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Le Navet


Étymologie :

  • NAVET, subst. masc.

Étymol. et Hist. Fin xiie s. (Audigier, éd. O. Jodogne, 480 : Hersoir menja navéz et civotee) ; 1269-78 exprime une valeur minime (Jean de Meun, Rose., éd. F. Lecoy,17878, cf. Fr. Möhren, Le renforcement affectif de la négation par l'expr. d'une valeur minimale en a. fr. p. 171) ; 1843 des navets ! exprimant un refus (Ch. Dupeuty et P. Cormon, Les cuisines parisiennes, vaudeville ds J.-M. Klein, Le Vocab. des mœurs [...] sous le second Empire, 1976, p. 140) ; 1867 plur. peint. (Delvau). Dér., à l'aide du suff. -et*, de l'a. fr. nef « navet » (1174-76 Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 3617 ds T.-L.), issu du lat. napus « navet ». Cf. le dér. en -el (-eau*) a. fr. navel (ca 1200 Graindor de Douai, Antioche, éd. S. Duparc-Quioc, 1372 ; 1260 plur. naviaus (Etienne Boileau, Métiers, 334 ds T.-L. : oignons, poiriaus, naviaus...).


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique. Dans le calendrier républicain, le Navet était le nom attribué au 23e jour du mois de vendémiaire.


Autres noms : Brassica napus ; Brassica rapa ; Naveau Naviau ; Rave ; Chou-rave ; Nobet ; Rape ; Caqurabo ; Robou ; Rabidouille

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Expressions populaires :


Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expression populaires bien connues :


Un navet : Ceci n'est pas une locution, ce n'est qu'une image - mais son origine est tellement curieuse que je prends la liberté de la présenter tout de même… Un navet est un mauvais film, cela depuis le début du cinéma. Pourquoi ce légume ?

L'affaire commença bien avant l'invention du septième art, à la fin du XVIIIe siècle. Une célèbre statue d'Apollon, vestige grandiose de l'Antique, régnait alors à Rome dans la jardin du Belvédère, où on la trouve encore. Ce marbre blanc majestueux, de plus de deux mètres de haut, passa pendant longtemps pour le symbole de la perfection dans l'art statuaire. L'Apollon du Belvédère, avec ses sandales impeccablement lacées, sa chevelure finement ajustée, son manteau drapé sur le bras tendu, suscita l'admiration de l'Europe pendant des siècles. Schiller salua  « ce mélange d'accessibilité et de sévérité, de bienveillance et de gravité, de majesté et de douceur ».

Oui mais !... Dans les années qui précédèrent la Révolution de 1789, les jeunes artistes français, qui effectuaient leur séjour culturel et quasi obligatoire au chef-lieu de la Chrétienté, étaient d'un avis différent. Ils manifestaient leur agacement devant une telle unanimité dans la louange, et, par réaction, se prirent à tourner le chef-d'œuvre éternel en dérision ; ils l'appelaient par gouaille méchante « le navet ratissé » ou « épluché ». Cela à cause de sa blancheur, et de la forme allongée et lisse de ses membres, dont le détail de la musculature n'apparaissait pas. Il faut dire que les sculpteurs du XVIIIe siècle étaient parvenus à un stade bien supérieur dans le réalisme de la représentation du corps humain. Des gens comme Pigalle, ou Etienne Falconet, avaient passé leur vie à perfectionner aussi bien le mouvement naturel du corps - masculin ou féminin - que le rendu des plis de la peau et le jeu des muscles sous elle. La plus saisissante statue équestre au monde est bien encore le monument à Pierre le Grand, réalisé par Falconet à Saint-Pétersbourg et achevé en 1778 - elle répond à la perfection plastique de ses célèbres « baigneuses », de même que l'art du portrait chez Houdon dépasse tout ce que l'on avait connu jusque-là. Aussi le rendu antique paraissait-il bien pâle à côté de tant de raffinement. D'où la plaisanterie sur le « navet épluché » qui courait les ateliers de Rome quand Napoléon, n'écoutant que sa rapacité, fit transporter en 1798 l'Apollon du Belvédère à Paris comme trophée de guerre. Le lazzi suivit la sculpture, s'enfla beaucoup à Paris où, dans l'argot du métier, on ne tarda pas à traiter de « navet » des bras ou des jambes trop ronds, sans musculature apparente, dans un dessin ou dans une peinture.

