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La Primevère



Étymologie :


  • PRIMEVÈRE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. xiie s. bot. primevoire (Gloss. de Tours, 331 ds T.-L. : primivera [...] primevoire) ; 2. 1573 primevere (J.-A. de Baïf, Passetems, 1. IV, fo 100 vods Gdf. Compl.). Prob. issu p. méton. du lat. primum ver (primo vere « au début du printemps », César ds Gaff. ; primo vere « au printemps », Mulomedicina Chironis ; devenu en b. lat. primum ver, prima ver, CGL t. 4, p. 295, 42, prima vera « printemps », CIL t. 3, 7783 d'apr. Cor.-Pasc., s.v. verano) parce que cette plante fleurit au printemps. Une ell. de (fleur de) primevoire « printemps » (Bl.-W.1-5 ; FEW t. 14, p. 271b et 272b) est moins vraisemblable parce que primevoire « printemps » semble plus tardif et plus rare en fr. : aucune attest. sûre av. 1442-45 ds le Roman de Troyle (ms. B.N. fr. 25527, I, 56 ; trad. du Filostrato de Boccace par L. de Beauvau, v. H. Hauvette ds B. Ital. t. 7, pp. 298-304) où primevaire est prob. une simple adaptation de l'ital. primavera « printemps », att. dep. Boccace, cf. Tomm.-Bell., notamment dans le passage trad. ; la forme primevoile (Marco Polo ds Gdf.) est douteuse (v. éd. L. F. Benedetto, p. 89, 75-76, note). La forme 2 est prob. due à l'infl. de primevere « printemps », att. de 1534 (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V.-L. Saulnier, chap. 4, p. 37) à 1700 (Pomey d'apr. FEW, loc. cit., p. 271b) qui est empr. à l'ital. primavera, alors que l'attest. isolée prime vere « jeune âge? », 2e moitié xiiie s. (De l'Oue au chapelain ds Montaiglon et Raynaud, Rec. de fabl., t. 6, p. 46 ; cf. T.-L., s.v. primevoire) représente un empr. au lat.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Primula spp. - Clef de Saint-Pierre - Fleur de Saint-Pierre - Herbe de Saint-Pierre -

La Petite Primevère acaule (Primula acaulis) : Boubou - Bouquets de lait - Bra-cucu - Braguettes de coucou - Braguettes de cocu - Brassières - Brayes de coucou - Brayettes - Bren de pie - Chausse à la pie - Chôsse de loup - Concoin - Coucou à cloques - Coucou-candélabre - Coucou de la Sainte-Vierge - Coucou-troche - Fleurs à la clé - Fleur de la huppe - Fleur de mars - Fleur de Pâques - Gants de coucou - Gants à la Vierge - Herbe d'hiver - Lait de coucou - Marionètes - Oseille de coucou - Pacrole - Pain de cocu - Palvèr - Pâquette - Pâquette des bœufs - Patte de verre - Pionver - Plomb de verre - Pramare - Prime-flou - Primevoire - Printanière - Prume verte -

La Grande Primevère eliator : Coqueluchon - Coucou-bian - Coucou de Jésus - Coucou de loup - Coucou des dunes - Coucou des vagues - Coucou franc - Fleur de beurre - Fleurs de pain - Herbe à la paralysie - Paigle - Pain chaud - Peggle - Plumerole - Plumezole - Pommerole - Promerole -

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Botanique :


Lire la fiche Tela Botanica.








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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Les corolles de certaines primevères ou pipettes se mangent quelquefois, celles de Primula acaulis en salade, celles de Primula veris dans les beignets et les matafans.

Les fleurs de Primula elator passent pour être mauvaises, et les corolles roses de Primula farinosa et rouges des Primula viscosa, graveolens et pedemontana pour être dangereuses.

[...]

Aux épileptiques [se donne] les baies du muguet, le bois du guy, Viscum album, le rhizôme de valériane, et avec le même insuccès les fleurs de primevères ou pipettes, Primula veris.

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot nous apprend que :


En Lorraine, les petites, filles dépouillent une fleur de primevère de sa corolle et n'en gardent que le pistil et le style qui leur représente une toute petite poupée qu'elles appellent la marionnette. Elles la déposent délicatement sur l'eau tranquille d'une anse de ruisseau en chantant l'incantation suivante :


Vas vas ma petite marionnette

Vas vas trois petits fours et puis t'en vas


La marionnette tourne un instant, puis disparaît, submergée dans ce petit océan.

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Pour détourner les enfants de toucher à certaines espèces, on leur dit qu'elles peuvent être nuisibles aux volatiles. En Poitou, les oisons périraient si l'on jetait devant eux les premières primevères que l'on trouve, ou ils meurent dans l'œuf si on en apporte à la maison.

[...] En Haute-Bretagne, où les primevères blanches des champs s'appellent des fièvres, on leur dit [aux enfants] qu'elles leur donneraient cette maladie.

[...] Un jeu enfantin sert aussi à des augures. Il s'appelle faire danser ou promener les demoiselles, et il consiste à faire tenir debout sur un verre d'eau, ou dans le creux de la main rempli de salive, la corolle de la primevère. Pour qu'elle se maintienne dans cette position et se mette à tourner, les enfants accompagnent l'opération d'une formulette. Voici celles de la Haute-Savoie et de la Vienne :


Flou d' Pâques

Dis mè s'el m'ôme,

S'el m'ôme,

Teurn ta tête en bô. {bis)

Je passe sur l'aspic

Et le basilic,

Je foule le pied du lion,

Et du dragon, un. deux


Si après cette incantation la fleur se renverse, le résultat est manqué, si elle reste debout, on aura ce qu'on désire, par exemple, on sera aimé ou son ennemi aura le mal qu'on lui souhaite. En Ille-et-Vilaine, on dépose dans un verre d'eau plusieurs corolles de primevères, à chacune desquelles on donne le nom d'une des filles présentes ; les fleurs qui restent debout après l'incantation présagent du bonheur à celle dont on lui a donné le nom, celles qui tombent, malheur. Dans l'Ardèche, du côté où la fleur tombe, on se mariera ; dans le Doubs si elle reste debout, c'est un présage de mariage ou de beau temps. Aux environs de Valence si elle tombe au fond de l'eau, la fille qui consulte la destinée est enceinte. A Béziers, quand elle se penche au lieu de se tenir debout, celui des assistants qui est dans la direction de la plante sera cocu.

