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Le Sel



Étymologie :


  • SEL, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1120 « chlorure de sodium » (St Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 1403) ; b) 1586 fig. (Le Loyer, Quatre livres des spectres, 3 vol., p. 112 : sel et naifveté Attique [d'une épigramme]) ; 2. a) α) 1314 sel de nitre (Henri de Mondeville, Chir., 1792 ds T.-L.) ; β) 1764 les sels (Riccoboni, Hist. de Miss Jenny, p. 143 : on la ranima avec de l'eau et des sels) ; b) 1787 ,composé chimique dans lequel l'hydrogène d'un acide a été remplacé par un métal`` (Guyton de Morveau, Lavoisier, Méthode de nomenclature chim., Paris, p. 2). Du lat. sal, salis masc. (parfois neutre) « sel ; esprit piquant », devenu fém. dans toute la péninsule ibérique et au Sud de la ligne allant de l'embouchure de la Loire au Sud des Vosges (encore au masc. au Nord de cette ligne et en ital., sarde, rhéto-rom.), v. FEW t. 11, p. 83b.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Minéralogie :


Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) décrit la malachite à partir du groupe auquel elle appartient :


VIIe GROUPE : halogénures

Parmi les halogénures ou sels d'halogènes (fluor, chlore, brome, iode) figure un minéral utilisé en magie : le sel gemme (chlorure de sodium), appelé aussi halite par les minéralogistes modernes. On le trouve en dépôts plus ou moins étendus dans tous les étages sédimentaires. Il s'agit là en somme de sel fossile provenant de l'évaporation des mers durant les périodes géologiques antérieures à la nôtre. Les principaux producteurs de sel gemme sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. D'immenses amas se trouvent en Autriche dans le Salzkammergut et en Pologne (salines de Wieliczka et de Bochnia).

Le chlorure de sodium donne leur salure aux mers — dont on l'extrait dans les marais salants — et même à un grand nombre de lacs appelés lacs salés.



Lithothérapie :


Reynald Georges Boschiero, dans Nouveau dictionnaire des pierres utilisées en lithothérapie (2001), confie :


"Je n'ai personnellement jamais utilisé la halite à des fins thérapeutiques en tant que pierre de contact. Cependant, la présence dans une pièce d'un grand bloc de halite est recommandé lorsque l'on possède des pierres et cristaux utilisés pour les soins et la méditation. Ses effets purificateurs sont bien connus puisqu'il s'agit tout simplement du sel gemme. D'ailleurs, un amas de halite est tout aussi indiqué qu'un amas de quartz dans les opérations de purifications des pierres et cristaux.


Signes astrologiques de prédilection : Cancer - Poissons.

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Symbolisme :

Dans Physica, Le Livre des subtilités des créatures divines de Hildegarde de Bingen (XIIe siècle ; traduction Pierre Monat, 2011), on apprend que :


"Le sel est très chaud et quelque peu humide, il est utile à l'homme pour de nombreux usages. Si on mange sans sel, l'intérieur du corps devient tiède ; mais manger avec du sel en quantité modérée donne force et santé. Si on mange trop salé, cela rend l'intérieur du corps aride et le blesse : le sel, comme du sable, tombe sur le poumon et le dessèche : en effet, le poumon recherche l'humidité, alors que le sel le dessèche et l'oppresse. Et si le sel va sur le foie, il le rend également malade, bien que le foie soit fort et domine le sel. Voilà pourquoi toute nourriture doit être salée de telle manière que l'on sente plus le goût de la nourriture que celui du sel.

Le sel passé au four est plus sain que le sel cru, car l'humidité qui était en lui s'est asséchée. Si on en mange souvent dans le pain et dans les aliments, en quantités raisonnables, il est bon et sain. [Ed. Le sel, est, en quelque sorte, le sang et la fleur des eaux : c'est pourquoi il donne des forces à celui qui en use avec mesure ; mais chez celui qui en use sans mesure, il déclenche une sorte d'inondation et de tempête.]

Le sel cristallisé a une plus grande chaleur que l'autre sel, et il contient même une certaine humidité. Il est utile pour l'homme, ainsi que pour la fabrication de tous les médicaments : si on leur ajoute du sel en quantité modérée, ils sont bien meilleurs. C'est pourquoi ce sel est bien meilleur que les autres, tout comme les pigments ont plus de valeur que les herbes. Si on prend de ce sel modérément avec des aliments ou avec du pain, et même avec un autre condiment, il réconforte, assainit et fait du bien au poumon. Mais si on en mange sans mesure ni modération, on affaiblit le poumon et on le rend malade. Ce sel transpire sous l'effet de la très grande puissance de l'humidité des eaux et de la terre : et ainsi, grâce à sa très grande chaleur et à ses bonnes forces, il donne des forces à l'homme qui l'utilise modérément ; à celui qui s'en sert sans mesure, il les enlève, comme un torrent impétueux.

L'homme endure une grande soif quand il a mangé trop de sel : cela tient au fait qu'il sale son poumon et assèche en lui les humeurs bonnes ; alors le poumon et les humeurs cherchent de l'humidité, et ainsi l'homme a soif. Si, dans ce cas, on boit beaucoup de vin afin de calmer la soif, on fait entrer en soi la folie en buvant du vin outre mesure, comme la fait Loth. C'est pourquoi il est plus salubre et plus sain pour l'homme de boire de l'eau quand il a soif, plutôt que du vin, s'il veut éteindre la soif en lui."

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Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) :


LE SEL : Le sel est le symbole de l'amitié, de la finesse, de la gaieté, de l'incorruptibilité, de l'hospitalité, de la parole donnée.

Ses vertus purificatrices et protectrices lui font jouer un grand rôle dans les liturgies religieuses et les cérémonies magiques.

C'est une pierre sacrée qui est, dans toutes les religions, considérée comme l'une des offrandes les plus agréables à la divinité. Ses vertus rituelles sont égales à celles du feu même.

Chez les Hébreux, toute victime d'un sacrifice devait être consacrée par le sel.

A Eleusis, les initiés se purifiaient par des aspersions d'eau salée avant de célébrer les Grands Mystères.

A Rome, les prêtres consacraient les victimes en répandant du sel sur leur tête avant le sacrifice.

Dans la Chrétienté, le sel, représentation du Saint-Esprit, doit être dissous dans l'eau du baptême.

