Anne
La Morelle noire
Étymologie :
Étymol. et Hist. I. Bot. mil. du xiiie s. morele (Gloss. Glasgow, 157a ds T.-L.). II. Zool. 1. 1775 « variété de canard » (La Nouvelle maison rustique, 2, 535 d'apr. FEW t. 6, 1, p. 550a) ; 2. 1781 «foulque» (Valm. d'apr. FEW. loc. cit.). I du lat. médiév. maurella « id. » (cf. Blaise Lat. chrét. et CGL), dér. de Maurus, v. maure ; II dér. de more (var. de maure*), suff. -elle (v. aussi morillon).
Lire également la définition du nom morelle afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Solanum nigrum ; Amourette ; Crève-chien ; Herbe aux magiciens ; Morelle noire ; Mourelle ; Raisins de loup ; Tomate du diable ; Tue-chiens ;
Pour en savoir plus sur la Morelle furieuse, voir la fiche Belladone.
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Botanique :
Selon Suzanne Amigues, auteure de "Quelques légumes de disette chez Aristophane et Plutarque." In : Journal des savants, 1988, n° pp. 157-171

Il existe en effet de nombreuses plantes à toxicité réellement variable ou neutralisée par l'accoutumance due aux habitudes alimentaires de certains consommateurs. L'exemple le plus frappant est celui de la morelle noire (Solanum nigrum L.). Tous ses organes et en particulier ses baies ont causé en France des empoisonnements graves ; en revanche, Th. von Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenlands, Athen, 1862, p. 79, atteste qu'en Grèce, à la fin du siècle dernier, on consommait les parties vertes de cette plante comme légume et ses baies crues comme friandises, ce qui confirme parfaitement les dires de Théophraste, H. P. VII, 7, 2 (« on mange la morelle même crue ») et VII, 15, 4 (« une espèce [de axpuxvoç] dont les fruits font penser à des grains de raisin est comestible et en quelque sorte domestique »).
Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely présente ainsi la Morelle noire :
La morelle noire a tout pour plaire au diable. Elle appartient à une grande famille de plantes empoisonneuses, les Solanacées. Elle s'insinue dans les potagers, s'accroche aux terres incultes, adore les décombres. Son fruit se développe en une petite baie noire tentante pour les enfants...
Celle qui porte bien des noms, tels que morette, mourelle, amourette, herbe aux magiciens, tomate du diable, tue-chien, se présente sous la forme d'une petite plante annuelle d'une dizaine à une cinquantaine de centimètres de haut. Peu poilue, peu parfumée, aux feuilles ovales, légèrement dentées et d'un vert plutôt foncé, elle sait rester discrète jusqu'à ce qu'apparaissent ses jolies fleurs blanches aux étamines jaunes saillantes regroupées de cinq à dix en une cyme. Voilà qu'elle se remarque enfin, la jolie morelle. A voir la pureté de ses pétales, on la placerait du côté des anges. Mais voici que vient le fruit, rond, vert, pour devenir noir ensuite. Et voilà le piège ! La solanine qu'il contient le rend toxique. Dix baies suffisent à abattre un homme. Certains pays la consomment cuite, d'autres usent de ses propriétés en thérapie. Le jardinier en fait parfois un auxiliaire pour détourner le doryphore de ses pommes de terre.
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Usages traditionnels :
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
Sur les tumeurs et le cancers on applique des cataplasmes de feuilles fraîches et pilées de morelle noire, Solanum nigrum.
Selon Suzanne Amiguès, autrice d'un article intitulé "Quelques légumes de disette chez Aristophane et Plutarque." (In : Journal des savants, 1988, n° pp. 157-17) la morelle noire peut, selon certaines conditions faire office de nourriture :
Il existe en effet de nombreuses plantes à toxicité réellement variable ou neutralisée par l'accoutumance due aux habitudes alimentaires de certains consommateurs. L'exemple le plus frappant est celui de la morelle noire (Solanum nigrum L.). Tous ses organes et en particulier ses baies ont causé en France des empoisonnements graves ; en revanche, Th. von Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenlands, Athen, 1862, p. 79, atteste qu'en Grèce, à la fin du siècle dernier, on consommait les parties vertes de cette plante comme légume et ses baies crues comme friandises, ce qui confirme parfaitement les dires de Théophraste, H. P. VII, 7, 2 (« on mange la morelle même crue ») et VII, 15, 4 (« une espèce [de morelle] dont les fruits font penser à des grains de raisin est comestible et en quelque sorte domestique »).
C. Busser, auteur de "Baies, fruits et pseudo-fruits toxiques utilisés en médecine populaire ou en phytothérapie" (in Phytothérapie Numéro 1 : 31–3, 2007), s'intéresse à la Morelle noire (Solanum nigrum L. Solanaceae) :
Les parties vertes de la plante renferment des glucoalcaloïdes et des saponines.