[...] Un certain nombre de plantes, en raison de particularités assez rares, constituent des porte-bonheur. [...] La jeune bretonne qui cherchant des primevères pour savoir si elle se mariera dans l'année, en rencontre une à sept pétales, est assurée de trouver un époux avant l'an révolu.

[...] Les enfants lorrains et champenois confectionnent avec les fleurs des primevères des pelotes qu'ils se lancent les uns aux autres et qu'ils rattrapent avec habileté.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Printemps - Avril.

PRIMEVERE - PREMIÈRE JEUNESSE. Les houpes safranées de la primevère nous annoncent l'époque de l'année où l'hiver, en se retirant, voit les bords de son manteau de neige ornés d'une broderie de verdure et de fleurs. Ce n'est plus la saison des frimas, ce n'est pas encore celle des beaux jours. Ainsi une jeune fille balance quelques instants entre l'enfance et la jeunesse. A peine la timide Aglaé a vu naitre son quinzième printemps, elle voudrait encore, mais elle ne peut plus, partager les jeux folâtres de ses jeunes compagnes. Cependant elle les contemple, et son cœur brûle de les suivre ; elle voudrait, à leur exemple, réunir les fleurs de la primevère pour en former ces boules parfumées qu’on se jette, qu’on reçoit et qu'on se jette encore. Mais un dégoût qu'elle ne peut vaincre éloigne du cœur de cette jeune beauté les innocentes joies. Une pâleur touchante se répand sur son front, sa tête se penche, son cœur languit el soupire, il souhaite, il redoute un bien qu'il ignore ; elle a ouï dire que, comme le printemps succède à l'hiver, les plaisirs de l'amour succèdent à ceux de l'enfance. Pauvre fille ! tu les connaitras, ces plaisirs toujours mêlés d'amertume et de pleurs ; le retour de la primevère te les annonce aujourd'hui, mais cette fleur te dit aussi que l'heureux temps de l'enfance ne peut plus renaitre pour toi. Hélas ! dans quelques années elle reviendra te dire encore que l'amour et la jeunesse ont fui sans retour.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Oreille d’ours [Primula auricula] - Incertitude d'amitié.

A cause de la variété des fleurs d’une même tige.


Primevère - Première jeunesse.

Cette plante est un des premiers ornements du printemps.


Primevère de Chine - Préférence.

C’est une des plus belles plantes qui fleurissent en hiver; elle fait aussi bien l’ornement des soirées comme bouquet que celui des salons dans les jardinières. Elle mérite à tous égards la préférence qu’on lui donne.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


PRIMEVÈRE – CORDIALITÉ.

Dans tout ce que vous donnez conservez un visage riant et sanctifiez vos dons par la joie. Donnez au Très- Haut selon ce qu'il vous a donné et faites votre offrande avec joie.

Ecclésiastes : XXXV, 12, 13. -

L'hiver a fui, déjà les champs brillent de verdure et l'aimable primevère incline sa tête humide de rosée. Transportons-nous par la pensée dans les vallons où nous aimons à cueillir cette fleur printanière, et rêvons un instant à notre enfance, âge si heureux, mais trop rapidement écoulé, que remplissaient les jeux folâtres et les innocents désirs !... La primevère croît sous les frimats qui fécondent la terre et y concentre la chaleur. Naïve et confiante, elle laisse bientôt entrevoir ses douces couleurs ; aimable arc-en-ciel terrestre elle annonce que la terre n'a point renoncé à produire. Elle fait sur l'imagination l'effet d'une flûte champêtre entre des rochers qui remplacent un désert. Cette fleur se présente sur une tige légère qui s'é lève peu. Ses fleurs, sur de courts pétioles blanchâtres et légers, sont agrégées comme de timides sœurs et inclinent leur tête modeste, peu rassurées encore contre la fureur des vents glacés. Dans les champs leur teinte est jaunâtre ; dans les jardins, et presque sans culture, mais à l'abri de nos murailles, placées par notre prévoyance sur un sol mieux nourri, elles se parent des glaces nouvelles.

Son nom de primevère lui vient de ce qu'elle annonce le printemps, ce n'est pourtant pas la fleur la plus tardive. On la nomme aussi coucou des prés, parce que le coucou se fait entendre lorsque les fleurs s'épanouissent.

RÉFLEXION.

La cordialité est un effet de la charité et un fruit de l'amour divin uni à celui du prochain. C'est une saillie de cœur par laquelle on fait voir qu'on est bien aise d'être avec son frère avec un pauvre, avec le prochain.

(SAINT VINCENT DE PAUL, Maximes et conseils.)

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Photo prise en février 2022 au désert de Jean-Jacques Rousseau.

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


PRIMEVÈRE - PREMIÈRE JEUNESSE.

Cette plante s'épanouit dès les premiers jours du printemps. — De là son nom de primevère. « La primevère languissante, dit Shakespeare, qui ne voit jamais Phoebus dans toute sa force, pâle comme la jeune fille qui se consume dans l'attente d'un époux. »


Dans les champs ranimés, j'ai vu la primevère

Ouvrir les tendres fleurs de sa touffe légère.

COMHAIRE.

Amante des zéphirs, soudain la primevère

Emaille le bord des ruisseaux.

DE BRIDEL.

Sur le gazon, la tendre primevère

S'ouvre et jaunit dès le premier beau jour.

PARNY.

L'odorant primevère élève sur la plaine

Ses grappes d'un or pâle, et sa tige incertaine.

SAINT-LAMBERT.

Quand on entend l'hirondelle,

Avec le premier beau jour,

Du printemps qui la rappelle

Annoncer l'heureux retour ;

Tu fleuris, ô primevère !

Au sein du naissant gazon,

Et tu sers de messagère

A la nouvelle saison.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie

Primevère - Première jeunesse.

Jolie petite plante commune dans les bois et les prairies ; c'est une des premières fleurs du printemps.


La primevère sort de l'herbe

Déployant ses grappes en fleurs.

Que lui sert son luxe superbe ?

La pauvrette n'a pas d'odeur.

 

Dans le même ouvrage Emma Faucon, consacre également un article à une primevère particulière :


Oreille d'ours - Séduction.

Cette charmante fleur a souvent attiré le voyageur au sommet des Alpes ; l'espérance de la cueillir lui faisait surmonter tous les obstacles. En effet, elle a une grâce toute particulière quand elle livre au vent son panache de fleurs dorées qui sortent de la neige à demi fondue.