De proche en proche, le « navet » du mépris gagna du terrain ; il élargit son « champ » sémantique jusqu'à désigner la toile ou le dessin tout entier. A la fin du XIXe siècle un navet désignait tout tableau mal peint ou mal dessiné - les peintres, encore aujourd'hui, emploient le mot dans ce sens. De la toile peinte, le navet sauta naturellement à l'écran de cinéma en tant que terme diffamatoire. Un navet fut très tôt un film mal fichu, sans intérêt, ou jugé tel par un public populaire qui exigeait de l'action et beaucoup d'émotion dans ses spectacles.

Il faut dire que le légume resurgissait ici en connotation défavorable, avec son goût fade, ou supposé tel, et le manque d'énergie qu'il symbolise : le fameux « sang de navet ». Cette rencontre des sens aida sans aucun doute à fixer l'emploi du mot dans le public ; bref, ce fut ainsi que la pauvre plante potagère entra dans la soupe cinématographique - et y resta.

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Botanique :

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Vertus médicinales :


Ana M. Cabo-González, autrice de « Quand les propriétés des plantes défiaient l’entendement », (Annales islamologiques, 51 | 2017, pp. 39-51) s'intéresse notamment aux propriétés merveilleuses des plantes :


Mais une des propriétés les plus importantes est celle associée à la virilité, comprenons la puissance sexuelle ; ce groupe comprend toutes ces plantes, dont les vertus sont aphrodisiaques et stimulantes de l’appétit sexuel. On y retrouve un nombre extraordinaire de légumes.

Ainsi, selon Avicenne, la noix de coco (nārǧīl, Cocos nucifera L.) est un aphrodisiaque (Al-Qazwīnī, El Libro de las plantas, p. 122.). On retrouve dans ce groupe un nombre infini de plantes comme le persil, le poivre, le poireau, le navet, l’oignon, la camomille, les asperges, les racines de grenadiers sauvages ( Ibn al-ʿAwwām, Libro de agricultura, II, p. 306, 319, 324.), etc. Encore, aujourd’hui on croit aux vertus aphrodisiaques de beaucoup de ces fruits et on les utilise.

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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


NAVETS. - Les femmes de Germamont, en Lorraine , prétendent que , pour en semer, il ne faut être ni fier, ni orgueilleux, et que, pour en avoir de très gros, on doit, quand on fait cette opération horticole , placer sa tête entre les deux paumes des mains, ou réunir bien fermés les deux poings. Le semeur qui a une grosse tête ne peut manquer, disent les habitants du Limousin, d'avoir de grosses citrouilles.

 

Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :


A la Saint-Jean,

Sème tes navets, car il est temps.

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Symbolisme :


Paul Sédir, dans un ouvrage intitulé Les Plantes magiques (1ère édition 19030 ; Réédition Symbiose Éditions, 2020) dévoile les correspondances ésotériques des plantes traditionnellement thérapeutiques :


- Lune en Capricorne. Cuit sous la cendre, appliqué derrière l'oreille, calme les douleurs de dents.

 

D'après Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, auteurs du Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; Édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982),


Le navet est un "légume assez commun pour justifier le symbolisme d'insigne médiocrité qu'on lui attribue vulgairement.

Les Taoïstes avaient pourtant fait de ses graines une nourriture d'immortalité. De même qu'elle est innombrable, cette sorte de légume est impérissable."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Navet (Brassica rapa et Brassica napus) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Lune

Élément : Terre

Pouvoirs : Protection.


Utilisation rituelle : Tout le monde connaît les potirons-lampions d'Halloween : ce soir-là, veille de la Toussaint, il n'y a guère de maison dans tout le monde anglo-saxon qui n'ait une de ces « têtes lumineuses » brillant à l'une de ses fenêtres. On sait moins, en revanche, que certaines variétés de Navets servirent longtemps au même usage. On évidait un gros Navet à fourrage (Navet-rave ou rutabaga) et l'on introduisait une chandelle à l'intérieur. Parfois on se contentait de dessiner grossièrement deux yeux globuleux et une bouche ricanante ; mais beaucoup de paysans se prenaient au jeu et sculptaient leurs raves que la flamme de la bougie semblait alors rendre phosphorescentes. On voyait ainsi luire aux fenêtres des chaumières, blancs, verdâtres, jaunes ou orangés selon la chair du Navet utilisé, des faces de gnomes, de sorcières, des masques démoniaques, grimaçants, voire le Maître du Sabbat lui-même.