Au Japon, dans la religion shintoïste, le sel est le symbole le plus important. Les prêtres l'emploient pour purifier et bénir les fidèles. Dans chaque maison habitée par des shintoïstes se trouve une statue de la déesse du soleil devant laquelle on renouvelle le sel chaque matin. On en répand sur le seuil de la maison, sur la margelle des puits, sur le sol où Ton va construire et lors des cérémonies funéraires.

Le sel est utilisé en magie pour le désenvoûtement. Voici une recette donnée par Anne Osmont : « On se dépouille de tous ses vêtements, on se place dans son tub ou dans sa baignoire et l'on a devant soi une cuvette d'eau salée. Avec une grosse poignée de persil que l'on utilise en guise d'épongé, on puise de l'eau dans cette cuvette et on s'en frotte depuis la tête jusqu'aux pieds. On jette le persil au feu ou dans n'importe quel endroit où personne ne peut le toucher, on lave la cuvette et la baignoire de manière que l'eau ne puisse être bue par un animal ni touchée par qui que ce soit ; on fait ses ablutions ordinaires puis, quand on a repris ses vêtements, on dît le Magnificat et l'on est sérieusement allégé. Cette opération ne peut pas être considérée comme définitive, mais elle vous libère pour un mois ou deux (1). »


Note : 1) Anne Osmont, Envoûtements et exorcistes à travers les âges. Rituel de défense. Paris, 1954, p. 138.

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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on peut lire que :


"Les divers aspects du symbolisme du sel résultent de ce qu'il est extrait de l'eau de mer par évaporation, c'est, dit L.C. de Saint- Martin, un feu délivré des eaux, à la fois quintessence et opposition. C'est à l'aide du sel extrait des eaux primordiales, barattées par sa lance, qu'Izanagi constitua la première île centrale : Onogorojima. A l'inverse, le grain de sel, mêlé à l'eau et qui fond en elle, est un symbole tantrique de la résorption du moi dans le Soi universel. Le sel est à la fois conservateur des aliments et destructeur par corrosion. Aussi son symbolisme s'applique-t-il à la loi des transmutations physiques comme à la loi des transmutations morales et spirituelles (Devoucoux). Le porte-parole du Christ comme sel de la terre (Matthieu, 5, 13) en est, certes, la force et la saveur, mais aussi le protecteur contre le corruption. C'est à cette même propriété sans doute qu'il faut imputer son usage comme purificateur dans le Shintô : Izanagi, à son retour du royaume des morts, s'était purifié dans l'eau salée de la mer. La vertu, purificatrice et protectrice, du sel est utilisée dans la vie courante nippone, aussi bien que dans les cérémonies shintoïstes ; sa récolte fait l'objet d'un important rituel. Placée en petits tas près de l'entrée des maisons, sur la margelle des puits, aux angles des terrains de lutte, ou sur le sol après les cérémonies funéraires, le sel a le pouvoir de purifier les lieux et les objets qui, par inadvertance, se trouveraient souillés.

Condiment essentiel et physiologiquement nécessaire à la nourriture, l'aliment du sel est évoqué dans la liturgie baptismale ; sel de la sagesse, il est par là même le symbole de la nourriture spirituelle. Le caractère pénitentiel qu'on lui attribue quelquefois en la circonstance est, sinon erroné, du moins secondaire. Dans le même ordre d'idées, le sel était un élément important du rituel chez les Hébreux : toute victime devait être consacrée par le sel. La consommation en commun du sel a parfois la valeur d'une communion, d'un lien de fraternité. On partage le sel, comme le pain.

Combinaison, et partant neutralisation, de deux substances complémentaires, il est, outre leur produit final, formé de cristaux cubiques : c'est l'origine du symbolisme hermétique. Le sel est la résultante et l'équilibre des propriétés de ses composants. A l'idée de médiation s'ajoutent celles de cristallisation, de solidification, et aussi celle de stabilité, que précise la forme des cristaux.

Le sel symbolise aussi l'incorruptibilité. C'est pourquoi l'alliance du sel désigne une alliance que Dieu ne peut briser (Nombres, 18, 11 ; Chron., 13, 5). Le Lévitique (2, 13) fait allusion au sel qui doit accompagner les oblations ; en tant que sel de l'alliance, tout sacrifice doit en être pourvu. Consommer ensemble le pain et le sel signifie, pour les Sémites, une amitié indestructible. Un sens identique se trouve dans Philon, quand il décrit la nourriture des Thérapeutes lors du Sabbat ; celle-ci est composée de pain, de sel d'hysope et d'eau claire. Les pains de proposition étaient accompagnés de sel. En raison de son caractère rituel, l'usage du sel sera adopté par les Chrétiens lors des jeûnes, du baptême, etc.


Le sel peut avoir un tout autre sens symbolique et s'opposer à la fertilité. Ici la terre salée signifie la terre aride, durcie. Les Romains répandaient du sel sur la terre des villes qu'ils avaient rasées, pour rendre le sol à jamais stérile. Les mystiques comparent parfois l'âme à une terre salée ou, au contraire, à une terre fertilisée par la rosée de la grâce ; que se retire la salure de l'antique condamnation écrit Guillaume de Saint-Thierry, en s'inspirant du Psaume 106, 34. La terre est infertile parce que salée, dira encore Guillaume, en citant un texte de Jérémie, 17, 6. Tout ce qui est salé est amer, l'eau salée est donc une eau d'amertume, elle s'oppose à l'eau claire fertilisante.

Au Japon, on l'a noté, le sel (shio) est considéré comme un purificateur puissant, en particulier dans l'eau de mer. Dans le plus ancien livre shintoïste japonais, le Kojiki, on peut lui découvrir une origine mythologique. Le grand Kami Izanaki-no-Mikoto, s'étant souillé en voulant revoir sa femme aux Enfers, alla se purifier par des ablutions dans l'eau de mer au petit détroit Tachibana, situé dans l'île Kyushyu. Son nom et celui de sa femme signifient : qui se séduisent mutuellement. Certains Japonais répandent chaque jour du sel sur le seuil de leur maison, et aussi dans la maison après le départ d'une personne détestable. Les champions de sumo, lutte traditionnelle japonaise, en répandent sur le ring avant les combats, en signe de purification et afin que le combat soit menée dans un esprit de loyauté.

