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L'Hermine



Étymologie :


  • HERMINE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1140 le peliçon d'ermine (Pèlerinage Charlemagne, 481 ds T.-L.) ; fin xiie s. hérald. (Première continuation Perceval, éd. W. Roach, I, 4882 ; II, 8470). Fém. substantivé de l'anc. adj. (h)ermin « d'hermine » (dep. le xiie s. ds T.-L. et Gdf.), du lat. class. Armenius « arménien » dans l'expr. *Mus Armenius « rat d'Arménie » qui désigne l'hermine fort abondante en Asie Mineure (cf. mus ponticus « rat du Pont » ds TLL s.v. VIII, 1690, 46 sqq.). Il ne semble pas absolument nécessaire de faire intervenir l'infl. de hermite (ermite*) pour le traitement de l'initiale, d'autant que l'emploi de hermin(e) « Arménien » pour ermite n'est pas aussi courant que le disent les dict. et paraît plutôt un rapprochement secondaire.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Croyances populaires :

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


La Belette et l'Hermine sont encore considérées par certaines personnes comme des espèces venimeuses (Salvan et Ayent). Si on les ennuie elles se vengeront en mordant le bétail au pis ou au nez (Evolène) ; si on siffle elles viennent en nombre et la personne qui a sifflé pourrait être en danger (Bas-Valais). Dans la vallée d'Anniviers la Belette et l'Hermine et aussi la Fouine sont l'objet d'une crainte révérentielle ; malheur à celui qui, les attaque, les poursuit ou les effraie. La nuit, dit-on, ces méchantes bêtes se faufilent dans l'écurie et là soufflent dans la direction des tétines des vaches. Pour les uns il en résultera le dépérissement progressif, pour d'autres le tarissement à bref délai.

Aux abords d'une maison, non loin de Sion, se trouve une Hermine ; les parents veillent avec grand soin que les enfants ne la regardent pas, car, disent-ils, la figure des enfants deviendrait semblable à celle de l'Hermine.

la regardent pas, car, disent-ils, la figure des enfants deviendrait semblable à celle de l'Hermine.

On prétend aussi qu'elles sont capables de traire les Vaches et les Chèvres. Cette idée est répandue chez les montagnards, ils croient que des animaux divers sont à même de leur ravir le lait, nourriture très précieuse pour eux. Ils croient même parfois que des personnes peuvent « tirer » du lait, c'est-à-dire se l'approprier même à distance. Cette idée est probablement très ancienne ; dans la Mythologie russe il est question d'une divinité malfaisante qui suce le lait du bétail. […]

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Symbolisme :

Selon Hildegarde de Bingen, dans Physica, Le Livre des subtilités des créatures divines (XIIème siècle ; traduction P. Monat, 2011) :


"L'hermine est froide, et se rapproche un peu de la nature du chat. Elle n'a pas des chairs saines, car sa bave est une sorte de poison. Et, quand elle bave, il lui arrive souvent de rejeter de courts poils. Sa peau n'est pas bonne pour les vêtements de l'homme, parce qu'elle est froide. Et ce qui est en elle ne convient guère pour les médicaments, parce que sa chair est en quelque sorte vénéneuse."

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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :


L'hermine est un "carnassier au poil d'un blanc immaculé. La robe, le camail, la fourrure d'hermine symbolisent l'innocence et la pureté, dans la conduite, dans l'enseignement, dans la justice.

Elien dit que, si l'hermine tombe dans une ornière, elle s'en trouve comme paralysée et meurt. C'est là l'origine de sa signification symbolique, souvent associée à des devises royales : préférer la mort à la souillure. Elle signifie ainsi la pureté morale et, en ce sens, elle orne la robe ou le camail des hauts dignitaires de l'Eglise, de l'Etat et de l'Université."

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Symbole de l'innocence et de la pureté à cause de la blancheur immaculée de son poil, ce mammifère ressemblant à la belette, qui pouvait passer pour une apparition à cause de ce même pelage et de son agilité, était considéré, notamment en Normandie où on l'appelait « laitisse » ou « létiche », comme l'âme d'un enfant mort sans baptême.

« On racontait dans l'Orne, rapporte Paul Sébillot, que l'une d'elles, prise par un homme qui voulait la tuer, sortit deux petites mains, et lui dit que bien d'autres avaient essayé de lui faire du mal, même à coups de fusil, et que les hermines, qui étaient des enfants morts sans avoir été baptisés, ne nuisaient à personne ».

