Étymologie :
COPRIN, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1820 (Lav.). Empr. au gr. de basse époque κ ο ́ π ρ ι ν ο ς « qui vit dans les excréments (en parlant de vers) ».
Lire également la définition du nom coprin afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Coprinus spp. - Piche-cas (Agen) - Pisse-de-lpup (Charente-Inférieure) -
Coprinus comatus - Clochette à l'encre - Dung-stool (Tabouret de fumier) - Goutte-d'encre - Grand éteignoir à l'encre - Encrier - Escumelle - Lawyer's wig (Perruque d'avocat) - Mamelles à l'encre - Œuf rayé à l'encre - Quinal d'azé -
Coprinopsis picacea - Coprin noir et blanc - Coprin pie -
Coprinopsis atramentaria - Agaric encrier - Coprin atramentaire - Coprin noir d'encre - Encrier - Goutte d'encre - Œuf-à-l'encre - Pisse-chien - Piche-cas (Agen) - Quinal d'azé -
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Mycologie :
Dans son Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) Charles Richon nous propose une description de cet étrange champignon :
Chapeau d'abord cylindrique-ovoïde, puis campanulé, à surface lacérée en squames fibrilleuses blanchâtres, larges, éparses ; stipe blanc renflé à la base, puis cylindrique, et très atténué au sommet, fistuleux, garni au centre de sa cavité d'un filament médullaire, soyeux, fibrilleux, et entouré extérieurement d'un anneau mobile formé des débris du volva, détaché de la base du stipe, et de la partie inférieure du chapeau : cet anneau couronne même quelquefois la base du stipe ; lamelles tout à fait libres, minces, à tranchant pruineux-tomenteux, d'abord blanches, puis rosées et enfin noirâtres, pour se convertir alors avec la substance du chapeau en un déliquium d'un noir parfait ; spores ovoïdes, noirâtres.
Odeur et saveur de Champignon, assez accusée.
Été, automne. Dans les terres grasses, les cultures, les chemins des bois, des prés argileux, etc.
Espèce comestible, mais seulement avant l'allongement du stipe.
On doit à Vaillant d'avoir très bien décrit cette plante et de l'avoir mieux fait connaître que ses devanciers. « Son chapeau, dit-il, avant de s'étendre a depuis un pouce jusqu'à quatre de longueur , sur un pouce ou deux de largeur ou d'épaisseur, taillé comme la tête du Typha ; le haut en est lisse et roux, le reste est peluché par étages, soyeux, molasse, blanc, coupé par étages ou par ondes roussâtres. Le pédicule est épais depuis quatre jusqu'à huit lignes, long depuis trois pouces jusqu'à dix ou douze, comme bulbeux dans sa base, qui va toujours en diminuant vers la pointe, très blanc, fistuleux, garni d'un anneau vers son milieu. Le chapeau n'est presque point charnu, et les feuillets, de blancs qu'ils sont d'abord, deviennent noirs de fumée. Ils ont jusqu'à cinq ou six lignes de large. Quand la plante se passe, le chapeau s'étend en parasol ouvert petit à petit, en se roulant en volute, et se refondant en liqueur noire comme de l'encre. Cette plante mâchée n'a que le goust de Champignon, mais son odeur est cadavéreuse quand elle se dissout. »
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Selon Francis Martin, auteur de Sous la forêt, pour survivre il faut des alliés (Éditions humenSciences, 2019) :
Chez la plupart des espèces de champignons supérieurs, comme les coprins ou les rosés des prés, les tissus qui constituent le pied et le chapeau sont déjà formés dans l'embryon du champignon - qui n'est alors pas plus gros qu'une tête d'épingle. Ce mini-champignon va croître par absorption massive d'eau. Plus spectaculaire est la formation de l'appareil sexuel du Coprin chevelu : chez lui, la fructification peut atteindre une vingtaine de centimètres de hauteur, en moins de vingt-quatre heures. Une formidable turgescence qui soulève humus, feuilles mortes et, parfois trottoir !
[...]
Le Coprin chevelu produit une fructification délicieuse à croissance très rapide, mais qui devient déliquescente en quelques heures. Qui n'a pas repéré au bord du chemin ses petits chapeaux fusiformes dégoulinants d'une encre noirâtre ?
[...]
Lors de votre prochaine promenade à travers un pâturage, souvenez-vous que chacune des bouses que vous évitez est un petit écosystème, avec sa succession de champignons décomposeurs et d'insectes coprophages. Il est d'abord colonisé par les zygomycètes (comme Pilobolus), puis par les ascomycètes (comme Ascobolus et Podospora), et enfin, par les basidiomycètes (comme les Coprins et les Psilocybes). Il faudra plus de dix jours de festin scatophilique aux tapis mycéliens des coprins pour former leurs fructifications et sporuler.
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Lyra Ceoltoir, dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) propose la description de plusieurs coprins :
Qu'ils sont étranges, les coprins, ces longs champignons cylindriques blancs ou gris finissant leur vie dans une marée d'encre visqueuse d'un noir de jais ! Jeunes, leurs chapeaux oblongs gainent presque tout leur pied, avant de se changer en cloche en se retroussant comme une jupe au-dessus d'une bouche de métro. Dès lors, leurs bords s'enroulent et foncent, fondent, se font visqueux et liquides, disparaissant dans des gouttelettes noires, comme si quelque sortilège les avait changées en encriers.
