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L'Escargot



Étymologie :


  • ESCARGOT, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1393 escargol (Ménagier, II, 223 ds T.-L.) ; 2. 1549 escargot (Est.). Empr. au prov. escargol « id. » (cf. av. 1649, glossaire des Œuvres de P. Goudelin, éd. J.-B. Noulet ; l'emploi culinaire des escargots vient du Sud), issu du type caragol (v. formes dial. occitanes ds FEW t. 2, p. 1005a) transformé prob. sous l'infl. des descendants occitans du lat. scarabaeus (v. a. prov. escaravat, etc. « escarbot » ds FEW t. 11, p. 288b) ; caragol est issu par métathèse de cagarol, cacalaou « escargot » (v. caracol).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Zoologie :


Eugène Caziot dans "Le chant des mollusques et principalement de l'escargot". (In : Annales de la Société linnéenne de Lyon, tome 60, Année 1913. 1914. pp. 39-44) explique l'origine du chant de l'escargot :


Le bruit que fait entendre l'Hélix s'entend le plus souvent la nuit. C'est un son assez intense, puisqu'on le perçoit d'une chambre à une autre, périodique et comparable aux sons musicaux qu'on obtient lorsqu'on frotte avec un doigt mouillé les bords d'un verre à boire. On a essayé d'expliquer comment un vulgaire escargot pouvait produire ce bruit singulier. On a émis l'idée qu'il était le résultat du broyage des aliments par la radule de l'animal : on sait que la radule est la langue des escargots. Elle est en forme de ruban et recouverte d'une multitude de petites dents, bien rangées systématiquement. On en compte i/|.ooo chez l'Hélix aspersa, 21.000 chez l'Hélix vigneronne, etc.

C'est une véritable râpe, complètement soudée à la lèvre inférieure et animée d'un mouvement de déglutition, de va-et-vient, d'avant en arrière. Elle frotte, en même temps, sur la lèvre supérieure, laquelle est armée d'une denture coupante qui, elle, reste fixe. Ces dents supérieures ne servent pas au broyage des plantes ni à celui des autres denrées ; elles s'implantent dans celles-ci pour les maintenir, pendant que la radule râpe la matière et l'entraîne dans la bouche. [...]

C'est par ce perpétuel mouvement sur les roches décomposées à leur surface que le mollusque absorbe la chaux qui lui est nécessaire pour construire sa coquille, car ce qu'il trouve dans les plantes n'est pas suffisant. Le mouvement de la radule ne produit aucun bruit appréciable.

Ce bruit spécial a été signalé par M. Vlès, dans une séance de la Société Zoologique, et étudié par lui à Roscoff, pendant l'été de 1909. Il en a déduit que le bruit qu'il compare, comme timbre, au grincement d'un tour à métaux, est produit par le frottement de la coquille contre la vitre sur laquelle l'animal se meut.

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Selon Matt Pagett, auteur de Le petit livre de merde (titre original What shat that ?, Quick Publishing, 2007 ; édition française Chiflet & Cie, 2008) :


"Les escargots sont à la fois utiles et nocifs : dans les champs ils bousillent les récoltes. Mais dans les aquariums, ils entretiennent la pureté de l'eau en mangeant les algues et les crottes des poissons. Ils laissent derrière eux une trace brillante et baveuse.


Description : Il est amusant de constater que la nourriture ingérée par l'escargot déteint sur sa coquille et, bien sûr, sur ses excréments, petits cordons qui émergent de la coquille. Humides quand ils sont frais, ils deviennent fragiles et friables en séchant.

Si l'escargot a goûté à une nourriture riche en eau, sa crotte pue terriblement.


Mais par où sort-elle ? Compliqué de s'y retrouver car la plupart des organes se trouvent dans la masse viscérale enfermée dans la coquille : la langue dentée, "radula", qui fait office de râpe, est formée de dents chitineuses (la chitine est un des composants de l'exosquelette des crustacés et des insectes). La nourriture est broyée, puis détruite par les sucs digestifs avant de passer dans l'œsophage, l'estomac et l'intestin, et les déchets sont ensuite expulsés par l'anus situé sous la coquille, à côté de la bouche ! Ainsi la nourriture voyage en spirale, fait le tour des organes digestifs, avant de revenir à la case départ.


Culture de champignons : en 2003, un escargot marin a été soupçonné d'être à l'origine de la disparition de la flore des marais d'eau salée dans une région du sud-est des États-Unis. Cet escargot défèque en se déplaçant dans un terrain de prédilection mais comme dans sa crotte se trouvent des spores de champignons qui se répandent su la végétation il contamine les engrais.


Léché pour compte : On peut contracter la méningite après un contact avec un escargot mais seulement si on l'a léché."

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Dans le Hors-série de Causette (été 2018) intitulé « Histoires d'A...mours », Claudine Colozzi nous propose un petit "Kama-sutra des animaux" sous forme d'abécédaire :


W comme WTF

Il faut se méfier de l'eau qui dort. Le timide escargot est un adepte de pratiques limite sadomaso. Dès le début de l'accouplement, chaque animal enfonce une sorte de dard calcaire dans la chair de son partenaire. Ce harpon ne sert pas à transmettre le sperme, mais contribue seulement à se stimuler réciproquement pendant l'acte sexuel, qui peut durer - fidèle à sa réputation - une douzaine d'heures.






Gastronomie :

"Les archéologues ont démontré que les escargots ont été consommés depuis la préhistoire. On retrouve des monticules de coquilles parmi les restes de repas, sur différents sites archéologiques. On les préparait alors grillés sur les braises. Plus près de nous, au 4e siècle avant Jésus-Christ, Aristote nous apprend que les escargots étaient dégustés en hors d’œuvre. Il existait même une cuillère dont le manche était pointu, pour sortir l’escargot de sa coquille (cochlear). A Rome, Pline rapporte que les Romains étaient friands d’escargots et Apicius, le cuisinier des empereurs Auguste et Tibère, nous donne sa recette : « Mets tes escargots dans du lait additionné de farine de froment et dès qu’ils sont gavés, fais les frire à l’huile ». En Gaule romaine, c’est à la fin des desserts qu’ils sont servis. Au 11e siècle, le Pape Grégoire VII déclare que la chair des escargots est maigre. Alors les moines s’empressent de parquer ces petites bêtes autour de leurs couvents pour pouvoir les déguster pendant le carême. " Pendant la révolution, dans les ports charentais, les marins embarquaient des tonneaux d’escargots, pour avoir de la chair fraîche pendant les traversées."


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Croyances populaires :


l'erreur. ESCARGOT. Les enfants, lorsqu'ils trouvent ce mollusque si préjudiciable aux jeunes arbustes et aux plantes, ne manquent pas encore de le prendre et de lui chanter le couplet suivant sur un air fort monotone, jusqu'à ce qu'il ait montré ses tentacules, appelées vulgairement ses cornes :


Escargot, Vítrigot,

Montre-moi tes cornes,

Si tu ne me les montres pas,

Je te couperai la tête

Avec mes ciseaux de bois

Qui sont sur ma fenêtre.


Voici la chanson que chantent les enfants dans le canton de Vézelise :


Escargot, escargot d'angorne,

Montre-moi les quatre cornes,

Je t'enseignerai ton père et ta mère

Qui pilent de l'orge,

Derrière la porte Saint-George,

Pour mettre dans ta grande gorge, gorge, gorge. (Tradit. lorraines. Richard.)

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Selon Jean Baucomont, auteur d'un article intitulé "Les formulettes d'incantation enfantine", paru dans la revue Arts et traditions populaires, 13e Année, No. 3/4 (Juillet-Décembre 1965), pp. 243-255 :

La tradition orale se perpétue dans le folklore de la vie enfantine. […] Une des catégories les plus curieuses de ces formulettes est celle des formulettes d'incantation.

L'incantation, nous disent les dictionnaires, signifie étymologiquement : un enchantement produit par l'emploi de paroles magiques pour opérer un charme, un sortilège. Le recours à l'incantation postule une attitude mentale inspirée par l'antique croyance au pouvoir du verbe, proféré dans certaines circonstances.

[…]

« L'incantation, dit Bergson, participe à la fois du commandement et de la prière. »On constate effectivement, que la plupart des formulettes d'incantation comportent à la fois une invocation propitiatoire : promesse d'offrande en cas de succès et une menace de sacrifice expiatoire, d'immolation en cas d'échec. Ce qui est proprement le caractère de l'opération magique traditionnelle.