Chez les Grecs, comme chez les Hébreux ou les Arabes, le sel est le symbole de l'amitié, de l'hospitalité, parce qu'il est partagé, et de la parole donnée, parce que sa saveur est indestructible. Homère affirme son caractère divin? Il est employé dans les sacrifices."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Utilisé depuis la nuit des temps (6500 ans av. J.6C.) pour conserver et purifier les aliments, le sel, qui ne se corrompt pas, est un symbole d'immortalité et d'incorruptibilité. Les Romains, qui lui accordaient une grande importance (1), s'en servaient non seulement pour assaisonner les aliments mais également pour soigner les blessures, tandis que les Grecs vénéraient ce « condiment des condiments » (Plutarque), l'offraient aux dieux et lui attribuaient le pouvoir de conjurer es démons. Homère reconnaissait à la substance un caractère divin et tenait pour barbares ceux qui ne salaient pas les aliments. En Grève toujours, on répandait du sel sur l'hôte qu'on ne voulait pas recevoir. Chez les musulmans - pour qui le sel est avec l'eau « le douaire de Fatima », fille du prophète (on ne doit ni le souiller ni en refuser à quiconque) -, comme chez les Hébreux, il représente l'hospitalité, l'amitié indestructible, la parole donnée, la droiture, et, à l'image du pain, symbolise la communion humaine et la fraternité.

Dieu demanda à Moïse de saler les méchouis sacrés et lui recommanda : « Tu ne laisseras pas ton offrande manquer de sel, signe de l'alliance avec ton Dieu. » Jésus appelait ses apôtres le « sel de la terre » et l'Église a recours a cet ingrédient pour la bénédiction de l'eau et le baptême ; le sel devient alors associé à la pureté, à la spiritualité et à la sagesse.

Le diable déteste ce condiment Selon la légende, il n'a plus de queue depuis que des garnements la lui ont arrosée de sel : « Or, l'action du sel que la queue du Diable est comparable à cele du feu sur la nôtre (sic) [...]. Aussi chaque fois hurlait-il de douleur et se coupait-il, à coups de dents, le bout brûlé [...] jusqu'au jour où il ne lui resta plus qu'un moignon » (C. Seignolle, Le Diable dans la tradition populaire, p. 49).

Interdit de séjour au sabbat, le sel est pour les démonologues un antidote puissant contre les créatures infernales. En avoir dans sa poche gauche permet de pénétrer sans risque dans une maison hantée et de se promener la nuit sans redouter les esprits nocturnes ; en jeter par-dessus l'épaule ou en brûler éloigne sorciers et fantômes et attacher un sachet de sel à la cheminée tient à distance les fées.

Dans toute l'Europe mais aussi en Perse, on suspendait un sachet de sel fin au cou des enfants, particulièrement vulnérables au mauvais oeil : la sorcière qui voulait jeter un sort devait auparavant en compter chaque grain, perdant ainsi son pouvoir le temps de l'opération. Au Portugal, pour savoir si un enfant avait été ensorcelé, on mettait du sel sur le feu et on le passait trois fois au-dessus de lui : si le sel éclatait, il n'y avait pas de soucis à se faire. Au Portugal toujours, dans la maison où une femme accouche, on semait du sel sur le toit pour empêcher les sorcières d'approcher et de « téter l'accouchée ».

Pendant leurs noces, les jeunes époux qui se sont munis de sel (la mariée en glisse dans l'ourlet de sa robe, le marié dans sa poche ou sa chaussure) n'ont rien à craindre des maléfices et surtout du nouement de l'aiguillette. L'homme qui, le jour de son mariage, glisse trois grains de gros sel dans sa poche gauche place également sa vie conjugale sous les meilleurs auspices. Selon une coutume anglaise, il faut offrir en cadeau de noces un pot de chambre rempli de sel ; le jeune couple doit sauter par-dessus trois fois et l'introduire avant toute chose dans son domicile. En Andalousie toutefois, en répandre dans le lit des nouveau mariés entraîne des disputes conjugales.

Jeter du sel dans le feu interdit au diable de prendre l'âme d'un agonisant ; en placer sur la poitrine d'un mort ou à ses côtés le met à l'abri des démons et l'empêche de revenir hanter les lieux.

Du sel, répandu aux quatre coins d'un pâturage, protège les bêtes ; celui que l'on disperse, le 1er mai, avant le lever du jour à la porte des étables préserve les vaches des lutins (Lorraine) et des serpents (Loire). En Sicile, on en jette sur l'âne, le mulet ou le cheval qui entrent dans une nouvelle étable pour les mettre à l'abri des fées.

Autrefois, selon un usage souvent signalé, on « salait » légèrement le lait, la lessive et même le café pour éviter la malveillance des sorciers ; en jeter dans une casserole avant de la mettre sur le feu était censé procurer une bonne santé aux animaux. Dans le Massif central, « il ne faut pas laisser bouillir la marmite sans y mettre du sel, autrement tout ce qu'on a dans la maison dépérit en proportion de l'eau qui s'évapore ». Quand on entend le cri maléfique de la chouette, dit-on encore, lancer du sel dans l'âtre conjure le mauvais sort.

Brûler du sel éloigne également l'orage ; la grêle ne tombera pas sir la maison si on a placé devant la porte trois grains de sel. Toujours pour éviter la grêle, les Provençaux recommandaient de « mettre une poignée de sel dans le dos d'un enfant ».

Jeter du sel dans la mer apaise les vagues et provoque une brise favorable au marins. Lancé en direction d'un pêcheur, il lui assurera de bonnes prises. Toutefois, il vaut mieux éviter de prononcer le mot « sel » sur un bateau. En Hainaut, les femmes de mineurs pour protéger leur époux des accidents glissaient le condiment dans un vieux sabot et le remplaçaient dès qu'il commençait à fondre.

Selon une croyance commune à toute l'Europe, apporter, dans un nouveau logement, du sel en même temps que le premier objet ou meuble attire la bienveillance des esprits de la maison et neutralise les influences maléfiques. Certains recommandent de saler tous les coins, d'autres de parcourir les pièces avec le condiment et un morceau de pain. On purifie également une pièce en mettant d'un côté du lit une assiette remplie de el et de l'autre une assiette de vinaigre. Enfermer du sel dans un coin de nappe quand on déménage empêche d'avoir des regrets (États-Unis).

Le sel intervient également dans les rites de construction ; on en mélangeait notamment au mortier destiné à la maçonnerie d'un pont pour qu'ul ne soit pas hanté par des fées ou des sorciers. Dans les pays arabes, on déposait parfois une épaisse de sel sous le dallage des hammams.

Avoir sur soi du sel ou conserver dans son domicile une boîte octogonale en argent renfermant une pierre de sel porte bonheur et assure le succès de toute entreprise : le nouveau-né à qui on en présentera ne manquera de rien.

En Angleterre, avoir beaucoup de sel chez soi attire l'argent ; pour se débarrasser de façon durable d'un visiteur importun on en verse sur le pas de la porte dès son départ.