Il existe de nombreuses variétés de coprins, tous déliquescents avec l'âge, passant du stade de champignon à celui de vestige visqueux à peine reconnaissable, mais le chevelu, le noir d'encre et le pie sont parmi les plus communs et les plus emblématiques. Ils n'appartiennent pas tous à la même famille taxonomique, mais sont liés par une biologie et un fonctionnement similaire qui les fait classer dans la même catégorie. Au XIXe siècle, le genre Coprinus est assez fourre-tout et englobe une centaine d'espèces. Cependant, dans les années 2000, des analyses portant sur les molécules de différentes représentants ont permis d'en séparer les espèces en deux grandes catégories : les Agaricaceae d'une part, dont le chevelu est le représentant emblématique, et les Psathyrellaceae d'autre part, auxquels appartiennent le noir d'encre et le pie.
Vie de champignon : Le Coprin chevelu
Le Coprin chevelu (Coprinus comatus) est un des champignons les plus familiers. Sa silhouette particulière, presque cylindrique, le distingue de bon nombre de ses congénères, mais c'est son chapeau qui permet avant tout de le reconnaître à coup sûr. Celui-ci est oblong, élevé sur 5 à 15 centimètres de haut pour un diamètre de seulement 4 à 5 centimètres chez les sujets jeunes,. Il s'élargit ensuit en cloche de 6 à 12 centimètres, atteignant parfois 18 centimètres, et enveloppe presque tout le pied, fin et long (de 8 à 30 centimètres de haut), d'un blanc pur, portant un petite anneau qui disparaît avec l'âge. Creux, il est impropre à la consommation.
Mais revenons à ce chapeau... C'est à lui que le coprin chevelu doit son nom, car il porte à son sommet une petite calotte couleur chamois et est entièrement recouvert de « mèches » retroussées. Ces écailles, d'abord blanches, virent au crème, au fauve rosé, au brun et enfin au noir, alors qu'il se change en « encre ». Au bout de quelques jours, il ne reste plus que le pied !
On le trouve pratiquement partout dès le printemps et jusqu'en novembre, depuis les prés jusqu'aux pelouses des jardins, en passant par les clairières, les bords de chemin, les jardins publics et même les décharges ! Après la Première Guerre mondiale, on en vit de grandes colonies s'établit sur les abords et au fond des tranchées. La raison en est simple, c'est un saprophyte. Son mets préféré ? Les déjections canines ! Miam ! Son nom l'évoque clairement : koprinos, en grec, signifie tout bonnement « qui vit dans les excréments ».
Vous avez moins envie de le manger, n'est-ce pas ? Dommage, car c'est pourtant un très bon comestible, à condition de le consommer très jeune et de ne choisir que les sujets ayant poussé dans des milieux non pollués, car il absorbe les toxines de son milieu. S'il est entièrement blanc quand vous le découpez, vous pouvez le faire sauter sans crainte dans une poêle ou le découper directement cru dans une salade pour vous en régalez. Si la moindre trace noire apparaît, en revanche, abandonnez l'idée, le goût vous donnerait la nausée ! Très fragile du fait de sa nature, il doit en plus être consommé.... dans l'heure qui suit sa récolte. On peut ralentir un peu son processus de décomposition, qui commence dès la cueillette, en coupant son pied, peu savoureux, à ras. Il s'agit de ne pas traîner...
Comme il aime la compagnie humaine, on sait le cultiver, sur du fumier de préférence, mais cette culture ne sert pas à grand-chose, car il est très difficile à conserver et ne peut donc pas être commercialisé facilement.
Le Coprin pie : Le coprin pie (Coprinopsis picacea, de pica, désignant la pie) doit son nom à son aspect unique : comme les amanites tue-mouches et panthère, il naît dans une volve blanche qu'il déchire lentement en grandissant, mais dont il conserve des plaques, plus larges que celles des amanites et collées sur son chapeau brun-noir. Le voilà alors arborant une belle livrée noire tachetée de bandes et de zébrures blanches, qui ne le laissent se confondre avec aucun autre !
Assez discret, il est légèrement plus petit que ses cousins, quoiqu'il se perche sur un pied de 10 à 20 centimètres tout de même. Il pousse, en solitaire ou en petits groupes, dans les bois clairs, sur les bords de chemins, les clairières ou les lisières, en compagnie des feuillus.
Certains le disent comestible très jeune, car il est déliquescent avec l'âge, comme tous les coprins, mais son odeur assez désagréable et quelques témoignages d'une éventuelle toxicité devraient décourager de tente l'expérience.
Le Coprin noir d'encre : Le coprin noir d'encre (Coprinopsis atramentaria, du latin atramentum, « encre ») lui ressemble beaucoup au coprin pie, et présente des mœurs similaires, adorant pour sa part le fumier, mais aussi le bois en décomposition. Toutefois, il s'en distingue facilement par son chapeau lisse, d'un gris-brun aux reflets argentés et à son habitude encore plus grégaire de pousser en touffes serrées de plusieurs individus. Très commun en automne, il n'hésite pas à faire aussi une petite pousse au printemps et en été.
Son pied est blanc, lisse, creux, atteignant facilement une quinzaine de centimètres de haut. Son chapeau ovoïde ne s'ouvre jamais, se liquéfiant avec l'âge en roulant sur lui-même en une encre paisse, d'un noir intense, qui le fait disparaître totalement en l'espace de quelques jours, voire de quelques heures. La couleur de cette « encre » est due à la concentration très élevée en mélanine des spores du champignon, un pigment qui permet de l'utiliser comme encre d'écriture, à l'instar de l'encre de Chine, ou, mieux encore, comme lavis, technique à laquelle notre coprin se prête très bien. On dit même que certains mycologues auraient poussé la passion jusqu'à rédiger leurs testaments avec de l'encre tirée d'un coprin.