[Oreille d'ours = Primula auricula ; Auricule ; Primevère auricule]

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Primevères ont les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Terre

Divinités : Aphrodite-Vénus vulgaire (dans leurs versions pandémos, hétaïra et callipyge, en opposition à Aphrodite-Vénus ourania, déesse de l'amour élevé) ; Freyja, déesse scandinave de l'amour-passion violent et agité, en opposition à Frigg, déesse de l'amour calme et conjugal.

Pouvoirs : Passion ; Attachement ; Sexualité ; Chasteté.


On groupe sous cette dénomination deux espèces de plantes vivaces, différant par le fait que chacune de leurs hampes florales ne porte qu'une seule fleur (Primula acaulis), ou qu'elle est au contraire terminée par une ombelle groupant une dizaine de corolles, nettement dégagées du feuillage par un long pédoncule (Primula veris eliator).


Utilisation rituelle : Des bouquets de Primevères ont été pendant de longs siècles l'emblème de la folie : « Des porions pour les garçons ; Des jonquilles pour les filles ; Des magriettes pour les fillettes ; Des Pommeroles pour les folles. » Les enfants qui avaient un frère ou une sœur atteint de maladie mentale déposaient, le premier dimanche de mai, des serbes de coucou devant la statue de saint Germain.

Une Primevère déposée pendant la nuit sur la fenêtre d'une fille signifiait que ça ne tournait pas bien rond dans sa tête.


Utilisation magique : Fleurs passionnelles entre toutes, les petites Primevères rouges, bleues, jaunes, chamois, qui décorent le jardin dès le mois de mars, jouent un rôle très ambivalent : c'est justement parce qu'une longue tradition les a associées aux dérèglements de toutes sortes, et en particulier à la luxure, qu'elles peuvent, dans certains cas, freiner les débordements sensuels. La sorcellerie des campagnes n'a pas attendu les découvertes du docteur Hahnemann pour connaître et utiliser les principes de l'homéopathie.

Au XVIII e siècle, ces fleurs symbolisaient le libertinage ; sous la Régence, marquises et rouées en portaient sur elles quand elles se rendaient à un rendez-vous galant. Alors comment peut-on expliquer cette autre tradition, aussi ancrée dans les esprits que celle que nous venons de citer : les mères possessives cousaient des pieds de Primevères dans l'oreiller du fils qu'elles souhaitaient garder auprès d'elle le plus longtemps possible. Lorsque le jeune homme « fréquentait », la liaison cassait inexplicablement et le dadais, déconfit, n'avait plus qu'à rentrer au bercail pour s'y faire consoler par maman.

Paradoxe, peut-être, mais paradoxe parfaitement logique et fondé sur une connaissance profonde de la psychologie humaine : aiguillonné, pensait-on, par les subtiles effluves des plantes qu'une main perverse glissait dans son oreiller, le jeune homme ne pouvait se comporter autrement qu'en libertin ; la jeune fille s'empressait bien sûr de rompre, effrayée par ce débauché qui ne ferait jamais un bon mari.

On défendait aux enfants de rapporter des fleurs de coucou à la maison parce que cela empêche les poules de pondre (Mayenne).

Il ne faut pas apporter des fleurs de Coucou à la maison quand les oies couvent, parce que cela ferait périr les oisons dans l'œuf (Poitou).

Au milieu d'un cercle de jeunes filles, on met sur une feuille de papier blanc une fleur de Primevère qu'on fait sauter jusqu'à ce qu'elle tombe. La fille du côté de laquelle elle tombe sera celle qui sera prochainement demandée en mariage. Si la fleur est tombée à l'endroit, le prétendant sera un garçon sérieux qui la rendra heureuse ; si elle est tombée à l'envers, ce sera un chenapan qui lui en fera voir de toutes les couleurs (région de Chimay, Belgique).

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi la Primevère :

Mot clef : Candeur

Cachés par une primevère,

Une caille, un merle siffleur,

Buvaient tous deux au même verre

Dans une belladone en fleur.


Pensif, j'observais en silence,

Car un cœur n'a jamais aimé

Sans remarquer la ressemblance

De l'amour et du mois de mai.


Victor Hugo (1802-1885), Les Chansons des rues et des bois.


Peu de fleurs sont attendues aussi impatiemment que la Primevère, et cela tout simplement parce qu'elle est un des premiers signes du printemps. Son nom vient de l'ancien français « primevoire », qui dérive du latin populaire prima vera (printemps).

Une anecdote raconte que la reine Victoria fit porter chaque jour, au printemps, un bouquet de Primevères à Benjamin Disraeli, le ministre qui l'avait fait proclamer impératrice des Indes. Lorsqu'il mourut, la reine fit déposer sur sa tombe ces petites fleurs qi'il avait tant aimées.

Cette plante, modeste et fraîche, se cache dans les bois ou se blottit sur les talus, au bord des chemins... Les fleurs s'épanouissent généralement dès le mois de mars, et cette floraison dure une bonne partie du printemps.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Parce qu'elle est la plante du printemps par excellence, la primevère est associée au renouveau, à l'espérance et à la fertilité. Jadis, dans le département de la Sarthe, aux environs de Pâques, on jetait des primevères dans un ruisseau que les nouveaux mariés devaient franchir, ce rite leur promettant bonheur et progéniture. En outre, deux jeunes amoureux qui, alternativement, déposent dans une rivière sept de ces fleurs s'assurent que leur parents verront leur union d'un bon œil tandis qu'en Bretagne, la primevère à sept pétales présage le mariage à qui la trouve.

Au XVIIIe siècle, elle symbolisait le libertinage ce qui n'empêchait pas les mères de coudre des pieds de la fleur dans l'oreiller de leur fils pour prolonger le plus possible leur célibat : "... paradoxe, peut-être, mais paradoxe parfaitement logique et fondé sur une connaissance profonde du genre humain : aiguillonné, pensait-on, par les subtiles effluves des plantes qu'une main perverse glissait dans son oreiller, le jeune homme ne pouvait se comporter autrement qu'en libertin ; la jeune fille s'empressait bien sûr de rompre, effrayée par ce débauché qui ne ferait jamais un bon mari".

La primevère est censée également favoriser la création et l'inspiration artistique : ses feuilles et ses pétales réduits en poudre, contenus dans une petite boîte posée que un bureau ou près d'un chevalet, constituent l'amulette par excellence des peintres et des écrivains.