Si une hermine fuit à l'approche d'une femme, c'est que cette dernière n'est plus vierge.

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Dans Rencontre avec votre animal totem (édition originale 2010, traduction française 2015), Phillip Kansa et Elke Kirchner nous proposent la fiche suivante sur l'hermine :


"Caractéristiques positives : Pureté et honnêteté des intentions ; souplesse face au changement.


En quoi cet animal m'aide : La force de l'hermine t'aide à avoir des intentions sincères et bienveillantes. Les Indiens d'Amérique affichent la pureté de leurs intentions en portant de la fourrure d'hermine sur leurs coiffes. Le pelage de l'hermine est blanc en hiver et brun en été ; ce petit animal t'encourage de même à t'adapter facilement aux changements de circonstances. "Ne reste pas prisonnier de tes schémas !" dit la force de l'hermine. "Épouse le rythme de ta vie."


Comment l'hermine me protège : Quand les circonstances de ta vie change, à l'image des saisons, l'hermine t'aide, en tant qu'animal fort, à ne pas te sentir vulnérable et livré à toi-même. Tout comme son pelage change de couleur, tu t'adaptes désormais aussi aux événements nouveaux. L'hermine te pousse à avoir des intentions sincères et à ne pas agir de manière volontariste. Sa pureté te rappelle celle de ton cœur.


Exercice pour me relier à cet animal : Imagine qu'il fait nuit et que tu es assis dans une clairière. Tu invoques ton hermine et tu la vois en train de renifler ta main. Tu la regardes et sens un courant énergétique gagner ton corps. Ressens cette force nouvelle dans chaque cellule de ton être. Elle inonde chacune de tes pensées et de tes actions, et te rend flexible. Imagine que tu portes sur ton chapeau un morceau de fourrure d'hermine, qui te rappelle la sincérité et la pureté de tes intentions. Remercie l'animal et reviens dans l'ici et maintenant."

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Selon Annie Pazzogna, auteure de Totem, Animaux, arbres et pierres, mes frères, Enseignement des Indiens des Plaines, (Le Mercure Dauphinois, 2008, 2012, 2015), dans le cercle des animaux, l'Hermine (Hitunkasan) fait partie, au même titre que le Bison, l’Élan, l'Oie, la Mouffette, la Perdrix et le Canard, des Animaux qui se situent au Nord, symbolisé par le rouge, l' Étoile du Matin, l'élément air et l'intellect.


Mots-clés : "(en négatif) : Dissimulation

(en positif) : Vivacité - Précision - Pureté.


La curieuse en robe de neige l'hiver, rousse en été, a le pinceau de sa queue noir en toutes saisons. Avec ses trente centimètres, Hermine a l'art du camouflage.

Le mâle est le double de la femelle. Monsieur participe aux soins des trois à sept petits qui naissent à la lune de l'herbe, "avril". Ils ouvriront leurs yeux à trois semaines. A sept semaines, les petits mâles sont déjà plus grands que leur mère.

Lorsqu'elle chasse, l'été le jour, l'hiver la nuit, Hermine se dresse souvent sur ses pattes arrières afin d'observer. Si elle saigne en mordant à la nuque des rongeurs et des oiseaux, elle ne dédaigne pas les poissons, les écrevisses et les reptiles.

Hermine fréquente l'orée des bois et les haies. Elle évite les forêts profondes.

En été, elle est la vivacité, la précision.

En hiver, ce petit carnassier est le symbole de la pureté ; "plutôt la mort que la souillure" pourrait-elle dire. C'est à ce moment qu'elle est chassée.

Des peaux d'hermine ornaient certaines coiffes des Indiens de la Prairie. Ils montraient ainsi la noblesse de leurs intentions, leur droiture."

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Dans l'édition revue et augmentée de Les Animaux totems dans la tradition amérindienne (Éditions Le Dauphin blanc, 2019) Aigle bleu nous transmet la médecine de l'Hermine :


[...] Certains grades de juges en France et en Suisse, et la royauté européenne, ont toujours porté la fourrure de l'hermine C'était là le signe qu'ils avaient se renseigner et apprendre ce qui se passait au loin, et sans y être personnellement présents. C'était le symbole de leurs services de renseignements efficaces et discrets.

C'est l'hermine qui est venue annoncer aux peuples des Premières Nations d'Amérique du Nord l'arrivée du peuple blanc et celles des bateaux.

