Autres noms : Serpent à tête de bélier - Serpent cornu - Serpent criocéphale -
Présentation :
Selon Marcel Amand, auteur de "Notes sur le culte du serpent criocéphale dans la cité des Nerviens." (In : Latomus, 1970, vol. 29, no Fasc. 2, pp. 340-347) :
Son apparition la mieux connue figure sur le chaudron de Gundestrup où il accompagne Cernunnos, le dieu à la ramure de cerf, qui le brandit dans la main gauche.
On le rencontre également sur quelques reliefs gallo-romains où il est associé tantôt à Mars, tantôt à Mercure, tantôt même à Cernunnos enfant.
Son caractère proprement celtique est bien mis en valeur par les spécialistes qui ont étudié cette figure.
On le tient pour une divinité ou une semi-divinité celtique, issue de la combinaison du serpent et du bélier, celui-là étant l'animal chtonien par excellence, celui-ci l'animal qu'on sacrifiait au culte du foyer dont on sait par ailleurs qu'il fut pratiqué dans la cité des Nerviens, sous forme de chenets à tête de bélier et de chaudrons en réduction déposés dans les sépultures.
Par ailleurs nous ne pouvons mettre en doute son identification sur les documents dont nous faisons état dans les pages de ce travail. Le serpent criocéphale, connu aussi sous l'appellation de serpent à tête de bélier et de serpent cornu, se caractérise par un corps plutôt épais, décrivant des orbes, par des renflements à la base du cou évoquant des cornes enroulé et par un crâne allongé : c'est là sa représentation habituelle, dont on peut se faire une idée d'après la statuette d'Yzeures-sur-Creuse.
Ph. Pray Bober émet l'hypothèse que le thème du serpent cornu aurait été emprunté à l'art des peuples des steppes, avec lesquels les Celtes seraient entrés en contact sur les rivages de la Mer Noire, sans exclure pour autant une connexion avec la mythologie grecque.
Quoi qu'il en soit, la représentation du serpent criocéphale semble bien s'être acclimatée dans la cité des Nerviens sur des produits en terre cuite qui n'avaient jamais été signalés à ce jour. On la trouve aussi sur au moins deux fibules, à notre connaissance, mises récemment au jour sur le territoire de l'ancienne cité des Nerviens.
David Colling et Laetitia Zeippen, auteurs d'un article intitulé "Nouveau regard sur le « monstre marin » gallo-romain d’Arlon : un exemple de Capricorne ?." (In : Bulletin trimestriel de l'Institut Archéologique du Luxembourg, 2009, vol. 85, no 1, p. 31) affirment l'originalité du serpent criocéphale :
[...] Contrairement aux premières hypothèses citées qui renvoyaient à la mythologie gréco-romaine, celle du dieu serpent à tête de bélier faisait référence à une divinité connue dans la mythologie celtique; ce dieu était, selon Paul-Marie Duval, un symbole hybride de la fécondité du sol et de la force brutale (1).
Note : 1) DUVAL P. M., La vie quotidienne en Gaule durant la paix romaine, Paris, 1952, p. 307. [auteur précise que cette divinité apparaît souvent comme un attribut, mais aussi quelquefois comme une divinité indépendante. C'est une des rares divinités celtiques dont on possède clairement des représentations antérieures à l'époque romaine, notamment sur des monnaies gauloises. Cette image n'existe nulle part ailleurs que chez les Celtes.
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Symbolisme celte :
Paul-Marie Duval, auteur de "Cultes gaulois et gallo-romains. 1. Données rituelles et mythologiques attestées". (In : Publications de l'École Française de Rome, 1989, vol. 116, no 1, pp. 235-249) consacre une partie au serpent criocéphale :
Le serpent sacré à tète de bélier. Ce monstre du bestiaire divin celtique se présente anonymement, seul ou compagnon d'un dieu. Quand la tête est celle du bélier, sont réunies la puissance combative de ce quadrupède chef et conducteur du troupeau, et les qualités prestigieuses du reptile : il vit en contact constant avec la terre, se glisse dans ses anfractuosités, dans les marécages et dans les eaux, renouvelle sa peau chaque année comme le cerf refait ses bois; il est fort de son venin, de ses anneaux, de son regard qui fascine plus d'une proie et brille même à travers ses paupières transparentes, de sa ruse silencieuse; enfin, il peut s'apprivoiser. Parfois, la tête est celle du serpent mais cornue et l'animal composite possède les mêmes vertus combinées sans que le bélier soit identifiable.