Le sel, fréquemment utilisé par les sorciers et les désenvoûteurs, peut servir à un envoûtement d'amour si on en brûle trois vendredis de suite, le soir, en disant : « Ce n'est pas ce ciel que je souhaite qui brûle, mais c'est le coeur de mon amoureux ; qu'il ne puisse avoir ni repos, ni bonheur avant qu'il ne soit revenu et ne m'ait parlé. » Pour éloigner un rival de sa bien-aimée, il suffit, dit-on au Portugal, de mettre du sel à la porte de celle-ci : « Elle ne pourra dès lors souffrir son autre galant, lors même qu'elle en aurait été éperdument amoureuse ». En Bretagne, on rend sourde la personne qui est en train d'écouter derrière la porte en jetant du sel dans le feu.

Pour les Américains, qui mange une cuillerée de sel neuf matins de suite avant le lever du jour pourra converser avec un fantôme.

Les Japonais attribuent également de grandes vertus protectrices à ce condiment dont la récolte obéit à un important rituel ; selon la tradition shintoïste, Izanagi (qui est avec Izanami le créateur des Îles japonaises) se purifia, à son retour du royaume des morts, dans l'eau salée de la mer. Aussi, en répand-on près des entrées des maisons, sur les margelles des puits, sur les sols après les cérémonies funéraires et même aux angles des terrains de lutte (sumo).

Selon les principes de l'alomancie, ou divination par le sel, renverser une salière ou du sel porte malheur. Qui commet cette maladresse versera autant de larmes qu'il y a de grains répandus ou devra, après sa mort, les ramasser avec une fourchette (Creuse). Renverser une salière annonce en outre une querelle et place sous de mauvais auspices la personne face à laquelle cet acte a été commis. Selon un usage datant des anciens Grecs, jeter une pincée de sel par-dessus l'épaule gauche conjure le sort et aveugle le diable et les mauvais esprits. On peut également ramasser le sel et le lancer, toujours par-dessus l'épaule gauche, sur la cuisinière, ou cracher trois fois. Signalons toutefois que, au Danemark, faire tomber du sel sec par inadvertance attire la chance (mais, s'il est humide ou mouillé, l'augure est funeste).

Si le présage attaché au sel renversé remonte pour certains au repas de la Cène où Jésus eut ce mouvement fatal (comme le montre Léonard de Vinci dans son célèbre tableau), d'autres signalent que, bien avant l'ère chrétienne (pour les Sumériens, les Egyptiens, les Assyriens et les Grecs), ce geste était déjà signe de malheur.

Angelo de Gubernatis avance, quant à lui, l'hypothèse suivante : « Je serais tenté d'attribuer une origine phallique à la crainte superstitieuse du sel renversé. Le sel, dans le mythe, est la semence génératrice elle-même [...]. Par analogie, on a cru qu'en répandant du sel sur la terre on arrêtait la génération ; Frédéric Barberousse, en semant du sel sur les ruines de Milan, croyait enlever à la ville tout espoir de renaissance ». Il est vrai que les Egyptiens répandaient du sel sur les terres qu'ils voulaient rendre incultes et que les Romains faisaient de même à l'emplacement des villes conquises et rasées (Carthage par exemple).

Enfin, selon une autre théorie, le funeste présage trouverait son origine chez les Samnites, établis en Italie centrale pendant la période romaine. Les femmes de ce peuple étaient chargées de récolter le sel : « Elles se servaient de corbeilles ou paniers pour faire ce transport, et lorsqu'une d'entre elles venait à tomber, à renverser et répandre sa charge par terre, ses compagnes la mettaient à mort sur le champ et la déchiraient. Cette horrible punition pour un délit si peu apparent avait peut-être un sens mystique. Peut-être était-ce un avertissement aux ouvrières d'être toujours attentives et vigilantes au travail et à la conservation de cette denrée, d'où provenait leur commerce et leur subsistance par l'échange qu'ils en faisaient. »

S'il est recommandé de saler le plat de son voisin (saler soi-même le contenu de son assiette porte malheur), on évitera de lui passer la salière sous peine de se brouiller avec lui. En Italie, en Grèce et en Russie, tendre le condiment à un ami ou à un hôte signifie qu'il n'est pas le bienvenu.

Emprunter du sel porte malheur et le rendre encore plus. Il ne faut jamais laisser deux salières devant une personne ; en cogner ou en casser une est lourd de conséquences.

Pendant l'Antiquité, oublier de mettre une salière sur la table était de mauvais augure ; en Angleterre, la jeune fille qui, en dressant le couvert, n'a pas posé le sel donne la preuve qu'elle n'est plus vierge. En Flandre, on surnomme « table de sorcière » la table où ne figure pas l'ingrédient.

Pour connaître le sexe d'un enfant, on recommandait au Moyen Âge de placer du sel sur la poitrine de la future mère : s'il fondait, elle attendait une fille, dans le cas inverse, c'était un garçon. On pouvait aussi placer la substance sur la tête de la femme enceinte pendant son sommeil ; si, après son réveil, elle nommait d'abord un homme, elle donnerait naissance à un fils, si c'était un nom de femme, une fille.

Lorsque le sel posé la veille de Noël sur la table est le lendemain tel qu'on l'avait laissé, il est signe de chance, mais il suffit que quelques grains aient bougé pour qu'il annonce la mort.

Selon une croyance américaine, qui avale un dé se sel avant de se coucher rêvera de son futur conjoint ; si ce dernier, toujours en rêve, tient une tasse en or, il sera très riche ; une tasse en argent indique une fortune honnête, alors qu'en bois elle signifie la pauvreté. Les Américains prétendent encore qu'avaler une pincée de sel sans faire la grimace est un signe de longévité.

Placer une soucoupe remplie de gros sel sous le lit d'une personne malade accélère sa guérison ; on renouvellera l'ingrédient tous les sept jours. Il faut cependant redouter une issue fatale si le sel fond. Appliquer un sachet de sel gris sur la poitrine préserve de l'apoplexie (Boulonnais), enterrer une poignée de sel soigne un fiévreux (îles britanniques), en mettre dans le berceau d'un nourrisson très affaibli le fait survivre (Hongrie).

Qui prise le sel vient à bout d'une migraine ; en faire fondre dans la bouche trois grains tous les matins procure une belle dentition. Pour faire disparaître des verrues, il faut jeter du sel dans le feu, en général autant de grains que l'on a de verrues, ou, comme en Limousin, abandonner sur un chemin un sachet contenant neuf grains, en sachant que celui qui le ramassera attrapera les verrues. Certains prescrivent de sucer du sel avant d'appliquer la salive sur une dartre (Alpes-Maritimes) ou un furoncle (Béarn).

