaque coup, Alexandre, transporte de colère, prit le livre, le jeta dans une rivière qu'il passait alors, et menaça l'auteur de l'y faire jeter aussi, s'il écrivait encore de la sorte. Quelqu'un ayant demandé à l'empereur Niger la permission de réciter devant lui son panégyrique : « C'est se moquer, répondit-il, de faire l'éloge d'un homme vivant et surtout d'un empereur. Ce n'est pas le louer parce qu'il fait bien, mais c'est le flatter afin qu'il récompense. Pour moi, je veux être aimé pendant ma vie et loué après ma mort. »

RÉFLEXION.

La flatterie est une fausse monnaie qui n'a de cours que par notre vanité. (LA ROCHEFOUCAULT.)

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Miroir de Vénus (Campanule) - Attraits - Grâces - Charmes - Beauté.

Cette jolie petite fleur, cultivée pour bordure, croît abondamment dans les moissons, où elle épanouit son élégante corolle bleue ou violette. Au centre se trouve un disque jaune brillant que l'on a comparé à un miroir. Lorsque Vénus allait retrouver Adonis, elle cueillait une de ces fraîches campanules et s'y mirait pour s'assurer qu'elle était toujours belle.

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Françoise Frontisi-Ducroux et Jean-Pierre Vernant se proposent Dans l'œil du miroir (Odile Jacob, 1997) de raconter "la progressive reconquête par Ulysse de son identité" :


[Cette] reconquête ne s'obtient pleinement que par le bon vouloir de Pénélope. Au centre, il est question du miroir. Objet culturel privilégié, dont la forme schématisée - cercle surmontant une croix - fournit, encore aujourd'hui son sigle au genre féminin, le miroir de Vénus, opposé à l'arc d'Apollon - cercle d'où monte en oblique vers la droite une flèche et qui dénote le masculin -, le miroir servait en Grèce ancienne d'opérateur symbolique pour penser le rapport des deux sexes.

 

Anne-Marie Prieur, autrice de "La Toilette de Vénus" (in Bulletin de la Société Botanique et Mycologique de la région chambérienne, n°13, 2008, pp. 6-7) s'amuse à recenser les plantes en lien avec la toilette de la déesse :

Des balades dans la nature tout en herborisant et de curieuses découvertes : les cheveux de Vénus, son peigne, son miroir, son nombril, son sabot : il y a vraiment de quoi se poser des questions. Vénus a-t-elle fait sa toilette dans la nature en nous laissant quelques beaux souvenirs ?


Voir un monde dans un grain de sable

Et un paradis dans une fleur sauvage

Tenir l’Infini dans la paume de sa main

Et l’Éternité dans une heure. William Blake


Les fleurs sont dotées d’une forte symbolique et ont joué un rôle important dans les mythes et les légendes. Même les scientifiques, soucieux de descriptions minutieuses de la structure anatomique du monde végétal et d’un classement très rigoureux, ont laissé parler leur imagination dans l’appellation de certaines plantes. Si bien qu’encore aujourd’hui, ces mêmes appellations continuent de faire rêver.

Déesse de l’amour et de la beauté, Aphrodite chez les Grecs, Vénus chez les Romains, n’a laissé personne indifférent. Poètes, peintres et sculpteurs ont laissé parler leur imagination pour nous léguer de magnifiques œuvres (Botticelli et Milo pour ne citer que les plus célèbres). Mais aussi astrologues, médecins et botanistes lui ont rendu hommage en perpétuant son nom. Et c’est en déterminant les plantes que l’on peut découvrir que mythologie et botanique ne sont pas deux mondes totalement différents. Sensibles aux charmes de Vénus, Dioscoride, médecin grec du 1er siècle et Pline, naturaliste romain de la même époque, attribuèrent à certaines plantes des propriétés en relation avec la beauté de la déesse.

[...] Pour vérifier sa coiffure Vénus se devait d’utiliser un miroir. Il fut encore trouvé parmi les messicoles chez le genre Legousia. Le miroir de Vénus se nomma donc Legousia speculum-veneris. C’est une campanulacée aux fleurs d’une couleur violet intense contrastant avec la teinte jaune d’or des champs de blé. La corolle des fleurs est entièrement plane et c’est ce qu’il fallait pour un miroir. Plus sérieusement, la corolle est divisée en cinq lobes obtus terminés en pointe courte avec une gorge blanc verdâtre.

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Mythologie :


Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), détermine une liste des plantes dédiées à Vénus :


Vénus, à la suite de Jupiter, est la déesse féminine qui s’est vue attribuer le plus grand nombre de plantes. Je ne ferais que les citer. Le « char de Vénus » (Aconitum napellus), le « peigne de Vénus » (Scandix pecten-veneris), le « nombril de Vénus » (Umbilicus rupestris), le « miroir de Vénus » (Legousia speculum-veneris), les « cheveux de Vénus » (Adiantum capillus-veneris), l’« attrape-mouches de Vénus » (Dionaea muscipula), le « téton de Vénus » (tomate et Prunus persica). On peut encore citer les « sourcils de Vénus » (Supercilium veneris) pour l’Achillée millefeuille et le Myriophylle en épi, la menthe sauvage par Aphrodites stephanos (couronne d’Aphrodite), la « naissance de Vénus » pour Rosa alba, le « bouquet de Vénus » pour Rosa ou simplement « Vénus » pour Cornus kousa.

J’ajouterais à cette liste la Cardère sauvage (Dipsacus fullonum) qui porte les noms de « lavoir de Venus », « cuvette de Vénus », « baignoire de Vénus ». Rabelais dans son Tiers Livre évoque quant à lui le nom de « cuve de Vénus ». La baignoire de Vénus, Lavacrum veneris en latin ou Aphrodites lutron en grec, est liée à cette déesse, car le suc de cette plante était utilisé comme remède de beauté.

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Michel Cautaerts, auteur d'un article intitulé "Un couple et ses miroirs : Les Arnolfini, miroir d'alchimie, couple d'individuation (Société Belge de Psychologie Analytique - Bruxelles, non daté) revient sur le symbolisme du miroir :


Dans le miroir, Narcisse ne peut voir que lui-même : il ne peut y voir que ce qu'il veut y trouver et non le reflet du dieu. Pour sa part, Persée n'affrontera Méduse que grâce au bouclier d'Athéna, lequel lui sert de miroir et lui épargne de demeurer pétrifié par un trop-plein d'émotions. Quant à Pandore, elle reçoit un miroir et répand sur l'humanité tous les maux que les dieux avaient enfermés dans sa boîte. Le miroir de Vénus est transformation douce et relationnelle. Celui de Dionysos brise le carcan des lois rigides, au prix d'une perte de conscience momentanée. Le miroir a été utilisé fréquemment au Moyen-Age comme capteur de l'énergie de la divinité : il est centration, inversion et déformation. Chez Van Eyck, il renvoie non seulement au couple bien visible, mais encore à deux personnages esquissés au centre: les ombres du couple ?

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La Toilette de Vénus : Cheveux de Vénus ; Peigne-de-Vénus ; Miroir-de-Vénus ; Nombril-de-Vénus ; Sabot-de-Vénus ;

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