La Perche
- Anne

- 16 mars 2017
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 sept.
Étymologie :
PERCHE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1170 (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4239). Du lat. perca « id. » empr. au gr. π ε ́ ρ κ η.
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Perca flavescens - Perchaude - Perche canadienne - Perche jaune -
Perca fluviatilis - Perchaude - Perche commune - Perche européenne -
Usages traditionnels :
Jocelyne Paquette, autrice de L'île Manitoulin. (Centre FORA, 1991) rend compte d'une tradition solidement ancrée :
La pêche à la perchaude : Sur l'île Manitoulin, la pêche à la perchaude est un sport favori. Le concours de la longue fin de semaine de mai attire beaucoup de pêcheurs.
Pendant cette période, les perchaudes sont prêtes à pondre. Elles voyagent en bandes pour se rendre dans les eaux peu profondes de la baie. Là, elles cherchent de longues herbes marines pour déposer leurs œufs. C'est là que les pêcheurs les attendent. Le meilleur temps pour prendre de la perchaude est entre 5 h 30 et 7 h du matin.
Au temps de la ponte, la femelle pèse de une à deux livres. Elle a en moyenne de cinq à six ans.
La perchaude est délicieuse à manger. Aussi, le dernier soir de la fin de semaine du concours, un souper à la perchaude est servi à Providence Bay. C'est à ce moment-là que se fait la distribution des prix aux gagnants.
Dans Le guide alimentaire du Saint-Laurent. Un guide sur le potentiel alimentaire des ressources aquatiques du Saint-Laurent. (Saint-Laurent Vision 2000, 2003) Carole Blanchet et Éric Dewailly précisent les qualités alimentaire de la perche canadienne :
Caractéristiques et qualités organoleptiques : La perchaude est un petit poisson d’eau douce qui est très apprécié. Sa chair blanche et ferme, dont la saveur est particulièrement appréciée en saison froide, a un goût délicat qui ne demande pas à être épicée. La perchaude est de plus en plus disponible dans les supermarchés et est vendue en entier ou en filet.
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Symbolisme :
Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on découvre que :
La perche est le "symbole de l'appétit sexuel en Extrême-Orient.
Ce poisson est considéré en Chine comme un aphrodisiaque. Avoir de l'appétit pour la perche, être avide de la perche sont des locutions imagées qui s'interprètent en conséquence."
Selon Brigitte Gauvin autrice de "Carolus Figulus-Ichtyologia". (Inter litteras et scientias, recueil d’études en hommage à Catherine Jacquemard, 2019, pp. 33-63) :
Le dialogue Ichthyologia se situe à l’intersection de la littérature, de la philologie et de l’ichtyologie. En une quinzaine de pages, sous la forme éminemment didactique du dialogue, Figulus imagine une discussion entre Johannes Seyler (Sylius), dont il éduque les fils, et un locuteur nommé Anonyme qui est en fait Figulus lui-même, comme l’épître dédicatoire le montre clairement. Le dialogue semble s’orienter au départ vers l’ichtyologie : l’Anonyme demande en effet à Sylius de lui présenter les poissons de la Moselle, pour mieux les connaître. Mais en fait, les interlocuteurs ne s’intéressent pas directement aux créatures du fleuve : ils partent du poème d’Ausone et étudient successivement les poissons qui figurent dans le poème Mosella. Ce faisant, ils abordent le problème des synonymies, s’interrogeant sur le lien entre les différentes dénominations ‒ latines, grecques et vernaculaires ‒ et la réalité zoologique qu’ils recouvrent.
[...]
Sylius - À quelle langue, selon toi, appartient le mot perca ? Au grec, au latin, au français ou à l’allemand ?
Anonymus - Perca est un mot emprunté au grec. Car chez eux perca se dit πέρχη ; d’où une expression célèbre chez eux : ἀντὶ πέρχης σκορπίον ἔλαβον, c’est-à-dire : « J’ai attrapé un scorpion à la place d’une perche ». Pour Érasme, cet adage s’emploie chaque fois qu’une personne, cherchant à attraper le meilleur, trouve le pire. Les Français appellent ce poisson « perche » ; mais les Mosellans, comme tu l’as indiqué en note en marge de cet exemplaire d’Ausone que tu m’as offert, appellent la perche bersich.
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Symbolisme alimentaire :
Thierry Argant, auteur d'un article intitulé "Le gibier et le monde sauvage à Lyon à l’époque antique et alentours." (Communication faite à Poitiers, 2007 env.) étudie la manière de se nourrir des Gallo-Romains :
[...] Un troisième monde, qui n’est pas considéré comme « gibier », revêt quant à lui une importance fondamentale dans l’approvisionnement de la ville : le Poisson (figure 1). Cette source de protéines a été exploitée très tôt à Lyon qui est riche de ses deux cours d’eaux aux caractéristiques complémentaires. Cependant, la fragilité des ossements des poissons et les conditions de réalisation de la plupart des fouilles archéologiques de sauvetage ne permettent que rarement de signaler leur présence directement. Les objets liés à cette activité sont également rarement retrouvés ou identifiés comme tels. A Lyon, la pêche est attestée dès le Néolithique et repose alors exclusivement sur l’exploitation des ressources locales. L'arrivée des Romains bouleverse totalement ces habitudes. Dès les années 20 avant notre ère, on voit ainsi apparaître des maquereaux (Scomber scombrus) et des thons (Thunnus sp.).
Vers 10 de notre ère, dans une fosse ayant contenu les reliefs d'un festin, on retrouve le maquereau, accompagné de plie commune (Pleuronectes platessa), d'un Mugilidé, mais aussi de saumon (Salmo salar) et de perche (Perca fluviatilis). [...]
Avec la perche, qui peut provenir de la Saône ou du Rhône, on observe que les romains nouvellement installés, tout en conservant leur culture culinaire méditerranéenne, réservée toutefois à l'élite, ou tout au moins aux grandes occasions, s'adaptent rapidement à la faune piscicole locale. Sur les sites plus tardifs, du IIIe et du IVe siècle, on ne trouve plus que des restes de Cyprinidés et de brochet (Esox lucius). Avec toutes les précautions que nécessite l'interprétation d'ensembles restreints et dispersés dans le temps et dans l'espace (géographique et social), on constate un retour très net à l'utilisation des ressources locales. Les raisons en seraient diverses : une acculturation progressive par l'oubli des racines originelles ; le brassage des populations ; le déclin de la cité, qui ne produit plus assez de richesses pour permettre un approvisionnement de produits aussi fragiles et par là même très chers…
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