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La Rue


Étymologie :


  • RUE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Fin du xie s. rude bot. (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 917) ; ca 1200 rue (Jean Renart, Escoufle, éd. Fr. Sweetser, 6686). Du lat. ruta « id. ».


Lire également la définition du nom rue pour amorcer la réflexion symbolique.

Autres noms : Ruta graveolens - Herbe à la belle fille - Herbe à cauchemar - Herbe à chat - Herbe à la rue - Herbe de grâce - Herbe de mort - Herbe puante - Rhuë verte - Route - Rudi - Rue des jardins - Rue fétide - Rue puante - Rue vineuse - Ruthe -

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Botanique :


Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes,

Mais le procédé le plus curieux et le plus original d'éjection du pollen est celui de la rue, une herbe médicinale malodorante et fort répandue autrefois en raison de ses propriétés abortives. Les étamines de cette herbe « mal famée », tranquilles et dociles dans la corolle jaune, attendent, sagement rangées en cercle autour du gros pistil trapu. A l'heure des rencontres conjugales, l'épouse bat en quelque sorte le rappel de ses mâles : une étamine se redresse, touche le stigmate ; puis en vient une autre qui, du même mouvement, heurte de front la première et la remet en place... Cet étrange jeu de quilles se poursuit jusqu'à ce que chaque étamine ait ainsi fait son entrechat en se dressant pour frapper l'organe femelle tout en heurtant surtout l'une de ses consœurs. Pus le calme revient après cet énigmatique ballet homosexuel. En suivant le mouvement de près, on découvre que le redressement des étamines s'opère suivant un ordre bien réglé : d'abord la première étamine, puis la troisième, la cinquième, la septième et la neuvième, jusqu'à épuisement du rang impair ; viennent ensuite les étamines du rang pair : la deuxième, la quatrième, la sixième, etc.

Dans L'Intelligence des Fleurs, Maurice Maeterlinck signale qu'il a eu quelque peine à croire au déroulement si rigoureux de ce ballet que décrivaient les botanistes, et qu'il a eu soin de vérifier par lui-même le parfait ordonnancement de ce mouvement avant d'oser le confirmer.

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D'après Lionel Hignard et Alain Pontoppidan, auteurs de Les Plantes qui puent, qui pètent, qui piquent (Gulf Stream Éditeur, 2008) :


"Petit buisson bleu-vert émergeant des rocailles sèches, la rue signale sa présence par une odeur âcre et tenace. Ses fleurs, quatre gros pétales jaunes, s'épanouissent du printemps jusqu'à l'entrée de l'hiver. Elles se métamorphoseront en autant de petites capsules vertes posées sur leur collerette. Ce sont les feuilles qui sentent fort. Elles sont parsemées de petits points transparents, visibles à l’œil nu, qui contiennent une réserve de parfum violent prête à exploser aux narines au moindre contact.


Pourquoi fait-elle ça ? Si la rue sent si fort et répand une odeur aussi désagréable, c'est pour se protéger. Être mangée par les limaces, ou dévorée par des moutons, non merci. Alors elle prévient : ne me touchez pas, sinon gare ! En plein soleil, quand ses petites capsules à parfum sont gonflées à bloc, elle peut irriter la peau au moindre frôlement. Méfiance donc !


Une plante utile : Malgré son odeur repoussante, la rue faisait partie des "bonnes" plantes. On la plantait autrefois dans les jardins de plantes médicinales, car elle servait de remède contre certains poisons. Mais on devait l'utiliser avec précaution. Aujourd'hui, on s'en sert uniquement pour fabriquer des médicaments.


Peur de la rue ? En Allemagne, on plantait la rue dans les jardins et près des maisons pour se protéger des mauvais esprits. Non que les esprits aient peur de la rue, mais à sentir une odeur aussi répugnante, ils pensaient que la place était déjà prise."

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Rue des montagnes
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Monographie sur la rue des montagnes, proposée par Meryem El Fennouni dans sa thèse intitulée Les plantes réputées abortives dans les pratiques traditionnelles d’avortement au Maroc. (Université Mohammed V, faculté de médecine et de pharmacie - Rabat, 2012).