Une amusante coutume américaine utilise ce légume pour se débarrasser d'un soupirant par trop « collant » : lorsqu'une jeune fille, ou jeune femme, se sent vraiment trop étouffée, vampirisée, par les assiduités de l'homme qui la courtise, elle lui sert traditionnellement des Navets chaque fois qu'il vient déjeuner ou dîner chez elle. À toutes les fois. Toujours des Navets. Le garçon n'est pas long à comprendre le message symbolique que véhicule cette « cure », par ailleurs excellente pour sa santé...


Utilisation magique : Dans tout le monde occidental, le Navet est une plante protectrice ; en Angleterre, les femmes de la campagne en font des tresses qu'elles suspendent au plafond, comme on le fait pour les oignons. Il est difficile de savoir quelles variétés sont utilisées - Navet long ? Navet rond ? - car les auteurs qui citent ces traditions se contentent du mot Turnip, nom générique, qui sert à désigner tous les Navets.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Si les graines de navet procuraient l'immortalité chez les taoïstes, cette sorte de légume est chez nous le symbole de la médiocrité, ce qui n'empêche pas le dicton : "Qui mange du navet, gagne une année." Selon une croyance provençale, des navets frais glissés dans la poche font disparaître, dès qu'ils sont complètement desséchés, engelures et hémorroïdes. en Allemagne, les navets jaunes sont utilisés contre la jaunisse tandis qu'en Angleterre, on en suspend des tresses au plafond pour protéger la maison.

Celui qui en sème ne doit être ni fier ni orgueilleux et, pour obtenir de gros légumes, il faut placer sa tête entre les deux paumes de la main ou réunir bien fermés les deux poings ; dans les Vosges, on disait alors : "Dieu veuille que les navets que je sème deviennent aussi gros que ma tête !" Les Bretons, eux, semaient de préférence les navets à la Sainte-Anne (26 juillet) car "A la Sainte-Anne, faut faire les naviaux, ils viennent gros comme on les demande" ou à la Sainte-Marguerite (20 juillet) "cela les fait venir gros comme des marmites".

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Dans la sphère psychique du Navet, nous pourrions citer en premier lieu l'intégrité et l'indépendance : dans cette ambiance l'être humain ne dévie jamais de son propre sentiment, de son point de vue réel. Comme il n'a "besoins" de personne autour de lui, il n'hésitera jamais à se manifester tel qu'il est, même s'il sait que cela pourrait déplaire aux autres. "Qu'est-ce que cela peut me faire, puisque je suis moi-même !" C'est un langage clair mais dur, typique du Navet. Il va de soi que certaines gens ne s'accorderont pas avec ce caractère quelquefois balourd mais toujours honnête, mais le Navet ne s'en soucie guère : il ne demande qu'à pouvoir être lui-même, indépendamment, librement, solidement ! Il sert la Vie ! Il parle et vit en toute pureté, à partir de lui-même. Il ne commet jamais de trahison envers lui-même et sait parfaitement ce qu'il dit. Chez lui, l'acte s'accorde avec la parole. Il a compris le pouvoir de la parole, comme il a compris qu'elle peut mystifier aussi. C'est pourquoi il trouve qu'il importe de juger quelqu'un d'après ses "actes". Il vit tout près de lui-même et est très fidèle à sa nature. Que personne, surtout, n'ait l'idée de l'éloigner tant soit peu de sa base, de sa conviction réelle ! Mission impossible ! On sait parfaitement à quoi s'en tenir avec lui.

Il sait très bien prendre soin de lui-même et incite les autres à en faire autant. Il n'est peut-être pas d'un abord aimable mais il ne veut du mal à personne ; il apprécie que chacun apprenne à voler de ses propres ailes, que chacun s'alimente soi-même, que chacun prête attention à soi-même. Il n'aime pas l'attachement malsain où l'on colle l'un à l'autre, parce qu'ainsi les gens se coincent et s'étouffent l'un l'autre, et s'empêchent mutuellement de s'épanouir comme des êtres autonomes. Il te montre volontiers comment il faut faire, mais tu dois le faire toi-même !

