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Le Satyre puant


Étymologie :


  • PHALLUS, subst. masc.

Étymol. et Hist. A. 1. 1570 fallot «membre viril» (G. Hervet, Sainct Augustin. De la Cité de Dieu, p. 180) ; 1605 phalle (Le Loyer, Hist. des spectres, 214 ds Fonds Barbier : les Phalles, membres virils des hommes) ; 1860 phallus (Goncourt, Journal, p. 831) ; 2. 1752 phalle antiq., ethnol. « représentation du membre viril » (Trév.) ; 1765 phallus (Encyclop.) ; 3. 1946 psychanal. (Mounier, Traité caract., p. 144). B. 1. 1615 phallus bot. Phallus d'Holande « sorte de champignon, le Phallus Hadriani » (J. Dalechamp, Hist. gén. des plantes, l. 12, chap. 14, t. 2, p. 286) ; 2. 1791 phallus bot. « sorte de champignon, le Phallus impudicus » (Valmont de Bomare, Dict. raisonné universel d'hist. nat., t. 3, p. 214 ds FEW t. 8, p. 359). Empr. au lat. phallus « représentation du membre viril que l'on portait dans les fêtes en l'honneur de Bacchus », lui-même empr. au gr. φ α λ λ ο ́ ς, même sens. Au sens A 1, fallot traduit le lat. fascinum « membre viril » (St Augustin, Civ. VI, 9). Au sens B 1, empr. au lat. sc. Phallus (Hadrianus Junius, Phalli, ex fungorum genere in Hollandiae sabuletis passim crescentis descriptio, Delphis, 1564).


  • SATYRE, subst.

Étymol. et Hist. 1. xve s. [ms.] myth. satire (Corbichon, De la propriété des choses, XV, 58, ms. B. N. fr. 22533, fol. 222b ds Gdf. Compl.) ; 1549 satyre « id. » (Est.) ; 2. 1651 [éd.] « homme lubrique » (Scarron, Rom. com., p. 136) ; 3. 1764 « papillon de jour à grandes ailes brunes et noires » (Valm.). Empr. au lat. Satyrus, compagnon de Bacchus, avec les oreilles, la queue, les pieds de chèvre ; du gr. Σ α ́ τ υ ρ ο ς « id. ». Le fém. satyre « drame satyrique » (1738 [éd.], Rollin, Hist. anc. des Égyptiens, t. 12, p. 57) est empr. au lat. satyrus, lui-même empr. au gr. σ α ́ τ υ ρ ο ς « id. », le genre fém. étant prob. dû à l'infl. de satire*.


Lire aussi les définitions de phallus et satyre pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Phallus impudicus - Cadavrou - Enfant-du-diable - Fausse-morille - Gland-de-Satan - Impudique - Morille blanche - Morille du diable - Morille impudique - Morille puante - Œuf-de-sorcière - à l'état naissant : Œuf du diable - Phalle impudique - Phallus impudique - Phallus obscène - Satyre - Satyre fétide -

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Mycologie :


Lire la fiche extraite du site : http://www.mycodb.fr/ pour découvrir les caractéristiques principales de ce champignon au nom et à la forme si évocateurs.


D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013),


"Quant aux différentes espèces de satyres, si leur senteur était repoussante à l'état adulte, leur forme leur valait une certaine renommée, sous forme de poudre, de décoction ou d'amulettes séchées. En Chine, ils sont d'ailleurs toujours vendus à titre de stimulants sexuels. [...]


Un nom imprononçable : Par sa forme, son odeur et certaines particularités de son développement, le satyre puant suscite depuis longtemps l'intérêt des naturalistes. Il apparaît d'abord sous la forme d'un "œuf" blanc et sphérique à demi enfoui dans le sol. Cet œuf se fend bientôt et il en émerge le champignon, comme le décrivait le docteur Gustave Mareau en 1871, exagérant quelque peu la vitesse de l'opération : "Alors le nouvel être, après avoir déchiré sa prison en lambeaux inégaux, s'élance tout glaireux de ce réceptacle, et, vivifié par la lumière, croît avec une rapidité étonnante : en moins de dix minutes, il peut atteindre son presque complet développement." C'est alors qu'il présente sa forme phallique et qu'il exhale aussi la plus forte puanteur.

