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Le Goujon





Étymologie :


Étymol. et Hist. Début xiiie s. gujon (Alexandre Neckam, De nominibus utensilium, éd. A. Scheler, p. 61, note 29). Du lat. class. cobius, gobius, lat. imp. gobio, -onis « id. », empr. au gr. κ ω ϐ ι ο ́ ς.


Vous pouvez découvrir également la définition du nom goujon afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Gobio gobio - Couvion - Gobi - Gouvin - Gouvion - Grasse - Moustachu - Touret - Trégan - Trégou -

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Pour remédier à la maigreur ou au rachitisme d'un enfant, il faut poser sur son ventre trois goujons ; quand ces poissons sont desséchés, on les lance par-dessus son épaule sans se retourner.

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Contes et légendes :


Dans la Revue des Traditions populaires, tome XXVII, n°11, novembre 1912, la Société des Traditions populaires (Paris) rapporte un schéma récurrent de conte de transformation et ses variantes. L'une d'entre elles met en scène un goujon :


Comme type de conte ayant la poursuite dans l'eau seulement, nous pouvons indiquer le conte roumain du Bannat, cité un peu plus haut, en note. Ici, comme dans bien d'autres contes de cette famille, le cheval est mené à l'abreuvoir ; il s'y change en goujon. Le diable le poursuit à la nage (sans transformation) ; mais le goujon saute sous forme de bague au doigt de la fille de l'empereur, qui est sur la rive, en train de se laver. Après la singulière intercalation que nous avons indiquée plus haut, en note, le dénouement est à peu près le dénouement ordinaire.


Note : Dans le conte roumain du Bannat (mentionné au § 8 c), la princesse prie son père, sur le conseil du jeune homme, de dire au magicien (diable) que l'anneau ne lui sera donné que s'il construit un pont d'or.

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Littérature :


Les dauphins, les baleines et le goujon

Des dauphins et des baleines se livraient bataille. Comme la lutte se prolongeait et devenait acharnée, un goujon (c’est un petit poisson) s’éleva à la surface et essaya de les réconcilier. Mais un des dauphins prenant la parole lui dit : « Il est moins humiliant pour nous de combattre et de périr les uns par les autres que de t’avoir pour médiateur. »

De même certains hommes qui n’ont aucune valeur, s’ils tombent sur un temps de troubles publics, s’imaginent qu’ils sont des personnages.


Ésope, (fin VIIè siècle - début VIe siècle av. J. C.) ; traduction par Émile Chambry, Fables

Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927.

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Jules Renard nous propose dans ses Histoires naturelles (1874) de petits portraits ou historiettes relatives aux animaux les plus communs mais pourtant tous plus étonnants les uns que les autres.


Le goujon


I

Il remonte le courant d’eau vive et suit le chemin que tracent les cailloux : car il n’aime ni la vase, ni les herbes.

Il aperçoit une bouteille couchée sur un lit de sable. Elle n’est pleine que d’eau. J’ai oublié à dessein d’y mettre une amorce. Le goujon tourne autour, cherche l’entrée et le voilà pris.

Je ramène la bouteille et rejette le goujon.

Plus haut, il entend du bruit. Loin de fuir, il s’approche, par curiosité. C’est moi qui m’amuse, piétine dans l’eau et remue le fond avec une perche, au bord d’un filet. Le goujon têtu veut passer par une maille. Il y reste.

Je lève le filet et rejette le goujon.

Plus bas, une brusque secousse tend ma ligne et le bouchon bicolore file entre deux eaux.

Je tire et c’est encore lui.

Je le décroche de l’hameçon et le rejette.

Cette fois, je ne l’aurai plus.

Il est là, immobile, à mes pieds, sous l’eau claire. Je distingue sa tête élargie, son gros œil stupide et sa paire de barbillons.

Il bâille, la lèvre déchirée, et il respire fort, après une telle émotion.

Mais rien ne le corrige.

Je laisse de nouveau tremper ma ligne avec le même ver.