[…]

C'est encore une série très nombreuse. Et les noms du mollusque sont souvent très différents : Cacalaus (Provence) ; Cacalousette (Gard) ; Cagaraulette (Hérault) ; Cagouille (Charente) ; Caracole (Flandre) ; Calimichon (Artois) ; Coquereuille (Jura) ; Cornillot (Picardie) ; Colimaçon (partout en France) ; Emichon, Emuchon (Picardie) ; Escarbot (Languedoc) ; Escarguille (Bourgogne) ; Escargot (Champagne) ; Glinemace (Dauphiné) ; Lima, Luma (Bretagne) ; Limar (Beauce) ; Malicorne (Limousin) ; Moule, Moulette (Flandre).


Cacalaus, cacalaus, mourgueto

Sorte leû ti belli baneto

Sorte leû de ta cabaneto

O senoun te roumpraï toun pichot mounastré.

(Provence), cité par Frédéric Mistral, (Mireille)


Traduction : Escargot, escargot moinillon - Sors-les tes belles cornes - Sors-les de ta cabanette - Ou sinon je te briserai ton petit monastère.

Cacalousetta

Sors ti banette

Te donnneraï

Un grand dé saü

Per faÏre ta soupetta.

(Languedoc)

Traduction : Petit escargot - Sors tes petites cornes - Je te donnerai - Un grain de sel - Pour faire ta soupe.


Colimaçon borgne

Montre-moi tes cornes

Si tu me les montres bien

Je te mène chez le marchand de vin.

Si tu ne me les montres pas.

Je te mets au fond de mon bas.

(Savoie)

Escargot berlingot

Fais moi voir tes cornes

Ou je te mets dans la casserole.

(Marseille)

Escargot gris, escargot vert

Montre-moi tes cornes.

Escargot gris, escargot vert

On te mettra le ventre en l'air.

(Languedoc)

Escargot mirogot

Montre-moi tes cornes.

Si tu ne me les montres pas.

Je te coupe le cou

Avec mon grand couteau de Saint-Georges

(Franche-Comté)

Lima lima

Montre-moi tes cornes

Je te dirai où sont

ton père et ta mère :

Ils sont derrière la porte

A manger des caillebotes.

(Bretagne)

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Symbolisme :


Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982), on peut lire que :


L'escargot est "universellement symbole lunaire. Il indique la régénération périodique : l'escargot monter et cache ses cornes comme la lune apparaît et disparaît ; mort et renaissance, thème de l'éternel retour.

Il signifie aussi la fertilité : la spirale, liée aux phases de la lune, et le développement de la corne. Comme tel, l'escargot devient le lieu de la théophanie lunaire, comme dans l'ancienne religion mexicaine où le dieu de la lune, Tecçiztecatl, est représenté enfermé dans une coquille d'escargot.

Comme le coquillage, l'escargot présente un symbolisme sexuel : analogie avec la vulve, matière, mouvement, bave.

Il symbolise encore le mouvement dans la permanence. La forme hélicoïdale de la coquille de l'escargot terrestre ou marin constitue un glyphe universel de la temporalité, de la permanence de l'être à travers les fluctuations du changement.

Chez les Aztèques l'escargot symbolisait couramment la conception, la grossesse, l'accouchement, (d'après Jackson The Aztec Moon-Cult). Au Dahomey, il est considéré comme un réceptacle de sperme.

Dans les hiéroglyphes égyptiens, la spirale était représentée par un escargot. Il pourrait symboliser, comme cette figure géométrique très répandue dans la nature, l'évolution de la vie.

En Afrique du Nord, on confectionne des chapelets avec des coquilles d'escargot... L'escargot rappelle la corne des béliers... De plus, il participe de l'humide et ne sort de terre, comme disent les paysans, qu'après la pluie. Il se trouve lié au cycle des champs, devenu le symbole de la fécondité donnée par les morts, la parure presque nécessaire de l'ancêtre revenu sur la terre des hommes pour la féconder, porteur de tous les symboles de la face du ciel et des orages bienfaisants."

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Pour comprendre l'ésotérisme de "l'escargot tout chaud" de la fameuse comptine de La Souris verte, lire le document suivant de Gauthier PIEROZAK.

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019) Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Symbole lunaire, l'escargot "indique la régénération périodique : (il) montre et cache ses cornes comme la lune apparaît et disparaît". Chez les premiers chrétiens qui en plaçaient parfois dans les tombes, il symbolisait l'immortalité de l'a^me et la résurrection : "L'escargot, en effet, quand vient l'hiver, se cloître dans sa coquille et la ferme au moyen d'"un opercule sécrété par lui. Au printemps, il le soulève et semble renaître à la vie. Ainsi l'âme du chrétien soulève le couvercle du sépulcre pour s'envoler au ciel".

Cependant, les Italiens en ont fait une créature diabolique, peut-être à cause de ses cornes, tandis qu'un auteur a relevé en Bretagne l'utilisation d'une coquille d'escargot pour le maléfice de l'aiguillette : "J'ai vu dans un village breton, écrit-il, un sorcier se livrer au nouement des aiguillettes. Il s'était assis en bordure d'un chemin où il savait que son ennemi devait fatalement passer. Il tenait à la main une coquille d'escargot vide. L'homme, toujours jeune, s'avança bientôt. Alors le sorcier, sans le quitter du regard, se mit à psalmodier : Toi qui avances sur cette route, et vas vers ta demeure, toi qui marches vers ton épouse, que les veines de ton corps s'amollissent, que ton membre viril s'enroule et t'abandonne comme l'escargot qui a quitté sa coquille." (Francis Bearney, Prière à Satan).

Il ne faut pas pour autant en conclure au caractère maléfique de l'escargot dont les cornes mêmes lui ont été attribuées à sa demande par le Créateur : selon la légende, "l'escargot, qu'on suppose aveugle, fut créé avec de bons yeux ; mais sans cesse exposé à les avoir blessés en rampant sur la terre, il pria le bon Dieu de les lui ôter et de les remplacer par des cornes".

Par ailleurs, si aux États-Unis en tuer un porte malheur, on ne trouve pas, semble-t-il, une telle croyance en Europe.


En France, les présages attachés à l'escargot sont peu nombreux. Paul Sébillot mentionne juste ce fait, plus facétieux que réellement superstitieux : "On raconte, dans la Côte-d'Or, qu'un mari prit un escargot et lui demanda ce que faisait sa femme en ce moment : l'escargot lui montra ses cornes."

En Angleterre, un escargot noir qui traverse un chemin est signe d'infortune, mais en voir un lorsqu'on sort de chez soi pour partir en voyage est un bon signe à condition de le saisir par les cornes et de le jeter par-dessus l'épaule gauche (se tromper d'épaule est funeste). Les mineurs qui rencontraient un escargot au début de la journée lui donnaient un peu de nourriture pour éviter la malchance. En Angleterre toujours, si on enferme un colimaçon dans une boîte ou un plat pendant la nuit de Halloween, on peut dire le lendemain, tracées à la bave, les initiales de son futur prétendant.

Depuis le Moyen Âge, les escargots sont abondamment utilisés dans la médecine magique. "Les limaçons à coquille ont des propriétés merveilleuses, affirme Albert le Grand, car étant broyés et appliqués sur le ventre d'un hydropique, font sortir les eaux qui sont juste entre deux peaux : il les y faut laisser jusqu'à ce qu'il tombent d'eux-mêmes". Des escargots pilés maintenus autour des poignets par des compresses (Vendée) ou appliqués vivants mais débarrassés de leur coquille sur la plante des pieds (Maine) améliorent l'état du fiévreux (dans les pays arabes, on pendait un collier d'escargots autour du col du bétail pour les protéger de la fièvre aphteuse).

Écrasés dans du sucre, ils viennent à bout d'une coqueluche. Contre la toux, selon un remède encore utilisé, dit-on, en Grande-Bretagne, il faut faire boire au malade du sirop d'orgeat dans lequel trois escargots ont bouilli. Trois escargots écrasés et appliqués sur le doigt soignent un panaris en Anjou ; un seul mais vivant frotté sur une verrue puis empalé, sur une épine par exemple, la fait disparaître. Il arrête également le flux de sang s'échappent d'une blessure.

Selon la Revue des traditions populaires de 1912, à Paris, "pour guérir les clous, furoncles ou plaies de mauvaise nature, on achète aux marchands qui étaient leurs escargots sur les petites voitures pour un sou d'escargots ; il en donne deux, trois, quatre, suivant leur grosseur. On prend un escargot, on le maintient sur la plaie, il prend le mal, grossit, devient noir et le malade se trouve guéri après avoir répété l'opération deux ou trois fois".

En emplâtre, l'escargot soulage les maux de dents tandis que sa bave introduite dans le conduit auditif guérit les maux d'oreille. Les Anglo-Saxons préconisaient les cures de bave d'escargot, ou l'ingestion de l'animal vivant, pour remédier aux maladies respiratoires et à la tuberculose.

A Bourcefranc (Charentes-Maritime), jusqu'en 1945, on consommait traditionnellement au repas de la veille de Noël des escargots pour avoir de l’argent toute l'année.