Dans l'une des premières monographies consacrées aux champignons, intitulée Phalli ex fungorum genere, in Hollandiae et parue en 1564, le médecin et botaniste hollandais Adriaen de Jonghe le nommait déjà Phallus. Près de deux siècles après, Linné entérinait l'usage et retenait cette appellation comme nom de genre, en le complétant par le nom d'espèce impudicus. Mais cette dénomination pouvait choquer certains : "Quelques personnes, effrayées, par puritanisme, de la justesse des noms générique et spécifique, n'osent pas les prononcer, et lui conservent celui de Morille fétide." C'était le cas du naturaliste allemand Jacob Christian Schäffer, qui avait lui aussi publié en 1760 un petit livre sur le satyre puant. Comme pasteur protestant, il précisait : "Je passe sous silence la comparaison que la plupart des auteurs ont faite avec une certaine partie du corps humains." Il utilisait le nom gichtschwamme, "champignon de la goutte", d'après la maladie que ce champignon était réputé soigner.


Un vrai aphrodisiaque ? Le satyre puant avait en effet quelques applications médicinales. Ainsi, en Hollande, on employait la liqueur verte qui couvre son chapeau en cataplasmes, contre les douleurs rhumatismales. Mais sa principale utilisation était bien entendu liée "aux idées que sa vue fait naître" ! Au Monténégro, on en frottait le cou des taureaux de combat afin d'augmenter leur vigueur. Il était sans doute aussi utilisé par les ramasseurs eux-mêmes, même si cet usage n'a jamais été décrit ! Cependant, tout le monde ne croyait pas au pouvoir aphrodisiaque du satyre puant. Ainsi, en 1870, François Simon Cordier s'interrogeait : "Ne serait-ce pas la forme même de ce champignon qui lui aurait fait accorder la vertu stimulante qu'on lui attribue , Beaucoup d'autres champignons, les Bolets, les Agarics et les Morilles, en particulier, jouissent de la réputation de posséder cette même vertu. La propriété aphrodisiaque de ces plantes est fortement contestée aujourd'hui." Une espèce voisine, le champignon du bambou (Phallus indusiatus), est cultivée de nos jours en Asie, pour ses qualités gustatives, médicinales et bien sûr, aphrodisiaques. Cette espèce tropicale a la même forme et la même odeur que le satyre européen mais elle se distingue par une jolie "jupe" de dentelle. A Hawaï, on le nomme mamalu o wahine, "champignon des femmes". On raconte en effet qu'elles se réunissent afin de le chercher dans les forêts. L'odeur de ce champignon, décrite comme infecte par les hommes, serait au contraire très excitante pour les femmes. Lors d'une expérimentation, cette odeur aurait même provoqué à elle seule des orgasmes chez près de la moitié des femmes qui l'avaient sentie ! On ne connaît pas les composés ainsi actifs, mais il s'agit peut-être de substances de structure similaire à celle des hormones sexuelles, comme dans les truffes. Cependant, tous les arômes des satyres, qu'ils soient nauséabonds ou stimulants, disparaissent lorsqu'on les fait sécher !


Un véritable athlète : Le mycologue Pierre Bulliard avait attentivement observé l'émergence du satyre puant de sa volve, l'odeur qu'il forme au début de sa vie : "Si on a mis ce champignon dans un vase de terre ou de faïence dont il remplisse toute la capacité, et au fond duquel il y ait un peu d'eau, il brise ce vase quand sa volve se crève." Selon lui, la rupture de la volve provoque une "explosion presque aussi forte qu'un coup de pistolet".


Odeurs : Plusieurs études chimiques ont été consacrées à l'odeur nauséabonde de ce champignon. les substances volatiles sont concentrées dans le liquide gluant et vert sombre qui couvre son chapeau au début de son développement. des sulfures d'hydrogène sont responsables de l'odeur d’œuf pourri et des émanations cadavériques. Le champignon produit également du méthylmercaptan, à l'odeur caractéristique de chou pourri (ou de mauvaise haleine). Tous ces composés attirent les mouches sur la glèbe semi-liquide.

En s'envolant, elles emportent avec elles les spores qu'elles déposent à distance, contribuant ainsi à la dissémination de l'espèce. D'autres composés donnent les notes douceâtres de son parfum, par exemple le linalol, à odeur de muguet, ou le phényléthanol, à odeur de rose. Les nez les plus fins y décèlent des parfums d'herbe fraîche et de terre fraîchement remuée, avec des notes acidulées. Certaines descriptions font état d'une odeur de sperme, mais cette observation est doute plus liée à la orme du champignon qu'à sa production chimique réelle !