En théorie, comme le chevelu, le coprin noir d'encre est comestible très jeune. Cependant, il devient toxique s'il est consommé avec de l'alcool, et ce même si ce dernier est bu jusqu'à soixante-douze heures après le repas ! La responsable ? La coprine, une substance contenue dans ce champignon, sauf dans le coprin chevelu, qui empêche le foie de dégrader les molécules d'alcool en acide acétique pour l'éliminer, et entraîne par conséquent une grave intolérance à l'alcool (plus précisément à l'acétaldéhyde, toxique pour l'organisme). Les vaisseaux sanguins se dilatent, la peau rosit, en particulier au niveau du visage et du haut du buste, la tension chute, et voici venir les malaises, les vertiges, la tachycardie, les maux de tête , les bouffées de chaleur accompagnées d'une importante sudation... Un vrai plaisir, qui dure cinq à dix jours ! Mieux vaut donc s'abstenir et éviter ce champignon dans l'assiette.
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Usages traditionnels :
F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) explique comment obtenir de l'encre à partir des coprins mais également vante leurs qualités culinaires :
Bulliard, on le sait, est parvenu à faire une encre bonne pour le lavis avec le suc d'un Agaric que, pour cette raison, il a appelé atramentaire, Ag. (Coprinus) atramentarius. Du reste, on peut faire de l'encre avec l'eau provenant de la décomposition de la plupart des Agarics du sous-genre Coprin, laquelle est formée, presque entièrement, de spores qu'elle tient en suspension Il suffit pour cela de faire bouillir le chapeau du champignon et de filtrer la liqueur que donne l'ébullition. En ajoutant à cette liqueur des clous de girofle ou une petite quantité de sublimé corrosif, on l'empêche de moisir.
Desmazières a fait aussi, avec plusieurs espèces de Stilbospores, une encre qui peut remplacer celle de la Chine pour le lavis et le dessin. Mais les Stilbospores sont de trop petites espèces de champignons pour que l'on puisse en tirer un parti avantageux. [...]
En général, les Coprins sont comestibles dans leur jeune âge ; rien même ne prouve qu'il y en ait de malfaisants. Les grandes espèces seules sont à rehercher ; en Angleterre, elles servent à la préparation du ketchup.
Observation. L'eau de l'Agaricus micaceus, Bull., t. 246 et 56 , efface l'écriture faite avec de l'encre ordinaire ; le suc de l'Agaricus atramentarius l'efface également, mais moins bien que celui de l'Agaricus micaceus.
[...]
Quelques personnes le [Agaricus comatus] trouvent très délicat ; il est d'un usage vulgaire en Angleterre et aux environs de Lucques ; dans les pays qui environnent Toulouse, on le mange frit à la poêle. Il faut le cueillir avant qu'il soit épanoui, et le manger immédiatement, car, du jour au lendemain, comme du reste tous les Coprins, il se décompose en une eau noire, que l'on peut utiliser pour le dessin et le lavis ; cette eau est même plus abondante dans l'Agaricus comatus que dans l'Agaricus atramentarius.
Le Dr Lucien-Marie Gautier, auteur de Les Champignons considérés dans leurs rapports avec la médecine, l'hygiène publique et privée, l'agriculture et l'industrie (Librairie J. B. Baillière et fils, 1884) mentionne :
Le liquide produit par la liquéfaction naturelle de la plupart des Agarics Coprins, et contenant les spores, fournit une encre excellente, que l'on peut d'ailleurs obtenir artificiellement par l'ébullition du chapeau du Champignon dans l'eau, le filtrage et l'addition d'un peu de sublimé pour l'empêcher de moisir ; Bulliard est parvenu à faire une encre, bonne pour le lavis, avec le suc d'un Coprin très répandu, qu'il a nommé, pour cette raison, Agaricus atramentarius.
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Charles Richon, auteur d'un Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) rend compte d'usages de nos ancêtres (pas si lointains) :
Cordier dit que ce Champignon est déclaré très délicat par certaines personnes, qu'il est d'un usage vulgaire en Angleterre, et aux environs de Lucques, et qu'aux environs de Toulouse on le mange frit à la poêle. Il recommande seulement de le cueillir avant qu'il soit épanoui et de le manger immédiatement. Suivant M. Quélet, c'est un Champignon très sapide et délicat à l'état naissant. M. Maxime Cornu ayant recueilli des échantillons très jeunes de cette espèce, les fit préparer immédiatement et cuire rapidement dans du beurre, avec du sel et du poivre : il nous a déclaré que celte préparation culinaire était excellente. Nous avons répété cette expérience et nous sommes entière ment de son avis. D'un autre côté, il est certain qu'on ne doit pas consommer ce Champignon au moment de l'épanouissement du chapeau.
François Malaisse, André De Kesel, Françoise Begaux, et al. s'intéressent dans l'article intitulé "A propos des champignons comestibles du Tibet centro-austral (RP China)." (Geo-Eco-Trop, 2007, vol. 31, p. 233-242) à la connaissance mycologique des populations Ü et Tsang du Tibet centro-austral :
Coprinus comatus, le coprin chevelu ou escumelle, est reconnu par de nombreux paysans, mais n'est consommé que de temps à autre par un petit nombre d'entre eux. Sa consommation a été signalée des villages de Nanang, Sebu, Sedukang, Tartong, Tsingda et Yarikang. Il porte différents noms, la dénomination la plus fréquente est « pungukacha », c'est-à-dire « champignon âne ». La ressemblance du sporophore au pénis de l'âne justifie cette appellation. Il est récolté de juin à septembre.