Les escargots annoncent la pluie s'ils sortent et montent aux arbres... plus ils grimpent haut, plus il pleuvra -, d'où le surnom de "tambour des escargots" que donnent les Méridionaux à l'orage. en Bourgogne, on soutient que les barbarettes, variété d'escargots, escaladent les troncs deux jours avant les précipitations ; l'hiver sera doux si l'opercule qui ferme leur coquille à la fin de l'automne est très mince.

En 1850, certains "savants" fantaisistes élaborèrent un procédé appelé la boussole pasilalinique-sympathique, dont le principal agent était l'escargot : "Deux amis séparés par de grandes distances se seront munis chacun d'un escargot de même espèce, les auront magnétisés ensemble pour établir la sympathie : puis l'ami resté à Paris chargera son escargot des nouvelles qu'il veut transmettre à son ami installé à Pékin, et ce dernier répondra de la même manière ; par quels moyens faciles ? Nous l'ignorons mais en mars de la présente année, les journaux disaient qu'on était à la veille de résultats satisfaisants, et les spirites affirment que cette découverte se rattache à ce que nos pères appelaient la magie naturelle. Un Américain prétend même que les escargots magnétisés parleront ; ou bien un esprit, de ceux qui tiennent aux tables, pourra parler pour eux". L'expérience, on s'en doute, a fait long feu et les escargots n'ont pas supplanté le télégraphe électrique !

Signalons enfin que pour trouver beaucoup d'escargots, il faut mettre sa veste à l'envers.

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Selon le site http://eglise.isleaumont.free.fr/escargot.html :


"De part et d'autre du portail de gauche, respectivement sous le blason des Ducs de Bourgogne et sous celui des Comtes de Champagne, sont représentés à gauche la coquille évidée d'un escargot mort, face à une voluptueuse feuille de choux, et à droite un escargot dévorant le haut d'une autre feuille de choux. Au départ de l'arc, à droite, on distingue par ailleurs un jeune escargot qui sort timidement de sa coquille.


L'escargot est mort, la feuille de choux renaît.

L'escargot mange la feuille de choux.

La présence d'escargots sur un édifice est le plus souvent la marque des compagnons bourguignons. Par ailleurs, l’escargot et sa coquille architecturée se prêtent aisément à une ornementation formelle, rappelant les volutes des feuilles d'acanthe de l'ordre corinthien ... Mais peut-on aller plus loin ?

A droite, l'escargot grandit et broute la feuille de choux ; il est vivant. A gauche, la feuille de choux se développe et la coquille est vide ; il est mort. La forme hélicoïdale de la coquille rappelle la spirale, qui symbolisait le mouvement, la vie chez les Celtes. Par ailleurs, l'escargot est un animal qui s'endort en hiver et se réveille au printemps ; il symbolise la résurrection chez les anciens. L'hypothèse la plus courue est donc que les escargots d'Isle-Aumont symboliseraient l'évolution de la vie et l'éternel recommencement.

Il existe une autre interprétation, peut-être plus plausible : Il faut savoir que l'escargot est considéré, au XIIIe siècle, comme "un ver issu de la corruption des plantes, du fait d'un temps excessivement chaud et humide" et que sa croissance "dépend du bon vouloir de la lune". Dans tout système symbolique, chaque animal est ambivalent. Il y a le bon et le mauvais escargot. Au sujet des impies, on trouve dans la Bible (Psaume 58, 9) : "Qu'ils aillent en se fondant comme le sablûl". Le sablûl désigne la limace ou l'escargot, qui semble se fondre en laissant sur son passage une humeur visqueuse.

Évocation constante de la couardise, l'escargot est aussi l'image du péché. Sa nature humide et froide et son extrême lenteur à se mouvoir caractérisent le péché d'acédie, somnolence qui engourdit le corps et l'âme et éloigne l'homme de Dieu. Enfin, lorsqu'il est enfoui dans la terre, l'escargot est en contact avec l'au-delà, les revenants, les spectres et les larves. Ce contact avec les ténèbres infernales le diabolise.


Ainsi a-t-on placé à droite au dessus du portail, l'escargot, image négative du ver répugnant qui naît dans la boue ou de la boue. La feuille de choux qu'il dévore est l'existence qu'il salit, la vie qu'il corrompt et empêche de s'épanouir. Isle-Aumont était une étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Les pèlerins, comme à Chartres, entraient par le portail, mais sur la droite. Ils se dirigeaient vers le côté nord de l'église et parcouraient celle-ci dextrorsum, de l'ombre vers la lumière ; c'est-à-dire du nord vers le sud. Ayant assisté aux offices, ils poursuivaient dextrorsum et ressortaient sur la gauche du portail, croisant ainsi la ligne initiale.

L'escargot placé là symboliquement à l'entrée, cherchait à décourager ceux qui, par manque de persévérance, auraient quitté la voie du Christ à la première embûche : "Non, ne venez pas ici, tout n'est que vie austère, humeur répugnante et visqueuse ! Rien ne peut prospérer ici ! Restez au dehors et amusez-vous ! Goûtez les plaisirs de la vie !"

En ressortant de l'église, sur la gauche du portail, le pèlerin passait sous la feuille de choux s'élevant vers la lumière, symbolisant le souffle créateur, faisant face à la coquille vide de l'escargot mort, symbole des ténèbres vaincues.

On retrouve, sur la façade de la cathédrale de Chartres et sous une forme quelque peu différente, cette approche symbolique liée à la circulation des pèlerins.

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Carnet de modèles de Villard de Honnecourt :


Un bâtisseur en voyage, équipé légèrement et muni de sa canne de compagnon relève la tête et y porte la main avec une position particulière des doigts ; il effectue un signe de reconnaissance à l'attention d'un escargot. Celui-ci relève aussi la tête en déployant ses cornes dans un mouvement qui rappelle le salut du compagnon qui lui fait face.

Contrairement aux escargots habituels, l'animal a quatre cornes de même taille et sa coquille annelée fait plutôt penser à un mollusque marin. C'est un bâtisseur qui utilise les constructions géométriques pour augmenter la résistance du matériau. Certains voient en lui l'inventeur du "voile mince".

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Dans son jeu de carte L'Oracle du peuple animal (Guy Trédaniel Éditeur, 2016), Arnaud Riou regroupe les animaux par famille. L'escargot appartient selon lui à la famille de l'introspection avec le panda, le scorpion, la biche, le porc-épic, le griffon, la cigogne, le lapin, le sphinx et la pieuvre.


"L'introspection. Lorsque vous tirez une carte de la famille introspection, c'est qu'un animal vient vous encourager à ne pas vous précipiter à agir, mais davantage à plonger en vous pour découvrir votre personnalité, le sens d'un obstacle ou d'une situation. Les animaux d'introspection vous aident à mieux vous connaître, mieux vous comprendre et mieux vous aimer dans votre développement personnel.

[...]

Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les Dieux, enseignait Socrate. La première famille de cet Oracle du peuple animal est la famille de l'introspection. Lorsqu'une situation nous semble bloquée ou douloureuse, lorsque nous nous sentons perdus, il est nécessaire de revenir à soi, de chercher en soi les ressources nécessaires pour évoluer dans le bon sens.

Pour les chamans, le monde extérieur est une reproduction de notre monde intérieur. Si notre monde intérieur est fluide, apaisé, et si nous avons le cœur ouvert, nous allons attirer à nous des relations fluides, des situations apaisées et des personnes qui ont le cœur ouvert. Si en revanche, nous sommes blessés, si notre cœur s'est fermé et si nous sommes persuadés que les autres nous en veulent, nous allons attirer à nous des relations conflictuelles, douloureuses et toxiques. Chacun en a fait l'expérience, lorsque nous nous sentons amoureux, nous attirons à nous des belles personnes et des situations favorables.

Tous les changements démarrent de notre cœur. Pour transformer une situation, commencez par modifier le regard que vous portez sur une situation. Il n'existe aucun échec, il n'existe que des possibilités de s'améliorer, de ses développer et de grandir.

Lorsque vous tirez une carte de la famille de l'introspection, c'est une invitation à ne pas vous précipiter vers une solution ou une action. Prenez le temps de méditer, de vous comprendre. Les animaux de cette famille vont vous accompagner dans cette introspection pour vous apporter les images, les symboles, nécessaires à la juste compréhension de ce que vous traversez.


C'est dans la lenteur

Que tu découvriras la plénitude.

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La carte représente un escargot qui glisse sur une feuille posée sur l'herbe. La rosée laisse deviner qu'il s'agit des premières heures du matin. L'escargot est en mouvement et ses deux paires de cornes sont tendues devant lui. Le soleil brille sur les gouttelettes d'eau. On aperçoit au fond un champ de tournesol.

