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La Dame bleue

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • il y a 7 jours
  • 13 min de lecture



Symbolisme :


Dans La Grande encyclopédie des Fées (Éditions Hoëbeke, 1996) illustrée par Claudine et Roland Sabatier, Pierre Dubois consacre une double page aux Dames Bleues :


Dames Bleues, Vierge de Glace et Fées des montagnes


Taille : De guêpe.


Aspect : Resplendissantes de beauté. Corps de glace, chevelure givrée. Les Filles des rayons du soleil portent de jolies ailes chatoyantes.


Vêtements : Toutes vêtues des ombres bleues des neiges.


Habitat : Les plus hautes montagnes des Alpes.


Mœurs - Activités : Elles ne supportent pas qu'un humain leur touche les cheveux et sont alors capables de les abandonner aux caprices des Fées de l'écho qui ne manqueront pas de les égarer, ou à ceux des Fées du vertige toujours prêtes à attirer l'intrus dans l'abîme.

Elles plantent des fleurs sur les pentes, rentrent les chamois le soir dans de vastes cavernes, abritent les chalets des avalanches déclenchées par les colères printanières des mugissants Wilde Männer et autres Trolls des Alpes, font croître l'herbe et parfument le lait des troupeaux, enseignent aux jeunes bergères l'art des simples et les dons de l'amour.

***

Lorsqu'au printemps le pâtre rêve aux fleurs d'or de l'alpage,

la Schneefraülein change sa garde-robe...

(Eugène Genoux, Le Chant des clarines)


Il ne faut pas confondre les « Madame la Fée Bleue » des beaux contes, qui exaucent les vœux sincères et tiennent au propre les carnets de bonne conduite des enfants... avec les Dames Bleues, les Vierges Bienheureuses ou Vierges Sauvages, les Selingen Fraülein et Wilden Jungfraüen qui règnent sur les montagnes.

« Elles apparaissent à l'entrée des cavernes rocheuses. D'une voix claire et retentissante, elles chantent des lieder qui résonnent bien loin dans les vallées. Le berger, là-haut, sur les pentes herbeuses, entend ce chant lui parvenant comme un écho suave. Il sait que cela signifie : prends garde à toi ! » (Karl Grün, Les Esprits élémentaires). « Elles » le protègent, le suivent pas à pas, l'empêchent de se perdre quand les nuées sont basses, de tomber au fond d'invisibles dangers où le mène sa quête, aux confins des territoires terrestres, là où l'âme se substitue au savoir.

Epouses fidèles des farouches Waddzerfen, Nörggen et Lörggenn, les Vierges Bleues s'attachent aux hommes des alpages comme à des êtres fragiles, des enfants perdus au milieu d'une nature dont ils ignorent « la pensée ». Lorsque l'un d'eux tombe, elles le reçoivent dans leurs voiles tendus au-dessus du vide.

La brunette Dive est leur sœur du versant italien, la Fhrön celle du versant suisse ; les Dalien aux pieds de chèvre gambadent du côté de l'Autriche.


La Vierge de glace, Reine des Neiges ou Schneefraülein est aussi toute de bleu vêtue. Andersen la décrit superbe entre toutes, les cheveux blancs comme neige, solitaire au milieu des glaces éternelles, cherchant à entraîner les braves visiteurs dans son empire lumineux mais si froid que nul homme ne peut y tenir. Afin de les garder auprès d'elle, la belle leur plante au cœur un éclat de cristal ouvrant les portes de l'oubli et des ravissements infinis. Hélas, toujours l'éclat de gel fond, l'endormi se réveille et s'enfuit. A la fois aérienne et aquatique, elle prend alors toutes les formes pour le poursuivre : en aigle le survole, en saumon de cascade en cascade s'élance, en hermine de branche en branche le rejoint, en souffle de vent le jette dans le vide. Puis la demoiselle s'agenouille près de lui, dépose un froid baiser de mort, qui le transforme en gisant de glace.


Grün évoque avec ravissement les Demoiselles Bleutées, Filles des rayons du soleil, folâtrant au soleil couchant de Lucerne : quand elles chantent en chœur, on croirait entendre le son lointain des cloches d'église. Le soir, elles se groupent en cercle au sommet des montagnes. Elles étendent leurs ailes d'or et de roses. Alors le faîte des glaciers s'illumine de teintes inexprimables et les hommes disent que « les Alpes sont en feu ». La nuit, ces aimables Elfines dorment au sein de la neige, attendant l'aurore. Elles partagent leur affection entre les fleurs, les papillons et les bergers.