L’ingestion des baies provoque des troubles digestifs et nerveux, parfois aussi respiratoires et cardiaques. La mydriase apparaît parfois, provenant des alcaloïdes atropiniques. La mort peut survenir après quelques heures ou en un à deux jours, par paralysie respiratoire. La tige feuillée était utilisée surtout en usage externe comme émollient, antinévralgique, analgésique. La plante contient entre autres de la solanine, glucoalcaloïde (aglycone solanidine).
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Victoria Hammiche, Rachida Merad, et Mohamed Azzouz, auteurs de Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Paris : Springer, 2013) rapportent les usages suivants de la morelle noire :
La médecine traditionnelle chinoise l'a employée, pendant des siècles, pour ses effets diurétiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires et dans Ie cancer du foie.
En Europe, on la recommandait dans Ie traitement de diverses douleurs et, en application externe, comme émollient.
En Algérie, la décoction de feuille, en injections vaginales, était conseillée dans les infections génitales et appliquée en cataplasmes sur les brulures, les plaies, l'eczéma et les hémorroïdes. Dans la région de Gharda'ia (Mzab), on ajoute des baies séchées et réduites en poudre au « k'hol » comme antiseptique oculaire. Différentes mixtures laxatives comprennent les feuilles séchées, mais en faible proportion par rapport aux autres ingrédients. Pour les lumbagos et les entorses, la feuille fraiche écrasée reste utilisée en massages, sur les zones douloureuses œdémateuses, en cataplasmes, pour traiter les abcès du sein. La décoction de feuille, appliquée très chaude avec un linge humide, soigne diverses affections cutanées et calme les coups de soleil.
Des usages similaires sont signales au Maroc ou la baie est employée, avec précaution comme aphrodisiaque.
Utilisations thérapeutiques : La tige feuillée, qui a figuré à la pharmacopée française jusqu'en 1965, était employée comme narcotique et sédatif et, en usage externe, comme antinévralgique et émollient. Elle entrait dans la composition du baume tranquille et de l'onguent populeum du codex 1937. 1'activité anticancéreuse des glycosides de la solasodine est traitée dans l'introduction commune aux Solanum.
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Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
La morelle noire, plante à petites fleurs en étoile, passe en Angleterre pour être particulièrement maléfique et est par conséquent très appréciée des sorciers. Cela n'empêche pas que la morelle tressée chasse les démons et protège hommes et animaux de la sorcellerie.
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Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely précise les caractéristiques magiques de la morelle noire :
Tomate du diable : Est-elle perfide, la morelle ? Se cache-t-elle au milieu des plantes de légumes pour parvenir à vous empoisonner si votre cueillette n'y prend garde ? Séduit-elle sciemment les yeux gourmands des enfants de ses cerises noires et luisantes, promesses de délices qui se transformeront bientôt en d'affreuses crampes ? Ou bien est-elle cette guérisseuse ou la compagne des assiettes de l'homme, comme elle s'y invite sans heurt en terre africaine ? Et que penser de ce fruit charnu, qui prend l'aspect d'une baie tantôt noire, portant en sa couleur la patte du démon, et tantôt d'un beau rouge, pour sa cousine douce-amère, la Solanum dulcamara, encore bien plus séduisante et bien plus dangereuse ? Voilà bien une plante capable du pire et du meilleur, qui porte le double visage d'une bonne et mauvaise herbe !
La morelle noire est d'abord plante de sorcière. Liée aux enfers, fidèle d'Hécate la mère-magicienne, elle sert aux sombres dames pour entrer en contact avec la déesse. Il vous suffit de brûler la plante pour que ses fumées, s'élevant dans l'air et parfumant la pièce, vous permettent d'entrer en relation avec la divinité lunaire. Même chose si vous usez de son encens fétide, qui vous conduira au plus près d'une des plus grandes origines de la sorcellerie. Si vous ne parvenez jusqu'à elle, la plante vous emmènera voir d'autres esprits. Car la morelle fait voyager. Elle transporte les sorcières en leurs sabbats, elle entre dans les formules d'onguents, de pommades et autres crèmes qui, passées sur le corps, transportent, font s'envoler et voyager en d'autres lieux et d'autres temps. Ses feuilles infusées donnent une eau de prédiction. Il vous suffira d'en asperger lors du rituel les murs de la pièce, la personne demandeuse enfermée à vos côtés, pour deviner les réponses à ses questions.