Phytothérapie traditionnelle :


J. Bouquet dans "L'art de conserver la santé, extrait du "Messager boiteux "." (In : Revue d'histoire de la pharmacie, 20ᵉ année, n°77, 1932. pp. 54-56) relève quelques extraits du Véritable Messager boiteux de Berne pour l'année 1817 :

DE LA RUE


La Rue est bonne aux yeux ; elle les rend meilleurs

Traite diversement les hommes et les femmes ;

Dans l'homme, de l'amour elle éteint les chaleurs,

De la femme, au contraire, elle excite les flammes.

En boisson de Nonains son jus ne vaudrait rien :

J'en voudrais, tout au plus, donner aux jeunes Moines

Et, dans plus d'un Chapitre, on ne feroit que bien,

D'en rafraîchir un peu la boisson des Chanoines.

D'un prurit amoureux elle les affranchit.

De plus elle aiguise l'esprit.

Autre usage : Prenez la peine

D'en faire cuire en eau de pluie ou de fontaine,

Gardez cette eau ; tout lieu que l'on en frottera

De long-tems de puces n'aura.


 

F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) rend compte de pratiques en vogue dans l'Antiquité :


Galien dit, à son tour, que l'on donnait, en quantité, des radis (raphani) crus aux personnes qui étaient malades pour avoir mangé des champignons . On leur faisait prendre aussi du vin pur, de la lessive de cendres de sarment, du nitre dissous dans du vinaigre, de la lie de vin brûlée, délayée dans de l'eau et donnée en boisson, ou de l'absinthe avec du vinaigre, ou bien encore de la rue, Ruta graveolens, Lin., en poudre, délayée dans du vinaigre. La rue, ajoute- t-il, mangée seule fait du bien aussi (Galien, t. XIV, c. 7, p. 140).

La rue , dit Pline, est utile contre l'empoisonnement par ces plantes, soit qu'on la donne en boisson, soit qu'on la donne en substance (Pline, XX, 51).

La graine de rue des montagnes, Ruta montana, DC. , dit de son côté Dioscoride, bue dans du vin, à la dose de 15 drachmes (67 gram. 50 centigrammes), est un puissant remède contre tout empoisonnement. Les feuilles de rue, mangées seules, à jeun, ou avec des noix et des figues sèches, amortissent toute espèce de venin. On donnait la préférence à la rue des jardins sur celles des montagnes ; celle-ci, plus active, causait la mort si l'on en mangeait de trop (Dioscoride, livre III).

Les anciens, comme l'on voit, faisaient un cas tout particulier de la rue elle leur servait de médicament et d'aromate. Aujourd'hui encore on l'emploie, en Italie, comme condiment dans les salades L'emploi de cette plante à haute dose étant dangereux, c'est avec circonspection qu'il faut en faire usage.

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Usages traditionnels :


D'après les travaux de Victoria Hammiche, Rachida Merad, Mohamed Azzouz, et al. consignés dans Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Springer Paris, 2013) :


Usages traditionnels : Si depuis Hippocrate bien des utilisations ont traversé les siècles, la toxicité mieux connue a probablement contribué à éliminer plusieurs usages, mais sur Ie pourtour méditerranéen, quelle que soit l'espèce, les usages sont similaires et la Rue reste une panacée.

Les parties aériennes, fleuries de préférence, plus rarement la racine ou la graine, sont employées en infusion ou en décoction dans Ie lait.


Pour l'usage interne :

  • comme emménagogue puissant, pour les règles douloureuses, les accouchements difficiles et, à doses fortes et comme abortif et comme aphrodisiaque ;

  • pour les affections respiratoires sévères, les gastralgies, les troubles intestinaux, les spasmes, la goutte, les œdèmes, l'épilepsie, les troubles nerveux, la paralysie et comme vermifuge ;

  • en injections vaginales comme abortif, en lavements comme anthelminthique.