Elle sert d'augure quand on la pose renversée sur sa corolle sur un verre d'eau ou sur sa main avec de la salive. Si, après avoir récité une formulette, la fleur tient toujours debout, ce qu'on désire se réalisera. Si elle tombe au fond du verre, la consultante est enceinte (région de Valence), si elle penche vers quelqu'un, elle lui annonce qu'il sera bientôt victime de l'infidélité de son conjoint (Béziers).

Au pays de galles, les primevères qui fleurissent en juin portent malheur et dans toute l'Angleterre, offrir une ou deux primevères attire le mauvais sort sur son destinataire. C'est pourquoi on les offre toujours en bouquet. D'ailleurs un beau bouquet de ces fleurs protège des esprits maléfiques.

Blanche, la primevère présente un danger pour les enfants. En Bretagne et en Mayenne, on leur déconseillait d'en manier ou d'en porter une à la bouche car cette fleur, surnommée "fièvre", était susceptible de les rendre fébriles. D'une manière générale, c'est la primevère jaune, ou fleur de coucou, qui a mauvaise réputation dans les campagnes françaises, la Sainte Vierge, elle-même, détestant les fleurs jaunes. En Seine-et-Marne, pour faire pleurer la mère du Christ, "on n'a qu'à lui présenter, à son autel, un bouquet de coucous jaunes". Par ailleurs, apparaissant en même temps que le coucou, la primevère jaune est devenue, comme cet oiseau, l'emblème du mari trompé. Dans une maison, elle empêchait, croyait-on autrefois, la ponte des poules, faisait mourir les petits de l'oie et rendait boiteuses les volailles.

Elle n'en servait pas moins à la consultation suivante : "Au milieu d'un cercle de jeunes filles on met sur une feuille de papier une fleur de coucou qu'on fait sauter jusqu'à ce qu'elle tombe. La fille du côté de laquelle elle tombe sera celle qui sera prochainement demandée en mariage.

D'un point de vue médicinal, la primevère servait autrefois à soigner le mal caduc : il fallait faire bouillir la plante entière, racines comprises, recueillir le breuvage et le donner au malade pendant neuf jours dans un verre neuf. Les trois premiers jours du traitement, le prêtre devait dire une messe à saint Étienne, une à saint Nicolas et une à saint Jean-Baptiste, puis mettre son étole sur la tête du patient et lui lire l'Évangile de saint Jean.

Aujourd'hui, on recommande, contre la migraine, de se mettre dans le nez du coton imbibé d'infusion de primevère ou de boire le suc de la plante avec du lait. Enfin, on dit qu' "une jeune fille qui prise de la poudre de primevère rouge retrouve sa virginité perdue".

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : La Candeur ; L 'Espérance.


Savez-vous ? : Les premières graines de ces fleurs ont été envoyées en Europe vers les années 1810, en provenance des sous-bois du Yunnan en Chine. Les primevères en sont jamais plantées dans les fermes poitevines car elles pourraient gâter les œufs des poules et des oies. Sous l'Ancien Régime [comment est-ce possible si elle n'est pas connue avant 1810 ?], ces fleurs étaient un symbole de libertinage. La primevère porte d'autres noms : l'herbe de la paralysie, la fleur de Saint Pierre ou encore la clé de Saint Pierre.


Légende : Une légende germanique racontait que saint Pierre perdit les clés de la porte du paradis. Elles furent transformées en massifs de primevères pour que les âmes condamnées à l'errance ne puissent pas s'en servir.


Message : Je vous désire."

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"Manifestation de l'éternel renouvellement de la nature, la primevère apporte avec elle tous les espoirs. parce qu'elle sonne le réveil du printemps, elle fête la première jeunesse, jeunesse d'esprit autant que jeunesse tout court, et avec elle le premier amour. Tout naturellement, elle assure : "je n'ai jamais aimé que vous". Elle glisse : "pourquoi vous défendre de moi ?". Mais elle veut tout puisqu'elle désire aussi "la candeur, l'insouciance et la gaieté".

Avec son parfum léger comme une brise et sa belle palette de couleurs pastel, la primevère de jardin (l'autre, sauvage et uniquement jaune, se nomme coucou) fit parler d'elle à la cour britannique au XIXe siècle. La Reine Victoria en offrit un gros bouquet à son ministre Disraeli pour ses bons et loyaux services.

Au début du XXe siècle l'écrivaine Katherine Mansfield note dans son journal : "Une jeune fille est passée sous ma fenêtre, elle vendait des primevères. J'en ai acheté de grosses bottes, je les ai délivrées de leurs liens si serrés, je les ai laissées s'étirer, se détendre, les pauvres petites, dans une coupe bleu ciel où l'on met des primevères chaque année. En me penchant sur elles, j'ai vu leurs visages pâles et las me regarder de cet air perplexe et inquiet qu'ont parfois les très petits enfants. On eut dit que le printemps était entré dans ma chambre, chantant très bas, tout bas"


Mot-clef : "Éternelle jeunesse"

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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle de la Primevère :


Nom botanique : Primulus spp.


Variétés communes : Primevère commune (Primula vulgaris) et Primevère officinale (Primula veris).


Propriétés énergétiques : Soigne les enfants ; améliore les comportements ; aide à maîtriser le travail scolaire et équilibre l'énergie.


Archange correspondant : Métatron.


Chakras correspondants : tous les chakras.


Propriétés curatives : La primevère est une fleur qu'il est facile non seulement de cultiver, mais également d'utiliser dans le cadre d'une thérapie par les fleurs ! Son énergie sert à guider les enfants. C'est une fleur formidable pour les enfants Indigo et Cristal, car elle aide les plus sensibles à trouver leur équilibre, à être plus concentrés et à garder les pieds sur terre. Elle améliore les comportements de tous les enfants en les débarrassant des énergies négatives qu'ils ont absorbées.

Encouragez vos enfants à prendre soin de primevères. Ce moyen simple et efficace d'appliquer la thérapie par les fleurs leur permettra d'équilibrer leur énergie. Vous pouvez également en afficher des représentations dans leur chambre si vous ne pouvez pas avoir ces fleurs chez vous.