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Selon Frédéric Duhart, auteur d'une « Contribution à l’anthropologie de la consommation de champignons à partir du cas du sud-ouest de la France (XVIe -XXIe siècles) », (Revue d’ethnoécologie [En ligne], 2 | 2012) :
Tous les champignons consommés avec plus ou moins de régularité par le petit peuple ne jouissaient pas d’une réputation gourmande aussi détestable que les deux espèces que nous venons de laisser. Cependant, la majorité d’entre eux retrouvaient celles-ci sur le fait qu’ils demeuraient pratiquement sur les marges du système marchand. Nourriture saisonnière et économique, ils étaient principalement consommés par ceux qui les ramassaient. Tel était notamment le cas des jeunes coprins noir d’encre (Coprinus atramentarius) que les tanneurs de la région de Montpellier avaient pour habitude de récolter aux abords des cuves (Planchon 1883 : 115).
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Le renouveau des goûts des élites pour les champignons ne doit pas occulter le maintien ou le développement de formes de consommations populaires. Au Moyen Âge déjà, les champignons pouvaient intervenir comme appoint, au bonheur des découvertes, dans les diètes populaires (Le Roy Ladurie 1975 : 33). Au XIXe siècle, certaines espèces jouaient encore pleinement ce rôle de nourritures occasionnelles à la campagne comme en ville. Dans les années 1830, par exemple, les riverains du parc d’artillerie de Toulouse faisaient frire à la poêle les très jeunes coprins chevelus (Coprinus comatus) qui sortaient sur les terreaux amenés là pour combler les fossés (Noulet & Dassier 1838 : 125).
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D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013), le Coprin chevelu est connu comme "L'encrier".
Réhabilitation : Il pousse un peu partout, dans les bois, les prés ou les jardins, jusqu'au centre des villes. Dès qu'il s'est épanoui, en quelques heures les lames puis le bord du chapeau commencent à s'assombrir puis se transforment en un liquide noirâtre fort pue appétissant. Pour cette raison, certains mycologues du XIXe siècle le considéraient comme "pernicieux" et "malfaisant". Il est aujourd'hui connu comme un comestible délicat. On sait le cultiver sur du compost, comme le champignon de Paris, mais il est difficile à commercialiser puisqu'il faut le consommer très peu de temps après la cueillette.
Malgré cela, il fait l'objet d'une culture industrielle en Asie, où plusieurs centaines de milliers de tonnes sont vendues chaque année, à l'état frais ou séché. On lui prête aussi des vertus médicinales. Il contient en effet des substances qui semblent actives contre les cancers de la prostate et du sein.
Un champignon pour l'aquarelle : Le liquide produit par la déliquescence du champignon est noirci par ses spores, qui sont riches en mélanine, un piment brun-noir présent également dans l'encre de seiche. Et comme cette dernière, c'est une encre de bonne qualité, utilisable pour le lavis. La famille des coprins avait d'ailleurs été surnommée "encriers", les diverses espèces recevant au passage quelques jolis noms, plus ou moins dérivés des appellations locales populaires, tels que la "clochette à l'encre", le "grand éteignoir à l'encre", les "mamelles à l'encre" ou "l’œuf rayé à l'encre".
Coprin anti-alcoolique : Le coprin noir d'encre ressemble au coprin chevelu, mais il se liquéfie encore plus vite. Il a aussi le défaut d'être toxique s'il est consommé avec de l'alcool, jusqu'à plusieurs jours après le repas. La coprine qu'il contient empêche en effet le foie de dégrader l'alcool en acide acétique, ce qui est sa voie d'élimination naturelle. Les réactions s'arrêtent au stade de l'acétaldéhyde, qui est toxique. Ce composé provoque une dilatation des vaisseaux sanguins, notamment dans la peau. Le visage devient rouge et la tension baisse, ce qui entraîne des vertiges et accélère les battements du cœur. La coprine agit presque de la même façon que le disulfirame, utilisé pour le sevrage alcoolique. Mais ses autres effets la rendent trop dangereuse pour être employée dans ce domaine.
Ketchup au coprin : Depuis le début du XVIIIe siècle, les Anglais préparent un ketchup à base de champignons, pour lequel le coprin était très apprécié (avec le mousseron et le rosé des prés). A l'origine, ce ketchup (ou catsup) était une imitation d'un condiment venu d'Indonésie, le ké-tsiap.
Fumier ! Coprin vient du grec koprinos "qui vit dans les excréments". C'est vrai pour certains membres de cette famille, mais pas pour tous ! On retrouve le même dégoût en anglais, puisque l'un des surnoms des coprins était autrefois dung-stool, "tabouret de fumier".
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Vertus thérapeutiques :
Selon Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs de l'article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.), les qualités thérapeutiques du lactaire poivré sont les suivantes :
antiparasitaire : En Chine, Coprinus sp., "Coprin" (Kouei pi) serait efficace contre la gale.
Référence : Heim (1978).
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Dans Et si on allait aux champignons, Les secrets de cueillette d'une pharmacienne (Éditions Larousse, 2017) Solange Strobel précise que :
Tous les coprins ont la particularité de digérer leurs propres substances et de se transformer en encre noire. Dans cette encre nagent les spores qui seront emportés avec la pluie (et non transportées par le vent comme pour les autres champignons). Ce coprin était abondant après la Première Guerre mondiale dans les tranchées où il trouvait des débris organiques en grande quantité.
Le coprin chevelu contient du vanardium, composé qui régule le taux de sucrer dans le sang. Il permet de prévenir les maladies cardio-vasculaires dues à une hyperglycémie et le diabète de type 2. Par contre, il faut consommer le coprin sous forme de poudre de champignon afin de ne pas dégrader le vanadium. Il est également riche en vitamines, minéraux et fibres.