Pour l'usage externe :

  • la décoction dans l'huile, en friction, soulage les rhumatismes, les courbatures et, appliquée sur la peau, a la réputation d'améliorer Ie vitiligo et Ie psoriasis ;

  • l'infusion en collyre est employée contre les ulcérations de la cornée, en gouttes auriculaires pour les otites et les bourdonnements d' oreille ;

  • par voie nasale, les gouttes traitent l'ozène ainsi que les fièvres et les vomissements du nourrisson et du jeune enfant.

La plante est employée fraîche :

  • écrasée et appliquée en cataplasme, elle soigne les maux de tête, les contusions et les œdèmes. Le suc est instillé dans l'œil comme collyre. Pour combattre toutes les douleurs articulaires, Ie remède de choix est une pâte, préparée à partir des feuilles pilées, dont on enduit tout Ie corps ; Ie patient, devenu jaune de la tête aux pieds, dégage une odeur repoussante ;

  • trempée dans l'huile et appliquée sur l'oreille pour les otites et les bourdonnements. La poudre de plante remplace la plante fraiche quand celle-ci n'est pas disponible ; on l' emploie, parfois directement, per os et par voie nasale.

La plante serait un répulsif pour les moustiques et les serpents ; c'est un antidote des empoisonnements par les venins de serpents et de scorpions, per os et en cataplasmes, au niveau de la morsure ou de la piqure.

Elle est aussi utilisée en fumigations pour la toux persistante et figure, seule ou associée à d'autres espèces, dans des préparations rituelles destinées à chasser les maléfices et à conjurer Ie mauvais sort.

Ceux qui tolèrent son goût, utilisent, comme épice, les feuilles fraiches ou séchées et moulues. Leur amertume stimule l'appétit et leur arome donnerait un goût agréable au poisson et relèverait Ie gibier ; en Italie, elles aromatisent Ie vinaigre et l'alcool nomme « grappa ».

En Algérie, l'essence de R. montana était très appréciée dans l'industrie des parfums synthétiques. Au Maroc, la poudre de R. montana, avec une posologie de 2 cachets de 0,50 g/j, pendant 3 semaines, a été utilisée avec succès dans une dizaine de cas de paralysie faciale, après échec des traitements conventionnels sans qu'il soit possible de rattacher cette activité à l'un des constituants de la plante.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


RUE. On croyait, au moyen âge, et cette erreur était même propagée par un précepte de l'école de Salerne, qu'on faisait disparaître les taies et qu'on éclaircissait la vue, en mangeant de la rue.

Les Napolitaines ont une grande affection pour cette plante, à laquelle elles attribuent la propriété de chasser le mauvais air qu'elles nomment la cattiva aria, et malgré son odeur peu agréable, elles la portent sur elles, comme elles feraient d'une rose, d'une violette ou d'un œillet. Elles la cultivent aussi sur leurs croisées.

Charles V faisait usage, dit-on, de la recette suivante, qu'il ne faisait connaître qu'à ses amis les plus intimes pour se maintenir en santé : on prend, au lever du soleil, quatre branches de rue, neuf grains de genièvre, une noix, une figue sèche et un peu de sel, et après avoir pilé le tout ensemble, on le mange à jeun.

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


La superstition d'après laquelle il est bon de jurer au moment où l'on confie des semences à la terre, n'est peut-être qu'une survivance des conjurations religieuses usitées autrefois au XVIe siècle. elle s'appliquait à deux plantes : L'on dit chose admirable du basilic qu'il croît plus haut et plus beau s'il est semé avec malédictions et injures; il en est de même de la rue et du cumin.

[...] Au XVIe siècle, la rue mourait incontinente si une femme qui avait mal versé de son corps ou avait ses mois la touchait ou en approchait tant soit peu.

[...] Les charretiers de l'Ardèche mettent de la rue dans leur poche pour empêcher les sorcières d'arrêter subitement leur attelage par leur mauvais regard.

[...] Dans la Gironde un morceau d'amaranthe ou une feuille de rue fait réussir dans toutes ses entreprises celui qui les porte dans sa bourse ou dans un sachet.