La petite fille de Charles Darwin racontait que sa tante Etty parcourait les bois qui entouraient sa maison et cherchait à l'odeur les stinkhorns, les cornes-puantes, "appelées en latin d'un nom plus grossier". Elle en emplissait son panier et, de retour chez elle, les brûlait dans sa cheminée "pour la moralité des servantes".


Le pouvoir de l'esprit : Malgré l'odeur cadavérique qu'il dégage lorsqu'il est mûr, le satyre n'est pas puant du tout à l'état jeune, tant qu'il n'a pas émergé de son "œuf". Il est même comestible, pour peu que l'on en détache la cuticule et la couche gélatineuse qu'elle recouvre. Il peut alors être consommée cru, offrant alors au gourmet un goût de radis plutôt agréable, si l'on parvient à évacuer de son esprit la forme et le parfum à l'état mûr.


Plus fort que tout ! La puissance du champignon a été récemment évaluée par une étude mathématique : trois satyres puants sortant de terre ensemble pourraient soulever une masse de 400 kilos !"

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Lyra Ceoltoir décrit à son tour le Satyre puant dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) :


Sa forme ne laisse guère de place à l'imagination : le satyre puant ressemble à s'y méprendre à... un phallus en érection. Voilà de quoi alimenter une violente méfiance à son égard, ou, au contraire, une étrange fascination. Comme si cela ne suffisait pas, il sent atrocement mauvais, dégageant une odeur fétide proche de celle d'un cadavre en décomposition. Parfaitement charmant !


Vie de champignon : C'est à Linné que nous devons le nom scientifique du sature puant (signifiant littéralement « phallus impudique »), et la raison de cette dénomination est tellement flagrante qu'il est l'un des rares champignons avoir conservé son nom d'origine. Le satyre puant commence sa vie sous la forme d'un petit œuf mou de 3 à 6 centimètres, qui ressemble à celui d'une poule en carence de calcium. Cet œuf se déchire ensuite, laissant émerger le champignon qui pousse alors très rapidement, en quelques heures seulement. Son chapeau est conique, évoquant furieusement un gland pénien, de 3 à 4 centimètres de diamètre, et serait blanc s'il n'était pas entièrement recouvert d'une gléba d'un vert glauque, tirant sur le noir. C'est elle qui dégage l'odeur pestilentielle du champignon, attirant les insectes nécrophages, mouches en tête, qui contribuent la dispersion des spores en venant s'y nourrir. Dessous, le chapeau est creusé d'alvéoles, comme une morille, d'où certains de ces noms vernaculaires. Le pied est blanc et creux, élevé sur 10 à 20 centimètres, alvéolé et fragile, entouré d'une volve à sa base. Il s'affaisse au bout de quelques jours seulement.

Sa chair blanche et poreuse ne dégage aucune odeur, mais se révèle désagréable en bouche, rendant le champignon immangeable, même si certains se sont risqués à le consommer très jeune, sous son état d'œuf. L'ébauche du pied qu'il contient, au milieu d'une gélatine glaireuse inconsommable, aurait une saveur piquante de radis.

Il pousse de la fin du printemps jusqu'à l'automne, aussi bien sous les feuillus que sous les conifères, souvent en colonies, parfois à proximité des souches. Il aime aussi la compagnie des rosiers (Rosa sp.), qu'il parasite et épuise. Son odeur est si violente qu'elle se fait sentir bien avant que le champignon soit à portée de regard. Peut-être à cause du fait qu'elle est semblable à celle d'un cadavre en décomposition. J'ai remarqué qu'elle était souvent source de frayeur chez les chevaux, qui refusent généralement de s'en approcher.

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Vertus médicinales :


François Simon Cordier, auteur de Les Champignons : Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) recense des usages anciens des champignons :


Le Satyre fétide, Phallus impudicus, L., réduit en poudre, est regardé, dans plusieurs cantons, comme un remède qui porte aussi aux plaisirs de l'amour.