En second lieu, au fond du coeur de la sphère des Navets, l'être humain est encouragé à créer o l'intérieur de lui une ambiance agréable, conviviale et "forte", à oser occuper son espace, tant au niveau du corps qu'au niveau de l'âme. Il aime les gens bien en chair ; il apprécie ceux qui jouissent de la vie ; il a horreur de ceux qui se privent à mourir de faim ou qui suivent un régime draconien. Avocat de la vie, le Navet exhorte l'être humain à très bien se nourri ! Avec son faible pour les jolis ventres ronds, il a peu d'égards pour les Occidentaux qui se veulent "plats".

Vaillant, vigoureux et autonome, le Navet prend très bien soin de lui. Il ne doute pas qu'il est le seul à pouvoir se donner ce dont il a besoin. C'est cette conception de la vie qu'il préconise ! Il ne tolère aucune veulerie. "Non, je n'ai besoin de rien", répondra-t-il tout de go aux autres. Ce sentiment de se suffire, d'autonomie et d'indépendance, le rend énormément fort.

Celui qui aime mordre dans les Navets indique par là qu'il veut pénétrer plus avant dans son être, jusqu'au tréfond ; il veut en atteindre le Noyau afin de vivre encore davantage à partir de ses Racines solides. Il souhaite creuser très profond en lui-même pour s'approcher de sa force intérieure. Il a besoin de s'approfondir.

Il lui faut venir tout près de son corps, dans son corps, pour fusionner avec lui comme c'est symbolisé par la solide plénitude du Navet dans ce qu'il a de plus terrestre ! Il aspire à annihiler la séparation entre l'esprit et le corps pour s'unir intégralement à son Être physique. Il veut venir près, tout près de lui-même, en profondeur, beaucoup plus en profondeur... C'est le véritable ancrage dans la terre. A mesure qu'il s'approfondir et qu'il se rapproche de lui-même, il n'a besoin de rien ni de personne à l'extérieur de lui. Il souhaite parvenir à un maximum d'autonomie et n'être "l'esclave" de rien ni de personne. Telle est la philosophie du Navet, de cette plante qui déteste toute forme de dépendance (ainsi que toute forme d'accoutumance).

La sphère psychique du Navet exhorte l'être humain à se détacher de tout ce qui le retient, de tout ce qui l'enserre. "Dégage-toi, libère-toi, ne t'accroche à rien, secoue le joug de la chose ou de la personne qui cherche à te "tenir". Affranchis-toi de toute obligation. Tu es capable de tout faire seul !" Ce conseil d'autonomie est très bon ! Il offre à l'être humain une protection à toute épreuve contre les intrus : personne ne saurait percer son blindage. Toutefois, l'immunité et l'invulnérabilité demandent aussi une fusion plein d'amour avec son propre JE. Et c'est ce que raconte le cœur du Navet.

cependant, celui qui a un peu trop de ce qu'on pourrait appeler la face extérieure de la sphère du Navet... risque de repousser les autre et peut-être même d'aller vivre en "ermite", refiant tout contact avec tout conseil. La notion de réceptivité lui devient alors étrangère ; cela devient difficile pour lui lorsqu'un autre veut faire quelque chose pour lui ou lui offrir quelque chose... Il ne peut l'accepter. Une sorte d'opiniâtreté le caractérise, qui n'admet plus personne dans son domaine, surtout lorsqu'une amitié ou un amour véritables risquent de naître. "Je me débrouillerai tout seul, merci. Décampe !" Ce rude rejet ne l'avancera pas non plus ! Il lui faut résoudre en lui une problématique primordiale concernant l'amour et la communication. Si cette personne mange des Navets, ceux-ci lui présentent un miroir dur comme la pierre, tant au niveau de l'âme qu'au niveau du corps, de manière à lui faire revenir quelque peu sur ses pas, pour qu'il se mette au service d'un tendre adoucissement et d'une vie sociale un peu plus pépère, plus cordiale, plus vivable. Le cœur chaleureux du Navet, d'une part, et le positionnement autonome de son JE face au monde extérieur, d'autre part, peuvent parfaitement aller de concert !