Message de la Primevère : « Éprouvez-vous des difficultés à communiquer avec vos enfants ? Avez-vous le sentiment qu'ils pourraient avoir de meilleurs résultats à l'école ? Permettez-moi de les aider, tout en vous soutenant également. Il est inutile de vous inquiéter. Je leur apporterai l'équilibre à tous les niveaux. Les enfants peuvent passer du calme à l'agitation en l'espace d'un instant. Ce comportement est attribuable à leur sensibilité et au fait qu'ils absorbent l'énergie des gens qui les entourent. Nous devons leur faciliter cet échange d'énergies. Utilisez-moi pour la thérapie par les fleurs de votre enfant et vous remarquerez rapidement un changement positif dans leur personnalité et dans leurs résultats scolaires. Tout le monde pourra rester calme et maître de soi toute la journée. »

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Selon Claire Tiberghien, auteure de Équilibre et méditation par les plantes, 30 plantes à découvrir (Éditions Jouvence, 2016), la Primevère présente les caractéristiques suivantes :

Élément : Métal.


De son nom latin Primula veris, la primevère fait partie de la famille des Primulacées. Elle apporte la richesse.

La Primevère est efficace en cas de toux. Elle calme le cœur et les nerfs, en les renforçant. Elle soulage les articulations, les œdèmes, les extrémités fatiguées. La Primevère est efficace contre les vertiges et les migraines. On la prescrit également pour atténuer la nervosité, les troubles cardiaques et les symptômes dus au changement de temps. Cette plante diurétique est particulièrement bénéfique aux personnes âgées, car elle stimule les reins et améliore la circulation sanguine.

Un oreiller rempli de fleurs de primevères séchées favorise le sommeil. LA tisane peut être prise en cure dépurative de printemps.

Sur le plan psychique : La Primevère apporte la conscience du soleil qui brille sur la terre. Elle diffuse la lumière de la force originelle. Elle dissipe la mélancolie, le manque d'espoir et le pessimisme. La peur disparaît aussi, de même que l’inconscience, la négligence et le sentiment d'infériorité. On réalise que chaque problème contient une solution. La Primevère apporte confiance, légèreté et courage. Elle sourit avec amour et joie de vivre. Elle nous relie au divin.

Grâce à la Primevère, je peux affirmer :

  • J'ose dire oui.

  • J'exploite tout mon potentiel.

  • Je me réconcilie avec moi-même.

  • Je vis la joie de l'instant.

  • Je m'aime en tant que femme, en tant qu'homme, tel que je suis.

  • Je suis guidé par ma propre autorité.

  • Je m'autorise à expérimenter des choses inhabituelles.

  • Je découvre la nouveauté, l'inconnu.

  • Je m'ouvre régulièrement à l'étonnement et je m'en réjouis.

La méditation de la Primevère : Le parfum subtil, un peu doucereux, mais rafraîchissant, de la Primevère vous emporte dans une large prairie, mélange de jaune et de vert. Un sourire paisible se dessine sur vos lèvres. UN sourire destiné au soleil, au vent, à la terre et à l'eau. Vous ressentez la force de la douceur. Une douceur qui vous relie à la terre et au ciel, qui vous renforce. Prenez conscience de votre corps, de votre respiration. Portez votre attention sur vos pieds. Enveloppés d'une lourdeur agréable, ils sont en lien avec la terre. Imaginez-les pris dans une terre alourdie par l'eau, comme stabilisés. De cette base solide, votre corps s'étire vers le ciel, vertical, souple. Votre énergie monte, de plus en plus légère, jusqu'à votre tête.

La Primevère vous unit à la joie du mouvement. Cette joie vous montre le chemin vers votre cœur, votre richesse intérieure. Vous vous sentez présent, prêt, ouvert à ce que le futur apportera.

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Symbolisme celte :


Selon Philip et Stephanie Carr-Gomm dans L'Oracle druidique des plantes, Travailler avec la flore magique de la tradition druidique, (traduction française Éditions Véga, 2008), les mots clefs associés à cette plante sont :


en "position droite : Amour -Créativité - Renaissance

en position inversée : Illusion romantique - Quête d'intégrité.


La primevère est une petite plante pérenne, originaire de l'Europe occidentale et méridionale. C'est l'une des premières fleurs du printemps, car elle fleurit en avril.  Elle aime l'humidité et pousse dans les terrains boisés, les haies et les pâturages. Un plant peut vivre jusqu'à 25 ans et il est interdit actuellement de ramasser les fleurs sauvages.

La carte montre des primevères en fleur à l'époque de Beltaine, dans la région du mont Snowdon. Près du lac Bala est posé un chaudron dans lequel Ceridwen a jeté les herbes qui, bouillies pendant une année et un jour, donneront les trois gouttes d'awen. Derrière les primevères on voit une de leurs parentes, le coucou, qui a nombre d'usages médicinaux.


Sens en position droite. Petites et belles, parmi les premières à apparaître après l'hiver, les premières ont toujours été associées à l'amour romantique et aux nouveaux commencements. Tirer cette carte signale qu'un nouvel amour entre dans votre vie ou qu'une nouvelle vague de tendresse baignera le partenariat existant. Nos relations, comme nos rêves, ont des saisons. Si long que le partenariat ait été, un nouveau cycle peut encore débuter. La carte peut indiquer par ailleurs la montée de la créativité en vous. La primevère est la fleur du barde - tout un chacun abrite en lui un barde désireux d'entonner le chant de son âme et raconter l'histoire de son cœur. Trois gouttes sont sorties du chaudron de Ceridwen, et les changements suscités en Gwion Bach ont été profonds et multiples. En troisième lieu, cette carte peut signaler la naissance de la sagesse, plutôt que de l'amour ou de la créativité.


Sens en position inversée. La quête d'amour se transforme facilement en piège qui bloque dans un monde d'illusions. Hollywood essaie de s'assurer que tout un chacun éprouve un sentiment de satisfaction uniquement en étant passionnément amoureux. Pourtant, l'expérience et les études de la chimie cérébrale nous disent que les étapes initiales de l'amour cèdent la place à la désillusion et à la séparation, ou à une forme d'affection, d'intérêt de compagnonnage moins intense, susceptibles d’aboutir à une relation épanouie et durable. Si vous avez tiré cette carte, vous devez évaluer avec objectivité si vous êtes pris dans l'aspect illusoire de l'amour. A quel point votre quête vise-t-elle à trouver la complétude dans la vie grâce à un autre être humain ou à vous-même ?

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La fleur d'un barde nouveau

Le nom "primevère" vient du latin prima rosa, la première fleur.