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Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Renverser un encrier entraîne une séparation ou une mort. On a toutefois observé au début du siècle le rite suivant : « Au moment des examens de baccalauréat, les élèves ne manquent jamais de briser leur encrier après avoir passé les épreuves écrites de sorte que les alentours de la Sorbonne sont alors forcément tachés d'encre et jonchés de débris d'écritoires. Cette singulière coutume est non moins fidèlement observée en province. Les bachotiers considèrent qu'il est essentiel de casser un encrier pour trouver grâce devant les examinateurs ». Chez les Anglo-Saxons, qui casse une bouteille d'encre sera toujours pauvre. Enfoncer une plume dans un encrier vide attire l'infortune ; lorsqu'on inaugure une nouvelle bouteille, il convient, pour ne pas chasser la chance, de se servir d'une plume neuve ou de laver l'ancienne.
Il faut impérativement écrire une lettre d'amour avec de l'encre qui rappelle le sang, au risque de mettre en péril la relation ; faire une tache d'ncre présage que l'être aimé pense à vous en cet instant même. Cette tache est de bon augure même s'il ne s'agit pas de courrier sentimental. Outre-Atlantique, on prétend qu'avoir de l'encre sur le pouce annonce qu'on embrassera bientôt la personne à laquelle on écrit.
Selon une croyance anglaise, faire sécher devant le feu l'encre d'une lettre porte malheur et, s'il s'agit d'un billet d'amour, la rupture est certaine. Dans les îles Britanniques, il est maléfique de se servir d'un buvard, surtout pour éponger une inscription faite dans un libre ou un autographe.
En cas de déménagement, il est néfaste, d'après les Américains, de ramener de l'encre de son ancienne maison dans la nouvelle. Les mêmes conseillent aux écrivains de stimuler leur imagination déficiente en utilisant de l'encre rouge.
Les taches d'encre peuvent faire l'objet de divination sur le même principe que le marc de café, l'étude de leurs formes étant susceptible de délivrer des oracles. Pour certains, « le test psychologique de Rorschach a renouvelé en partie cette ancienne croyance ».
Signalons pour finir qu'on raconte que Graham Green frottait toujours plusieurs fois un encrier antique avant d'écrire pour attirer la chance et que le célèbre poète italien Dante « ne faisait jamais plus de trois taches avec la même plume car cela lui portait malheur et il préférait en prendre une neuve ».
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Carole Chauvin-Payan, dans le préprint de son article intitulé "Les noms populaires des champignons dans les populations européennes mycophobes", (Quaderni di Semantica, 2018, Perspectives de la sémantique, pp. 159-189) propose une explication pour l'appellation populaire "pisse-chien", entre autres, désignation du Coprinopsis atramentaria :
[...] Si l’on observe les liens existants entre le serpent et le champignon, le crapaud et le champignon, nous pouvons remarquer que le serpent par son haleine et le crapaud par le toucher peuvent envenimer le champignon. Enfin, de par leur nature vénéneuse, ils peuvent tous empoisonner l’homme. Grâce à ces liens mis en évidence, il devient plus aisé de comprendre l’utilisation des zoonymes crapaud et couleuvre dans la nomination du champignon lorsqu’il est envisagé comme vénéneux. Mais qu’en est-il des zoonymes canidés apparaissant dans les désignations Pan de raposo ‘pain de renard’ ou Pan de lobo ‘pain de loup’. Comme le souligne Boujot [2001], le loup (CANIS LUPUS) “intimement associé à la rage, maladie venimeuse, est réputé venimeux.” Ce qui est dit pour le loup est aussi valable pour le renard et le chien. Ces trois animaux, lorsqu’ils sont porteurs de la rage, deviennent très dangereux pour l’homme puisqu’ils peuvent lui transmettre cette maladie mortelle par la morsure.
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Si nous nous intéressons aux animaux ‘crapaud, serpent, chien’ intervenant dans la nomination du champignon, nous nous apercevons qu’ils ont tous été des divinités sacrées. [...] Anubis, canidé noir ou homme à tête de chacal était le dieu des nécropoles et des embaumeurs. Dans la mythologie nordique Fenrir était un loup gigantesque. L’utilisation des zoonymes crapaud, serpent, loup associés à des divinités sacrées nous amène à penser d’après les travaux d’Alinei, qu’à une époque très ancienne, le champignon était considéré comme une plante sacrée par certaines populations. Ce caractère sacré tiendrait aux pouvoirs qui lui sont associés : allumer le feu, guérir les blessures, donner la mort par son venin ou permettre la communication avec les esprits, comme nous allons le voir ci-après.
[...]