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S'il existe un maître aussi puissant qu'il est discret, c'est bien l'Escargot. Il est rarement cité dans les bréviaires des animaux totem où les redoutables félins côtoient les animaux mythiques. On parle peu de lui. Il se promène discrètement, sa coquille sur le dos au moment où la pluie éloigne les curieux. Mais c'est justement à leur discrétion et à leur humilité que l'on reconnaît les grands maîtres. Les véritables chamans, les alchimistes mettent assez peu en avant leur connaissance et leur pouvoir.

C'est dans sa coquille que commence le secret de l'Escargot,. En forme de spirale, celle-ci part du centre et multiplie des petites loges cloisonnées qui correspondent aux différentes étapes de la vie de ce petit animal. Ces loges sont de plus en plus larges, en suivant une arithmétique très précise, la suie de Fibonacci qui s'appuie sur le nombre d'or. Pour calculer cette suite, il suffit d'ajouter aux deux premiers chiffres un troisième auquel on ajoute le quatrième et ainsi de suite. Ainsi, la suite donnera 1, 1, 2, 3 ,5, 8, 13, 21, 34, 55, 89.... Cette suite appliquée au graphisme prend la forme d'une spirale progressive. Cette suite est à la source des plus belles merveilles de la nature, l’œil de la libellule, le cœur du tournesol et la coquille de l'Escargot.

Ainsi, l'Escargot montre qu'il a totalement réussi toutes les phases de son évolution en s'appuyant sur l'introspection. Il s'est révélé en étant seul dans sa coquille, comme l'ermite s'isole dans sa grotte pour atteindre l'éveil. L'Escargot est porteur de la sagesse primordiale. Autre symbole fort, l'Escargot est doté de eux paires de cornes. Les premières, les plus longues, pour incarner le principe masculin et la force solaire de la puissance virile, et les cornes de la grande déesse, symboles du féminin sacré, de la fertilité, de l'abondance.

L'Escargot a transcendé ces deux principes en lui et a acquis la nature des hermaphrodites. Il a réussi ce processus alchimique en incarnant le premier secret des alchimistes qui transforment le plomb en or, la lenteur. Il a compris que toute transformation demande de la patience et de la persévérance. Il porte la nature circulaire du monde sur sa coquille. Enfin, il s'appuie sur l'eau de la pluie pour glisser. Il a dépassé le monde des émotions et porte la sagesse dans son rythme. Tout son corps n'est qu'une membrane qui réagit à la moindre modification de son environnement. L'Escargot nous apprend que ce que nous recherchons est en nous. Il détient toute la connaissance sans sortir de sa coquille.


Lorsque l'Escargot vous apparaît dans le tirage, c'est une invitation à revenir à l'essentiel, comme l'Escargot qui incarne la sobriété heureuse. L'Escargot incarne la pleine conscience. Observer un Escargot en mouvement, c'est déjà un support à la méditation. L'Escargot est pleinement en lien avec chacune de ses sensations. Tout son "pied" est en contact avec le sol quand il se déplace. Lorsqu'ils s'accouplent, les Escargots font partie des rares espèces à s'enlacer face à face, dans un mouvement d'une grande sensualité et d'une tendresse touchante. L'Escargot vous invite à revenir à l'essentiel, à prendre du recul quant à vos biens matériels. Qu'emportez-vous avec vous lorsque vous partez en voyage ? Voyagez-vous léger ? Qu'est-ce qui vous manque quand vous êtes en déplacement ? Qu'est-ce qui vous sécurise, vous nourrit, vous apaise, vous distrait ? De quel objet, personne, êtes-vous dépendant ? Revenez à votre coquille, revenez à vous et à votre essence. Vous découvrirez que rien ne vous manque et que tout est chez vous.


Mots-clés : L'autonomie - L'indépendance - L'introspection - La solitude - La sobriété - Les objets - La lenteur - Les étapes - La transformation - La tendresse - La sensibilité - La réceptivité.


Signification renversée : L'Escargot renversé vient vous interroger sur votre sociabilité. Avez-vous le contact facile ? Entrez-vous facilement en contact avec l'autre ? Ou avez-vous tendance à rentrer dans votre coquille à la moindre contrariété ? L'Escargot renversé peut aussi vous interroger sur la matière. Peut-être vous sentez-vous dans une période de fragilité matérielle ? Êtes-vous inquiet pour vos objets ? Peut-être aussi manquez-vous d'assurance pour prendre votre place sur la Terre. Dans tous les cas, l'Escargot vous invite à puiser dans vos ressources l'assurance, le discernement et le courage d'affirmer au monde la beauté de votre être.


Le message de l'Escargot : Je suis l'Escargot C'est au petit matin, sur la rosée, que je sors de ma coquille. Ma sensibilité est telle que je perçois le relief de la moindre goutte d'eau. Je prends le temps de ressentir, car j'incarne la sensualité et la tendresse du monde présente dans chaque espace de la nature. Je viens t'accompagner pour t'aider à retrouver cette plénitude en toi. Cette plénitude que tu connaissais aux premières semaines de ta vie, alors que tu t'émerveillais de chaque phénomène que tu découvrais. Ne te laisse pas emporter par ces hommes qui courent après leurs illusions comme le chien après l'arc-en-ciel. Le beau, le somptueux sont partout. Il ne manque que ton regard pour exulter.


Le rituel de l'Escargot : Je me relie à l'esprit de l'Escargot. Je rends hommage à la plénitude de l'instant. Je respire profondément. Je ralentis le rythme de ma respiration. Je fais quelques pas dans la pièce en étant totalement présent à mes pieds, au mouvement de mes chevilles qui se déplient, à mes orteils, à mes talons. Je saisis la moindre sensation corporelle. Je ralentis encore pour mieux percevoir les vibrations dans mes os, mes ligaments, sur ma peau. Je regarde mon environnement en plongeant pleinement mon regard pénétrant dans le moindre objet. Je regarde la feuille d'un arbre, ses nervures, sa couleur. Je ressens dans mon corps sa douceur et sa rugosité. Je prends le temps de sentir avec le plus de soin possible ce qui m'entoure. Dans la présence de l'Escargot, je fais l'expérience de l'Ici et Maintenant."

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Symbolisme celte :


Eugène Caziot dans "Le chant des mollusques et principalement de l'escargot". (In : Annales de la Société linnéenne de Lyon, tome 60, Année 1913. 1914. pp. 39-44) nous apprend que :


On sait la vénération qu'avaient les Gaulois et les Druides pour l'escargot, par analogie avec celle que les Égyptiens avaient pour le scarabée sacré ; ils le considéraient comme l'emblème de la résurrection, sans doute parce que l'Hélix jouit du précieux avantage de pouvoir reconstituer certaines parties de son individu détruites par accident, ou bien parce qu'il peut supporter, sans mourir, un jeûne de plusieurs années, ou bien encore parce qu'il a l'habitude d'hiverner sous terre et de renaître au printemps, si le froid n'a pas été excessif. Les Romains le considéraient comme un symbole, parce qu'ils le trouvaient vivant dans leurs ténébreux caveaux, lorsqu'ils se trouvaient dans l'obligation d'ouvrir le tombeau de leur famille. Ils établissaient ainsi une mystérieuse relation entre le silence observé par l'escargot et l'esprit de leurs morts. Ces croyances trouvaient leur expression dans leurs cérémonies funèbres, et les quantités considérables de coquilles d'Helix trouvées autour des tombes des personnes ensevelies à Pompéï montrent bien qu'ils en faisaient une grande consommation dans le repas des funérailles. On trouve des dépôts semblables dans beaucoup de grottes préhistoriques.

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Dans Chamanisme celtique, Animaux de pouvoir sauvages et mythiques de nos terres (Édition Vega 2014), Gilles Wurtz associe l'escargot au "chemin qui mène au centre".


En effet, "en fonction de son espèce, l'escargot terrestre vit en moyenne entre 3 et 7 ans dans la nature. Sa coquille spiralée grandit avec lui.

L'escargot a également sa propre stratégie pour résister au froid de l'hiver et à la déshydratation pendant l'été : il se replie sur lui-même et se plonge dans un état de repos à l'abri à l'intérieur de sa coquille. Pour hiberner, l'escargot s'enfouit sous la terre.

Les escargots terrestres sont hermaphrodites : ils produisent des spermatozoïdes et des ovules. Cependant, ces escargots s'accouplent pour s'inséminer mutuellement et féconder les ovules de leur partenaire.