On dessoûle une personne en répandant par terre beaucoup de sel ent en lui en frottant ses pides nus. Il faut savoir aussi que laisser la salière sur la table le soir du mardi gras empêche les hommes de s'enivrer pendant toute une année.

L'aspersion de sel dans la pièce où a lieu une naissance est une pratique signalée dans de nombreux endroits. Pour qu'un accouchement n'ait pas de suites fâcheuses, la femme lancera derrière elle un paquet de sel. Selon la tradition perse, répandre du sel sur la tête d'une femme enceinte embellit le bébé.

Coudre, à son insu, du sel dans le vêtement d'une personne éloignée de chez lui évite d'être nostalgique ; en jeter au feu a le même effet (États-Unis).

Des deux côtés de l'Atlantique, on prétend qu'il suffit, pour attraper des oiseaux, de leur saler la queue.

Selon une croyance russe, ressentir des démangeaisons à l'anus signifie que le prix du sel va baisser.


Note : 1) Le soldat romain recevait une somme, destinée notamment à sa ration de sel, appelée salarium (argent du sel), d'où le mot salaire.

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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire se symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :


"Il arrive parfois qu'un enfant vous pose une question innocente, et qu'en lui répondant, avec si possible autant de simplicité qu'il en a eue en vous interrogeant, vous vous surpreniez à refaire le monde. C'est ainsi que, tel un enfant, en vous demandant d'où vient le sel, vous consultez votre dictionnaire, et vous apprenez qu'il est constitué par du chlorure de sodium et omniprésent dans la nature. Mais cela répond-il à votre question ? Non, car cela n'explique pas d'où vient le sel ni pourquoi il existe. en consultant une encyclopédie cette fois, qui met à votre disposition un certain nombre d'informations complémentaires, vous apprenez que le sel est formé d'ions de signes opposés : l'anion et le cation. Cela vous rend-il plus apte à découvrir l'origine et l'utilité du sel ? Non plus. Inutile de chercher plus avant dans un dictionnaire ou une encyclopédie, car vous ne trouverez jamais de réponse pour la simple raison que les informations contenues dans ces ouvrages ne sont jamais révélées sous l'angle que vous avez adopté spontanément pour vous pour cette question. Toutefois, un renseignement peut vous mettre sur la piste pour trouver vous-même la réponse que vous cherchez : vous apprenez que le sang humain - votre sang donc - contient environ la même proportion de sel que l'eau de mer, et que selon la diminution ou l'augmentation de cette dose de sel contenue dans votre sang,, vous pouvez être victime de graves troubles organiques.

Ainsi, non seulement le sel est omniprésent dans la nature, mais il est nécessaire à votre équilibre vital. C'est ainsi que, symboliquement bien sûr, dans l'histoire des hommes, le sel est un instrument de vie ou de destruction selon l'usage qu'on en fait. Dans l'Antiquité par exemple, le sel était employé comme une monnaie pour payer le salaire de paysans, d'ouvriers ou de soldats. Mais c'est aussi à l'aide du sel et du soufre, principes essentiels utilisés par l'alchimiste dans son laboratoire, que Yahvé détruit Sodome et Gomorrhe pour punir les Hébreux de leur folie (Deutéronome XXIX, 21). Puis, ayant bravé Son interdiction de se retourner pour regarder les ruines de Sodome et Gomorrhe, la femme de Loth est changée en statue de sel (Genèse XIX, 26). Enfin, le sel fut souvent associé au pain. Ainsi, en hébreu, les lettres formant le mot sel, melah, forment également, dans un ordre différent, le mot pain, lebem, à une voyelle près, et les offrandes faites à Yahvé contenaient presque toujours du sel. D'où l'on peut en déduire que, vu sous cet angle, le sel, c'est la vie. Cette formule, si souvent employée, est celle qu'il faut retenir quand le sel joue un rôle important dans un rêve. Car l'opposé du sel, c'est l'amertume bien sûr. Dès lors, si vous rêvez de sel, c'est souvent que vous avez besoin de retrouver en vous cet élément vital. En effet, une carence en sel, physiologiquement, ou moralement, est tout à fait préjudiciable."

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Maïa Toll, auteure de Les Cristaux du chaman, 36 cartes divinatoires, A la découverte du pouvoir des pierres et des cristaux (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs du Sel :


Mot-clef : Les fondements de l'humanité

Échelle de Mohs : 2


Avant les diamants, les émeraudes ou les rubis, il y avait le sel. Cet antique cristal servait de monnaie, il est à l'origine de villes de routes commerciales et de nouvelles technologies. Bien que les pierres de lune ou les opales puisent vous paraître plus désirables, seul le sel vous est vraiment nécessaire. « Connaissez-vus la différence entre ce dont vous avez envie et ce dont votre corps a vraiment besoin ? » demande le sel. « Pouvez-vous renoncer à ce qui brille pour étancher vos vraies soifs ? Pour embrasser et apprécier ce qui fait les fondamentaux de l'humanité et du bonheur ? » Tout le sel provient de la mer, que ce soit d'anciens fonds marins ou de nos océans. Il parle à la mer de notre sang, nous rappelant que, sans lui, nous ne sommes rien.


Rituel : Lavage au sel

Depuis toujours, on emplie le sel pour séparer ; il extrait les liquide de viandes et les protéines des liquides. Ce processus s'appelle le « relargage ». Utilisons-le pour nous aider à évacuer les émotions d'autres personnes. C'est particulièrement utile pour celles et ceux qui entrent dans l’espace émotionnel d'autrui, comme les thérapeutes ou les coachs.

  • Ajoutez une pincée de sel quand vous vos lavez les main ou baignez-les dans de l'eau salée. Sous la douche, remplissez un gant de toilette de sel et nouez-le pour le fermer ; en vous frottant, le sel se dissoudra et passera au travers du tissu.

  • Pour un moment plus sensuel, parfumez le sel avec une huile essentielle (une goutte par poignée suffit). En vous rinçant, imaginez que les émotions qui vous collent à la peau se détachent et sont évacuées avec l'eau.

Réflexion : Le Sel de la vie

Certaines personnes dans la vie ont la même fonction que le sel dans la nourriture ; dans une fête, elles présentent les gens et font la conversation en allant de groupe en groupe. En leur présence, les discussions se calment, les interlocuteurs restent courtois même quand le ton monte, les caractères irascibles se modèrent et les timides osent. Ces personnes magiques sont comme le sel, on ne les remarque que quand elles sont absentes.