Ce monstre sacré accompagne le dieu aux bois de cerf dès le IVe siècle avant J.-C. sur les gravures rupestres du Val Camonica (Alpes italiennes), et dans la première moitié du Ier siècle avant J.-C. sur le bassin de Gundestrup (Danemark), probablement fabriqué aux abords de la mer Noire : cette alliance ancienne et durable est donc bien attestée, aux frontières de la Gaule et, vraisemblablement, jusque dans la Celtique de l'Est. Sur ce dernier objet, le serpent cornu figure aussi seul, en tête du défilé des guerriers; il a les qualités nécessaires pour conduire mythiquement cavaliers et fantassins (dans ce rôle, on lui a prêté une valeur funéraire, qui n'est pas assurée). Sur des monnaies gauloises (chez les Séquanes de Togirix), il figure au-dessous d'un cheval, peut-être dans une scène de combat. Sur d'autres monnaies, celles des Boiens de Bohême descendus le long du Danube jusqu'à Bratislava, au Ier siècle avant J.-C, se voit une sorte de serpent à cornes mais dont le corps est plus gros par rapport à sa longueur (assez faible) que celui d'un reptile et dont la tête est plutôt d'un quadrupède imaginaire comme celle des dragons, avec parfois l'esquisse de cornes enroulées.
A l'époque romaine, le reptile monstrueux accompagne un dieu et une déesse de la guerre sur le pilier de Mavilly (Côte-d'Or) et figure sur un autel dédié à Mercure, à Beauvais (Oise). Il est tenu par Cernunnos sur des bas-reliefs votifs, où le dieu le nourrit. Des bracelets des îles Britanniques à tige serpentine enroulée, du type armille, portent aux deux bouts une tête de bélier. Un torque tubulaire ouvert, à deux têtes d'élan plutôt que de cheval, mais sans les bois, datable du IIe siècle avant J.-C, provient de Vieille-Toulouse (Haute-Garonne). Il est évident que l'être composite formé d'une tête de quadrupède, notamment cornu, et d'un corps de serpent était, d'un bout à l'autre de l'Europe celtique et particulièrement en Gaule où il a survécu à la conquête romaine, un monstre sacré familier.
Laëtitia Rodriguez, autrice de "Mercure dans les provinces d’Aquitaine et de Lyonnaise à travers les attestations archéologiques de son culte". (In : Aquitania : une revue inter-régionale d'archéologie, tome 21, 2005. pp. 400-401) relie le serpent criocéphale à la fécondité :
De même, on remarque que le caducée de Mercure rappelle parfois des serpents entrelacés, notamment dans les figurines de terre cuite. Il faut voir là le reflet d’une iconographie plus explicite, où des serpents à tête de bélier se substituent totalement à l’attribut classique, et dont l’existence est prouvée par le petit Mercure en bronze trouvé à Rouy dans la Nièvre. Hormis en lieu du caducée, le serpent à tête de bélier est également associé à plusieurs reprises à Mercure, notamment en Gaule Belgique. Or, dans la symbolique celtique, cet animal évoque la fécondité.
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Selon René et Claudine Bouchet, auteurs de Rituels secrets des Druides d'aujourd'hui (Éditions TrajectoirE, 2008), Samonios, le temps des Semailles, est l'occasion d'honorer le Serpent à tête de Bélier se mordant la queue.
Les auteurs en rappellent brièvement le symbolisme : "D'une part, le serpent exprime la connaissance et d'autre part, le serpent naît de l’œuf primordial. il est issu de la Terre, et sa figuration circulaire - le serpent se mordant la queue - exprime la connaissance qui se renferme que elle-même, du commencement à la fin.
Le Serpent à tête de Bélier représente la lumière créatrice de la vie."
Selon Gilles Wurtz, auteur de Chamanisme celtique, Animaux de pouvoir sauvages et mythiques de nos terres (Éditions Véga, 2014),
"Le Serpent Fleuve de Vie est un esprit animal issu d'une métamorphose, il a le corps d'une couleuvre et la tête d'un bélier. Sa taille est impressionnante. Selon la mythologie celtique, il est le grand fécondateur de l’œuf à l'origine de toute vie sur Terre. Il est le gardien de l'ensemble de cette vie dont il est responsable. Son effigie est gravée sur des objets ou des pierres datant de l'époque celtique, la plus connue est sans aucun doute celle que l'on peut voir sur le célèbre chaudron de Gundestrup : le grand esprit de la nature Cernunnos, coiffé de bois de cerf, assis en tailleur, y tient dans une main le serpent Fleuve de Vie.