Applications chamaniques celtiques de jadis : Les Celtes honoraient l'escargot comme un animal sacré, car il était, physiquement, porteur d'une spirale, un des symboles les plus importants pour nos ancêtres. Le point de départ de la spirale, son centre, représente la Source ; le point d'émergence dont tout est issu, et qui se déroule à l'infini. Dans chaque nouvelle boucle, on peut voir la répétition d'un cycle. On peut l'interpréter soit comme la répétition d'une histoire, d'un événement, soit comme le chemin de notre évolution, nos étapes successives, de notre (nos) naissance(s) vers la Source, pure lumière, pur amour et pure conscience. La progression n'est pas linéaire : notre chemin est comme la spirale, avec des hauts et des bas, tout en se déployant sans cesse. Le bas de la spirale représente les moments réguliers pendant lesquels il est essentiel de nous replier sur nous-mêmes pour nous remettre en question : ils nous invitent à lâcher de vieilles croyances, des principes qui ne nous servent plus, des protections dont nous pouvons nous défaire..., afin de pouvoir accueillir une nouvelle manière de voir.

L'escargot qui, lorsqu'il entre en hibernation, se replie totalement sur lui-même en bouchant sa coquille, symbolise le besoin de mourir, de faire le deuil de certaines choses, pour pouvoir mieux renaître à d'autres, et poursuivre notre avancée.

Car l'escargot apprenait aussi aux Celtes que sa coquille grandit avec lui, qu'il ne peut régresser, et que ce qui est acquis reste acquis. La croissance et l'évolution n'ont, en réalité pas de fin.

L'escargot, par sa lenteur, enseignait la patience. Et comme sa coquille fait partie de lui, il peut s'y replier entièrement dès qu'il en ressent le besoin. L'escargot enseignait également l'importance de se tourner vers soi-même, à l'intérieur, au fond de soi, vers le centre de son être.

L'escargot rappelait aussi aux Celtes que chacun a en lui un part masculine et une part féminine.


Quelques communautés celtes avaient développé une pratique chamanique avec une ou plusieurs coquilles d'escargot vides. Les coquilles utilisées devenaient bien souvent des objets de pouvoir que le praticien conservait toute sa vie. Elles pouvaient être personnalisées avec des dessins ou des gravures. Lorsqu'un praticien avait plusieurs coquilles, chacune d'elle était destinée à un travail précis : une pour la divination, une autre pour les soins, etc. La coquille d'escargot permettait d'aller travailler sur soi. Elle était particulièrement efficace pour dévoiler pourquoi certaines choses de la vie se répètent, parfois en boucle, et pour nous guider vers la porte de sortie. Ces Celtes empruntaient le chemin intérieur de la coquille d'escargot pour aller voir d'où venaient leurs maux, afin de les comprendre pour mieux y remédier. Et cette pratique était courante, même lorsqu'il n'y avait pas de maux précis à travailler : elle permettait d'aller voir et d'écouter au plus profond de soi, au centre de son être, pour que la conscience émerge.

C'était un moyen très privilégié d'enclencher des processus de guérison.

J'ai redécouvert par ma propre pratique chamanique, dans son intégralité, un rituel collectif spécifique avec l'esprit de l'escargot : "La voie de l'escargot, le chemin qui mène au centre." Nous le faisons encore aujourd'hui à l'occasion d'un stage exclusivement consacré à cette méthode. Il est un moyen très puissant et concret de prendre conscience de sa propre essence pour aller y puiser toutes les ressources disponibles pour avancer vers sa réalisation. [Marie-Claire et moi-même avons fait ce stage il y a quelques années, nous en ferons un compte-rendu, totalement personnel dès que possible].


Applications chamaniques celtiques de nos jours : L'enseignement de l'esprit de l'escargot me vient de nos ancêtres européens, celtiques.

J'ai eu la chance de redécouvrir cette magnifique méthode dans son intégralité par ma propre pratique chamanique. Elle n'était pas très répandue : seules quelques communautés la pratiquaient.

De nos jours, nous pouvons réapprendre cette pratique et la réutiliser, elle reste parfaitement d'actualité. La pratique chamanique de la voie de l'escargot est d'un grand secours quand on sent le besoin de trouver en soi des ressources, des forces nouvelles."

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Mythologie :


Jean Poirier et Marie-Joseph Dubois proposent dans un article intitulé "Les mythes de Maré" (paru dans le Journal de la Société des océanistes, tome 4, 1948. pp. 5-47) une transcription du mythe de l'Escargot et du Crabe :


Le crabe et l'escargot.

L'escargot Wewengo et le crabe Yekewi habitent dans la plaine à côté de Peorawa. Ce sont eux qui débroussent le wathebe ni Yekewi ne Wewengo. (Ce wathebe est une dépression dans le corail, remplie de terre au fond.) Wewengo demande à Yekewi d'aller chercher du feu pour brûler ce qu'ils ont débroussé. Mais Yekewi refuse. Wewengo insiste tellement pour l'envoyer chercher qu'ils se disputent. Finalement, Yekewi part et met le feu dans le trou. Tout se met à brûler et eux deux brûlent aussi. En brûlant, ils se moquent l'un de l'autre et se chantent une chanson.

Wewengo à itekewi : Hna nara re tokane ! (tes pattes sont tombées) .

Yekewi à Wewengo : Popo re waine ! (tu produis de petits bruits) ... Et Wewengo et Yekewi sont restés dans le wathebe.

[Le crabe, en cuisant dans les feux de brousse, perd ses pattes qui tombent; l'escargot fait entendre de petits sifflements.]

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Dimitri KARADIMAS, dans l'article intitulé : "La métamorphose de Yurupari : flûtes, trompes et reproduction rituelle dans le Nord-Ouest amazonien" paru dans le Journal de la Société des Américanistes, 2008, vol. 94, no 94-1, pp. 127-169 expose un mythe de création miraña :


Dans le mythe miraña évoquant la création de la terre première, différente de l'actuelle, il est fait référence à un processus de métamorphose.

Issu du néant, l'ensemble des premières phases de la création est présenté comme un processus physiologique relatif à la procréation. L'acte initial décrit est de « ficher» ce qui sera la première terre, c'est-à-dire de la « planter » ou, bien plus, qu'elle se fiche elle-même. Le verbe ù'pétso exprime l'action de « ficher », comme celle de planter une bouture de manioc dans la terre. Cette action peut aussi renvoyer à celle d'une chrysalide qui « fiche » son extrémité inférieure dans un coussin de soie qu'elle a tissé sur une branche. Son extrémité inférieure est garnie de petits dards qui se plantent et lui permettent de se maintenir suspendue : dans le mythe, la proto-création est comparée à cette action. Dans la suite du mythe, il est question d'un « enveloppement » du monde : l'utilisation du lexème tô'àradè souligne le caractère sexuel, agricole et végétal d'une semence ou d'une épine plantée et contenue. La transformation s'effectue ensuite rapidement : la « terre » du créateur prend une position accroupie ou fœtale, puis la forme d'un escargot dont la coquille en colimaçon est comparée par les Miraña à l'enroulement de l'écorce d'une trompe de Yurupari (ûûhàdjî) . Ces éléments font référence à l'image d'une chrysalide. L'abdomen par l'extrémité duquel elle est suspendue rappelle une coquille d'escargot car il est divisé en plusieurs segments de taille croissante et s'élargit de façon conique. Le son que produit cette « conque » mythique, terre du créateur, est similaire à celui des trompes. Cet escargot est ainsi comme le Yurupari du monde sur lequel vient prendre place le créateur. Le son de la trompe semble augmenter en même temps que la coquille qui va former le lieu sur lequel le créateur prendra place. Le créateur prend corps dans la coquille de cet escargot - formulation imagée qui ne manque pas d'évoquer ce qui se réalise à l'intérieur de la chrysalide - , puis sort de celle-ci et prend place sur elle. L'exuvie devient sa première « terre ». Chez les Miraña, dans le rituel de Yurupari, la trompe fait penser à une chrysalide. Dans ce mythe, la première manifestation du démiurge se fait par la voix qui duplique celle du son produit par une « coquille d'escargot » et qui peut être comparé à celui des trompes de Yurupari. Le son des trompes est comme un son de conque : il donne naissance. Le créateur n'existe que par ce son qui est sa voix. La suite du mythe décrit le développement de ce fœtus divin dans ce qui apparaît comme une matrice cosmique ou, pour le moins, une « proto-matrice », c'est-à-dire un lieu de gestation sans corps, un « sac de gestation » sans corps pour le contenir.

