Étymologie :
FORSYTHIA, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1823 forsythie (Boiste, Hist. nat.). Lat. bot. mod. forsythia (1805, M. Vahl, Enumeratio Plantarum ds NED Suppl.2), créé à partir du nom du botaniste angl. G. Forsyth (1737-1804).
Lire également la définition du forsythia afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Forsythia europaea ; Forsythia des Balkans ;
Forsythia ×intermedia ; Forsythia de Paris ; Forsythia hybride ;
Selon Jean-Louis Moret, auteur de l'article intitulé "Etymologie onomastique ou les noms de genres de la flore suisse dédiés à des personnes. Complément." (in : Bulletin du Cercle vaudois de botanique n°39 : pp. 103-108, 2010) :
Forsythia Vahl (Enum. Pl. 1: 39. –Vahl 1804), Oleaceae
Dédicace : « Habitus tam alienus a Syringa, ut genere distingui meretur, monente jam dudum Wilden. in Spec. pl. 1, p. 49. Decumariam Lin. Forsythiam nominavit Walter, sed cum innovationes tales nullius usui sunt, nomen Forsythi huc transtuli. »
Walter (1788) a utilisé le nom de Forsythia pour désigner une plante de Caroline qui s’avéra être un Decumaria déjà décrit par Linné (1762 - 1763). Le nom n’étant pas valide, Vahl (1804) l’a utilisé pour désigner un nouveau genre, distingué du genre Syringa. Il est dédié à Forsyth William (Old Meldrum (Aberdeenshire) 1737 - 1804), botaniste écossais, directeur des jardins royaux de Kensington et de Saint-James’ Palace, auteur de « Observations on the deseases, defects and injuries in all kinds of fruit and forest trees » (Londres, 1791) et de « Treatise on the culture and management of fruit trees » (Londres, 1802) qui connaîtra sept éditions et sera traduit en français en 1803. W. Forsyth fut un des membres fondateurs de la Royal Horticultural Society.
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Botanique :
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Symbolisme :
Selon Jean-Pierre Hassoun, auteur de "Pratiques religieuses et entreprises chinoises à Paris. Un paysage favorable." (In : Revue européenne des migrations internationales, vol. 8, n°3,1992. La diaspora Chinoise en occident. pp. 139-154) :
[...] Le moment des fêtes du Nouvel An, peu abordé ici, vient de manière générale renforcer cette symbolique de la richesse matérielle. Ainsi, pour ne donner ici qu'un exemple, les branches de forsythia, achetées quelques jours avant la fin de l'année pour que les fleurs s'ouvrent le Premier de l'An, (elles ont fait ces dernières années leur apparition chez les fleuristes des quartiers marqués par la présence chinoise), sont associées à un dicton prévisionnel : « Quand les fleurs s'ouvrent la richesse est grande » (pu guei hua kai). On les trouve dans l'espace familial, mais aussi dans les entreprises qui nous intéressent ici.
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Pierre Dubois et René Hausman, auteurs de L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons, Printemps (Éditions Hoebeke, 2016) mettent en vedette les plantes et les animaux en fonction du calendrier :
Si pour fêter le réveil du printemps, les prés et les sous-bois préfèrent s'illuminer doucement, presque secrètement, sur la pointe des pieds, ouvrir discrètement des voies sacrées dans l'ombre entre deux mondes, dérouler des voies vierges de corolles au passage des fées, le jardin en revanche se veut royal, en bouquets d'éclats d'or et feux de Bengale : le forsythia !
Le forsythia entre en scène sur l'air des Trompettes d'Aïda. Tant qu'à faire, il le fat et se présente en roi Soleil sr la nature encore toute chiffonnée et grelottante.
Il rayonne, il plastronne sans rivaux. C'est lui ! Et personne ne trouvera à redire, car c'est ainsi. Et si c'est ainsi, c'est qu'il est le témoin vivant d'un autre temps. Sa lumière perpétue de siècle en siècle, de saison en saison, l'éclat légendaire de l'âge d'or... De ce que nous avons perdu, en bradant nos âmes et nos rêves pour deux sous.
On raconte qu'avant de disparaître, du temps où les bêtes parlaient, quand les écus n'étaient que renoncules, ficaires et pissenlits, le dernier roi de ce royaume-là, sentant venir la fin des âges sages et heureux, coupa une branche de son jardin et la planta en terre afin que les hommes futurs retrouvent un bref instant de printemps les lumières lointaines des « il était une fois ».
Chaque fleurette en est un éclat d'or. Celui qui en porte une sur son cœur tout le temps que dure la floraison du forsythia, à condition d'avoir l'âme rêveuse et pure, connaîtra des nuits merveilleuses.
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Poésie :
Claire Malroux propose un article intitulé « Naissance du forsythia », (in : Po&sie, vol. 115, n°1, 2006, pp. 110-113) dans lequel elle réfléchit sur la poésie avant de proposer un poème qui concerne le forsythia :
Naissance du forsythia
Cette année, un forsythia se dresse à l’angle d’une parcelle jadis plantée d’arbres et restée longtemps à l’abandon, transformée depuis peu en jardin romantique. Il me rappelle le qualificatif qu’avait attribué à l’arbuste précoce le poète américain Wallace Stevens : the babyishness of forsythia, que l’on peut traduire comme « la prime enfance du forsythia ».