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Morgane Quilichini, autrice d'un article intitulé "La dame en bleu, apparitions et catastrophes annoncées" (publié sur le site de Corse Matin le 24 août 2015) rend compte d'une croyance toujours d'actualité :


La dame en bleu, apparitions et catastrophes annoncées


Il fait trop chaud ? Rassurez-vous, on va vous faire frissonner. Au menu de votre rubrique estivale, les légendes étranges, parfois effrayantes, qui planent sur Corte et sa région. Apparitions, fantômes, malédictions... Notre petite ville ne manque pas d'histoires et de lieux qui collent... La chair de poule.


C'est une histoire que tous les Cortenais connaissaient. Et qui commence par un drame.

On raconte qu'au début du siècle dernier, dans les années 1920, une jeune fille s'est noyée dans le lac maudit.

Les personnes présentes n'auraient vu que ses longs cheveux noirs qui disparaissaient sous la surface de l'eau, emportés par un tourbillon.

Des années plus tard, les anciens y voyaient déjà comme une malédiction.

Anna raconte que, quand elle était jeune, sa grand-mère la mettait en garde : "Tu as les cheveux tellement longs, et tellement noirs... Ne va pas te baigner à la rivière ou tu te noieras." L'histoire aurait pu en rester là. Mais la jeune noyée n'a jamais vraiment quitté la ville, ni le monde des vivants.

Elle est apparue à plusieurs reprises. En divers endroits. Et surtout, de nombreuses personnes ont rêvé d'elle, parfois avant qu'un drame ne se produise.


Une fois dans l'église, il n'y avait personne : "Il y a une vingtaine d'années, raconte Serena, une adolescente rentrait chez elle, dans un immeuble du centre-ville. Elle habitait au quatrième étage. Quand elle est arrivée un peu au-dessus du premier palier, elle a senti une présence derrière elle. Elle s'est retournée. Dans les escaliers, quelques marches plus bas, il y avait une jeune femme qui la regardait."

Habillée tout en bleu, de très longs cheveux noirs... L'apparition fixe l'adolescente.

Cette dernière détourne le regard une seconde. Et soudain, il n'y a plus personne dans les escaliers.

Une autre Cortenaise a elle aussi, croisé la femme en bleu. Elle raconte qu'elle se rendait à l'église de l'Annonciation pour y mettre un cierge.

Une dame y est entrée avant elle mais, une fois à l'intérieur du bâtiment, la Cortenaise a eu beau chercher dans tous les coins, l'église était vide.

Restait seulement "un sentiment de malaise". Ces deux "rencontres" ont eu lieu en plein jour.

Les autres, celles qu'ont vécues plusieurs habitants de Corte, se sont passées pendant leur sommeil. Car la dame du lac comme on la surnomme, apparaît surtout dans les rêves. Et souvent, elle annonce une tragédie.


Une odeur de mort : "Les gens qui l'ont vu en rêve racontent tous la même scène, poursuit Serena. Ils marchent sur un petit sentier qui relie les Scaravaglie à la plage de Baliri. À un endroit, le chemin se divise en deux. Un côté part vers Baliri, l'autre vers quelques tombes anciennes. À chaque fois, la jeune femme marche vers eux, sortie de nulle part, en les regardant fixement. Et, au moment où ils la croisent, une odeur pestilentielle se fait sentir."

Un parfum de putréfaction. Une odeur de mort. "En général, c'est à ce moment-là que la personne tombe à genou, voir dans les rochers qui bordent le chemin. Elle se réveille et, le plus étonnant, c'est que même éveillée, l'odeur de cadavre demeure."

La plupart du temps, la dame en bleu est accompagnée d'un homme, d'un enfant, ou des deux.

Et nombreux sont ceux qui l'ont vu en rêve, avant qu'une catastrophe ne se produise...

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Symbolisme celte :


Dans un article non signé, paru le 24 août 2006 à 00h00 sur le site du Parisien, on découvre qu'une légende relative à la Dame bleue est d'origine celtique (mais sans aucune source) :


La légende de la Dame bleue


LE THEME du jeu, la légende de la Dame bleue, remonte aux Celtes.