Sur le territoire français (dans le domaine gallo-roman), la désignation pisse-de-chien peut nommer la totalité des champignons, mais elle est souvent utilisée comme générique des vénéneux. Dans les régions de l'ouest, les formes Pis au chi et Pis de lou désignent un champignon vénéneux. C’est le cas aussi dans la région de l’Auvergne et du Limousin où la forme dialectale Do piso chi est fréquente pour la désignation de l’ensemble des vénéneux. Concernant la désignation du générique champignon, la carte de l'ALF ne présente que quelques points: pis de chen dans les Deux-Sèvres, pis de che en Vendée, pis de chian dans le Maine-et-Loire et pis o chi dans le Puy-de-Dôme. Dans le Maine, les champignons, presque tous confondus sous le générique de pis de chien, sont le venin de la terre, sont mauvais sang qui sort en pustules [Sébillot, 1904-1907 (rééd 1968): 491]. En Bretagne romane, De pi de sien désigne en général les ‘mauvais champignons’, les ‘champignons non comestibles’. L'utilisation de pisse de chien pour désigner le générique champignon signifie que dans ces régions les habitants considèrent tous les champignons comme mauvais et vénéneux. En Provence, les dénominations telles que pisso-chin, pissago et pissocan sont aussi utilisées pour désigner les plantes sur lesquelles viennent pisser les chiens [F. Mistral, 1878, T.1 : 326, T2 : 583]. Pissacan et Pissocan sont intéressantes car elles sont utilisées en Italie et en France pour désigner le champignon, le laiteron ou le crapaud. En Italie, les formes pisakàn, pisakè désignent la grenouille brune RANA FUSCA ‘la pisseuse’ pisakà:na et pisakàn désignent la rainette [Plomteu, 1987: 34, 57]. Selon Plomteu l’origine de ces dénominations viendrait du fait qu’ « En cas de danger, les batraciens secrètent un certain liquide, peu nocif mais malodorant. [1987: 57] » L’utilisation du même terme pour nommer le crapaud, le champignon et le laiteron peut s’expliquer par la substance liquide laiteuse et parfois malodorante que ces trois éléments contiennent. Par ailleurs, comme nous l’avons décrit précédemment, la forme Pisse de chien est un tabou linguistique où le venin est remplacé par le chien et où le champignon est désigné par un excrément ‘l’urine’, qui est un terme offensant.
L’origine des désignations ‘urine de chien’ est analysée par l'indianiste Wasson [1968] comme une survivance de la consommation rituelle de l'amanite tue-mouches AMANITA MUSCARIA ou fausse oronge par les peuples paléo-asiatiques. La plupart des peuples paléoasiatiques : Kamchadal ou Itelmenn, Koryak, Chukchee, Yukaghir, consommaient l’amanite tue-mouche lors de rituels et lui vouaient “un véritable culte” pour ses propriétés hallucinogènes. [Lévi-Strauss, 1973 : 264]” Selon Wasson l’AMANITA MUSCARIA serait le Soma, plante enivrante “dont le suc exprimé et filtré, puis coupé de lait caillé, était consommé par les prêtres au cours du rituel et principalement, semble-t-il par ceux chargés d’incarner le dieu Indra et son cocher Vāyu. [in Lévi-Strauss, 1973 : 263]”.
Relatant les travaux de Wasson, Lévi-Strauss écrit qu’en Sibérie orientale, l'urine du consommateur d'amanite était hautement estimée.
“Bue par un comparse ou par l'intoxiqué même, elle a le don de causer ou de renouveler la même ivresse que celle provoquée par l'ingestion du champignon frais ou, le plus souvent, séché. Bien mieux : les documents ethnographiques relatifs aux Paléo-asiatiques donnent à penser que cette urine pouvait être préférable à la substance première ; plus puissante disent les uns, ou, d’après les autres, parce que certains composés chimiques, présents dans le champignon et responsables de symptômes désagréables, s’élimineraient au cours de leur passage dans le corps, tandis que le ou les alcaloïdes hallucinogènes seraient préservés. [Lévi-Strauss, 1973 : 267-268]”
Selon Wasson, les Indo-Aryens qui consommaient, dans leur habitat primitif, l'AMANITA MUSCARIA, auraient essayé, après leur entrée en Inde, de garder des sources d'approvisionnement en acquérant le champignon séché des peuples sauvages de la montagne. Les rituels et le culte ancien voués à l’Amanite tue-mouches auraient perduré pendant une longue période et aurait finalement disparu. “Devenus mycophobes, les Hindous confondent la masse des champignons jugés incomestibles sous le vocable méprisant d'’urine de chien’ [in Lévi-Strauss, 1973 : 269].” Wasson considère la désignation Urine de chien comme un vestige du complexe religieux centré autour d'AMANITA MUSCARIA [in Lévi-Strauss, 1973 : 269]. Les désignations Pisse de chien attestées sur le territoire français pourraient être aussi le vestige de rituels et de croyances magico-religieuses associés à l’AMANITA MUSCARIA. Ces désignations utilisées, en France et en Europe, par des populations devenues très mycophobes ont fini, tout comme chez les Hindous, par nommer les champignons vénéneux ou l’ensemble des champignons.
[...]
Selon Wasson [in Lévi-Strauss, 1973 : 265], les rituels de consommation et le culte voués à certains champignons pour leurs effets hallucinogènes remonteraient à l’époque du néolithique voire du paléolithique. Les désignations Pisse de chien et Urine de chien seraient le vestige très ancien d’un rituel où l’urine du consommateur d’Amanite tue-mouche était très recherchée et estimée pour ses propriétés hallucinogènes et enthéogènes. Selon Pavlovna et Wasson [Lévi-Strauss, 1973 : 264] ces croyances et pratiques magico-religieuses ont été refoulées par les invasions germaniques et celtiques, puis condamnées et réprimées avec l’arrivée du christianisme.
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Dans Le Monde caché, comment les champignons façonnent notre monde et influencent notre vie (Édition originale, 2020 ; traduction française : First Éditions, 2021), Merlin Sheldrake nous invite à reconsidérer notre vision des Fungi :
"Les hyphes [cellules des fungi] forment le mycélium, mais aussi des structures plus spécialisées. Leurs sporophores, dont les champignons par exemple, résultent de l'enchevêtrement des filaments de mycélium. Ces organes peuvent remplir de nombreuses tâches, en plus de libérer des spores. Certains [...] comme le coprin chevelu (Coprinus comatus) peuvent se frayer un chemin à travers l'asphalte et soulever de lourdes dalles, même s'ils ne sont pas eux-mêmes faits d'un matériau résistant. Si vous cueillez un coprin chevelu, vous pouvez le poêler et le déguster. Laissez-le dans un bocal et sa chair tombera en déliquescence, passant d'un blanc vif à un noir d'encre en l'espace de quelques jours (les illustrations présentes dans ce livre ont été réalisées à l'encre de coprin)."
