Étymologie :
Étymol. et Hist. Ca 1290 bucle (G. de Biblesworth, Traité, 162 dans T.-L.), forme isolée; xiiies. bugle (Trad. de Roger de Salerne, Chirurgie dans Romania, t. 32, p. 83). Empr. au lat. médiév. bugula (viiie-xies. dans Mittellat. W. s.v., 1606, 55) ultérieurement attesté sous les formes bucla et bugla (xiies. ibid., 57 et 58) prob. à rapprocher du lat. tardif bugillo (début ves., Marcellus dans TLL s.v., 2237, 64; v. bouillon-blanc), car on trouve la var. bugula chez le même aut. dans Forc.; ces deux termes semblent désigner la même plante (Roll. Flore t. 8, p. 176).
Étymol. et Hist. xve s. yve (Grant Herbier, no248, Camus ds Gdf. Compl.). Forme fém. de if*.
Autres noms : Ajuga chamaepitys - Bugle des champs - Bugle jaune - Bugle petit-pin - Chamaepitys - Germandrée petit if - Ive - Ive arthritique - Ive musquée - Ivette musquée - Ivette odorante - Petite ivette - Yvette -
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Botanique :
Description (Flore de l'Abbé Coste) : Plante annuelle de 5-20 cm, entièrement herbacée, velue-hérissée, à odeur forte ; tiges diffuses-ascendantes, rameuses et florifères dès la base, très feuillées ; feuilles atténuées à la base, à 3 segments divariqués linéaires entiers, les inférieures seules entières ou trilobées ; fleurs jaunes, axillaires, géminées, longuement dépassées par les feuilles ; calice hérissé, à dents un peu inégales, lancéolées, aussi longues que le tube ; corolle à tube étroit et à peine saillant.
Remarque : si des différences existent concernant les tailles ou la période de floraison entre la description de la flore de Coste et celles mentionnées ci-dessus. Il ne s'agit pas d'erreurs, mais d'une actualisation des données.
Selon Michael Welfringer, auteur de La Thériaque : analyse d'un contrepoison de l'Antiquité et héritage dans la pharmacie d'officine d'aujourd'hui (Thèse en pharmacie, Université de Lorraine, 2017) :
Le chamaepitys, Ajuga chamaepitys (L.) Schreb., qui signifie petit pin en grec est aussi appelé ive arthritique ou musquée. Il s’agit d’une plante rampante de la famille des Lamiacées avec une odeur forte proche du pin qui pousse dans les endroits arides ou dans les champs labourés.
Cette plante est utilisée pour lutter contre les venins, les sciatiques et les problèmes articulaires. Elle est aussi diurétique. (Charas, 1685) (Rigaud, Barthe, & Bouttes, 1689).
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Vertus médicinales :
A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Ivette musquée. Camoepitis moschato folii scrati.
Ivette odorante. Camoepitis vulgaris luteo.
Fleur monopétale, à une seule lèvre divisée en trois parties ; les fleurs naissent dans l'aisselle des feuilles non verticillées.
VERTUS : Elles sont antispasmodiques dans l'épilepsie, les tranchées, les convulsions, les coliques, incisives, apéritives, très recommandées dans la goutte, les nerfs et les jointures ; la deuxième, que l'on appelle Ivaririlica, est diurétique, diaphorétique, bonne pour purifier le sang ; on la prend en poudre ou en infusion dans l'eau ou le vin. Elles entrent dans le diabotanum, l'huile de renard qui sont fortifiants et résolutifs ; très bonnes pour résoudre, pour le rhumatisme, la goutte; elles sont aussi vulnéraires, détersives pour les plaies, on peut en faire une infusion dans l'huile.