Lieusaint n'était qu'une forêt, avec au centre, une source d'une rare pureté : le centre mystique de la forêt, la demeure de la Dame bleue. Deux fois par an, les druides célébraient cet esprit de la forêt, protecteur des bois et des cours d'eau, par deux cérémonies qui réunissaient les tribus venues d'aussi loin que Sens ou Troyes. L'une avait lieu au solstice d'hiver (Yule) et fêtait son réveil. L'autre au solstice d'été (Litha), pour l'endormissement de la belle.

Après la christianisation de la région, la Dame bleue s'endort définitivement. Elle ne réapparaît qu'en 630, devant un moine, saint Quentien, qui lui consacre sa vie. On murmure qu'elle apparaissait en rêve au roi Charles V, puis ensuite à Henri IV ou Louis XV. Puis la légende disparaît, resurgissant ces dernières années avec la redécouverte de la source de la Dame bleue (aujourd'hui source Saint-Quentien).

Sur le site Tempus Game on découvre également la Légende de la Dame Bleue :


Le scénario : Une légende Celte raconte que deux fois par an les fantômes rendent visite aux vivants… La Dame Bleue, gardienne d’une source d’une rare pureté, doit confier aux druides l’élixir qui va protéger la population. Mais ce soir, un vol a été commis… La fiole a disparu !

[...]

Une petite histoire dans la grande Histoire : Notre région fut habitée dès le paléolithique moyen, il y a 100 000 ans. L’occupation des lieux s’accentua à l’âge du fer, entre – 800 et – 100. L’histoire de la Dame Bleue remonte à l’âge des Celtes alors que les Romains n’avaient pas encore conquis la Gaule. A cette époque, les terres sur lesquelles vous vous trouvez étaient couvertes de forêt. Au cœur de celles-ci se trouvait une clairière où jaillissait une source claire et bleue d’une grande pureté. Cet endroit mystique et magique était le lieu de la Dame Bleue. Dans ces bois, un site sacré accueillait les cérémonies druidiques et les grandes rencontres de quatre peuples gaulois, les Meldes (région de Meaux), les Carnutes (région de Chartres), les Parises (région de Paris) et les Senones (région de Sens).

Ainsi, la légende dit que les hommes organisaient ces cérémonies gauloises pour honorer la Dame Bleue.

Cette dernière leur remettait une fiole dont l’Elixir bleu devait protéger les populations.

Les Druides alors, organisaient de grandes fêtes destinées à créer des passerelles entre deux mondes, celui des morts et des vivants. Les défunts perdaient alors leur don d’invisibilité en retournant dans le monde des vivants. Mais il fallait réguler cet afflux d‘apparitions. L’élixir servait ainsi aux Druides à contrôler et éloigner les esprits.

Mais aujourd’hui la fiole a disparu… C’est à vous de la retrouver !

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Dans Le Livre des Dames blanches : De l'origine du mythe jusqu'à nos jours (Éditions La Vallée heureuse, 2018) Stéphanie Del Regno évoque elle aussi l'origine celte de la légende de la Dame bleue :


Les Dames bleues : Comme les Dames vertes, les Dames bleues sont apparentées à la famille des fées, et plus précisément à la catégorie des fées des montagnes, au même titre que les Vierges bienheureuses et les Vierges sauvages. Toutes ensemble règnent sur les sommets.

De nature bienveillante, les Dames bleues chaperonnent les bergers. Leurs chants résonnent jusqu'aux confins des vallées pour avertir les gardiens de troupeaux d'un danger. Postées à l'entrée des grottes, elles guettent le moindre danger qui pourrait atteindre les hommes ; protectrices, elles les guident et les escortent jusqu'à leur destination. Lorsqu'ils ne craignent plus rien, elles peuvent alors regagner leurs quartiers rochers et reprendre leurs travaux : planter des fleurs le long des versants, entretenir les prairies, parfumer le lait des cheptels et rentrer les chamois dans les cavernes.


Voici l'histoire de la Dame bleue de Lieusaint. (1)

A Lieusaint (Seine-et-Marne), il est une Dame bleue, une Fée, qui protège les bois et les cours d'eau depuis toujours. Dans ces temps anciens, l'actuelle commune était une vaste forêt celte. La Dame bleue était d'une beauté à couper le souffle, et les druides celtes la célébraient deux fois l'an, lors des solstices, puisqu'elle vivait au rythme des saisons : travaillant en hiver et au printemps, dormant à l'été et à l'automne. La fête du solstice d'hiver avait pour dessein de la réveiller, et celle du solstice d'été de l'endormir.