=> symbolisme en lien avec une tâche colossale voire héroïque ; la gourmandise et la satisfaction du goût et l'écriture.
Sur le site Art Stella, on découvre les élixirs de champignons :
Les élixirs de champignons sont nouveaux venus dans la gamme. Ils offrent une possibilité intéressante de combinaison avec les élixirs floraux. Les champignons sont des plantes sans chlorophylle [non, ils appartiennent au règne des Fungi, plus proche du règne animal que du règne végétal ! ] ce qui représente une particularité dans le monde végétal. Ils dépendent de substances organiques qu'ils puisent dans leur environnement. Les élixirs agissent sur le corps émotionnel. Ils amènent cette transformation sur le plan physique et permettent d'intégrer l'énergie au niveau cellulaire.
Coprin chevelu (Coprinus comatus) : Pour ceux qui ont du mal à se remettre en question et ont tendance à critiquer.
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Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons :
Dans le Chaudron : Ces champignons éphémères évoquent naturellement la temporalité, le temps qui passe, la mort, la dégénérescence, la décomposition, la vieillesse, la décrépitude, les choses qui se dégradent sans que l'on ne puisse rien y faire, le cycle de la vie, dans toute sa beauté, sa cruauté et son immuabilité. On ne peut pas empêcher es coprins de se changer en encre, aussi dommage que cela puisse paraître, et c'est tant mieux : certaines choses sont vouées à disparaître.
En magie, les coprins pourront être utilisés dans les rituels destinés à faire « mourir » symboliquement quelque chose pour pouvoir tourner la page et passer à l'étape suivante. Qu'il s'agisse d'une habituée dont on veut se défaire (car toxique, inappropriée ou néfaste), d'une situation qu'il faut laisser se clore, d'une relation rompue ou encore d'un rite de passage, les moments de transition sont nombreux dans l'existence et ne brillent pas toujours par leur facilité, bien au contraire. Les ritualiser permet d'adoucir l'amertume de ce « deuil » symbolique et de marquer ce moment pour pouvoir avancer le cœur un peu plus léger.
Naturellement, les coprins sont également des ingrédients de choix dans les rituels de bannissement, de destruction, de décomposition... Pour faire disparaître rapidement, quelque chose dont on ne veut plus, qui est devenu inutile ou pesant, ils sont souverains !
Leur « encre » est particulièrement intéressante, car il est possible de l'employer non seulement pour écrire des sortilèges forestiers, mais aussi en divination. On peut par exemple l'étaler sur une feuille à la manière d'une séance classique d'encromancie, mais aussi en laisser tomber quelques gouttes dans un bol rempli d'eau (ou, directement sur place, dans une falque !) pour en lire les motifs formés par les circonvolutions, comme on le ferait en cristallomancie ou dans une tasse de thé.
Le Message de l'Autre Monde : « Je suis l'éphémère, le temps qui passe, la jeunesse qui s'enfuit. Tu peux essayer de me contrôler, de me ralentir, de me fuir, mais tes efforts seront vains. Et c'est tant mieux ! Je suis là pour t'apprendre que les choses doivent mourir afin que d'autres vivent, que le vieux doit laisser sa place pour que le jeune puisse grandir. Tous les organismes du monde vieillissent, du minuscule insecte promis à une vie de quelques heures au Soleil brûlant dont l'âge s'estime en milliards d'années. Le temps est une notion arbitraire, irréelle, que tous nous percevons différemment. tu ne peux le fuir, mais tu peux modeler ta perception de lui pour en faire un instrument profitable, et jouir de chaque instant. »
Sortilèges : Bannissement du Coprin : Pour se débarrasser de quelque chose d'indésirable
Trouvez un très jeune coprin amical dans votre jardin, une clairière ou un parc public. Ces champignons poussent surtout au début de l'automne, mais aussi parfois au printemps. Demandez-lui avec respect de vous aider et ouvrez-vous à sa réponse. S'il ne vous emble pas disposé, si vous vous sentez mal à l'aise après avoir formulé votre demande, passez votre chemin et cherchez-en un autre.
Quand vous avez trouvé un allié volontaire, dessinez délicatement, avec un pinceau fin trempé dans une encre maison, telle que du jus de baies de sureau noir ou de betterave, ou encore de la suie, un symbole de ce que vous désirez bannir sur son chapeau Incantez :
« Petit coprin, mon ami,
Je t'implore et je te prie.
Emporte ce que je te confie.
Détruis-le, bannis-le dans la nuit ! ».
Déposez une offrande au pied du champignon et partez sans vous retourner.
Au fur et à mesure que le chapeau se décomposera, ce que vous lui avez confié sera exclu de votre vie. Pensez bien à remercier l'esprit du champignon.
Encromancie au Coprin : Munissez-vous de suffisamment d'encre de coprin pour écrire un mot ou une phrase, en la recueillant dans une petite coupelle. Vous l'aurez deviné, le coprin noir d'encre est le meilleur dans ce domaine... Munissez-vous d'une feuille de papier de bonne qualité et d'une plume de calligraphie. Il ne s'agirait pas que l'encre file partout !