[...] Dans la Gironde, pour faire arriver chez soi du travail ou de l'argent, on remplit d'eau bénite un petit vase de couleur noire, on le place devant le feu, et pendant que l'eau bout, on y jette à trois reprises différentes, une branche de rue, en disant à chaque fois : « 0 rue, belle rue, toi si belle, fais que tout homme en passant apporte ici or et argent. » On s'empressera de répandre le contenu du vase, devant sa maison, dès qu'on verra passer un homme. Ce maléfice doit être pratiqué le matin en bonne heure.

[...] Les plantes qui entrent dans la composition des dedans de lit influent sur la santé ou sur la vigueur de ceux qui s'y reposent. A Liège, afin de les préserver des convulsions, en plaçait sous leur matelas un coussin rempli de rue.

[...] La rue passe pour faire avorter les femmes enceintes, et on assure en maints endroits qu'il est défendu par la loi d'en cultiver dans son jardin. Au jardin des plantes de Paris, on a été, dit-on, obligé d'entourer le pied spécimen de cette plante d'une grille en fer pour empêcher les filles enceintes de le dévaliser ; dans les Deux-Sèvres elle fait avorter la femme qui la touche du bas de sa robe, dans la Drôme celle qui .passe au dessus et qui en même temps met un brin de cette herbe sur sa langue, en Seine-et-Marne, celle qui pisse sur un pied de cette plante.

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D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012),


"Pour trouver un emploi ou renflouer leur porte-feuille, les Girondins mettaient un petit vase noir empli d'eau bénite devant la cheminée. Une fois l'eau devenue bouillante, ils jetaient par trois fois dans le vase un rameau de rue en prononçant à chaque lancer la formule suivante : "Ô rue ! belle rue ! Toi si belle, fais que tout homme en passant apporte ici or et argent". sitôt qu'une personne de sexe masculin passait devant la maison, l'eau du vase était répandue sur le seuil. Une méthode plus simple permettant d'obtenir le succès de toutes entreprises invite chaque Girondin porter une feuille de rue sur soi.


Plante abortive : Ingérée en grande quantité, la rue peut provoquer un avortement et une intoxication pouvant avoir de graves conséquences sur la santé. La culture de cette plante, à laquelle recouraient de nombreuses femmes d'antan désespérées, fut interdite par une loi de 1921.


Un chasse-sorciers : Est-ce son odeur fétide qui dota la rue du pouvoir de chassez les ensorceleurs et le diable ? Toujours est-il que cette plante fut particulièrement utilisée pour se protéger du mauvais œil et purifier les lieux soupçonnés d'être le tableau de maléfices. Sachez aussi que des feuilles ou des rameaux de rue frottés sur le plancher d'une maison ou disposés en jonchée sur le sol, permettraient de tenir à distance tout être maléfique. Placer une feuille de la plante à sa boutonnière repousserait les sortilèges aussi efficacement que le fait de se badigeonner avec son huile essentielle...


La rue et la justice : Dans les geôles d'antan, les prisonniers contractaient fréquemment le typhus. Cette maladie était si contagieuse que les détenus se rendant à leur procès contaminaient parfois le personnel des palais de justice. En 1577, lors des "assises noires" tenues à Oxford, les juges et tous les assistants, soit environ trois cents personnes périrent ainsi dans les 48 heures en contractant la fièvre des prisonniers. Pour éviter de telles contagions, certains tribunaux jonchaient leur sol de feuilles de rue et les huissiers audienciers portaient de petits bouquets de la plante. La rue est l'un des composants du vinaigre des quatre voleurs qui permit à des Toulousains du XVIIe siècle de s'introduire dans des maisons contaminées par la peste sans contracter le mal. Pour autant, la rue prescrite au XIXe siècle contre cette terrible épidémie se révéla totalement inefficace...


Insecticide : La rue est utilisée dans les potagers et les serres pour chasser les insectes nuisibles comme le doryphore de la pomme de terre, les chenilles et les puces ou les pucerons. Les feuilles ou rameaux peuvent être étalés sur le sol ou trempés dans de l'eau durant une journée afin de réaliser un purin. Attention au contact de la rue, même si elle soigne certaines affections de la peau, elle provoque parfois une dermatite."