Voici l'histoire du mythe de la création de la vie par le serpent Fleuve de Vie telle que me la racontait mon mentor :
Tout au début, bien avant la vie sur terre, il n'y avait rien, que des étendues désertiques. Seuls quelques grands esprits parcouraient l'immensité inanimée. Un de ces esprits avait l'apparence d'un serpent géant, une couleuvre précisément. Un jour, alors que cet esprit arpentait un désert de sable, il découvrit un objet inconnu. C'était un œuf d'un blanc immaculé, plus grand qu'un homme d'aujourd'hui. Cet œuf était debout, fièrement fiché dans le sable. L'esprit du serpent se mit à tourner autour de cet objet magnifique et parfait à ses yeux. Il resta auprès de lui pendant des heures, des jours. Captivé par la beauté de l’œuf, il ne pouvait se résoudre à partir en laissant là ce merveilleux objet. Il resta donc et tomba complètement sous le charme de l’œuf, se lovant autour de lui pour le féconder. Peu après, l’œuf se fendit. De ses fissures irradiait une lumière si pure et si éblouissante qu'il était impossible de la regarder. Quand toute la lumière contenue dans l’œuf se fut échappée, celui-ci s'ouvrit, déversant cette fois la vie qui alla se répandre sur l'ensemble de la Terre. Ainsi naquirent les règnes humain, animal, végétal et minéral. A partir de ce moment, l'esprit du serpent sentit un besoin très fort de muer. Sa métamorphose terminée, il était devenu une couleuvre à tête de bélier, gigantesque et majestueuse.
Alors une voix se fit entendre provenant du ciel, qui nomma le serpent "Fleuve de Vie". Depuis ce jour, le serpent devint l'esprit gardien de l'ensemble de la vie sur Terre.
Applications chamaniques celtiques de jadis : Le Serpent Fleuve de Vie était l'un des esprits les plus sacrés pour les Celtes, ainsi que l'un de ceux qu'ils priaient le plus. Il était le grand protecteur universel, le rempart inébranlable contre ce qui pouvait nuire à la vie sur Terre. des prières et des offrandes quotidiennes lui étaient adressées pour le remercier d'avoir participé à la création de tous les règnes vivants et de les protéger toujours. Au printemps, durant les festivités de Beltaine, une cérémonie spéciale lui était destinée pour l'honorer d'avoir ensemencé l’œuf qui donné la vie première. Beltaine était également le moment où le bétail devait traverser les feux sacrés pour être protégé des maladies et des épidémies pour l'année à venir. La nuit venue, les feux e voyaient de loin et guidaient les jeunes gens, les invitant à venir vivre cette fête de rencontres pour s'unir, dans le but de former une famille. ces célébrations de printemps étaient pour les Celtes une façon d'éviter la consanguinité. Ils priaient l'esprit du serpent Fleuve de Vie à ce moment-là pour qu'il vienne répandre son énergie de fertilité. C'est à lui aussi que s'adressaient hommes ou femmes confrontés à des problèmes de stérilité. Ils allaient à sa rencontre à travers des voyages chamaniques pour lui demander de leur transmettre son énergie féconde, mais aussi ses conseils pour que les circonstances d'une conception soient les plus bénéfiques. Les guérisseurs ou chamans que l'on venait consulter pour des raison identiques faisaient également appel au serpent Fleuve de Vie.
Applications chamaniques celtiques de nos jours : Un couple qui pratique le chamanisme celtique et qui souhaite concevoir un enfant peut aller à la rencontre de l'esprit du serpent Fleuve de Vie pour lui demander conseil sur le moment où les circonstances propices ou, tout simplement, lorsque les deux conjoints sont prêt, pour lui demander de bien vouloir imprégner leur acte d'amour de son énergie de fertilité. De même, toute personne qui pratique le chamanisme celtique, et qui craint pour sa fertilité, peut travailler avec le serpent Fleuve de Vie.
Toute famille ouverte au chamanisme celtique peut prier régulièrement l'esprit du serpent Fleuve de Vie, grand gardien de la vie, pour lui demander de veiller sur l'ensemble du foyer.
Mot-clef : Le Gardien de la Vie."
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Gérard Poitrenaud propose un article intitulé "Le motif celtique du serpent à tête de bélier, un germe de vie ?' (2016) :