Allumez une bougie violette (pour la spiritualité), grise (pour l'esprit du champignon) ou blanche (pour la clarté), et formulez clairement et aussi précisément que possible votre question. Evitez les formulations demandant une réponse par « oui » ou par « non » et les questions trop vastes du type : « Vais-je trouver du travail ? » Votre oracle pourrait bien considérer que la vaisselle dans votre évier constitue un « travail » et vous assurer que vous allez donc en trouver très bientôt. Une fois cela fait, essayez de synthétiser cette question en seulement un ou deux mots-clefs.
Prélevez un peu d'encre de coprin (attention, elle est visqueuse !) à l'aide d'une plume de calligraphie et écrivez le (ou les) mot(s)-clef(s) au beau milieu de la feuille. Pliez-la immédiatement au milieu du mot, en la pressant fortement pour que l'encre s'étale.
Dépliez délicatement la feuille et interprétez les motifs formés par l'encre pour répondre à votre question.
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Antoinette Charbonnel et Lyra Ceoltoir, autrices de L'Oracle de la Magie forestière (Éditions Arcana sacra, 2021) nous en apprennent davantage sur la dimension magique du Corpin chevelu (Coprinus comatus) :
Mots-clés : Temps - Vieillissement - Maturité - Évolution - Progression - Rapidité - Éphémère - Instant présent - Humilité - Épicurisme.
Promenons-nous dans les bois : Le Coprin chevelu est un métamorphe : ferme et frais quand il est jeune, il devient visqueux, presque liquide, et « goutte » comme de l'encre en vieillissant, jusqu'à disparaître totalement.
Tous les Coprins sont ainsi, certains plus que d'autres. Il est fréquent d'en voir de petites colonies apparaître au milieu des jardins, des pelouses, des parcs, même en pleine ville. C'est un très bon comestible quand il est jeune et encore entièrement blanc. Mais comme il est fragile il faut le consommer très vite, idéalement dans l'heure qui suit sa récolte.
Ce bel éphémère nous parle du temps, de la mort, de la décomposition, de la vieillesse et de la décrépitude. En magie, il entre dans la composition de sorts pour faire symboliquement mourir quelque chose (une mauvaise habitude dont on souhaite se débarrasser, une situation sur laquelle on voudrait tourner la page...), bannir, détruire, briser, décomposer... Son « encre » peut aussi être utilisée en divination, en en laissant tomber quelques gouttes dans un bol d'eau, qui formeront des motifs à interpréter avant qu'ils ne disparaissent...
L'Oracle du champignon : Dans un tirage, il indique que les choses vont évoluer rapidement. Cela peut être galvanisant, énergisant, positif ou au contraire frustrant, pénible ou douloureux, mais le temps ne s'occupe pas des sentiments.
Il s'agit de l'une des rares cartes qui peuvent donner une indication temporelle : si vous vous demandiez dans combien de temps quelque chose est censé se produire, le Coprin vous assure que c'est pour bientôt ! Naturellement, il invite également à se concentrer sur le présent. Tâchez de vous concentrer sur l'ici et le maintenant, de profiter de chaque instant et d'être, au lieu de vous projeter trop en avant.
Il peut aussi personnifier la croissance, le développement, l'évolution d'une situation : les choses sont lancées, concrètement, et la machine est en marche : il ne tient qu'à vous de la suivre si vous le souhaitez, ou au contraire de tenter de vous préparer au mieux si ce qu'elle annonce ne vous plaît pas. Vous avez peu de temps devant vous pour agir, mais vous pouvez en mettre à profit chaque seconde pour en faire une force et un atout.
Dans le domaine spirituel, il peut indiquer que vous avez atteint une voie qu'il sera profitable d'explorer jusqu'au bout, car c'est dans sa totalité qu'elle vous apportera tous les bienfaits que vous méritez : ne lâchez rien, vous avez fait le plus gros du chemin, accrochez-vous, les fruits de votre labeur vous récompenseront bientôt !
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Littérature :
Dans La Logique de l'amanite : premier roman (Éditions Grasset, 2015) Catherine Dousteyssier-Khoze évoque un narrateur dont le père est spécialiste du Coprin chevelu :
A l'automne, j'accompagnai parfois mon père lors de ses expéditions forestières. il sortait à la pique du jour, équipé de wellies et d'un vieil imperméable, style gentilhomme du Northumberland faisant le tour du propriétaire, mais sans chien. Le brouillard s'élevait en nappes au-dessus de la Dordogne et couvrait souvent une bonne partie du champ qui s'étalait à perte de vue devant le château. Mon père emmenait avec lui une sorte de musette de pêche en roseaux tressés dans laquelle il recueillait des spécimens rares qu'il étudiait ensuite avec une patience obstinée dan l'étable du château, transformée pour la bonne cause en laboratoire. Des années de recherches l'avaient convaincu que la région produisait au moins trois espèces de champignons non répertoriés par la mycologie. Spécialiste éminent du coprin chevelu, il avait en outre écrit deux articles qui font encore référence dans le domaine : « De la porosité accrue du coprinus comatus sur terrain non calcaire » pour un numéro spécial de la revue Études mycologiques de juin 1930, et « Coprinus comatus et columella : hybrides ou dégénérescence ? » publié dans le très prestigieux Neomycologus, j'ai oublié de quelle année. Inutile de vous dire que les nobles préoccupations scientifiques de mon père m'indifféraient au plus haut point à cette époque, et qu'à son grand désespoir, je n'ai jamais pu distinguer le coprin chevelu de la coulemelle, que je trouvais d'ailleurs parfaitement répugnante et désignais, comme me l'avait appris notre cuisinière, sou le nom patois de mamarotte.
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Philatélie :