Mais le mot anglais babyishness évoque bien mieux que « prime enfance », trop abstrait, l’aspect physique de l’arbuste, le visage joufflu du nourrisson, ses couches teintées d’un jaune vif comme l’œuf qu’évoquait à Proust la vue de certaines fleurs dans un pré.
Je le regarde. Il me semble grelotter dans la brume normande qui peine à se lever. Un poussin de lumière tremblant d’éclore dans le printemps froid. Froid comme le monde à l’instant de naître ou de mourir.
Dans son recueil du même titre, A Cold Spring, Elizabeth Bishop fait naître un veau dans une explosion blanche et glacée de soleil :
La mère s’est arrêtée de meugler
et a mis un long moment à manger le placenta,
triste étendard,
mais le veau s’est relevé promptement
et a paru enclin à la gaîté.
J’écoute le poussin forsythia remuer dans sa coquille. Hélas, dans forsythia, mot faussement latin dérivé du nom d’un horticulteur anglais, Mr. Forsyth (et qui ne songerait à la Forsyte Saga de Mr. Galsworthy ?), j’entends aussi « forceps », l’âpreté de la venue au jour.
De son côté, peut-être le forsythia m’observe-t-il derrière son barbelé d’épines, comme s’il se sentait prisonnier dans sa cage dorée et attendait que je le libère. Nous sommes-nous reconnus ? Ai-je le pouvoir de le libérer ? Oui, en un sens, puisque je le transporte ici.
Et si nous partagions avec la nature plus que ce que l’on croit ? Si c’est d’elle que nous tenions ce que nous croyons spécifiquement humain ?
Il y a dans l’attitude des plantes quelque chose qui nous apparente à elles. D’un géranium d’appartement que j’aimais beaucoup je n’ai pas tant gardé en mémoire sa forme et sa couleur que son attitude, humble, légèrement penchée, de moine en méditation. Comme s’il avait eu la prescience de sa mort, qui ne tarda pas du reste à se produire, tout comme ce forsythia aujourd’hui a sans doute conscience de naître bientôt et de vivre.
Certains arbres se dressent impérieusement, d’autres ploient l’échine, d’autres lèvent leurs branches avec grâce comme des danseuses leurs bras. Esquisses ou vestiges de mouvements qui ont intérieurement façonné les nôtres.
La poésie est la voix affinée de la sève.
Le mot collectif
De la confrontation entre les langues j’ai appris ceci : le mot n’est pas unique ni univoque, le mot n’est pas solitaire, le mot n’est pas individuel. Il est collectif. À la limite ou idéalement, il rassemble en lui tous les autres.
Qu’on essaie d’en creuser un, et l’on constate qu’il a quelque chose en commun avec un autre et cet autre à son tour avec un autre, comme chaque individu se retrouve chez son voisin et celui-ci chez un autre voisin. L’onde de partage se propage à travers tout le vocabulaire, les mots s’allument au contact les uns des autres, chaque texte est une traînée de poudre.
Le mot ne prend sens qu’en relation ou en opposition avec ses congénères. Le travail de l’écrivain consiste à l’insérer dans un ensemble de manière à faire reconnaître la plénitude de toutes ses significations réunies, ou au contraire à en isoler la nuance la plus précise, en révéler la nuance encore inédite.
La poésie est le genre qui pousse le plus loin cette double tentative.
La traduction aussi, à un moindre degré.
Révélations
La poésie doit être rencontre : rencontre entre les mots, mais surtout avec le vif, le caché ou l’inconnu. Tant de poèmes glissent à la surface. Ce sont des nénuphars, des ornements plus ou moins sophistiqués : le grand étang et sa ruine de nénuphars (Wallace Stevens encore) fleurissant à la surface d’une eau où l’on peut naviguer sans risques, promenade sur un lac, pure rhétorique qui flatte des goûts développés par la tradition ou un odorat que chatouillent les effluves dans le vent. La poésie est révélation. Emily Dickinson emploie le terme « révélateur » pour décrire le poète. « D’images, Révélateur/ Le Poète – Lui et nul autre… ». J’appelle Stevens le révélateur, entre autres, du forsythia et lui dédie ce poème :
Pour le forsythia
Si tôt emporté que surgi
au seuil du printemps froid
dans une explosion blanche
et glacée, sur une planète
clémente pourtant
à ce que disent les astronomes
Froid comme le monde autour de soi
à l’instant de naître et de mourir
et si souvent
Est-ce du froid sidéral
que ses épines gardent le forsythia ?
Pourquoi s’enferme-t-il dans une cage
où ses yeux d’or précèdent et fuient
ceux de la multitude ?
Naissance
plutôt qu’enfant né pour vivre,
avec des joues de nourrisson
(babyishness of forsythia selon Stevens,
le révélateur à l’infaillible pellicule)
Ointes de jaune d’œuf
de poudre de cœur-de-marguerite
comme s’il se proclamait fils du soleil,
allégé de tout passé ou avenir
On le voudrait plus pérenne
Il est le sourire avant la ruine
le poème de l’éphémère qui s’affirme
dans l’innocence surprise
et le tremblement
Le gardien farouche et fidèle
que l’on retrouve au seuil
de chaque poème à délivrer
dans l’étroite étreinte et prison des mots
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