Qui est comme dans le sel dans votre vie ?

« La relation du sel à la saveur est multidimensionnelle : le sel a son propre goût et relève la saveur d'autres ingrédients. Employé correctement, il atténue l'amertume, équilibre le sucré et rehausse les arômes, enrichissant notre expérience gustative. » (Samin Nosrat, Sel, gras, acide, chaleur)

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :

Dans le fond, on pourrait qualifier le caractère du Sel d'« alléchant », pour autant qu'il attire et aspire vers lui et qu'il retient en lui tous les éléments dont il a besoin pour se savoir en bonne condition, pour se savoir dans un état de vitalité et de plénitude. Au fond, le Sel est d'un naturel doux, ne passant pas vraiment à l'action... Il attire plutôt les choses vers lui et il absorbe les choses de son entourage dont il a besoin. Il reste dan l'expectative, prend son temps, aspire, s'accroche ; tout comme une abeille qui butine le nectar des fleurs, il est capable de « sucer » certains éléments des substances alimentaires - qui sont nécessaires pour maintenir la vie dans la matière dans le corps - et de les retenir.

Le Sel se tient prêt pour l'action, la confrontation avec la réalité ; il a l'esprit d'entreprise, « En avant, marche ! » ; l'homme-chevalier richement harnaché se tient prêt, dans un état tendu, pour se lancer dans la vie ! Le Sel rassemble et réunit tout pour incessamment foncer avec une énorme vigueur (ce dernier mouvement n'appartient plus à la sphère du Sel). Il développe dans son corps et dans ses aisselles une force de feu prodigieuse et concentrée, une force vitale compacte, pour bientôt décocher puissamment sa potentialité, tel une catapulte (dépassant ainsi la sphère du Sel).

Celui qui a envie de Sel se fait remarquer à lui-même qu'il fera bien d'« entrer » davantage dans la vie, d'introduire davantage son être dans la vie, et qu'il ne doit surtout pas rester à l'arrière-plan. Le mangeur de Sel a besoin de calrme et de retraite... mais il ne doit pas trop se retirer de la vie. Il est possible que son attitude soit trop froide, trop raide, trop distante envers la vie, envers son corps chaud. La vie réclame un « rapprochement ».

Celui qui aime les mets très salés veut en fait se relier à ses forces vitales profondes ; il a besoin de ressentir son contenu plein de chaleur, d'en sentir la présence dans la « matière » de son corps. Il a trop tendance à se fuir. Il apprendra à bien sentir les couches profondes de son moi, les forces originelles dans son ventre. Peut-être a-t-il regardé la matière de très haut, avec dédain ; il fera bien de s'identifier, de s'unir, d'une façon pleine d'amour, aux forces rouge sang qui sont dans son être.

Lorsque quelqu'un a envoie du goût du Sel, cela indique qu'il y a en lui un grand désir de s'établir plus fermement sur la terre, dans les formes terrestres, matérielles. Peut-être n'arrive-t-il pas à voir clair dans « ce monde matériel », à le saisir : « Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Qu'est-ce qui se passe là vraiment ? Qu'est-ce qui en est la vraie signification ? » Lorsqu'on considère les choses d'une façon extrême, on a l'impression que son attitude à l'égard du monde de la matière est celle d'un étranger : c'est comme s'il n'était pas vraiment de ce mon de et qu'il devait partir en exploration de tout cela. Il considère les choses d'un regard étonné (« Que c'est curieux... ») et il semble vraiment se trouver à l'extérieur de lui-même ; il a de la difficulté à se mettre à la place des autres ou à s'identifier à eux.

Il a donc pour tâche de « descendre » en lui-même, de plonger bien loin dans son propre être vivant, de s'incarner entièrement ; il fera bien d'effectuer une descente en se laissant glisser très profondément le long des « parois intérieures » de son âme, de son corps. Il ne doit aucunement prendre ses distances par rapport à son corps. Il ne doit pas fuir ou s'évader par le rêve ; il en faut pas qu'il vive sur la terre et dans son corps uniquement en se tenant à distance, en prenant une certaine auteur. Il deviendra davantage un Humain de Chair et de Sang. Il travaillera à améliorer sa relation avec sa forme terrestre.

Celui qui a une grande envie du goût du Sel porte en soi le désir de s'installer très solidement dans la Vie terrestre. Le Sel retient les matières vivantes et il extrait des choses ce dont il a besoin : c'est pourquoi il est très important que celui qui a envie de mets salés les consomme effectivement (sauf si on doit limiter sa consommation de sel pour des raisons médicales, bien sûr), puisque le Sel effectue dans ce cas une « correction » naturelle et qu'il retient dans le corps les minéraux et les autres principes nécessaires à la nutrition ; autrement, vu le caractère de cette personne, ces substances nutritives s'évaporeraient pour ainsi dire, ayant pour conséquence la déminéralisation. Il est pareillement important que celui qui a un dégoût pour le Sel n'en consomme pas.

Le mangeur de Sel porte souvent en soi une sorte de raideur, de distance, de négation et d'inflexibilité envers le terrestre, envers la douceur du corps et de la matière. Son caractère fort et sa ferme volonté de vivre font que son ossature prend robustement forme ; cependant, son attitude plutôt rigide et réservée fait parfois que ses articulations ou ses disques intervertébraux se coincent d'une façon ou d'une autre ou que des déviations se développent. L'envie de Sel et sa consommation apportent une correction naturelle : tant psychiquement que physiquement. Evidemment, il n'est pas nécessaire dans ce cas de manger des quantités extra-grandes de Sel ! Au contraire, cet être humain suivra tout simplement son envie, son goût, et pour le reste il fera ce que le Sel lui dit : « Porte la Coupe de la Vie à tes lèvres et absorbe la vie avec un enthousiasme chaleureux ; ne prends aucune distance par rapport à elle, ne la fuis pas ! Savoure-la pleinement ! Développe une flexibilité envers la terre... et ne te mets pas au-dessus d'elle ou en dehors d'elle ! Identifie-toi - fortement et avec souplesse - à ton sentiment terrestre, à la chair terrestre. Ne fuis pas les lois terrestres ! Viens tout près de toi-même, de ton corps, de ton sentiment. Sois chaleureux à ton égard et à l'égard de ton corps,. Ne repousse aucune partie de toi. »

Cependant s'il ne met pas en pratique ce que le Sel lui demande de faire, il est possible que la peau et les reins se mettent à protester et que le métabolisme du calcium en soit déréglé. Le Sel indique qu'il est nécessaire d'embrasser son propre corps terrestre avec amour, de parvenir à une union du corps et de l'esprit dans une relation intime avec son propre JE ; le Sel montre la nécessité d'un équilibre entre l'esprit et le corps, entre le sentiment et la structure / la raison, entre ce que maintenant on appelle toujours le féminin et le masculin en l'être humain.