Cette plante était utilisée par les herboristes anciens. Selon Pline, elle soignait le rhumatisme, la paralysie et la goutte. La primevère a des propriétés sédatives - il y a bien des siècles, la tisane de fleurs de primevère était prise au mois de mai pour "guérir la frénésie", la détresse nerveuse. Les fleurs peuvent aussi être mangées - elles formaient le principal ingrédient d'un potage de primevères jadis populaire.

En Irlande, les primevères, "fleurs des fées", étaient utilisées par la magie populaire pour attirer l'amour.

Le poème du VIème siècle, "Cad Goddeu", le Combat des Arbres, mentionne les primevères comme ingrédients ayant servi à la naissance de la femme-fleur Blodeuwedd ou de Taliesin, le barde archétypal. Un autre poème ancien, La Chair de Taliesin, liste les primevères parmi les ingrédients du chaudron initiatique du barde.

Primrose Hill est l'un des plus notables sites sacrés de Londres, offrant une vue dégagée sur toute la région environnante? A l'origine, son nom était Barrow Hilln d'après le tumulus situé sur son côté ouest, et il était recouvert de primevères au printemps. Site de la cérémonie marquant la proclamation publique de la renaissance druidique lors du solstice d'été de 1792 - Iolo Morgnanwg y pratique son rite adopté plus tard par le Welsh National Eisteddfod. Une fois de plus, la primevère avait joué un rôle symbolique important dans l'histoire suivie du druidisme.

Les druides modernes se servent des primevères pour la décoration ou comme cadeau d'initiation d'un barde. Ils préparent aussi une tisane de fleurs de primevère et de feuilles de verveine, ou procèdent à l'onction d'un nouveau barde avec une huile où ont macéré des fleurs de primevère et de verveine.


Gwydion, avec la grande magie de sa baguette enchantée,

lança le feu parmi les neuf formes des éléments,

si bien qu'ils se combinèrent en une croissance merveilleuse :

essence de sols riches, d'eau de la neuvième vague,

de primevères du flanc de la colline, de floraisons des bois et d'arbres.

L'Arrivée du Roi, Nicolas Tolstoï."

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Dans les Leçons d'elficologie, Géographie, Histoire, Leçons de choses (2006) de Pierre Dubois, Claudine et Roland Sabatier, on peut lire les notices suivantes :


"La primevère (Primula vulgaris) : c'est la fleur de la clef, elle ouvre la porte du printemps : il y a bien longtemps Flore l'a laissée tomber de son trousseau tandis qu'elle encourageaient les Elfes de lumière à vaincre les Alfs noirs de l'hiver. En entrant dans le sol, la clef a pris racine et, depuis, son éclat, victorieux ramène les beaux jours.

La primevère (Primula veris) : c'est la fleur du coucou, elle fait chanter l'oiseau d'avril qui, de ses deux notes perlées, réenchante les bois endormis et conduit sur les chemins de Féerie."

 

Pierre Dubois et René Hausman, auteurs de L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons, Printemps (Éditions Hoebeke, 2016) mettent en vedette les plantes et les animaux en fonction du calendrier :


La toute première fleur de mars est la primevère. C'est la fleur de la Vierge - toute vierge - sans autre auréole qu'une couronne de printemps. Des primevères, il y en a plusieurs qui se poussent l'une l'autre jusqu'à celle qui ramène le coucou. Celle-ci, la « vulgaris », sous son aspect modeste de nymphe de feu, cache en vérité de grandes responsabilités... Elle est la fleur de la clef, celle qui ouvre la porte au printemps et fait entrer les beaux jours.

C'est une fleur aussi liée à l'amour. Une jeune fille en trouvant une le matin au pied d'une haie de mars sera mariée avant la fin de l'année.

Afin que l'amour dure plus longtemps encore que deux cœurs gravés à l'écorce d'un chêne, les deux promis doivent cueillir chacun une poignée de primevères, la poser dans l'eau courant d'un ru et sauter aussitôt sur l'autre rive ensemble en faisan le même vœu.

Dans certaines régions, on se méfiait de l'influence des primevères du mois fou, on les appelait « fièvres » à cause des « chaleurs » que leur parfum allumait chez les fillettes qui les respiraient.

La primevère réduite en poudre semée sur le bureau d'un rimeur de rimes attire les brownies à lui ouvrir les voies des imaginaires.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; la Primevère raconte la sienne dans un conte venu de Scandinavie et intitulé tout naturellement "Le conte de la Primevère" :


"Je m'appelle Primevère, dit en s'inclinant une princesse vêtue d'une robe jaune. On raconte que jadis, saint Pierre perdit les clefs de la porte du paradis. Elles traversèrent le ciel en passant d'étoile en étoile jusqu'à ce qu'elles tombassent sur la terre. Les anges les retrouvèrent et les ramassèrent, mais les empreintes que les clefs laissèrent dans la terre donnèrent naissance à de belles fleurs jaunes. Ces fleurs ne savent pas ouvrir la porte du paradis, en revanche, elles ouvrent chaque année la porte à la belle déesse Printemps. Elles ont également le pouvoir de montrer le chemin qui mène aux trésors cachés. Mais écoutez plutôt :


Il était une fois trois frères. Très pauvres, ils vivaient dans une maison en ruines et partageaient leur table avec la Misère. Cette existence n'avait cependant pas endurci le cœur du cadet des trois frères qui s'appelait Georges. Il était si bon qu'il aurait même distribué aux plus malheureux que lui ce qu'il ne possédait pas. Ses frères aînés, en revanche, auraient marché à genoux pour un sou, étouffant de méchanceté et de convoitise.

Un jour d'automne, le frère aîné fit sortir la chèvre pour lui faire profiter du dernier gazon. Il faisait froid comme en plein mois de janvier. Le malheureux se recroquevilla à côté du feu et en voulut au monde entier. Soudain, ses yeux se posèrent sur une fleur éclatante.

"Tiens donc, une primevère ! s'étonna-t-il. Comment se fait-il qu'elle fleurisse en automne ? " Sans chercher à résoudre cette énigme, il cueillit la primevère pour en orner son chapeau. Lorsque sa chevrette eut fini de se remplir le ventre, il la bouscula pour rentrer. En chemin, son chapeau devint de plus en plus lourd, comme s'il était de plomb. Ennuyé, le bonhomme l'ôta et n'en crut pas ses yeux, trouvant à la place de la primevère une grande clef toute en or ! La chevrette se transforma en une vierge blanche qui avait conservé deux petites cornes dan ses cheveux. Elle sourit de façon étrange au frère aîné et l'invita d'un signe de doigt à la suivre. L'homme s'exécuta comme s'il était envoûté. La jeune fille le conduisit vers une colline merveilleuse, toute en or pur, percée à sa base d'un trou de serrure noir.