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la rue sauvage :


RUE SAUVAGE - MŒURS.

On croit que le Moly, que Mercure donna à Ulysse, pour empêcher l'effet des breuvages de Circé, était une racine de Rue sauvage .

 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


RUE SAUVAGE - MŒURS.

Ne vous laissez pas séduire, mes frères, car les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs. Justes, tenez-vous dans la vigilance et ne péchez pas, car il y en a quelques-uns parmi vous qui ne connaissent point Dieu.

I Corinthiens XV, 33, 34.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


RUE - BONHEUR DES CHAMPS. Plante à feuilles alternes, pétiolées, à folioles ovales et d'un vert glauque. La rue est, comme le lichen, un de ces végétaux de la fécondation desquels les mystères n'ont point encore été révélés.

On assure que l'herbe moly, donnée à Ulysse par Mercure pour le soustraire aux enchantements de Circée, n'était autre chose que la rue.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Rue (Ruta graveolens) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Feu

Divinité : Diane-Artémis

Pouvoirs : Guérison ; Puissance intellectuelle ; Exorcisme.


Utilisation magique : Des feuilles de Rue fraîche, mises à ramollir dans de l'eau tiède et placées en compresse sur le front et les tempes, soulagent rapidement les plus rebelles migraines.

Quand un malade commence à se lever et reprend doucement ses forces, un sachet contenant des semences de Rue, suspendu autour du cou, hâte sa convalescence.

Les tiges, séchées et hachées grossièrement, entrent souvent dans les parfums à brûler et dans les poupées destinés aux vœux de guérison.

Respirer une touffe de Rue, ou bien froisser quelques feuilles entre ses mains et inhaler leur odeur, donne une grande lucidité mentale et active les facultés intellectuelles : à suivre pour tous ceux qui « bûchent » un examen, peinent sur une thèse, etc.

Les Romains mangeaient cette plante en salade pour s'immuniser contre les poisons.

La Rue a longtemps tenu une grande place dans les rituels d'exorcisme. Un rameau servait d'aspersoir; on le trempait dans une solution de salpêtre et l'on aspergeait les murs, les plafonds, le sol du local contaminé. On peut aussi incorporer des semences pulvérisées aux encens spécialisés pour la purification et l'expulsion des vibrations néfastes. Les divers parfums à brûler de ce type (ils sont nombreux) n'en contiennent pas d'avance, car les graines, comme le reste de la plante d'ailleurs, sont rapidement éventés. La Rue séchée ne doit pas être utilisée au-delà de deux mois, et l'idéal est de l'employer fraîche.

Les tiges et les feuilles renferment en abondance une huile volatile qui entre dans les baumes de protection contre les mauvais sorts. Sans être vénéneuse, cette huile doit être réservée aux usages externes ; consommée, elle peut rendre malade.

Si une femme enceinte touche du bas de sa robe un pied de Rue, elle avortera.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Cette plante vivace à fleurs jaunes a longtemps joué un rôle dans les rituels d'exorcisme : on en trempait un rameau dans du salpêtre pour en asperger un endroit maléfique. Des semences de rue peuvent aussi être associées aux encens destinés à la purification et à l'élimination des « vibrations néfastes ». Les fumigations de rue sauvage pour refouler les esprits malins sont très prisées dans les pays arabes.

En frotter le plancher de la maison chasse les sorcières ; une feuille de rue accrochée à la boutonnière protège également des sorcières et du mauvais œil. En Ardèche, les charretiers conservaient de la rue dans leur poche « pour empêcher les sorcières d'arrêter subitement leur attelage par leur mauvais regard ». Un baume composé avec l'huile volatile contenue dans les tiges et les feuilles de la plante met aussi à l'abri des maléfices.