Concluons :

En général, les Navets signalent à l'être humain qu'il fera bien de s'installer solidement dans le corps, de rester tout près de son propre JE, de se rendre la vie plus chaleureuse, plus accueillante : "Dorlote-toi douillettement dans ta propre chair terrestre et fais en sorte de ne manquer de rien. Jouis d'une façon très terrestre ; savoure des plats délicieux. Il pleut ? A l'intérieur rayonnent les flammes de la cheminée. Crée une douce ambiance intime et agréable !" Reposant sur des fondations sincères, la Maison des Navets est une construction archisolide, édifiée sur une base indépendante.

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Mythes et légendes :

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


La réussite des plantes dépend des qualités physiques du semeur, de son caractère, et même des gestes qu'il fait. La forme sphérique des racines ou du fruit de certains légumes a vraisemblablement suggéré l'idée que la tête de celui qui les sème peut influer sur leur développement en Lorraine le semeur de navets ne doit être ni fier ni orgueilleux, et pour en avoir de très gros, il doit placer sa tête entre les paumes des mains ou réunir, bien fermés, les deux poings dans les Hautes-Vosges, il faut qu'avant de commencer, il se la serre entre les deux mains et dise « Dieu veuille que les navets que je sème deviennent aussi gros que ma tête » Ailleurs il suffit qu'il ait la tête forte en Limousin, il en recueillera d'aussi gros que des citrouilles.

[...] En Franche-Comté, on danse aussi le mardi gras, mais sur la route, et en Poitou près de la dorne du four, à la fois pour la prospérité du chanvre et pour celle des navets. [...] Tous les ans, le dimanche qui suit la Saint-Mathieu, il se fait à Beuvry, près Béthune (Pas-de-Calais) une procession dite el procession à naviaux, au retour de laquelle les Membres de la Confrérie des Charitables mangeaient traditionnellement autrefois un plan de navet.

Quelques pratiques sont en relation avec le feu de la Saint-Jean : dans la Vienne, celui qui y jette la plus grosse pierre récoltera les plus gros navets ; les ménagères de Touraine lancent des pierres dans ses cendres chaudes aux mêmes intentions.

[...] Dans le Finistère, on obtient des navets qui montent bien en graine, en les transplantant la veille de Noël.

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André Leroi-Gourhan, dans un article intitulé « Ema », (In : Techniques & Culture, 57 | 2011, pp. 16-41) donne des précisions sur le symbolisme du Bœuf au Japon :


Le mot « e-ma » signifie « cheval peint ». D’une manière très générale ce sont des peintures sur bois, offertes aux temples pour obtenir l’accomplissement d’un vœu ou à la suite d’une promesse faite dans des circonstances difficiles ou dangereuses. Ce sont donc de véritables ex-voto, parfois exactement assimilables à ceux de l’occident, en particulier pour les bateaux que les marins offrent au temple après avoir couru de grands dangers sur mer. Leur nom de « chevaux peints » vient de ce qu’à l’origine on semble avoir offert des peintures de chevaux. À l’heure actuelle les chevaux sont encore le thème le plus courant.

[...]

Alors que les représentations de divinités se réduisent en fait à Jizô etTenjin (les Tengu sont des masques, les Nio et les hommes de pierre des statues), d’assez nombreux ema figurent l’animal ou l’objet qu’on associe au dieu, comme chez nous l’aigle de Jupiter ou le trident de Neptune. L’idée qui se présente d’abord est qu’on doit se concilier les faveurs de Jupiter en lui offrant un aigle, de Neptune en lui offrant un trident. On dit effectivement qu’on offre un navet à Daikoku parce qu’il aime le navet, mais bien d’autres détails viennent atténuer la rigueur de l’explication : le navet de Daikoku est fourchu et, dans un conte érotique, il le fait passer pour une femme, en l’habillant. On sait qu’au Japon les arbres au tronc naturellement fourchu sont fréquemment l’objet d’un culte et qu’on leur attribue une nature féminine ; l’association du navet et de Daikoku n’est pas ancienne, on n’en connaît pratiquement rien avant le XVIII e siècle, et l’on peut se demander ce qui reste là d’idées religieuses en régression depuis un siècle à peine.