Pierre Lieutaghi, auteur de L'herbe qui renouvelle, Un aspect de la médecine traditionnelle en Haute-Provence (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986) rapproche la Bugle petit pin de la germandrée petit-chêne :
Le Petit-Chêne appartient à un groupe de Labiées amères aux usages voisins, où il faut citer aussi le Bugle Petit-Pin, Ajuga Chamaepitys (L.) Schreber, petite annuelle prostrée à fleurs jaunes, à feuilles nombreuses découpées en trois segments linéaires. [1] Cette plante, surtout messicole, est très commune dans les champs de la région, où elle ne semble pas connaître d’emplois autochtones. Par contre, en Italie du nord, c’est une herbe de cure dépurative bien connue. A Mane, une femme d’origine italienne l’a introduite dans son jardin : son mari avait l’habitude d’en user périodiquement « pour le sang » (recueil extérieur à l’enquête O.P.LE.). Dans l’ancienne médecine, le Bugle Petit-Pin est l’une des rares dépuratives prescrites en cures de durée déterminée. On la voit ainsi conseillée en breuvage pendant sept jours contre la jaunisse et, avec l’hydromel, pendant quarante jours dans la sciatique (De Ville 1689 : 452). Avec le Petit-Chêne, la racine d’Aristoloche ronde, la Gentiane et la Petite Centaurée, elle entrait dans « la poudre anti-podagrique du duc de Portland », remède célèbre que les goutteux devaient employer en cure dégressive, pendant deux ans. Très généralement le Petit-Pin était prescrit en même temps que le Petit-Chêne : une « contamination d’emplois » n’est donc pas impossible là non plus.
Note : 1] Les genres Ajuga et Teucrium sont voisins et leurs fleurs, caractérisées par une corolle réduite à la lèvre inférieure, se ressemblent beaucoup.
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Symbolisme :
L'Institut Klorane propose une brochure intitulée Les Plantes des moissons dans laquelle la Bugle jaune est considérée comme emblématique des plantes messicoles, au même titre que le bleuet et le coquelicot :
Ces fleurs des moissons sont plus scientifiquement appelées plantes messicoles. Ce terme (du latin messis = moisson, et colere = habiter) définit des plantes annuelles étroitement liées à la culture des céréales à germination principalement hivernale (blé, avoine, orge, seigle…). Elles poussent en suivant le cycle de développement de ces dernières : labour et semis en automne, germination en hiver, croissance au printemps, moisson et récolte en été. Pour cela, elles sont dites aussi parfois "habitantes" ou "compagnes des moissons". Elles témoignent [donc] d'une histoire de l'agriculture.
[...]
Petit clin d’œil : Connaissez-vous la "malherbologie" ? Il s’agit de la science étudiant ces plantes appelées mauvaises herbes !
Si le terme de "mauvaise herbe" est parfois utilisé, on parle aussi de "plantes adventices" (du latin adventicius : qui vient d’ailleurs, de façon inattendue, accidentelle), qui, en agriculture, sert à désigner tous les végétaux qui se développent accidentellement dans les cultures sans y avoir été semés et donc de manière involontaire.
[...]
Dans le droit fil du concept de préservation de la biodiversité végétale, cette sauvegarde comporte plusieurs intérêts et notamment :
un intérêt environnemental : les plantes messicoles sont le symbole d’une agriculture riche, ancrée dans un espace présentant des terroirs vivants et des paysages de qualité. La disparition de ces plantes représente donc un problème de dégradation paysagère de l’environnement et, plus philosophiquement, une question de développement durable et d’éthique.
un intérêt écologique : leur disparition progressive engendre une perte de richesse de la biodiversité. Il s’agit alors d’œuvrer en faveur, d’une part, de la préservation de la nature et d’autre part, de la survie des espèces inféodées à ces cultures (insectes, oiseaux…) qui ont aussi un rôle dans le bon fonctionnement des systèmes agricoles. [...]
un intérêt patrimonial : les fleurs des moissons sont entrées dans la mémoire collective. [...] Elles participent d’une certaine esthétique des paysages ruraux. Leurs couleurs, en particulier, ont inspiré de nombreux peintres (Monet, Van Gogh, Klimt…).
un intérêt en termes de recherche : presque toutes ces plantes ont été ou sont utilisées comme plantes médicinales, alimentaires ou horticoles.
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