Beckmann dit qu'on le donne aux bestiaux pour les exciter à l'accouplement. Ascherson a vu un cheval de dix-sept ans se montrer très ardent en amour après avoir mangé de ce champignon. Quelques personnes prétendent qu'il détermine de fréquents avortements chez les vaches, ce que d'autres nient. Gleditsch dit qu'on le cueille avant qu'il soit entièrement développé, car il paraît qu'il ne produit son effet que lorsqu'il est encore dans son volva. Alors il n'a pas l'odeur fétide qu'il aura plus tard. On le dessèche et on l'emploie réduit en poudre. Hertwig l'a donné à des chiens et à des chevaux ; il n'en a rien obtenu. Ne serait-ce pas la forme même de ce champignon qui lui aurait fait accorder la vertu stimulante qu'on lui attribue ? Beaucoup d'autres champignons, les Bolets, les Agarics et les Morilles, en particulier, jouissent de la réputation de posséder cette même vertu. La propriété aphrodisiaque de ces plantes est fortement contestée aujourd'hui. [...]

Le Satyre fétide est encore dans quelques pays un remède populaire contre la goutte ; aussi, en Allemagne, on l'appelle Champignon de la goutte. En Hollande, au rapport de Greville, on l'emploie en cataplasmes contre les douleurs rhumatismales.


 

Le Dr Lucien-Marie Gautier, auteur de Les Champignons considérés dans leurs rapports avec la médecine, l'hygiène publique et privée, l'agriculture et l'industrie (Librairie J. B. Baillière et fils, 1884) émet un avis quelque peu tranché :


D'autres Champignons ont été gratifiés bien gratuitement de vertus aphrodisiaques. Ainsi un préjugé vulgaire assez répandu, né apparemment de quelque imagination un peu dévergondée, et sans doute inspiré par la forme de ce singulier champignon, attribue au plus haut degré cette propriété à la poudre desséchée du Phalle, aussi impudique qu'horriblement fétide. Il faut être rudement en proie au démon de la lubricité pour tenter de le satisfaire au prix d'avaler cet affreux ingrédient.

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Usages traditionnels :


Selon François Simon Cordier, auteur de Les Champignons : Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) :


Le Satyre impudique [...] passe pour malfaisant ; au rapport de Krombholz, il aurait occasionné des accidents. Ascherson dit n'avoir rien trouvé qui prouve qu'il soit nuisible. Paulet doute qu'il soit pernicieux, puisque les bêtes fauves et les sangliers le mangent lorsqu'il est encore en boule, et que les chats en sont friands lorsqu'il a atteint son entier développement. Fût-il bon à manger, il ne figurera jamais sur les tables, à cause de son odeur infecte.

En Allemagne, les habitants de la campagne le font sécher avant qu'il soit entièrement développé, le donnent, réduit en poudre et mêlé à quelque liqueur, aux bestiaux et aux chiens, pour les exciter à l'accouplement ; des femmes même en ont pris, comme provocateur des règles ; mais, le plus souvent, il a produit un effet nuisible. Les anciens l'employaient contre la goutte.

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Symbolisme :


On peut supposer que le symbolisme de ce champignon est en partie lié à ses différents noms vernaculaires, liés eux-mêmes à sa forme remarquable :


Symbolisme du phallus :


Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982), Jean Chevalier et Alain Gheerbrant nous apprennent que :


Le phallus est "symbole de la puissance génératrice, source et canal de la semence, en tant que principe actif. De nombreux symboles possèdent un sens phallique, tels le pied, le pouce, la pierre levée, la colonne, l'arbre, etc. Leur représentation n'est pas forcément ésotérique ni érotique : elle signifie simplement la puissance génératrice, qui, sous cette forme, est vénérée dans de nombreuses religions.

La symbolique phallique - comme d'ailleurs dans toutes les anciennes traditions - tient un rôle important dans la pensée juive.