Elle leur a dit : « Ces frères étrangers vous diront que la manière dont vous vivez est mauvaise et vous rempliront de confusion avec leurs écorces qui parlent. Ils ont volé le tonnerre du ciel, l'ont enfermé dans leurs armes et s'en serviront pour vous tuer. Ils n'ont aucun respect pour nos frères et sœurs, les bêtes et les oiseaux, et ils les tueront également. Ils sont trop nombreux pour pouvoir les compter et vous prendront tout ce que vous possédez, sauf votre esprit. La grande ombre obscure de l'oiseau vorace de la mort d'étendra sur les nations. »

Ceux qui ont la médecine de l'hermine et de la belette sont de fins observateurs. : ils vous donneront toujours davantage d'informations sur les situations et les circonstances que vous avez vécues que ce dont vous vous êtes aperçu.

Ils sont très utiles dans toute organisation et doivent toujours conserver une place discrète au service des dirigeants de ladite organisation. Ceux qui ont la médecine de la belette sauront toujours se tirer d'affaire, car ils sont plus rapides et plus perceptifs que la moyenne des gens. En revanche, ils ne doivent jamais se mettre en évidence et ne sont pas taillés pour la célébrité ou le leadership.

C'est une médecine très utile. Elle saura protéger ceux qui la possèdent. [...]

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Symbolisme celte :


Dans Emblèmes et symboles des Bretons et des Celtes (2001) de Divi Kervella, on apprend que :


"C'est vraiment par la petite porte que l'hermine est entrée dans l'emblématique bretonne.

Pierre de Dreux, dit Mauclerc, un prince capétien français, épouse en 1214 Alix, l'héritière du duché de Bretagne. Celle-ci n'utilise pas d'armoiries particulières et ce sont les armes de celui qui n'est que le prince consort et le régent du duché qui apparaîtront sur les sceaux et les pièces de monnaie.

La famille de Dreux a pour armoiries un échiqueté d'or et d'azur (jaune et bleu) à la bordure de gueule (rouge). Pour se différencier des autres membres de sa famille, Pierre porte une brisure qui est un franc-quartier (canton qui fait le quart de l'écu) d'hermine.

L'hermine est une fourrure héraldique qui consiste en un fond blanc constitué par des peaux de cet animal cousues côte à côte et alternées en hauteur. En effet, le manteau de ce petit animal carnassier proche de la belette est d'une blancheur immaculée en hiver (en été il est fauve), toutefois l'extrémité de sa queue reste toujours noire. Ce sont ses queues noires posées en quinconce au centre de chaque peau et attachées par trois agrafes qui forment les mouchetures d'hermine, c'est le terme héraldique. Le dessin de ces mouchetures s'est trouvé modifié et stylisé au cours des siècles au gré des héraldistes et on en trouve actuellement une très grande variété de représentations. Bien que cet animal vive dans toute l'Europe, les peaux étaient importées d'Arménie, d'où ce nom d'hermine.


Du fait de cette blancheur immaculée, l'hermine symbolise la pureté, et la croyance veut, et ceci est noté depuis l'Antiquité, que l'hermine préfère mourir plutôt que de se souiller. Cela donnera naissance à la devise de la Bretagne : Kentoc'h mervel eget bezan saotret ou en latin Potius mori quam fœdari : "plutôt la mort que la souillure". D'après la légende en effet, la duchesse Anne (ou d'après d'autres versions Nominoë, ou encore Konan Meriadeg..., peu importe au fond puisque chronologiquement tout cela est impossible) vit un jour une hermine, traquée par des chasseurs, accepter de périr plutôt que de traverser une mare de boue où elle eût taché sa robe blanche. Admirative devant cette attitude, elle obtint la grâce du petit animal et de de prendre pour emblème.

Dès 1251 avec le duc Jean Ier le Roux, le fils de Pierre de Dreux, on trouve la première attestation d'un écu d'hermine plain, c'est-à-dire tout blanc avec des mouchetures. Ce qui n'était au départ qu'une simple brisure est donc devenu l'ensemble de l'écu. Jean II accentue le phénomène et c'est en 1316, avec le duc Jean III le Bon, que le changement est vraiment définitif.