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Littérature :


Dans Éclats de sel (Éditions Gallimard, 1996) Sylvie Germain met en scène un personnage principal qui rencontre des personnages du quotidien plus étranges les uns que les autres :


Ce même jour, comme il attendait un tram en s'abritant de la pluie sous un grand parapluie noir à poignée de bois sculpté en forme de tête de canard, un jeune homme accourut et, s'approchant tout près de lui, il lui demanda s'il pouvait se réfugier sous son parapluie le temps qu'arrive son tram. « Ce n'est pas que je craigne la pluie, dit l'intrus tout ruisselant, mais c'est pour protéger ma fleur, elle est si fragile, elle risque de fondre... » Ludvik haussa les sourcils, alors l'autre entrouvrit sa parka d'un beige douteux et laissa entrevoir sa fleur soluble qu'il tenait avec grande précaution sous la doublure. Une fluer étrange, aux pétales biscornus tout en tumescences à facettes d'un gris semi-transparent et à a tige vitreuse hérissée de piquants et de feuilles aux formes irrégulières. « C'est une rose de sel, dit le jeune homme avec un grand sourire, il m'a fallu des semaines pour la faire pousser. Elle est belle, n'est-ce pas ? - Heu, oui, oui... » approuva Ludvik en se grattant un peu l'oreille. L'autre extirpa sa rose saline de son giron et la fit tourner lentement devant les yeux de Ludvik. « La structure est en fer que j'ai ensuite entortillé de ficelle puis j'ai plongé l'ensemble dans une bassine emplie d'eau saturée de sel, mais en procédant en plusieurs étapes. D'abord la corolle, puis la tige. Elle est belle, n'est-ce pas ? - Tout à fait, tout à fait... ». Mais l'autre ne seblait guère se soucier de l'avis de Ludvik, il répétait sa question plutôt sur le mode d'une exclamation. Tout en contemplant sa rose qu'il faisait toujours pivoter sous le nez de Ludvik, il continua : « Née de l'évaporation de l'eau, elle mourrait de son ruissellement trop fort. Les fleurs n'aiment pas la violence. Ma rose est née très lentement, elle a fleuri dans la patience. - Mais si vous êtes si soucieux de votre rose, dit Ludvik, pourquoi donc êtes-vous sorti avec sous cette pluie battante ? - Oh, ça, c'est un secret entre la rose et moi ! Quand il est temps qu'advienne le temps, il faut se hâter. - Oui, bien sûr » opina Ludvik de plus en plus convaincu qu'il avait affaire à un doux dingue, mais comme cette catégorie très hétérogène de gens ne lui déplaisait pas à l'occasion, il poursuivit la conversation sous le parapluie où tambourinaient violemment les gouttes. « Alors, comme ça, soudain, il y a eu urgence ? » L'autre ne répondit pas tout de suite, il pencah légèrement la tête sur le côté, d'un air las, un peu triste, et se tapota les lèvres un instant du bout des doigts de sa main libre. Ses ongles étaient rongés et la peau autour tout écorchée. « Non, pas comme ça, pas soudain, dit-il enfin ; l'urgence date depuis longtemps. Mais elle se déclare à l'improviste. Les roses, qui se nourrissent autant de patience que de lumière, ont un sens très fin, très aigu, de ces menus mystères du temps qui passent inaperçus, ou bien pour des caprices du hasard, aux yeux des gens inattentifs, mais le hasard n'est nullement aussi fantasque et inconséquent qu'on se complaît en général à le croire. Une rose de sel sait de la aussi bien, sinon mieux, qu'une rose végétale. - Mais que sait-elle, exactement ? » Alors le jeune homme changea brusquement d'expression et d'intonation qui se firent dures, agacées presque. « Ce qu'elle sait ? Mais il ne tient qu'à vous de l'apprendre ! Après tout, vous avez une mémoire commune dans le lointain amont du temps, au cœur des mers primordiales. Rebroussez un peu chemin dans vos pensées par-delà le cercle étroit de vos idées toutes faites, surfaites et al faites de surcroît, risquez-vous donc du côté de l'impensé... ah, mais voilà mon tram ! » Et il planta là Ludvik, s'engouffrant dans le wagon de tête avec sa rose à nouveau blottie contre sa poitrine à l'abri de sa parka ;

[...]