"Mêêê ! Mêêê ! dit la fille-chèvre. Tu m'as donné à manger. Pour te récompenser, tu peux ouvrir avec cette clef d'or la colline aux trésors. Mais prends garde ! N'oublie pas d'emporter ce qu'elle abrite de plus précieux. " Après avoir fini sa phrase, la jeune fille disparut. Sans hésiter une seconde, le pauvre homme introduisit sa clef d'or dans la serrure. La colline s'ouvrit devant lui, l'inondant d'une lumière aveuglante. Sans même savoir comment, le frère aîné se retrouva au centre d'une grande caverne qui regorgeait de pièces d'or, de coupes d'argent, de perles et de pierres précieuses. Quelle splendeur ! L'homme cupide ne sut vers quoi se tourner en premier. Quand il n'y eut plus de place dans ses poches ni dans sa chemise, il décida de partir avec ses richesses.

"De toute façon, je reviendrai ", se promit-il, mais il se trompait. Dès qu'il sortit de la caverne, la colline s referma derrière lui avec fracas. En même temps, le frère aîné se rappela qu'il avait oublié à l'intérieur l'essentiel, la clef d'or.

"Tant pis, je ne connaîtrai plus la misère jusqu'à ma mort et, si j'en ai envie, je pourrai toujours creuser un passage dans la galerie d'or ", se consola-t-il en se dirigeant vers le village. Toutefois, il ne retourna plus auprès de ses deux frères, car il ne voulait pas partager avec eux ses trésors. Il s'acheta une belle maison et mena grand train. Notre homme ne faisait plus, désormais, que paresser et festoyer, s'habillant comme un duc et donnant des bals somptueux comme au palais du roi. En peu de temps, la dernière pièce d'or roula de sa poche. Acculé, l'homme voulut retourner à l'emplacement de la colline d'or, mais celle-ci avait disparu, comme si la terre l'avait engloutie. A la fin, le malheureux dut vendre sa maison et, n'étant pas très courageux, il mangea rapidement son dernier sou. Honteux, il dut revenir vivre avec ses frères.

Le temps passa. un jour d'automne,le frère puîné sortit sa brebis pour lui faire profiter de la dernière herbe. L'hiver était imminent, mais la brebis n'en trouva pas moins à son goût l'herbe jaunie et fanée. Pendant ce temps, le berger morose se recroquevilla au coin du feu, mécontent de son sort. tout d'un coup, une fleur brilla devant lui.

"Tiens donc, une primevère ! Que fait-elle là, presque au début de l'hiver ?" s'étonna le pauvre homme. Tout content, il en orna son chapeau. Sur le chemin du retour, la fleur se transforma en une clef d'argent. Pendant que le berger la détaillait, incrédule, une jeune fille blanche surgit devant lui, à la place de sa brebis. On en voyait encore la queue qui dépassait de son jupon. Elle lui fit un signe du doigt pour l'inviter à la suivre, et le conduisit au pied d'une colline d'argent. Sans hésiter une seconde, il se hâta de l'ouvrir avec sa clef.

"Bêêê ! Bêêê ! fit la jeune fille derrière son dos. Comme tu m'as donné à manger, je vais te donner un conseil. Emporte tout l'or et toutes les pierres précieuses que tu veux, mais n'oublie pas l'essentiel à l'intérieur." Après cette recommandation, elle disparut.

Le frère puîné n'eut cure de ses conseils. Il emporta ce qu'il put. Dans sa hâte il oublia en partant la clef d'argent dans la caverne. Il ne sut pas jouir lui non plus, avec sagesse, de ses biens qu'il dilapida bientôt, retombant dans le besoin et dans la misère.

Les trois frères vivaient de plus en plus mal. Une autre année s'écoula et un hiver très rigoureux suivit. Un jour, le cadet des frères, Georges, alla se promener dans la forêt, sa colombe blanche perchée sur son épaule.

"Je trouverai peut-être quelque chose de bon à manger pour toi", dit-il à sa colombe.

Arrivé dans une pinède, il décortiqua les pommes de pin pour récupérer les graines et cueillit sur les noisetiers des noisettes oubliées pour en nourrir son cher oiseau. Soudain, quelque chose de jaune brilla dans la neige.

"Ciel ! Une primevère ! s'étonna Georges. Le printemps est pourtant encore loin."

Sans hésiter, il cueillit la fleur et la mit à son chapeau avec coquetterie. Mais son chapeau devenait de plus en plus lourd, car la fleur s'était transformée en une clef de cristal, à la grande surprise du jeune homme. La petite colombe blanche s'envola de son épaule et se posa à ses pieds puer se transformer en une jeune fille toute blanche et belle qui avait, à la place de ses cheveux, un plumage étincelant. Elle fit signe à Georges qui la suivit comme dans un rêve. En peu de temps, ils arrivèrent au pied d'une montagne de verre. La jeune fille invita le frère cadet à l'ouvrir avec sa clef.

"Tu as bien pris soin de moi, Georges, dit-elle. Aussi, je te récompenserai. A l'intérieur, tu trouveras des trésors, mais si tu veux vivre heureux, ne prends que ce qui te paraîtra le plus précieux."

A peine eut-elle fini sa phrase qu'elle disparut. Georges s'engagea dans une galerie de verre qui le conduisit dans une caverne pleine de vases de cristal, et regorgeant d'or et de pierres précieuses. Chaque vase contenait des bouquets de primevère en or et en argent. Dans un coin de la caverne, il découvrit une poupée de cristal posée sur un guéridon de verre. Elle était si belle que Georges en eut le souffle coupé, tout le reste n'ayant plus d'attrait à ses yeux. Il prit le guéridon, la poupée et s'apprêta à rentrer chez lui en chantant gaiement. Il ne songea pas un instant à la clef de cristal.