Ce changement d'emblème allait avoir une portée considérable :

  1. Dans la symbolique tout court. En héraldique, la fourrure d'hermine était tenue en très haute estime. C'était la plus noble des fourrures. Elle symbolisait la pureté, la virginité et la droiture. En outre, le dessin d'hermine plain constitué d'un semé, c'est-à-dire d'un nombre illimité de figures identiques avec, au bord de l'écu, des éléments coupés, en faisait un apanage divin dans la symbolique de l'époque, tout comme l'était le semé de fleurs de lis des rois de France, ce qui ne faisait qu'accentuer la revendication des "droits royaux de la Bretagne" et la prétention d'être "ducs par la grâce de Dieu".

  2. Dans la symbolique des couleurs, l'abandon du jaune et bleu, qui étaient également les couleurs de la royauté française, ne pouvait que marquer une volonté d'indépendance accrue. En outre, l'adoption du noir et du blanc mettait la famille régnante en phase avec le peuple qui avait déjà cette association de couleurs comme emblème avec la bannière blanche à croix noire. Cela était d'autant plus évident que la garde ducale ainsi que les agents de l'administration reprenaient maintenant du même coup ces deux couleurs sur leur tenue de livrée, bien proche dorénavant des tenues de soldats bretons avec leurs cuirasses blanches à croix noire.

  3. Dans la symbolique des mots. Comme les "armes parlantes" sont un des traits caractéristiques de l'héraldique - c'est-à-dire le fait de représenter des noms sous forme de rébus - , on ne peut que constater qu'en langue bretonne l'élément brizh "mouchetures" ressemble fort à Breizh "Bretagne", aussi bien que brizhenn "moucheture" à Brezhon "Breton".

Cette étymologie (fautive soit dit en passant) remonte à fort loin et avait déjà cours dans l'Antiquité où l'on rapportait, comme l'a fait Jules César, que les Bretons se battaient nus après s'être peints le corps de motifs bleus, d'où d'ailleurs la forme d'origine latine "picte" qui en est une "traduction" (le latin pictura est à l'origine de mots français comme peinture, pictural, pictogramme... et du mot anglais picture) ; les Pictes et les Bretons portent le même nom sous des aspects légèrement différents (à partir d'une forme Pritan pour les premiers, et une forme Brittan pour les seconds).

De la moucheture d'hermine on devait passer à l'hermine tout court, c'est-à-dire à la représentation de l'animal (en héraldique on parle alors d'"hermine passante"). La première mention de son utilisation comme emblème date de 1381 avec la création de l'ordre de l'Hermine, ordre militaire et honorifique institué par jean IV et qui, particularité vraiment remarquable pour l'époque, était ouvert aux roturiers et aux femmes. Le collier de cet ordre était formé de deux chaînes d'or, reliées entre elles d'agrafes ornées d'hermines passantes. Ces deux chaînes étaient attachées à leurs extrémités par une double couronne ducale où deux hermines émaillées étaient suspendues. Les hermines des agrafes étaient entortillées de deux rubans sur lesquels était écrite la devise du duc Jean IV "A ma vie", ces rubans étaient alternativement émaillés de blanc avec des lettres noires et de noir avec des lettres blanches.

Le collier de l'Hermine a été remis au goût du jour en 1988 par l'Institut culturel de Bretagne. Il permet de distinguer des gens qui ont œuvré toute leur vie pour la Bretagne, généralement dans le plus grand anonymat.

Très rapidement les mouchetures d'hermine allaient symboliser la souveraineté bretonne et la politique ducale. Les historiens bretons du Moyen Âge ont eu vite fait de donner une origine surnaturelle à ce choix en le faisant remonter au roi Arthur qui, lors de son combat à Paris contre Frollon, le gouverneur des Gaules, eut la vision de la Vierge vêtue d'un manteau herminé lui promettant la victoire...

Le château que fit construire le duc à Vannes fut nommé le château de l'Hermine. Les deux navires qui permirent au Malouin Jacques Cartier de découvrir le Canada avaient pour nom la Grande et la Petite Hermine.

La bannière armoriée issue de l'écu était également blanc à mouchetures d'hermine. Elle représentait le duc et le pouvoir ducal. C'était un emblème personnel et non pas "national" à l'origine. Il sera toutefois relevé et fera office de drapeau national pendant un certain temps à la suite du réveil patriotique amorcé à la fin du XIXè siècle, comme l'indique le manifeste du Parti nationaliste breton (1912) dans son article 12 : "Nous reconnaissons et saluons, comme seul emblème de notre patrie, l'étendard blanc moucheté d'hermines, à l'exclusion du drapeau tricolore de la France." Ce drapeau sera définitivement abandonné dans les années 20 et ne sera plus qu'un emblème régionaliste ou provincial. Toutefois, l'hermine gardera une place de choix dans le nouveau drapeau, étant à la place d'honneur en canton.