Au loin soudain il aperçut une petite silhouette couleur de prune, immobile sur le bord de la route. En s'approchant il vit qu'il s'agissait d'un enfant d'une huitaine d'années environ ; il portait un anorak violet et un bonnet de laine gris clair enfoncé jusqu'aux sourcils. Il se tenait légèrement penché en avant et tournait la tête à gauche et à droite avec lenteur comme s'il inspectait autour de lui. Son bonnet était affublé d'un long cordon de laine tressée dont l'extrémité s'ébouriffait en touffe ; quand il bougeait le tête le cordon jouait au balancier d'horloge. Ludvik ne savait trop si l'enfant était une fille ou un garçon, mais il pensa qu'il cherchait un objet auquel il tenait, tant il scrutait le sol avec application. « Tu as perdu quelque chose ? » lui demanda-t-il. L'enfant se redressa brusquement et lu jeta un regard sombre de dessous son bonnet, puis il lui lança en guise de réponse : « Et toi ? » C'étatiun petit garçon, aux yeux d'un bleu très foncé ; il avait un air si farouche, comme Lubosek le premier soir après sa lamentable chute au bas de l'escalier, que Ludvik éclara de rire. « Ne ris pas si fort, dit le gamin d'un ton sec, tu fais s'enfuir les ombres des oiseaux ! - Les ombres ? fit Ludvik étonné, et elles ont peur des rires ? - Elles n'ont peur de rien, de personne, mais elles n'aiment pas le bruit. » Il s'était déjà détourné et ne prêtait plus la moindre attention à Ludvik ; à nouveau il contemplait le sol. Il plongea une main dans sa poche et en extirpa une poignée de graines qu'il jeta sur la neige, en direction d'une ombre d'oiseau de passage. Et celle-ci s'immobilisa un instant. Ludvik leva la tête, il aperçut un freux se tenant en suspension dans l'air à l'aplomb de son reflet. Puis le garçon sema une nouvelle poignée de graines sur l'ombre d'un autre freux et le même curieux manège eut lieu. « Que fais-tu ? demanda Ludvik. - Tu vois bien, je donne la becquée aux ombres des oiseaux. - En voilà une idée ! Ce sont les oiseaux en chair et en plumes qui ont faim, pas leurs ombres. - Je sais », dit le gamin qui n'en continua pas moins à nourrir ses chimères d'oiseaux. Ludvik remarqua alors que les graines qu'il jetait ne se déposaient pas sur la neige mais y disparaissaient aussitôt, comme si elles fondaient à son contact, et des trous minuscules se creusaient là où elles étaient tombées. Les ombres des oiseaux étaient toutes grêlées, à croire qu'il les avait criblées de miettes de er ou de grains ignés. « C'est quoi, au juste, la grenaille que tu leur lances ? Elle paraît bien acide. » La réponse fusa, aussi acide que la grenaille. « C'est du sel. » A ce mot Ludvik sursauta, mais il se souvint de cette histoire que l'on raconte aux jeunes enfants, et selon laquelle on peut attraper les oiseaux en leur versant du sel sur la queue. Le garçon était encore en âge de croire à de tels contes, et ainsi rassuré, Ludvik entra dans le jeu. « Du sel ? Bonne idée. Et tu en as déjà capturé beaucoup des ombres d'oiseaux, avec ce système ? » Le petit oiseleur ne daigna même pas répondre à cette question idiote, il se contenta de lancer un regard dur vers Ludvik puis, sa réserve de sel étant épuisée, il demeura immobile, bras ballants ; ses lèvres et ses ongles étaient bleuis de froid. Ludvik n'osait plus poser de questions, il se sentait un peu ridicule et de toute évidence ce gamin revêche préférait rester seul ; il s'apprêtait donc à s'en aller quand l'enfant se mit à parler. « Capturer, quel vilain mot, si stupide ! Tes paroles sont comme ton rire, - du bruit, rien que du bruit. » L'enfant avait prononcé ces paroles d'une voix assourdie, sans colère ni mépris, avec tristesse plutôt, et Ludvik fut troublé, atteint même, par cet accent de tristesse, aussi, loin de rabrouer le gamin insolent, il parla à son tour doucement. « Bon, je vais me taire, d'ailleurs je dois partir, mais avant j'aimerais bien que tu me dises à quoi tu penses quand tu jettes du sel sur les ombres des oiseaux. » L'enfant respira profondément puis, le regard toujours perdu dans l'immensité blanche, il répondit presque à mi-voix. « Ces ombres sont pareilles à l'éclat des étoiles dans la nuit, les reflets des nuages sur les champs, le sourire des gens qu'on aime, on en peut pas les attraper mais on peut faire alliance avec eux, leur promettre, - se promettre à soi-même, de ne jamais les oublier. L'amitié, c'est pas seulement avec les gens qu'elle s'établit, c'est aussi avec les animaux, et avec les plantes, les arbres, la lumière, les pierres, le vent et tous les éléments, avec les choses, toutes les choses qui passent et qui sont belles, avec simplicité, avec bonté. Quand on déclare son amitié à quelqu'un, à quelque chose, on fait un pacte de fidélité, de franchise et de respect. Le sel, on l'offre en signe de bienvenue et d'hospitalité, eh bien, moi j'en sème sur tout ce que j'aime en signe d'accueil dans ma mémoire, d'invitation dans mon cœur. » Ludvik était si étonné par ces propos qu'il ne put s'empêcher d'exprimer sa surprise. « Mais qui es-tu ? Tu ne parles pas comme les garçons de ton âge... Comment t'appelles-tu ? » L'enfant se tourna brusquement vers lui et lui fit front avec un air de petite brute prête à en découdre, et il crai plus qu'il ne parla. « Que t'importe mon nom ? Qu'est-ce que ça peut bien te faire qui je suis et comment je m'appelle, hein ? Et qu'en sais-tu si je parle ou non comme les garçons de mon âge, dis ? Je parle comme tu te parlais quand tu avais mon âge, mais cela tu l'as oublié, tu as tout oublié, tu as laissé s'affadir le goût de toutes choses, jaunir le sel de ta mémoire et se corrompre celui de tes serments d'amitié ave le monde, avec les gens. Pff ! »

[...]

« toutes ces larmes, monsieur, qui forment stalactites au fond de nos entrailles, qui s'enroulent en spires autour de nos cœurs, qui nous embuent les songes et la mémoire, et qui se brisent au jour de notre mort, eh bien, elles sécrètent le sel de l'oblation. Car mourir est, qu'on le veuille ou non, une oblation. Est-ce au néant, est-ce à Dieu ? Il faut parier, c'est pile ou face, il n'y a pas de moyen terme, aucune tiède échappatoire. C'est tout ou rien il faut parier, il faut risquer. » [...]

La femme reprit en main son balai et se remit en marche. Elle passa devant Ludvik mais ne lui accorda aucune attention, comme s'il n'était pas là, et elle poursuivit son monologue. « Peut-être qu'à l'heure de notre mort, , c'est le poids du sel déposé par nos larmes qui fait pencher l'âme en partance du bon côté, - celui où Dieu se tait. Oui, pencher du vaste, du lumineux côté, même si on avait parié le contraire. Le sel des larmes pèse un si grand poids, brûle d'un si long feu, il peut bien tout faire basculer, tout embraser, tout purifier, fût-ce au dernier instant. Comment savoir ? N'est-il pas prescrit : "Tu saleras toute oblation que tu offriras et tu ne manqueras pas de mettre sur ton oblation le sel de l'Alliance à Dieu ; à toute offrande tu joindras une offrande de sel à ton Dieu " ? Puisque la mort est oblation... et alors, quel autre sel lui adjoindre, sinon celui de nos larmes ? Du sel pour purifier, mais plus encore, bien plus essentiellement, pour aviver la soif. Car, lequel, de l'homme et de Dieu, a le plus soif de l'autre, lequel surtout a le plus besoin que l'autre ait soif de lui ? Allez savoir ! En amour, on ne sait jamais rien. Le Christ sur la croix, à l'instant de mourir, n'a-t-il pas dit "j'ai soif"... c'est qu'il avait bu toutes les larmes des hommes, et aait aussi goûté à celles de Dieu. Il est mort au confluent de ces deux pleurements, à la croisée de ces deux soifs. »

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