Tressée, elle devient alors protectrice et ces colliers empêcheront les sorts de frapper vos bêtes, vos enfants. Ses rameaux dissimulés dans l'oreiller du cœur malheureux aideront à chasser de son esprit l'image de son ancien partenaire et le rendront plus ouvert à la rencontre suivante. Enfin, la morelle se révélera précieuse pour toute maladie tenace. La sorcière viendra au chevet du malade, lui attachera le bracelet de morelle à la cheville ou au poignet et, en quelques incantations discrètes, fera passer la maladie de l'homme à la plante, qu'elle enfouira ensuite dans le jardin ou laissera pourrir à l'air.
Encre magique : Fixez le jus des baies noires de la morelle dans du vinaigre pour obtenir une encre violette. Celle-ci vous permettra de correspondre avec les morts. Elle sera parfaite pour toute invocation de la grande Hécate et conviendra à toute autre invocation magique.
Signature : Saturne.
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Symbolisme celte :
Pascal Lamour, auteur de L'Herbier secret du Druide, des plantes pour les hommes et les esprits (Éditions Ouest-France, 2017) fait le point sur ses recherches :
Quelques plantes du troisième monde : Belladone - Datura - Morelle noire - Bryone
Ces plantes sont connues du monde antique et celtique, mais regardées avec distance, d'abord à cause de leur odeur désagréable et repoussante, mais surtout du fait de leur toxicité. Leur manipulation complexe était réservée aux officiants expérimentés et les sorcières du Moyen-Âge ont souvent cru en prolonger les capacités. C'était-là très mal connaître les croyances traditionnelles où jamais un druide n'aurait séparé les trois mondes dans lequel se mouvait obligatoirement une plante de ce groupe.
[...] Le troisième monde est généralement oublié dans la démarche phytothérapeutique contemporaine ; ce n'est ni son objet ni sa recherche. Elle ne s'intéresse guère qu'au premier monde (l'aspect du corps).
La saisonnalité Samain : De nombreuses discussions ont eu cours autour de ces plantes, et des Solanacées en général, certains allant même jusqu'à affirmer qu'elles ont été importées très tardivement dans l'ancien monde et qu'elles étaient inconnues dans l'Antiquité. Il y a deux mille ans, les gens et les idées voyageaient déjà, et les arguments discutés tant en matière médicale que philosophique étaient comparables à ceux que nous manions aujourd'hui.
Les druides n'ont pas écrit, et aucun témoignage classique ne vient préciser la nature des Solanacées qu'ils employaient, il est vrai. Pour autant, cela ne doit pas permettre d'affirmer que ces plantes leur étaient inconnues.
[...]
Pour la morelle noire, le simple fait que son nom gaulois nous soit parvenu, montre que son utilisation était très probablement connue.
Ces trois plantes, comme la jusquiame, ont des propriétés thérapeutiques identiques, mais leur côté sombre domine, celui du sombre de Samain, relié à l'idée de magie noire, en d'autres termes à la sorcellerie. N'apparaît ici aucun côté lumineux ou guérisseur, mais surgit plutôt le dessein d'empoisonner, de provoquer la mort, de dominer par les philtres magiques. Dans leurs noms vernaculaires, se croisent les mots « furieux », « destructeur », « serpent », « folie », « poison ». Le plus profond de la Samain nous submerge, un temps intermédiaire entre la mort et le folie, provoqué ou recherché pour entrer en communion avec l'Autre Monde. De la nuit, nous savons que les Celtes en faisaient naître le jour des dieux, et il ne peut y avoir de clarté sans le sombre pour la faire émerger. Mais le noir dont nous parlons ici n'est pas le lugubre, mais le « du » des mois noirs, miz du, que sont les longues nuits intimes des mois de novembre et de décembre.
[...]
Nom gaulois : Scubulum ; Scobilo.
Noms bretons : Louzaouenn ar veskoul, que l'on peut traduire par « herbe contre les panaris » ; Frond du ; Sanab ; Sanav ; Téaulenn...
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Mythes et légendes :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
SOLANUM. — Il donne un sommeil irrésistible. « Cum Sueno Norvegorum rex (Johnston, Thaumatographia Naturalis, Amstelodami, 1670, p. 227) Duncanum regem Scotiae in oppido Bettha obsideret, evocato hic Maccabaeo consobrino, clanculum de deditione agere coepit, commeatu promisso. Hector Boet. 22. Scot. Hist. : Receperunt conditionem Dani, et una commeatum ; quem cum dégustassent, tum alto oppressi sunt sopore (solano enim vinum et cerevisia infecta erant), ut a Maccabeo opprimerentur. Decem, dona hostium suspecta habentes, sobrii fuere ; qui etiam regem Suenonem veluti exanimem, piscaria scapha, ad Thai detulere ostia, inde domum. »