En Gironde, une feuille de rue portée sur soi procure le succès dans toutes les entreprises ; dans la même région, pour obtenir du travail ou de l'argent, on plaçait, devant le feu un vase de couleur noire rempli d'eau bénite et, dès qu'on obtenait l'ébullition, on y jetait à trois reprises une branche de rue ne disant à chaque fois : « Ô rue ! belle rue ! toi si belle, fais que tout homme en passant apporte ici or et argent ». Dès qu'un homme passait, le contenu du vase était répandu devant la maison. Cette opération devait être pratiquée de bon matin. En Italie, notamment à Venise, la présence de rue dans une maison porte bonheur aux membres de la famille.

La rue a de nombreux pouvoirs curatifs : les Romains l'utilisaient pour renforcer la vue - elle était pour cette raison particulièrement appréciée des graveurs, sculpteurs et peintres - et en mangeaient en salade pour s'immuniser contre les poisons et les venins des serpents et autres animaux venimeux. La belette s'en nourrit exclusivement pendant neuf jours ou se frotte comme la plante pour attaquer sans risque un serpent et le redoutable basilic, créature démoniaque passant pour invulnérable.

Charles V se composa un remède, dont il ne donnait la recette qu'à ses amis les plus proches, pour conserver une bonne santé avec quatre branches de rue, neuf graines de genièvre cueillies au lever du soleil, une noix, une figue sèche et un peu de sel, le tout pilé et absorbé à jeun.

De la rue glissée dans le matelas des enfants les guérit des convulsions. Des feuilles fraîches mises dans de l'eau puis appliquées sur la temps et le front soulagent la migraine. Suspendu autour du cou, un sachet contenant des semences de rue fortifie et accélère la convalescence d'un malade qui est resté longtemps alité. Portée toujours autour du cou, la plante agit contre l'épilepsie et les vertiges. En Provence, on plaçait de la rue dans les chaussures pour soulager les douleurs des règles et, pour guérir la taie de la cornée, on faisait mâcher des feuilles de la plante à une jeune fille vierge qui soufflait sur l'œil du malade. Dans les Alpes-Maritimes, on prescrit de souffler de la rue dans l'œil atteint de cataracte. Des fumigations de rue placée sur des charbons ardents régularisent la menstruation.

En Angleterre, où la plante était surnommée herb grace, ses feuilles servaient autrefois dans le traitement de la rage ; elles étaient en outre éparpillées par terre dans la maison et sur les bords des fenêtres pour mettre à l'abri des infections et de la peste. On répandait également de la rue dans les cours de justice, les juges en portaient même des bouquets pour ne pas contracter les maladies des prisonniers. Cet usage remonte au XVIIIe siècle lorsqu'une fièvre, très contagieuse, décima les détenus et tous ceux qui avaient été en contact avec eux, comme les juges et le jury. Signalons aussi que la rue symbolisait le chagrin et le repentir, sans doute à cause de l'homophonie avec le verbe to rue (signifiant regretter amèrement une action ou se repentir de quelque chose).

Se frotter les pieds avec de la rue pilée dans de l'huile d'olive permet de voyager sans fatigue. Respirer une touffe de la plante « donne une grande lucidité mentale et active les facultés intellectuelles : à suivre pour tous ceux qui "bûchent" un examen, peinent sur une thèse, etc. » Une jeune fille qui boit une tisane de rue au coucher du soleil à une période de pleine lune verra le visage de son futur mari.

Si, bue en infusion au réveil, elle remédie à la stérilité (Vendée), la rue est très dangereuse pour les femmes enceintes : il suffit que le bas de sa robe touche un pied de la plante ou qu'elle passe par-dessus pour qu'une future mère perde son enfant. Une femme peut également mettre fin à sa grossesse en urinant sur de la rue ou en en mettant un brin sur la langue. Certains utilisèrent ces procédés pour avorter « écologiquement ». Ce qui a autrefois contraint, dit-on, les autorités à en interdire la culture dans les jardins. Au siècle dernier, les responsables du Jardin des Plantes ont dû entourer les pieds de rue, convoités par de nombreuses jeunes filles enceintes, par une grille en fer. La rue, attachée autour de la taille, facilité également les accouchements. En toucher, en sentir ou en mettre sous les aisselles pendant un jour ou deux, tarit le lait des femmes.