"Tu as fait un bon choix, Georges, dit la poupée en se transformant en une belle jeune fille. Si tu avais également emporté la clef de cristal, je t'aurais abandonné pour retourner dans la montagne, et ut n'aurais jamais pu me retrouver. Si, en revanche, tu étais reparti avec toute une brassée de richesses, tu n'aurais pas trouvé le bonheur. Je te remercie de m'avoir délivrée du sortilège qui pesait sur moi. Si tu le souhaites, je deviendra ta femme." Vous pensez bien que Georges y consentit ! Depuis que le monde est monde, on n'avait jamais vu une jeune fille aussi belle. il prit sa fiancée par la taille; chargea le guéridon de verre sur son épaule et rentra dans sa maison natale. Surpris de le voir revenir avec une jolie jeune fille, ses frères aînés s'étonnèrent encore plus lorsqu'il déposa le guéridon au milieu de la pièce. Celui-ci se ouvrit aussitôt de mets raffinés comme pour un festin de roi, et des ducats en faisaient le tour. Georges partagea tout équitablement avec ses frères, et sa jeune femme tint la maison pour eux trois. Le guéridon de verre regorgeait de friandises, offrant une pièce d'or à chaque convive, après le repas. La misère avait quitté la maison des trois frères, et s'exila loin, au-delà des forêts noires.

Hélas ! la convoitise empêchait les deux frères aînés de dormir. Un jour, ils décidèrent ensemble de voler la petite table magique. Lorsque Georges et sa femme s'endormirent le soir, les deux individus s'ne emparèrent, sortirent à pas de loup de la maison, et s'enfuirent à toutes jambes. Mais ils n'allèrent pas loin : ils se mirent à se disputer le guéridon. Ils tirèrent chacun de leur côté, se bousculèrent et se poussèrent jusqu'à ce que la petite table de verre se brisât en mille morceaux. Les deux frères, brouillés, se séparèrent pour partir dans deux directions opposées à la recherche de la clef enchantée, la primevère. Croyez-vous qu'ils la trouvèrent ? Certainement pas, car ils continuent aujourd'hui encore à errer de par le monde.

Lorsque, le matin, Georges vit ce qui s'était passé, il devint triste, mais sa chère femme le consola : "Ne te tourmente pas, Georges ! En travaillant avec ardeur, nous arriverons bien à gagner notre vie.

- Tu as raison, ma petite femme", répondit Georges. Et il vécut heureux avec sa femme. Aujourd'hui encore, ils vivent dans leur petite maison."

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), la primevère est "une fleur en guise de clef".


Origine céleste : Ne croyez pas la légende selon laquelle les fleurs de primevère ne seraient autres que les clés du paradis négligemment tombées à terre par saint Pierre. Au pays de féerie, on raconte en effet une tout autre histoire. Autrefois, un violent combat éclata dans le ciel entre les giboulées et les êtres de lumière voulant protéger la végétation poussant en contrebas sur la Terre. Le bien l'emporta et un magnifique arc-en-ciel apparut pour célébrer cette victoire. La déesse Flore qui assistait au spectacle fut si admirative qu'elle se pencha pour mieux admirer le phénomène. Mais en effectuant ce geste, elle fit tomber la clé du jardin de féerie dont elle avait la garde. Quand cet objet magique toucha notre sol, il prit racine et donna naissance à la primevère, première fleur du printemps.

Au pays des fées : La consommation de primevères permettrait à tout un chacun de voir les fées habituellement invisibles à nos yeux. Comme en témoigne l'expérience d'une jeune Anglaise du Somerset, le fait de cueillir ces fleurs par nombre de treize provoque l'apparition des bonnes dames. Fort charmantes, elles la comblèrent de cadeaux et la guidèrent pour retrouver son chemin. Apprenant la chose, un vieil arriviste voulut tenter sa chance et s'en alla ramasser lui aussi ces mêmes inflorescences. Las, le compte n'y était pas et plus jamais on ne le revit...

Il faut croire que le chiffre 13 est indiciblement lié à cette plante car une superstition affirme que si l'on frappe un rocher enchanté avec un bouquet composé de tant de fleurs, les portes du royaume de féerie s'ouvriront pour révéler ses fabuleux trésors. en Allemagne, elle guide ainsi chacun jusqu'à des domaines enchantés où de l'or et des pierres précieuses sont enfermés dans des pots recouverts de primevères. Une fois le trésor prélevé, il faut toujours reposer soigneusement les fleurs à leur place initiale sans quoi un chien noir suivra pas à pas, et jusqu'à son trépas, le voleur indélicat.

La primevère est attachée à l'Angleterre. Un des noms anglais de la primevère signifie "tasse de fée". Dans le Somerset, treize primevères accrochées au-dessus d'un berceau empêchent les fées d'enlever le nourrisson.


Esprit amoureux : Il était une fois un jeune homme qui coupait chaque jour de l'herbe dans la montagne pour son cheval. Heureux d'être au cœur de la nature, il entonnait toujours de sa belle voix des chants divers et variés. Un soir, une superbe femme tapa à sa porte pour lui demander de l'héberger pour la nuit. L'homme refusa d'abord en argumentant qu'il ne pourrait l'accueillir dignement car il ne savait guère cuisiner. Ce à quoi elle répondit qu'elle s'en chargerait bien volontiers. Ainsi fut fait et après quelques jours passés ensemble, ils se marièrent pour leur plus grand bonheur.

Or, un jour, le jeune mari rentrant de la montagne montra à son épouse la primevère qu'il avait coupée avec l'herbe. Avisant la fleur, la pauvre femme s'effondra en expliquant qu'elle était en réalité l'esprit de cette plante. elle était tombée amoureuse de lui après l'avoir entendu chanter et s'était métamorphosée en humaine pour pouvoir l'épouser. Hélas, à peine finit-elle sa phrase qu'elle émit son dernier souffle pour se flétrir comme une fleur...


Balles éphémères : Les enfants d'antan savaient réaliser des boules avec les fleurs de primevère. Ces balles de coucou, comme on les appelait en France n'étaient qu'un charmant passe-temps mais en Angleterre, ces créations avaient une tout autre fonction : protéger des fées. Voilà pourquoi on les fixait chaque année sur les portes des maisons comme des étables."

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Littérature :


La Pervenche et la Primevère


Doña Dolorès Primevère,

Lady Roxelane Pervenche

Un beau dimanche,

Montent en haut du belvédère.

Rêveuse pervenche,

Douce primevère,

Radieuse atmosphère.


Robert Desnos, "La Pervenche et la Primevère" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

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Voir aussi l'article sur le Coucou



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