[…]


Dans une première approximation, la coquille de l'escargot mythique serait comparable à un cordon ombilical et à un placenta dans une matrice qui n'existe pas encore (au même titre que la chrysalide est une « poche de gestation » sans matrice). Le créateur est le fœtus qui vient prendre place sur ce placenta. La « terre » de naissance du créateur est un placenta, et le créateur est relié à ce placenta par un colimaçon. La terre n'existe donc pas encore, et cette « terre » à laquelle il est fait jusqu'ici référence n'est une terre que pour le créateur. (figure 1)

L'escargot est une figure mythique problématique car elle inverse les éléments présents dans l'analogie faite entre l'escargot et la matrice, ainsi qu'entre la coquille de l'escargot, Je lombric (cordon ombilical) et le placenta. En effet, ce qui peut être comparé à un lombric se trouve dans la coquille et forme un serpentin (les viscères de l'escargot), alors que le corps du mollusque se trouve à l'autre extrémité de ce serpentin et sort par l'ouverture de la coquille. Le corps de l'escargot est comme le fœtus relié par un serpentin à l'extrémité de la coquille en spirale qui semble tendre vers le néant. Les Miraña comparent cette coquille d'escargot à ce qui reste des mues des insectes car ils en retrouvent souvent des vides clans la forêt. En un sens, la coquille comme l'exuvie sont des restes comparables au placenta. Dans Je cas de la terre du créateur, il n'y a pas encore de matrice pour ce placenta. Des associations similaires existent chez les Desana pour qui la spirale d'écorce qui forme le corps des trompes de Yurupari est associée à une odeur féminine. Les Desana utilisent pour évoquer cette écorce le terme « galisiro » qui désigne« "l'écorce", "la coquille" et "l'utérus" » (Reichel-Dolmatoff 1997, p. 297). Il est donc possible de dresser provisoirement le tableau comparatif suivant :


Le paradoxe est que le créateur prend place sur cette coquille, donc sur sa « terre », et qu'il semble ainsi être celui qui permet son élargissement. Tout laisse à penser que, sur le modèle des trompes, c'est le créateur qui souffle dans cette coquille pour l'agrandir et pouvoir se créer lui-même. Il est donc tout à la fois celui qui souffle et produit le son, comme il est ce qui est produit par le son 5, c'est-à-dire l'enfant. Lorsqu'il se trouve dans cette position, le créateur est à l'extrémité placée au centre de la spirale de l'escargot qui s'enroule sur elle-même et semble n'avoir aucun commencement : elle part du néant.

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Littérature :


Jules Renard nous propose dans ses Histoires naturelles (1874) de petits portraits ou historiettes relatives aux animaux les plus communs mais pourtant tous plus étonnants les uns que les autres :


L’escargot I

Casanier dans la saison des rhumes, son cou de girafe rentré, l’escargot bout comme un nez plein. Il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue.


II

Mon petit camarade Abel jouait avec ses escargots. Il en élève une pleine boîte et il a soin, pour les reconnaître, de numéroter au crayon la coquille.

S’il fait trop sec, les escargots dorment dans la boîte. Dès que la pluie menace, Abel les aligne dehors, et si elle tarde à tomber, il les réveille en versant dessus un pot d’eau. Et tous, sauf les mères qui couvent, dit-il, au fond de la boîte, se promènent sous la garde d’un chien appelé Barbare et qui est une lame de plomb qu’Abel pousse du doigt.

Comme je causais avec lui du mal que donne leur dressage, je m’aperçus qu’il me faisait signe que non, même quand il me répondait oui.

« Abel, lui dis-je, pourquoi ta tête remue-t-elle ainsi de droite et de gauche ?

– C’est mon sucre, dit Abel.

– Quel sucre ?

– Tiens, là. »

Tandis qu’à quatre pattes il ramenait le numéro 8 près de s’égarer, je vis au cou d’Abel, entre la peau et la chemise, un morceau de sucre qui pendait à un fil, comme une médaille.

« Maman me l’attache, dit-il, quand elle veut me punir. – Ça te gêne ?

– Ça gratte.

– Et ça cuit, hein ! c’est tout rouge.

– Mais quand elle me pardonne, dit Abel, je le mange. »

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Escargots


Au contraire des escarbilles qui sont les hôtes des cendres chaudes, les escargots aiment la terre humide. Go on, ils avancent collés à elle de tout leur corps. Ils en emportent, ils en mangent, ils en excrémentent. Elle les traverse. Ils la traverse. C’est une interpénétration du meilleur goût parce que pour ainsi dire ton sur ton – avec un élément passif, un élément actif, le passif baignant à la fois et nourrissant l’actif – qui se déplace en même temps qu’il mange.

(Il y a autre chose à dire des escargots. D’abord leur propre humidité. Leur sang froid. Leur extensibilité.)

A remarquer d’ailleurs que l’on ne conçoit pas un escargot sorti de sa coquille et ne se mouvant pas. Dès qu’il repose, il rentre aussitôt au fond de lui-même. Au contraire sa pudeur l’oblige à se mouvoir dès qu’il montre sa nudité, qu’il livre sa forme vulnérable. Dès qu’il s’expose, il marche.

Pendant les époques sèches ils se retirent dans les fossés où il semble d’ailleurs que la présence de leur corps contribue à maintenir de l'humidité. Sans doute y voisinent-ils avec d'autres sortes de bêtes à sang froid, crapauds, grenouilles. Mais lorsqu'ils en sortent ce n'est pas du même pas. Us ont plus de mérite à s'y rendre car beaucoup plus de peine à en sortir.


A noter d'ailleurs que s'ils aiment la terre humide, ils n'affectionnent pas les endroits où la proportion dévient en faveur de l'eau, comme les marais, ou les étangs. Et certainement ils préfèrent la terre ferme, mais à condition qu'elle soit grasse et humide.


Ils sont friands aussi des légumes et des plantes aux feuilles vertes et chargées d'eau. Ils savent s'en nourrir en laissant seulement les nervures, et découpant le plus tendre. Ils sont par exemple les fléaux des salades.


Que sont-ils au fond des fosses? Des êtres qui les affectionnent pour certaines de leurs qualités, mais qui ont l'intention d'en sortir. Ils en sont un élément constitutif mais vagabond. Et d'ailleurs là aussi bien qu'au plein jour des allées fermes leur coquille préserve leur quant-à-soi.


Certainement c'est parfois une gêne d'emporter partout avec soi cette coquille mais ils ne s'en plaignent pas et finalement ils en sont bien contents. II est précieux, où que l'on se trouve, de pouvoir rentrer chez soi et défier les importuns. Cela valait bien la peine.


Ils bavent d'orgueil de cette faculté, de cette commodité. Comment se peut-il que je sois un être si sensible et si vulnérable, et à la fois si à l'abri des assauts des importuns, si possédant son bonheur et sa tranquillité. D'où ce merveilleux port de tête.


A la fois si collé au sol, si touchant et si lent, si progressif et si capable de me décoller du sol pour rentrer en moi-même et alors après moi le déluge, un coup de pied peut me faire rouler n'importe où. Je suis bien sûr de me rétablir sur pied et de recoller nu sol où le sort m'aura relégué et d'y trouver ma pâture : la terre, le plus commun des aliments.


Quel bonheur, quelle joie donc d'être un. escargot. Mais cette bave d'orgueil ils en imposent la marque à tout ce qu'ils touchent. Un sillage argenté les suit. Et peut-être les signale au bec des volatiles qui en sont friands. Voilà le hic, la question, être ou ne pas être (des vaniteux), le danger.


Seul, évidemment l'escargot est bien seul. Il n'a pas beaucoup d'amis. Mais il n'en a pas besoin pour son bonheur. Il colle si bien à la nature, il en jouit si parfaitement de si près, il est l'ami du sol qu'il baise de tout son corps, et des feuilles, et du ciel vers quoi il lève si fièrement la tête, avec ses globes d'yeux si sensibles; noblesse, lenteur, sagesse, orgueil, vanité, fierté.


Et ne disons pas qu'il ressemble en ceci au pourceau. Non il n'a pas ces petits pieds mesquins, ce trottinement inquiet. Cette nécessité, cette honte de fuir tout d'une pièce. Plus de résistance, et plus de stoïcisme. Plus de méthode, plus de fierté et sans doute moins de goinfrerie, — moins de caprice; laissant cette nourriture pour se jeter sur une autre, moins d'affolement et de précipitation dans la goinfrerie, moins de peur de laisser perdre quelque chose.


Rien n'est beau comme cette façon d'avancer si lente et si sûre et si discrète, au prix de quels efforts ce glissement parfait dont ils honorent la terre! Tout comme un long navire, au sillage argenté. Cette façon de procéder est majestueuse, surtout si l'on tient compte encore une fois de cette vulnérabilité, de ces globes d'yeux si sensibles.


La colère des escargots est-elle perceptible ? Y en a-t-il des exemples ? Comme elle est sans aucun geste, sans doute se manifeste-t-elle seulement par une sécrétion de bave plus floculente et plus rapide. Cette bave d'orgueil. L'on voit ici que l'expression de leur colère est la même que celle de leur orgueil. Ainsi se rassurent-ils et en imposent-ils au monde d'une façon plus riche, argentée. L'expression de leur colère, comme de leur orgueil, devient brillante en séchant. Mais aussi elle constitue leur trace et les désigne au ravisseur (au prédateur). De plus elle est éphémère et ne dure que jusqu'à la prochaine pluie.


