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La Courtilière





Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. Fin xiiies. curtiller « jardinière » (G. de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owens, 410) − 1493 courtilliere, C. Mansion ds Gdf. ; 2. 1547 courteliere entomol. (J. Martin, Architecture de Vitruve, p. 25 vo) ; ca 1600 courtilliere (Olivier de Serres, VI, 7 ds Gdf. Compl.) ; 1762 courtilière (Ac.). Au sens 1, fém. de l'a. fr. cortillier, cf. courtillier; au sens 2, emploi fig. de 1 pour désigner l'insecte qui ravage les jardins, ou dér. de courtil*, courtille* « jardin » ; suff. -ière*.


Lire également la définition du nom courtilière afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Selon Oscar Bloch & Walter von Wartburg auteurs d'un Dictionnaire étymologique de la langue française, (1968, Paris, PUF) : Au XVIe siècle, le terme de courtilière désignait une personne s’occupant du jardin. Le mot dérive de courtil, cour.


Autres noms : Gryllotalpa gryllotalpa - Courtilière commune - Diva des sous-sols - Garnavelle - Grillon-taupe - Taupe-grillon - Taupette -

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Zoologie :


Roger Caillois, dans un article intitulé « L’univers de l’animal et celui de l’homme.» (Conférence du 31 août in Rencontres internationales de Genève : Le robot, la bête et l'homme, 1965) attire notre attention sur l'outil particulier de la courtilière :


L’homme n’a ni outil ni vêtement qui fasse partie de lui. Les outils dont il se sert, les vêtements qu’il porte, il peut les déposer à son gré. Il ne saurait en être question pour l’animal. [...] La courtilière a des excavatrices, des pattes puissantes qui lui permettent de fouiller le sol et d’y creuser des galeries



Proverbes et maximes :


Selon Charles Alexandre Perron, auteur de Proverbes de la Franche-Comté : études historiques et critiques. (C. Marion, 1876) :


Si la pluie est prochaine, si le temps veut changer, comme on dit en Comté, on voit la courtilière sortir de terre et vaguer hors de son trou ;

[...]

Courtilière. Dans une vigne, il faut lever sept fois son crochet pour la laisser passer, la courtilière ; et, dans un champ, on doit arrêter sept fois sa charrue pour la tuer.

Quand on voit enne herté (courtilière) dans un champ, elle airate quaitre bue (elle arrête quatre bœufs).

(Lisle- sur-le-Doubs. )

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Dans de nombreuses régions françaises, cet insecte sauteur passait fort dangereux : sa morsure était presque toujours mortelle. Selon certains, qui écrasait ne courtilière avait à son passif neuf péchés de moins.

 

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Littérature :


Patrick Charbonneau, dans un article intitulé « Portrait de femme en céleste dragon », (Germanica [En ligne], 5 | 1989) étudie "Les images de Marlen Haushofer dans ses récits et romans" :


[...] La tension vient-elle à se relâcher, le refuge s’agrandit. Quand la femme sourde parviendra à descendre au village pour y faire ses courses, elle sera sur la voie de la guérison. Dans l’intervalle, ce sont les montagnes qui deviennent ses « deux gardiennes de prison », et aussi l’image de la condition du « couple » qu’elle forme avec X : isolée, rêvant seulement d’être reliée à l’autre par l’intermédiaire d’un aigle venant « parfois d’un coup d’aile apporter dans ses serres un peu de terre et de l’herbe d’une autre montagne ». Nous verrons, au-delà de la portée psychanalytique de cette notation, la résonance biblique qu’elle contient. Contentons-nous ici de citer la phrase qui suit immédiatement :


J’aimerais bien être une montagne mais je n’en suis pas une, je ne suis que la courtilière qu’on humilie et qui s’étonne.


 Si la restructuration du psychisme passe par la projection sur des éléments, des minéraux ou des végétaux, une pierre, un arbre, un nuage, comme l’indiquent les premières pages de Die Wand ou de Die Mansarde, elle se fait essentiellement par le biais de l’identification à des animaux.

[...]

« Je ne suis qu’une courtilière qu’on humilie et qui s’étonne »… En s’identifiant à l’insecte « archétype de la laideur et de la méchanceté » (D93, F105), la narratrice va poursuivre la démarche libératoire qui lui permettra de conjurer « la folie qui s’est emparée de toute ma génération » (D95, F107). Un premier dessin lui présente une « vision de cauchemar ». Elle le déchire. Le suivant la satisfera pleinement. L’insecte détesté, objet de répulsion, suscite dès lors la pitié, et… …


sa couleur brune n’est pas laide, c’est la couleur de la terre (D93, F105)


D’exotique, l’animal est devenu familier. S’il est « nuisible », il ne s’attaque plus, comme la hyène, à ceux de son règne ; il est le prédateur des seules plantes… L’image supprime à la fois la référence au fascisme et celle à la mère dévoreuse. Cependant, trop radical, le remède va renvoyer à l’isolement qu’il convient de rompre :


Ce n’est pas gênant que les insectes aient l’air solitaires. Chacun d’eux est entouré d’une aura d’étrangeté. C’est ma propre étrangeté naturellement. Ils sont très bien ainsi, ce qui n’est pas le cas pour mes oiseaux. Je devrais pouvoir dessiner un oiseau qui n’aurait pas l’air solitaire. Je suis le seul obstacle à ma progression (D94, F106).

[...]

La courtilière, la corneille blanche et le dragon, reprenant la triade du Fils qui accomplit son destin sur terre, de l’Esprit Saint et du Père, marquent le rejet de la religion et de la tradition judéo-chrétienne.

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La Courtilière


S’il existe un insecte invisible à présent,

C’est bien la courtilière, une bête superbe

Qu’on trouvait au courtil au temps de ma jeunesse.

C’est de là que viendrait le nom de cette belle.

Enfant, je savais bien comment trouver son nid.

Quand, soudain, une plante avait l’aspect fané,

Je creusais doucement le sol à cet endroit

Et remarquais bien vite un bloc de terre dure ;

Avec précaution, je le déchapeautais,

Et souvent j’y trouvais la mère et ses œufs blancs ;

Déjà parfois le nid grouillaient de petits êtres ;

Sur l’ordre de mon père il fallait tout détruire…

Ce monstre souterrain, le plus gros des insectes,

Qui ne sort que la nuit et chante sous la lune,

Appelé Garnavelle ou « diva des sous sols »

Cette bête qu’on nomme aussi « taupe grillon »

Cet insecte si beau, était des plus nuisibles…

Surtout quand il nichait sous nos pieds de salades !

De mes petits sabots j’écrasais les « barbaules ».

Ils méritaient la mort, tout comme les vers blancs.

Maintenant, cette bête a droit de vivre en paix

Ainsi que la lucane et le scarabée d’or ;

Par décrets officiels, aujourd’hui protégés,

Ces curieux animaux sont pièces de musées.

Il reste en nos jardins les gourmands doryphores

Que l’on voit à regret s’attaquer à nos plants

Ceux-là, évidemment, on aime à les détruire

Pour sauver l’avenir de nos « culs de poulots »…


Blanche Maynadier


Barbaules : en patois le nom de la courtilière.

Culs de poulots : nom familier des pommes de terre.

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