Par la suite, lorsque la Gaule passa sous la domination des Romains, le culte de la Dame bleue fut peu à peu abandonné - au profit du christianisme -, ne laissant plus qu'une poignée de druides la vénérer presque en secret, ce qui eut pour conséquence un endormissement de plus en plus le long de la fée... deux ans, trois ans, puis cinq ans...

Au Moyen Âge - au VIIe siècle exactement -, un moine, Quentien, descendant d'une lignée de druides, partit à la recherche de la Dame bleue dont il avait si souvent entendu parler. Mais alors qu'il se perdit dans la forêt, épuisé et tombant de sommeil, il vit la grande fée bleutée s'approcher de lui. Elle, touchée par la démarche du moine, et lui, voyant son vœu exaucé, ensemble, ils passèrent un pacte : elle lui donnerait quelques-uns de ses pouvoirs de guérison en contrepartie de sa dévotion. Chose fut faite : il put guérir les nécessiteux et, reprenant la tradition de fêter la Dame bleue aux solstices, celle-ci put retrouver ses cycles d'éveil originels. Quentien mourut en 669, et avec lui l'histoire de la Dame bleue.

La légende la fit réapparaître aux XIVe et XVIe siècles, où on raconte que les rois Charles V et Henri IV en seraient tombés amoureux après l'avoir aperçue une seule fois...

Depuis 669, on pense que la fée serait endormie... Des recherches sont régulièrement entreprises par prétexte géobiologique, mais nous savons tous que ce ne sont pas des manifestations telluriques que nous cherchons, mais bel et bien la Dame bleue...


Les récits de Dames bleues sont relativement rares. Celui de Lieusaint est le plus connu. D'autres, plus confidentiels, vont simplement relater une vision, sans histoire ni légende construite autour. C'est notamment le cas de la Dame bleue de Redon, en Ille-et-Vilaine, qui apparait la nuit dans la prairie de Plessis-Angers, mais dont nous ne savons rien.


Note : 1) Vincent Kaufman, Casus belli, n°17, 2002.

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Postérité : Notre-Dame des Neiges ?


Etant donné que l'on représente depuis le Moyen Âge la vierge toute vêtue de bleue, je formule l'hypothèse que les nombreuses Notre-Dame-des-neiges, si fréquentes dans les montagnes, dont l'avatar christianisé des Dames bleues celtiques. D'ailleurs, l'extrait suivant reprend certaines de leurs caractéristiques, notamment leur qualité de protectrice des troupeaux :


Ainsi, dans "La chapelle de Notre-Dame des Neiges à Ferret (Orsières)." (In : Annales valaisannes : bulletin trimestriel de la Société d'histoire du Valais romand, 1937, vol. 3, no 3, pp. 263-266) Louis Courthion rapporte l'histoire suivante :


Sous le titre qui précède : « La chapelle de Notre-Dame des Neiges », M. le chanoine Melly a rédigé un appel déguisé en faveur de la restauration du sanctuaire plutôt qu'un historique de sa fondation. Nous comblons partiellement la lacune en reproduisant une page pittoresque de Louis Courthion (1) :


« Des Neiges ! Pourquoi des Neiges ? Eh bien ! il paraît qu'un été — il y a de cela longtemps, longtemps — il neigea si fort dans la contrée que, dispersé dans les hauts vallons, le bétail orsérien se trouva bloqué loin de toute pâture. Au prix d'efforts inouïs, on parvint cependant à en concentrer une partie aux mayens de Ferrex, dont — ô miracle — une certaine étendue était demeurée découverte. C'était juste le cinq du mois d'août, jour de Notre-Dame-des-Neiges. Les consorts, dont les bestiaux avaient été sauvés en pâturant sur cet îlot de verdure, érigèrent cette chapelle à leur protectrice et pendant longtemps, une procession annuelle se rendit d'Orsières à Ferrex (quatre heures de distance). Vers le commencement du siècle passé, elle s'y rendait encore, au mépris de la double défense de l'évêque et du gouvernement, décidés à réagir contre une superstition, et convaincus par les sceptiques — il en existait déjà, paraît-il — que cet emplacement étant marécageux, il était compréhensible que la neige y fondît à mesure qu'elle tombait. Toutefois, si docile que l'Orsérien soit capable de se montrer à ses heures, il ne saurait capituler quand une question de propriété collective est en jeu. Or, la chapelle étant aux consorts, il allait de soi que cette procession était affaire d'ordre privé. Et ils avaient raison sans doute les consorts, car, de marécage à cette heure, il n'y en a pas plus que sur ma main ! »

Louis Courthion.