Ainsi en est-il de tous ceux qui s'expriment d'une façon entièrement subjective sans repentir, et par traces seulement, sans souci de construire et de former leur expression comme une demeure solide, à plusieurs dimensions. Plus durable qu'eux-mêmes.


Mais sans doute eux, n'éprouvent-ils pas ce besoin. Ce sont plutôt des héros, c'est-à-dire des êtres dont l'existence même est œuvre d'art, — que des artistes, c'est-à-dire des fabricants d'œuvres d'art.


Mais c'est ici que je touche à l'un des points principaux de leur leçon, qui d'ailleurs ne leur est pas particulière mais qu'ils possèdent en commun avec tous les êtres à coquilles : cette coquille, partie de leur être, est en même temps œuvre d'art, monument. Elle, demeure plus longtemps qu'eux.


Et voilà l'exemple qu'ils nous donnent. Saints, ils font œuvre d'art de leur vie, — œuvre d'art de leur perfectionnement. Leur sécrétion même se produit de telle manière qu'elle se met en forme. Rien d'extérieur à eux, à leur nécessité, à leur besoin n'est leur œuvre. Rien de disproportionné — d'autre part - - à leur être physique. Rien qui ne lui soit nécessaire, obligatoire.


Ainsi tracent-ils aux hommes leur devoir. Les grandes pensées viennent du cœur. Perfectionne-toi moralement et tu feras de beaux vers. La morale et la rhétorique se rejoignent dans l'ambition et le désir du sage.


Mais saints en quoi : en obéissant précisément à leur nature. Connais-toi donc d'abord toi-même. Et accepte-toi tel que tu es. En accord avec tes vices. En proportion avec ta mesure.


Mais quelle est la notion propre de l'homme : la parole et la morale. L'humanisme.

Paris, 21 mars 1936


Francis Ponge, « Escargots » in Le Parti pris des choses, Gallimard, 1942.

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L'escargot


Est-ce que le temps est beau ? Se demandait l’escargot Car, pour moi, s’il faisait beau C’est qu’il ferait vilain temps. J’aime qu’il tombe de l’eau, Voilà mon tempérament.

Combien de gens, et sans coquille, N’aiment pas que le soleil brille. Il est caché ? Il reviendra ! L’escargot ? On le mangera.


Robert Desnos, "L'escargot" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

 

L'escargoéland

Avec ses deux ailes

Qui traînent à terre

Comme des haltères

Au bout de bretelles,

L'escargoéland

Jamais ne se presse ;

Il sait que sans cesse

L'escargoéland.


Jacques Roubaud et Olivier Salon, "L'escargoéland" in Anthologie de l'Oulipo, 2009.

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Patricia Highsmith dans Eaux profondes (Édition originale ; traduction française Éditions Calmann-Lévy, 1958) présente un personnage qui fait collection d’escargots :

Vic remit à l’abri ses caisses de plantes. Il était 4 heures moins le quart. Il examina le ciel et en conclut qu’ils auraient sans doute un peu de pluie vers 6 heures.

Il revint dans le garage et sortit l’un après l’autre ses trois aquariums d’escargots, dont chacun était recouvert d’un petit cadre en treillage pour laisser passer la pluie tout en empêchant les escargots de s’échapper. Les escargots adoraient la pluie. Il se pencha sur un des aquariums, pour observer les escargots qu’il appelait Edgar et Hortense : ils s’approchaient lentement l’un de l’autre, ils levèrent la tête, échangèrent un baiser et continuèrent leur marche. Ils s’accoupleraient sans doute cet après-midi, dans la douce pluie qui filtrerait à travers le treillage. Ils s’accouplaient environ une fois par semaine, et Vic les croyait sincèrement amoureux, car Edgar n’avait d’yeux pour aucun autre escargot qu’Hortense, et Hortense ne se laissait jamais embrasser par un autre de ses congénères. Sur le millier d’escargots qu’il avait, les trois quarts environ descendaient d’eux. Chacun d’eux se montrait tour à tour plein d’égards pour celui à qui incombait la charge de pondre – l’opération durait au moins vingt-quatre heures – et c’était seulement parce que, de l’avis de Vic Hortense pondait plus souvent qu’Edgar qu’il lui avait donné ce nom féminin. C’était ça le véritable amour, songeait Vic, même s’ils n’étaient que des gastéropodes. Il se souvint d’une phrase qu’il avait lue dans un livre de Henri Fabre à propos d’escargots qui franchissaient les murs d’un jardin pour retrouver leurs compagnons, et bien que Vic n’eût jamais vérifié lui-même la chose, il était sûr que c’était exact.

[…]

Il se remit à nettoyer ses escargots. C’était un aspect peu ragoûtant de l’élevage des escargots : il fallait gratter avec une lame de rasoir les saletés dont ils couvraient les parois de l’aquarium ; Vic était furieux d’être observé par Mr. Cameron, toujours sifflotant. Il s’aperçut, à sa grande surprise, que l’autre sifflait un passage d’un concerto de Mozart.

« Où les avez-vous trouvés ? Demanda Mr. Cameron.

- Oh !… la plupart sont nés ici.

- Comment se reproduisent-ils ? Dans l’eau ?

- Non, ils pondent des œufs. Dans le sol. » Vic était en train de laver l’intérieur d’un aquarium avec un chiffon, de l’eau et du savon. Il détacha délicatement un jeune escargot qui rampait sur la paroi qu’il nettoyait, et le reposa sur le terreau, au fond.

« Ils ont l’air bon à manger, observa Mr. Cameron.

- Oh ! Je pense bien. Ils sont délicieux.

- Ca me rappelle la Nouvelle-Orléans. Vous y êtes déjà allé ?

- Oui », déclara Vic d’un ton catégorique. Il s’attaqua à un autre aquarium, commençant par détacher, à la main ou au rasoir, les escargots de toute taille qui dormaient sur les parois. Il se tourna var Cameron et lui dit : « Je vous demanderai de ne pas enlever le grillage. Ils s’échappent très facilement. »

Mr. Cameron se redressa et remit le grillage avec une nonchalance qui fit tressaillir Vic : il avait sûrement écrasé un ou deux bébés escargots. Mais Mr. Cameron ne les avait probablement même pas vus. Ses yeux ne distinguaient pas des créatures aussi minuscules.

[…]

« Dites donc, Vic, si vous me passiez deux ou trois douzaines de vos escargots ? Je connais la recette d’une sauce au beurre et à l’ail dont vous me direz des nouvelles ! Un enfant pourrait la réussir, et c’est à se lécher les babines ! » Il se frotta bruyamment les mains. « Voulez-vous aller les chercher, ou préférez-vous que je m’en charge ? Melinda m’a dit de vous en parler d’abord.

- Les escargots ne sont pas pour manger », déclara Vic.

Le visage de Cameron se rembrunit quelque peu. « Ah ! Mais… à quoi servent-ils donc ? demanda-t-il en riant. Melinda m’a dit…

- A rien. Ils ne servent absolument à rien », lança Vic, en mettant dans ses paroles une amertume particulièrement marquée.

Melinda sur ces entrefaites sortit de la cuisine. « Qu’est-ce que ça peut faire si on prend quelques escargots ? Brian en voudrait, et Tony dit qu’il sait les préparer. Faisons un vrai dîner de gala ! » Elle pivota sur ses talon en brandissant une louche, faillit tomber dans les bras de Cameron et lui caressa la joue au passage.

Vic jeta un coup d’œil à Brian qui avait suivi Melinda. « Je viens d’expliquer à Tony que ces escargots ne sont pas pour manger, dit Vic.

- Allez en chercher, Tony », dit Melinda, qui commençait déjà à être un peu grise.

Tony fit un pas vers la porte, puis s’arrêta en regardant Vic.

« Les escargots ne sont pas pour manger, déclara Vic.

- Écoutez, je n’ai pas dit que je voulais des escargots, commença Brian, très embarrassé, sans s’adresser nettement ni à Melinda ni à Vic. Je veux dire que ce n’est pas moi…

- Ils doivent être rudement bons, ils sont si bien nourris. Du steak, des carottes, de la laitue de premier choix. Allez en chercher quelques-uns, Tony ! » Sur quoi, Melinda faillit tomber en poussant la porte battante de la cuisine.

Tony la considérait comme un animal stupide, comme un chien qui n’est pas très sûr d’avoir reçu l’ordre de s’élancer, son corps massif prêt à se mettre en mouvement. « Qu’est-ce que vous en dites, Vic ? Trois douzaines, vous ne ne vous en apercevrez même pas. »

Vic avait serré les poings, il savait que Brian l’avait remarqué, mais il les gardait quand même crispés. « Vous savez qu’on ne peut pas manger d’escargots comme ça, dit-il, d’un ton soudain léger et détendu. Il faut les faire jeûner pendant deux jours pour qu’ils dégorgent. Les miens ont mangé toute la journée. Je pense que vous le savez.