Ainsi donc, l'hermine, à l'origine venue de l'étranger, était rapidement devenue le symbole breton par excellence. Cela ne s'est jamais démenti par la suite.

Elle semble avoir été combattue pendant un temps par les nouvelles autorités après l'effondrement de l'Etat breton et au deuxième mariage de la duchesse Anne de Bretagne avec le roi de France Louis XII. L'auteur Pierre-Yves Castel a en effet relevé un véritable raz de marée de fleurs de lis aux fenestrages des églises de Bretagne à partir de cette époque. Cette génération non spontanée due à l'art officiel est bien évidemment une tentative de substitution symbolique de la part du pouvoir royal et des franges de la Bretagne qui avaient soutenu la France contre la Bretagne comme le clergé et une partie de la noblesse. Quelques ateliers d'architecture semblent avoir refusé de jouer ce jeu. Mieux, on notera la petite chapelle de Saint-Dredeno en Saint-Gérand (Morbihan) où un tailleur de pierre anonyme a fait figurer une hermine là où on s'attendait à trouver la sacro-sainte fleur de lis.


La jolie chapelle de Notre-Dame du Kran en Spézet (Cornouaille bretonne) est un autre exemple de réaction à cet état de fait. Le maître vitrail qui date de 1548 (16 ans après l'annexion donc) est un petit chef-d'oeuvre de subversion. Ce vitrail qui représente la Passion du Christ montre des hermines à terre quand Jésus tombe ou est crucifié, mai, tout au sommet, c'est son triomphe, et là l'artiste fait ressusciter le Christ accompagné d'hermines, véritable appel à la résurrection de la liberté bretonne.

Aujourd'hui l'hermine est un symbole politiquement neutre, elle est utilisée aussi bien par l'armée et la gendarmerie françaises que par les nationalistes bretons les plus radicaux. On la trouve dans tous les domaines, aussi bien commercial que sportif : l'hermine de Nantes est par exemple le nom d'une équipe de basket-ball. Son symbolisme qui était à l'origine un pendant de l a fleur de lis est devenu le pendant de l'utilisation internationale de l'étoile : sur des bannières paroissiales on montre la Vierge entourée d'un cercle de mouchetures d'hermine au lieu des étoiles traditionnelles, et sur le drapeau du pays bigouden - de création récente - le nombre de mouchetures d'hermine rouges varie selon le nombre de communes, tout comme le nombre des étoiles du canton du drapeau américain varie selon le nombre des États formant l'Union.

Notons à l'étranger l'exemple des 11 mouchetures d'hermine sur l'écu de Cologne en l'honneur de Sainte Ursule, devenue patronne de la ville, qui était une princesse bretonne de Cornouailles, et des onze mille vierges martyres qui l'accompagnaient qui furent massacrées sur les bords du Rhin.

Cette identification de l'hermine à la Bretagne peut prendre une dimension véritablement symbolique. Elle était souvent utilisée par euphémisme à la cour des rois de France pour désigner la Bretagne (surtout en temps de vives tensions et de conflits !). Le terme Herminie a été forgé par le poète Xavier Grall (1930-1981) pour désigner la Bretagne ce qui montre bien que cette image a encore cours de nos jours. Dans le même ordre d'idées, on voit également la duchesse Anne (1488-1514) être appelée "l'Hermine de Lumière" de son vivant et "l'hermine regrettée" après sa mort. Ajoutons pour terminer que le surnom que l'on donne à l'hermine en breton est Katell ou Katell Goant ("Catherine, jolie Catherine") et Katell est également le nom-prototype que l'on donne à la femme bretonne.

On trouve quelques traces de l'hermine dans la mythologie celtique. en Irlande, une farouche vierge guerrière d'essence royale s'appelait Neas. Les philologues se répétant les uns les autres, traduisent invariablement ce nom par "belette", or, il n'y a pas de belettes en Irlande, en revanche il existe bien des hermines.

[En breton, "hermine" se dit erminig avec un pluriel en -ed pour l'animal et un pluriel en -où pour la moucheture.]"

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