La neuvième Sefira Jessod considère la puissance de la génération comme le fondement de tout ce qui est vivant. Dans le Sepher Bahir le phallus est aussi comparé au juste. Celui-ci tel une colonne - est à la fois soubassement et lieu d'équilibre entre le Ciel et la Terre. En raison des rapports étroits qui existent entre le microcosme et la macrocosme, à l'action terrestre accomplie par le juste fait pendant l'énergie cosmique. La présence ou l'absence des justes, sur le plan terrestre, raffermit ou relâche les fondements entre le Ciel et la Terre. De même, le phallus se raffermit ou se relâche suivant la présence ou l'absence de l'énergie. Le juste est nommé le fondement du monde (Proverbes, 10, 25 suivant la Bible Hébraïque) ; or, c'est sur le phallus que repose la vie, comme l'univers sur une colonne. Suivant l'opinion de Galien, qui prévaudra durant tout le Moyen Âge, la semence provient du cerveau et descend le long de la moelle épinière. C'est pourquoi le phallus symbolise l'Orient, le Levant, l'Est mystique, lieu et origine de la vie, de la chaleur, de la lumière. Il est appelé le septième membre de l'homme : il est centre, et autour de lui se ramifient les jambes, les bras, la colonne vertébrale par où coule la semence et la tête où se forme la semence. Son partenaire, le huitième membre (féminin), lui fait face ; il lui communique sa semence, tel un canal se déversant dans la mer. D'après le Sepher Yerira, le phallus remplit une fonction, non seulement génératrice, mais équilibrante sur le plan des structures de l'homme et de l'ordre du monde. De là vient que ce septième membre, facteur d'équilibre dans la structure et le dynamisme humains, soit mis en rapport avec le septième jour de la création, jour du repos, et avec le juste, dont le rôle est de soutenir et d'équilibrer le monde. Sous des représentations diverses, il désigne la force créatrice et il est vénéré comme la source de la vie.

D'où l'importance donnée au bon et au mauvais usage de ce septième membre (voir G.C. Scholem, Les Origines de la Kabbale, trad. Jean Loewenson, coll. Pardès, Paris, 1966, pp. 165-169)."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Phallus : Les amulettes en forme de phallus, membre qui symbolise « la puissance génératrice, source et canal de la semence, en tant que principe actif », étaient appréciées des Égyptiens, des Grecs (qui vénéraient notamment Hermès sous la forme d'une pierre d'aspect phallique; et des Romains : les Anciens considéraient le phallus-amulette comme le « symbole éminent de la loyauté et des plaisirs de l'amour physique mais aussi spirituel ». A Rome, les amulettes phalliques refoulaient le mauvais sort et étaient portées sur soi, placées sur des objets, peintes sur les murs, etc.

Bien que tombée en désuétude, en raison de la morale judéo-chrétienne, la représentation d'un phallus protège, pour certains, « des amours incertaines ».

Selon une croyance du XVe siècle, « si une femme vient à avoir le mal des mamelles, elle doit demander à son mari de lui faire avec son instrument naturel trois cercles autour du mal, ou au début du ventre juste sous la ceinture et elle en guérira sans aucun doute ».

Signalons qu'au XVe siècle, certains démonologues affirmaient que le diable pouvait « enlever les membres virils vraiment et réellement » ; par un procédé magique, « l'on ne p[ouvai]t plus les voir ni les toucher ». On parle de sorcières « qui collectionnent parfois des membres virils en grand nombre (vingt ou trente) et s'en vont es déposer dans des nids d'oiseaux ou les enferment dans des boîtes, où ils continuent à remuer comme des membres vivants, mangeant de l'avoine ou autre chose comme d'aucuns les ont vus et comme l'opinion le rapporte [...]. Un homme rapporte en effet qu'il avait perdu son membre et pour le récupérer il avait appelé une sorcière. Elle ordonna à l'infirme de grimper sur un arbre et lui accorda, s'il le voulait, d'en prendre un dans un nid où il y en avait plusieurs Lui, ayant essayé d'en prendre un grand, la sorcière dit ne prends pas celui-là : il appartient au curé ».

On dit qu'il existe en Afrique noire des réducteurs de membres virils. Roland Villeneuve (Dictionnaire du Diable, 1989) précise : « C'est une histoire vraie. L'autre jour à Abidjan, vingt-trois pêcheurs en colère agitaient leurs quéquettes raccourcies, sous les yeux des flics, exigeant réparation ».

D'après des déclarations de sorcières, « les faveurs du diable ne sont pas fort agréables, puisqu'il a, comme on sait, un membre couvert d'écailles comme un poisson, long d'une aune, qu'il tient entrotullé et sinueux comme un serpent ». Certaines disent qu'il a le « membre moitié chair, moitié fer, tout de son long, et de même les génitoires ; il le tient dehors ».