Dans bien des cas il semble qu’on ne doive pas prendre pour originelle l’explication des sujets vivants. Ceux-ci peuvent se représenter l’offrande d’un navet à Daikoku ou d’une épée à Fudô comme un cadeau qui leur est agréable, mais il reste que le Japonais montre, à l’inverse du Chinois, une réelle tendance à éviter les figurations anthropomorphiques des dieux. [...]


Navet de Daikoku (daikon) : Il a été fait mention un peu plus haut du navet fourchu de Daikoku. Il est curieux de constater que, pour les ema, c’est toujours le navet qui symbolise Daikoku, alors que pour les omocha, c’est invariablement le maillet ou les sacs de riz.

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), le navet permet une forme d' "éclairage à l'ancienne".


Une lumière dans la nuit : Bien avant que la nuit du 31 octobre ne soit associée à la fête de tous les saints, aux enfants réclamant des bonbons et aux citrouilles grimaçantes éclairées par une bougie, Halloween correspondait au premier jour de l'année chez les Celtes. En cette nuit de Samain, où la frontière entre les morts et les vivants n'existait pas, les druides allumaient des brasiers pour chasser les mauvais esprits et inciter la lumière du soleil à revenir. Chaque famille de l'assemblée emportait un tison pour allumer un nouveau feu chez soi.

Cette tradition a peut-être donné naissance à la légende de Jack O'Lantern. Au jour de sa mot, ce buveur invétéré d'Irlande réussit à duper le diable qui voulait emporter son âme. Sauvé des tourments de l'enfer, l'homme se vit néanmoins refuser l'accès au paradis en raison de sa vie tumultueuse. Comme il errait dans la nuit pour retrouver le chemin de la Terre, le diable, dans un élan inhabituel de générosité, lui confia un tison qu'il enferma dans un navet pour s'éclairer. C'est désormais à la lueur de sa lanterne végétale que ce personnage va et vient sans but ni direction précise. En émigrant aux États-Unis, les Irlandais ont emporté avec eux cette légende et les rituels qui l'accompagnent. La citrouille remplaça dès lors rapidement le navet en plusieurs pays.


Un calcul contre un mariage : Au sommet d'une montagne de Silésie s'élevait un vaste château habité par Rübezahl. Ce géant passait ses journées à regarder sa culture de navets s'étendant sur plusieurs ares et à essayer de compter le nombre exact de ses légumes. C'est d'ailleurs ainsi qu'il a gagné son surnom de "compteur de navets" mais cet être ne supportait pas ce titre et fouettait sans pitié ceux qui l'affublaient de la sorte.

Il possédait une baguette magique grâce à laquelle pouvait transformer les navets en toute choses, hélas, de façon éphémère. Une fois les légumes desséchés, l'esprit élémentaire qui les habitait s'évaporait, emportant les illusions avec lui. Quand la princesse qu'il avait enlevée s'aperçut de ce tris te fait, elle inventa un stratagème pour se délivrer et rejoindre son fiancé. Elle demanda à Rübezahl de compter un à un les innombrables navets poussant dans son champ pour en faire les témoins de leur mariage. Éperdu de bonheur, l'être courut jusqu'aux légumes et commença sa tâche. Mai on esprit entièrement porté sur sa promise ne l'aidait as et il dut recommencer plusieurs fois avant de parvenir au bon résultat. Or, pendant qu'il se débattait de la sorte, la princesse avait transformé un navet en fougueux étalon afin de prendre la fuite te retrouver son aimé. De rage, Rübezahl détruisit son château et se jeta dans un gouffre.


Aide bienvenue : Le Petit Peuple habitant sous terre récolte directement les navets sans avoir à sortir. Très pratique quand on est aussi friand qu'eux de ses racines ! Par chance, les Brownies préfèrent se sustenter d'un bon bol de lait frais en échange de leurs services. Les fermiers laissent la porte ouverte de leur réserve de navets durant la nuit afin que les êtres attachent les légumes ensemble et les mettent dans un sac. Un travail de moins à faire au matin !"

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