Un brin de rue placé sous l'aile d'un pigeon ou d'une poule les met à l'abri des renards, chats et autres animaux hostiles.

Pour tirer tout bénéfice de la rue, il faut la semer en l'injuriant ; outre-Manche, elle pousse mieux si elle a été volée.

Certains prétendent qu'il faut la cueillir un dimanche, en faisant un signe de croix et en récitant le Pater, l'Ave ou l'Évangile de saint Jean.

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


RUE. — Herbe chère aux femmes, qui lui attribuent toutes sortes de vertus magiques. Dans la Thaumatographia naturalis, de Johnston, on lit : « Ruta libidinem in viris extinguit, auget in foeminis. » A Bologne, on dit qu’il faut, pour qu’elle pousse bien, l’ensemencer avec des injures (comme le basilic, avec lequel la rue, dans la superstition populaire, présente de nombreuses analogies). On croit qu'elle facilite les couches, et qu’elle est toute-puissante pour éloigner les serpents. On prétend que la belette (dès le temps d’Aristote, Histoire des animaux, IX, 6), avant de combattre les serpents, va se frotter contre cette plante redoutée des reptiles. Le médecin Piperno, De Magicis affectibus (Napoli, 1625), recommande spécialement la rue contre l’épilepsie et contre le vertige. Il suffisait de la suspendre au cou, en prononçant une formule de renonciation au diable, et en invoquant Jésus. Piperno la présente aussi comme le meilleur remède contre le mutisme causé par quelque enchantement. Dans l’Asie-Mineure, on donnait à la rue le nom homérique de môly. Les paysans de Montferrat l’appellent erba alegra, et la considèrent comme toute-puissante contre l’hypocondrie. A Venise, la rue dans une maison passe pour un gage de bonheur, mais elle doit être réservée pour les seules personnes de la famille : avec elle, s’en va la bonne fortune de la maison. Lorsqu’on ne peut se procurer la plante, on tâche, du moins, d’en avoir un brin, et on le fourre entre la chaussette et la jambe. Apulée, De Virtutibus Herbarum, recommandait, « ad profluvium mulieris », cette pratique superstitieuse : « Herbam rutam circumscribe auro et argento et ebore, et sublatam eam alligabis infra talum. » Dans les Abruzzes, la rue fournit un talisman contre les sorcières. On coud des feuilles de rue avec d’autres ingrédients, dans une petite bourse que l’on porte cachée sur la poitrine. On préfère les feuilles sur lesquelles le papillon a déposé ses œufs. En frottant le plancher de la maison avec la rue, on est sûr d’en chasser les sorcières. En Toscane, les bonnes femmes recommandent la rue contre le mauvais œil. Macer Floridus, De Viribus Herbarum, écrivait de même :


Cruda comesta recens oculos caligine curat.


Il ajoute que Mithridate, roi du Pont, employait la rue pour se garantir du poison :


Obstat pota mero vel cruda comesta venenis.

Hoc Metridates rex Ponti saepe probavit,

Qui Rutae foliis viginti cum sale pauco

Et magnis nucibus binis caricisque duabus

Jeiunus vesci consurgeus mane solebat,

Armatusque cibo tali, quascumque veneno

Quilibet insidias sibi tenderet, haud metuebat.


Un proverbe de la terre d’Otrante dit que la rue guérit tous les maux :


La ruta

Ogni male stuta.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi la Rue :

27 octobre

(Mont Leuze)

[...]

A mes pieds, le concours de beauté continue. Les rues à feuilles étroites exposent leurs limbes de dentelle bleue et leurs corolles crucifiées. Chaque pétale, dont a marge est poilue, ressemble à un pétale, dont la marge est poilue, ressemble à un balai jaune-vert qui s'effiloche. huit étamines en couronne. Au cœur du système, un ovaire ventru piqué de diamants, qui finit en cône d'émeraude surmonté d'un style raide comme un paratonnerre.

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