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Selon Michel Denizot, auteur de "La théorie de la signature des plantes et ses implications." (In : Conférence à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier. No. 3952. 2006) :


Vous connaissez tous la théorie de la signature des plantes, au moins pour le nom et pour l'image d'une feuille qui permet au mieux de sourire avec indulgence pour cette époque qui ne connaissait pas encore la raison. Car chacun s'est esbaudi de certaines concordances, qui paraissent aujourd'hui bien folkloriques aux yeux des gens éclairés. Nous allons voir que la question est un peu différente et la prendrons autrement, car cette théorie utilise des notions bien difficiles : il faudra parler du sens et du signe, sujets que nous n'épuiserons pas ce soir. La théorie du signe fait l'objet de multiples discussions et reste un objet de recherches, aussi bien en science que dans le cadre de la conscience et de la confiance à accorder à notre bonne mère nature. La théorie de la signature est un modèle naïf d'un mécanisme de la connaissance, mais elle ne peut que nous amener à nous interroger sur deux questions importantes et malcommodes : la théorie de la connaissance et l'ontologie de la nature.

[...]

Il est évident que l'analogie de formes est en cause. [...]

Certaines similitudes semblent avoir moins inspiré. Le gland du chêne est assez toxique, sauf cuit mais il est alors immangeable. Plus curieux, les champignons ne sont pas tellement rapportés, quant à leur forme, à leur efficacité. On aurait pu penser ainsi que le Phallus impudicus, même appelé Ithyphallus imperator, excite l'imagination mais ce n'a été guère le cas. Il ne semble pas avoir servi comme médicament ou poison.

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Dans La Lettre du Collège de France, hors série n°2 : Claude Lévi-Strauss, centième anniversaire, Collège de France, Paris, novembre 2008, pp. 38-40, l'auteur cite une anecdote amusante :


Mais aussi, c’est une fille de Darwin qui avait les champignons en telle exécration qu’elle revêtait un uniforme spécial pour chasser (à l’odorat, car ils sentent fort) certains d’entre eux – de l’espèce phallus impudicus – et les incinérer dans le foyer de son salon, portes closes :

« Afin, disait-elle, de ménager la vertu des servantes. »

 

Selon les recherches de Carole Chauvin-Payan qu'elle communique dans le préprint de l'article intitulé "Les noms populaires des champignons dans les populations européennes mycophobes" (Quaderni di Semantica, 2018, Perspectives de la sémantique, pp. 159-189) :


La désignation Œuf du diable est utilisée pour une autre espèce de champignon. Le Phallus Impudicus, "phallus impudique" ou "satire puant" est nommé ainsi par rapport à son premier stade de maturation. Dans son premier stade, ce champignon se présente sous la forme d'un œuf blanc. Au stade adulte, il a la forme d’un pénis en érection, couvert d’un liquide visqueux. Son odeur fétide perçue comme une fuite de gaz, de soufre, ou comme une odeur pestilentielle de cadavre se perçoit à plusieurs mètres et attire les mouches. La perception du caractère satanique de ce champignon vient de la dimension sexuelle qu’il véhicule par sa forme de pénis en érection, par la sécrétion d’une substance liquide visqueuse comparable au sperme et par son odeur fétide qui fait penser au soufre ou à la mort.

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Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons, notamment avec le phalle impudique :


Dans le chaudron : On s'en doute les vertus magiques du satyre puant tournent autour de la sexualité masculine. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'on lui ait prêté des vertus aphrodisiaques, non seulement pour l'homme, mais aussi pour les animaux mâles. Sa force en fait de même un allié de choix pour les sortilèges destinés à accroître la puissance, la force physique et la virilité. On estime en effet que trois spécimens sortant simultanément de leur volve au moment de leur croissance pourraient soulever jusqu'à 400 kilogrammes.

Jean-Baptiste de Panafieu raconte également un curieux sortilège accompli par la tante de la petite-fille de Charles Darwin, qui jetait ces champignons au feu pour la « moralité des servantes » ; autrement dit, pour bannir la luxure. Il est probable que le satyre puant soir en outre entré dans la composition du fameux (et tant redouté) charme médiéval du nouement de l'aiguillette. Là où le Petit Albert recommande d'employer une verge de loup pour jeter le sort, nul doute que beaucoup de gens, assez frileux à l'idée d'aller émasculer un prédateur, auront préféré cueillir un champignon !