Et aussitôt le goujon mord.

Lequel de nous deux se lassera le premier ?


II

Décidément, ils ne veulent pas mordre. Ils ne savent donc pas que c’est aujourd’hui l’ouverture de la pêche !


 

Poissons

[…]

Tout de suite, il s’amusa autant qu’il pouvait. Cette matinée lui semblait délicieuse, non pas seulement parce qu’il pêchait, mais parce qu’il respirait un air léger, parce qu’il voyait miroiter l’Yonne, suivait de l’œil une course sur l’eau de moustiques à longues pattes, et écoutait des grillons chanter derrière lui.

Certes, la pêche l’intéressait aussi, beaucoup.

Bientôt, il prit un poisson.

Ce n’était pas une aventure extraordinaire pour M. Vernet. Il en avait pris d’autres ! Il ne s’acharnait pas après les poissons, il était homme à s’en passer, mais chaque fois qu’un poisson mordait trop, il fallait bien le tirer de l’eau. Et M. Vernet le tirait toujours avec un peu d’émotion. On la devinait au tremblement de ses doigts qui changeaient l’amorce.

M. Vernet, avant d’ouvrir son sac, posa le goujon dans l’herbe. Il ne faut pas dire : « Quoi ! Ce n’était qu’un goujon ! » Il y a de gros goujons qui agitent si violemment la ligne que le cœur du pêcheur bat comme à un drame.

M. Vernet, calmé, rejeta sa ligne à l’eau et au lieu de mettre le goujon dans le sac, sans savoir pourquoi (il ne sut jamais le dire), il regarda le goujon.

Pour la première fois, il regarda un poisson qu’il venait de prendre ! D’habitude, il se dépêchait de lancer sa ligne à d’autres poissons, qui n’attendaient qu’elle. Aujourd’hui, il regardait le goujon avec curiosité, puis avec étonnement, puis avec une espèce d’inquiétude.

Le goujon, après quelques soubresauts qui le fatiguèrent vite, s’immobilisa sur le flanc et ne donna plus signe de vie que par les efforts visibles qu’il faisait pour respirer.

Ses nageoires collées au dos, il ouvrait et fermait sa bouche, ornée, à la lèvre inférieure, de deux barbillons, comme de petites moustaches molles. Et, lentement, la respiration devenait plus pénible, au point que les mâchoires hésitaient même à se rejoindre.


« C’est drôle, dit M. Vernet, je m’aperçois qu’il étouffe ! »

Et il ajouta :

« Qu’il souffre ! »

C’était une remarque nouvelle, aussi nette qu’inattendue. Oui, les poissons souffrent quand ils meurent ; on ne le croit pas d’abord, parce qu’ils ne le disent pas. Ils n’expriment rien ; ils sont muets, c’est le cas de le dire ; et par ses détentes d’agonie, ce goujon semblait jouer encore !

Pour voir les poissons mourir, il faut, par hasard les regarder attentivement, comme M. Vernet. Tant qu’on n’y pense pas, peu importe, mais dès qu’on y pense !... «

[…] M. Vernet roula sa ligne, cacha au pied d’un saule les deux poissons qu’une loutre y trouverait peut-être et s’en alla.

Il semblait plutôt gai et méditait en marche.

« Je serais sans excuse, se disait-il. Chasseur, même si je pouvais m’offrir avec mon argent d’autre viande, je mangeais du moins le gibier, je me nourrissais, je ne donnais pas la mort uniquement par plaisir, mais Mme Vernet rit bien, quand je lui apporte mes quelques poissons raides et secs, et que je n’ose même pas, honteux, la prier de les faire cuire. C’est le chat qui se régale. Qu’il aille les pêcher lui-même s’il veut ! Moi, je casse ma ligne ! » Cependant, comme il tenait encore les morceaux brisés, M. Vernet murmura, non sans tristesse :

« Est-ce enfin devenir sage, est-ce perdre déjà le goût de vivre ? »

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