Note : 1) Bagnes-Entremont-Ferrex.

Arnold Van Gennep, dans un article intitulé "Patronages, chapelles et oratoires de la Haute-Maurienne." (In : Revue d'histoire de l'Église de France, tome 25, n°107, 1939. pp. 145-182) nous permet de constater que :


Concernant la dévotion à cette Vierge particulière, "Il s'agissait d'un pèlerinage de très haute montagne, comme pour Notre-Dame des Neiges." même si "on remarquera que les sanctuaires de Notre-Dame des Neiges ne sont pas nécessairement tous sur des sommets, ou en très haute montagne."

Finalement l'étude de l'auteur permet de constater que "Notre-Dame des Neiges, avec 14 lieux de culte" à égalité avec "Saint Antoine ermite avec 14 lieux de culte et 13 représentations" appartient à la catégorie "des saints les plus vénérés en Haute-Maurienne", juste devant "Sainte Anne, avec 12 lieux de culte et 6 représentations".

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Dans la revue Treize étoiles, reflets du Valais (n°8 et 9, août-septembre 1957) on peut lire un article (dont il manque malheureusement la fin et la signature) qui relate un pèlerinage à une des nombreuses Notre-Dame des Neiges :


Eric Thirault, auteur d'un article intitulé "Franchir les crêtes : de l'Histoire à la Préhistoire dans les Alpes occidentales" (In : Beeching A. dir. 1999 - Circulations et identités culturelles alpines à la fin de la préhistoire - Matériaux pour une étude. Programme CIRCALP 1997-1998- Travaux du Centre d'Archéologie Préhistorique de Valence n°2.) évoque un trésor caché...


Le fait religieux. Nous avons déjà évoqué les diocèses intra-alpins qui regroupent plusieurs vallées, et le phénomène de sanctification des cols (Guichonnet 1980b p 179-182), où sont construits hospices, chapelles et croix appelant la protection divine sur les passants (cf. § 1.2.). Arrêtons-nous maintenant sur les cas singuliers de pèlerinage au sommet, placés non pas au point bas, mais au point haut des lignes de crête.

Trois cas sont dénombrés en haute Maurienne. La chapelle du Mont-Thabor (3178 m), d'origine inconnue mais italienne et antérieure au 17e siècle, connaît deux processions annuelles : celle des italiens, montés de Melezet le 24 août, et celle des Modanais, fixée au premier dimanche après le 15 août (Coolidge 1913, p. 260 ; Pachoud 1988, р. 38).

Deux pèlerinages sont pratiqués à Bessans : l'un, le 16 juillet, à la chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel, placé sur la pointe de Tierce (2973 m), est attesté depuis le 15e siècle (Pachoud 1988). Le second, à la chapelle Notre-Dame-des-Neiges de Rochemelon (3536 m), montagne qui domine le col du Mont-Cenis, est semble-t-il mieux connu.

Un chroniqueur de la Novalaise du 11e siècle indique qu'un roi Romuleus (éponyme du mont ?) y aurait caché un trésor. Ce moine relate aussi une infructueuse tentative d'ascension de la part de ses confrères. Mais la première est le fait d'un certain Bonifacio Rotario d'Asti, qui, le premier septembre 1358, réussit depuis Suse la plus ancienne escalade connue dans les Alpes (Coolidge 1913). Il y fait construire une chapelle à la Vierge, perchée à 3000 m au-dessus de la vallée de Suse, et depuis lors, le pèlerinage n'a jamais cessé. Sa date a été peu à peu avancée pour être aujourd'hui fixée au 5 août. L'origine du pèlerinage bessanais n'est pas précisée, mais il est curieux de constater qu'il ne s'agit pas vraiment d'un rite collectif : les deux processions se rejoignent, mais demeurent séparées (Pelligra 1992 ; Patria 1992).

Malgré l'aspect commun présenté par le fait de monter au sommet d'une montagne, ces trois pèlerinages varient dans leur forme : ceux au Mont-Thabor et à Rochemelon sont d'origine piémontaise, et ont été plus récemment pratiqués par les mauriennais. Ceux-ci, contrairement aux valsésiens, ne voient pas les cîmes depuis la vallée, et les processions sont indépendantes. Celui de Tierce est bessanais, et lié à une protection des habitants vivant son pied. Il est donc difficile d'interpréter ces rituels comme des occasions de rencontre, mais ils participent néanmoins d'une appropriation collective des hauteurs sans doute ancienne.

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