Le Message de l'Autre Monde : « Je suis la luxure. On me redoute, on l'accuse de bien des maux, on me réprime, on me repousse, mais je persiste. J'existe dans le cœur le plus pur, dans l'âme la plus chaste. Je suis l'instinct séculaire qui pousse les êtres non seulement à se reproduire pour perpétuer leur espèce, mais aussi à y prendre plaisir et à en faire un jeu. Je suis terrible et agréable. Nécessaire et dangereux. Obscène et sacré. Si tout, dans la nature, est fait d'ambivalence, je suis le clair-obscur dans sa plus violente expression. Car tout est toujours question d'équilibre, n'est-ce pas ? Il n'est jamais bon d'abuser des bonnes choses... »


Sortilège : Nouement de l'aiguillette 2.0

A l'époque médiévale, « nouer l'aiguillette » consistait à frapper magiquement un homme d'impuissance sexuelle en « nouant » symboliquement les liens qui fermaient son pantalon (la fameuse « aiguillette », ancêtre de notre braguette moderne). Il existait autant de méthodes que de sorciers pour les imaginer mais la plus courante employait un support relié à sa cible par un lien analogique : on nouait un lacet sur une image phallique. Naturellement, aujourd'hui, un tel sortilège n'a plus grand-chose à faire dans les grimoires. Néanmoins, on peut s'en inspirer pour établir un petit charme visant à lutter contre une masculinité toxique en liant symboliquement un comportement dérangeant que l'on souhaite bannir (insistance, machisme à outrance harcèlement sexuel, virilité mal placée...) Bien évidemment, ce sortilège ne se suffit pas à lui-même et doit s'accompagner des mesures légales et judiciaires qui s'imposent. Cependant, il offre un plus non négligeable pour aider à renforcer ces actions tangibles.

Son odeur atroce n'encourage pas à manipuler le satyre puant ni à l'introduire dans la maison. Nous travaillerons donc, pour ce sortilège, à l'aide d'une image de ce champignon. Imprimez-en une sur un rectangle de papier (un format A5 ou A6 suffira amplement) et munissez-vous également d'une ficelle noire (en fibres naturelles), de quoi écrire et d'une petite branche de laitue vireuse (Lactuca virosa) (1). Au dos de l'image du satyre puant, écrivez le nom complet de l'homme qui vous importune et décrivez en quelques mors le comportement malveillant dont il fait preuve à votre égard. Ne jugez rien, ne qualifiez pas ses actes, contentez-vous de données purement factuelles et dénuées d'émotion. Cela peut être quelque chose comme « comportement sexiste », « attouchements à caractère sexuel », « tempérament dominateur ». Evitez en revanche les jugements du style « C'est un mufle infâme qui mériterait le pilori. » Nous ne sommes pas là pour jouer les bourreaux.

Enroulez le papier en un tube serré autour de la branche de laitue, écriture vers l'intérieur, et attachez ce rouleau à l'aide de la ficelle noire, en l'en entourant tout du long, le plus serré possible. N'hésitez pas à faire autant de tours que nécessaire pour que le tube disparaisse presque sous la ficelle. Nouez le tout à sept reprises, en incantant un charme de ligature, par exemple :


Ce premier nœud me protège de toi,

Ce deuxième nœud jugule tes ardeurs,

Ce troisième nœud t'éloigne de moi,

Ce quatrième nœud lie l'impudeur,

Ce cinquième nœud calme le vicieux ;

Ce sixième nœud t'ouvre enfin les yeux,

Et ce septième nœud noue l'aiguillette.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept,

Te voilà lié, te voilà stoppé,

Tu n'as plus de pouvoir sur moi,

Te voilà noué, te voilà entravé,

Mauvais comportement, je te renvoie !


Enfermez votre rouleau dans une petite boîte, si possible en ayant préalablement recouvert ses parois intérieures de miroirs ou de papiers d'aluminium, pour renvoyer les mauvais comportements à leur source, et cachez le tout dans un endroit de votre maison où il ne sera pas dérangé,. Lâchez prise.

Une fois la menace éloignée ou le comportement changé, n'oubliez pas de détruire le sortilège en le réduisant en pièces à l'aide d'une paire de ciseaux ou d'un sécateur, avant d'en brûler les composants ou de les jeter aux ordures ménagères.


Note : 1) ou laitue sauvage. Cette plante est extrêmement courante à l'état sauvage (étant considérée comme une mauvaise herbe), réputés pour ses vertus aphrodisiaques. Attention, son latex peut-être corrosif, manipulez-la donc avec précaution et lavez-vous soigneusement les mains juste après l'avoir touchée.

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Littérature :


Le plus rigolo des champignons


Il y a quelques temps déjà, j’ai rencontré mon ami le philosophe optimiste. Je revenais de la bibliothèque municipale. J’y avais emprunté une encyclopédie des champignons que je tenais contre ma poitrine, non pas par pour l’exhiber mais simplement parce qu’une tendinite à l’épaule droite ne me laissait guère le choix. De l’autre main, je tenais le sac à pain. J’étais allé à la boulangerie dans la foulée. Tel que l’ouvrage était placé, il ne pouvait manquer de le remarquer. Après les formules de politesse, il me dit avec un brin de malice :

- « Tiens, vous vous intéressez à la mycologie maintenant ? »

- « Oui, enfin non, c’est-à-dire que j’ai entendu à la radio un nom assez amusant et je voulais savoir s’il en existait d’autres au moins aussi marrants. »

- « Ah ! Et quel était ce nom ? »

- « Phallus impudicus. »

- « Je vois. Je peux vous aider mais pour bien rire de ce sujet, ce n’est pas dans la voie des noms qu’il faut s’engager. Bien que ce qui pourrait se passer dans les sous-bois entre votre phallus impudicus et une amanite vaginée pourrait faire sourire, il y a bien pire comme humour. »


Devant mon air médusé à l’évidente niaiserie, il se délecta un moment et reprit :

- « Vous avais-je déjà dit qu’autrefois je fréquentais un cercle mycologique ? »

- « Non, je vous sais juste amateur de bonne chère avec un penchant pour les truffes et les morilles. Ce qui n’est en rien incompatible. »

- « En effet. Sachez cependant que ces deux succulents champignons que vous citez, je n’en ai jamais récolté. Les cèpes, les girolles, les coprins chevelus, les pieds-de-mouton, oui, mais truffes et morilles, nenni ! »


Il regarda sa montre et décréta qu’il avait suffisamment de temps pour me raconter une anecdote, se fichant éperdument de savoir si moi, j’en avais assez pour l’écouter.

- « Il y a une chose qu’il faut savoir au sujet des champignons, c’est que rien ne vaut le terrain, l’expérimentation sur site. Ceci est valable d’ailleurs pour d’autres sujets, nous y reviendrons peut-être. La bonne détermination d’un champignon peut vous sauver la vie. Il ne faut pas plaisanter avec cela. Bref, lorsque vous adhérer à un club mycologique, vous devez déjà apprendre à vous lever tôt pour être à l’heure au lieu de rendez-vous, situé généralement en pleine forêt. Ensuite, vous devez écouter les conseils répétés de l’expert qui vous accompagne, à savoir revenir au lieu de rendez-vous à une heure précise et, surtout, ramasser tout ce qu’on trouve en prenant soin de prélever le champignon entier. En effet, comment désigner une amanite phalloïde sans sa volve si, en plus, l’anneau a été dévoré par une limace ? Les consignes sont claires, il ne faut pas hésiter à creuser un peu pour récolter le champignon dans sa totalité. Fort de ces informations, chacun s’éparpille dans les bois et se retrouve, à l’heure dite, au lieu de rendez-vous avec un tas hétéroclite d’espèces variées et suspectes et dans un autre coin du panier, les variétés comestibles clairement identifiées.

Arrive l’heure fatidique de la détermination. L’expert commente une à une les espèces avec patience tout en sachant que ce qui intéresse le plus ses interlocuteurs, c’est de savoir si ça se mange ou pas. Arrive enfin votre tour où, après avoir éliminé rapidement les espèces déjà citées chez les autres participants, il présente fièrement LE champignon que les autres n’ont pas. Il s’agit du « strophaire vert-de-gris ». Il n’est pas comestible, ça commence mal, mais le pire est à venir. Vous, qui avez scrupuleusement suivi les consignes, vous avez déterré le champignon dans les règles de l’art. Et vous apprenez qu’il pousse sur les excréments, avec une forte prédilection pour les excréments humains. Regardant l’extrémité de vos doigts, à la couleur douteuse, vainement vous cherchez la fontaine, l’abreuvoir, la flaque d’eau, même boueuse, vous permettant de retrouver un semblant de dignité. Tout cela, naturellement, sous le regard goguenard des autres participants s’étant fait piéger les fois précédentes. »

- « Effectivement, dis-je, la situation est assez cocasse. Avez-vous vous-même vécu ce genre de mésaventure ? »


Sa seule réponse fut :

- « Je suis très en retard, désolé, à une prochaine fois, sans doute. »


Michel Bihler, "Le plus rigolo des champignons"

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