- Oh ! fit Cameron, en se dandinant d’un pied sur l’autre. Oh ! C’est dommage.

- Oui, très dommage », dit Vic. Il jeta un coup d’oeil à Brian.

Brian l’observait avec attention, les mains derrière son dos appuyées au côté du vaisselier, sa chemise bleue tendue sur son torse vigoureux et musclé. Il avait un regard méfiant et surpris que Vic ne lui avait jamais vu.

Vic regarda Cameron en souriant. « Je suis désolé. La prochaine fois, je tâcherai de penser à prendre quelques escargots pour vous et à les mettre deux jours à la diète.

- Excellente idée », murmura Cameron sans conviction. Il se frotta de nouveau les mains, et courba les épaules. Puis il alla chercher refuge dans la cuisine.

Brian sourit. « Je ne voulais absolument pas créer d’incident à propos de ces escargots. C’était une idée de Melinda. Je lui ai dit que si vous aviez l’habitude d’en manger, j’étais tout à fait d’accord. Mais j’avais bien vu que vous en faisiez l’élevage. »

Vic lui fit la grâce de ne rien répondre, il lui prit le bras et l’entraîna vers le living-room.

[…]

Vic resta dans le garage, à écouter le bruit du moteur qui s’éloignait et en se disant qu’Horace ne lui avait pas demandé où était Melinda ni quand elle reviendrait : il se doutait que Vic n’en savait rien et que ses questions l’auraient gêné. Vic s’approcha de ses aquariums à escargots.

Hortense et Edgar faisaient l’amour : Edgar se penchait du haut d’un petit caillou pour embrasser Hortense sur la bouche. Hortense se dressait sur l’extrémité de son pédoncule, oscillant un peu sous sa caresse comme une danseuse ravie par la musique. Vic les observa pendant peut-être cinq minutes, sans penser à rien, pas même aux escargots, jusqu’au moment où il vit les excroissances en forme de coupes commencer à apparaître sur le côté droit de la tête des escargots. Comme ils s’adoraient et combien était parfaite leur union ! Les coupes s’élargirent et se touchèrent, bord à bord. Leurs bouches se séparèrent.

Vic regarda sa montre. 10 heures moins 5. Cela lui parut une heure étrangement déprimante. La maison était plongée dans un silence total. Il se demanda si Trixie dormait. Il s’éclaircit la gorge, et ce léger son lui parut aussi bruyant que le crissement d’un pas sur du gravier.

Les escargots étaient parfaitement silencieux. Hortense lança son dard la première. Elle manqua son coup ou bien cela faisait-il partie du jeu ? Au bout de quelques instants, Edgar essaya à son tour, manqua, recommença, frappant cette fois au bon endroit, si bien que le dard plongea, ce qui incita Hortense à renouveler ses efforts. Cela lui était plus difficile, car elle visait vers le haut, mais, après trois tentatives manquées, elle y réussit. Alors, comme si les deux escargots étaient plongés dans une transe plus profonde, leurs têtes se reculèrent un peu, leurs tentacules presque rentrés, et Vic sentit que s’ils avaient eu des paupières elles auraient été fermées. Les escargots étaient immobiles maintenant. Il les contempla jusqu’au moment où il vit que les bords de leurs coupes allaient se séparer. Il arpenta quelques instants le garage, il éprouvait une agitation qui ne lui était pas coutumière. Ses pensées revinrent à Melinda, puis il retourna auprès des escargots pour s’empêcher de penser à elle.

11 heures moins le quart. Etait-elle chez les Wilson ? Les deux mâchoires du piège fonctionnaient-elles en même temps ? Le détective était-il là-bas, ou bien était-il allé se coucher après sa dure journée de labeur ? Quelqu’un penserait-il à la carrière ?

Vic se pencha sur les escargots, les examinant maintenant à travers une loupe. Il ne se touchaient plus que par leurs deux dards. Il savait qu’ils allaient rester ainsi pendant encore une heure au moins. Mais ce soir l n’avait pas leur patience. Il remonta dans sa chambre pour lire.

*

*

Dans son roman Un Grison d'Arcadie (Éditions Denoël, 1999), Pierre Magnan crée un narrateur de 15 ans qui dès les premières pages part cueillir des escargots afin d'améliorer son quotidien :


" J'avais simplement en mémoire cette information pour chercheur d'or qui apparaissait dans La Dépêche des Alpes, notre journal local, tous les samedis :

"Marius Cases achète les escargots et il en donne dix francs par kilo."

- Les grisets, m'avait dit mon grand-père il y avait bien longtemps, ça bannèje sur les ginestes dès quatre heures du matin en juin. A cinq heures, il est déjà trop tard.

Je me hâtais. Pour atteindre les fonds de Sainte-Roustagne, Il fallait vingt minutes environ et c'étaient les jours alcyoniens, les plus longs autour du solstice.

Dix francs du kilo ! [...] Sur ces voûtes de verdure, les ronces avaient lancé leurs tentacules, s'étaient resserrés, de sorte que, en symbiose avec les ginestes, elles formaient dans l'aube morne des tunnels aux parois dépenaillées de brumes où bruissaient en foule les grisets avides de rosée.

Est-ce que j'aimais ces matins où, toute couleur confisquée, le coq crie à l'étouffée, la voix claironnante bâillonnée d'humidité ? Je ne sais pas. Le gris du monde s'apparentait à ce papier mou dont l'Henri Gardon enveloppait le café qu'il nous vendait à l'hecto. Si j'avais ce matin-là contemplé du gris perle seulement, j'aurais crié à l'arc-en-ciel. Heureusement le prix affiché des escargots obnubilait en moi toute autre sensation.

[...] Je souriais à cette idée, et le bruissement joyeux des escargots échelant au long des genêts m'emplissait l'âme d'une excitation joyeuse. Engloutir ces êtres vivants un par un dans ma musette pour en faire des kilos à dix francs ne m'émouvait pas ne m'émouvait plus.

Jusqu'à mes dix ans j'avais vécu recroquevillé dans l'horreur sur ma paillasse, à l'idée que quoi qu'il fasse, dès qu'il pose pied à terre, l'homme commence à tuer, plantes, insectes, animaux et qu'il n'a de cesse qu'en dormant ou dès son dernier souffle, mais j'avais découvert la pauvreté et cet état m'autorisait à passer outre.

La musette s'alourdissait que je garrottais de temps à autre à l'aide d'une courroie pour brodequins afin de contenir l'élan des gastéropodes vers la liberté. [...]

Tout en cueillant mes escargots comme des fruits, je me demandais bien un peu ce que l'Albert pouvait vouloir tirer en juin et en braconnant. Les grives avaient migré à des milliers de kilomètres, les levrauts avaient deux mois, on n'avait pas encore lâché les faisans. Mais la chose ne me préoccupait guère. La musette alourdie pesait déjà plus de cinquante francs. Les escargots craintifs commençaient à retraiter vers le sol. Le jour à peine ressuyé ne leur convenait déjà plus. Je devais maintenant me baisser pour rattraper le peu qui n'était pas déjà perdu dans les lacis de l'herbe.

[...] Mon grand-père avait raison : les escargots avaient tous disparu en un clin d’œil depuis que le jour était né et, si je n'avais pas serré solidement la ficelle qui fermait la biasse de mon père, tous ceux que celle-ci contenait auraient fui vers les entrelacs de racines où ils se terraient le jour durant. Allons, il était temps de rentrer. J'étais transformé en serpillière molle imbibée de rosée comme la mousse des versants nord et j'avais pour soixante francs d'escargots dans ma musette. Ils étaient lourds, ils grésillaient de bave. Il était temps de s'en défaire car je commençais à penser à eux comme des êtres vivants et à avoir envie de les éparpiller dans l'herbe. Ce sont des idées qui traversent parfois la pensée des enfants pauvres et auxquelles ils doivent résister s'ils veulent survivre. "

*

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Dans Un Baiser d'ailes bleues, 150 rencontres avec des animaux extraordinaires (Éditions Arthaud, 2009) Nicole Viloteau croque sur le vif des portraits animaliers insolites :


La « clique des coquilles »


Hinchinbrook Island, baie de Mulligan. Balade matinale le long de la plage, en quête de coquillages échoués par milliers après la tempête. Des couches entières de nombreuses espèces se mêlent aux éclats argentés des micas, aux bris coralliens rouges ou blancs, étoiles de mer et méduses vitreuses. Je glane une vingtaine d'escargots rose et gris, élégamment « chapeautés » et vidés de leur chair mollassonne...


Je m'amuse à en faire une fresque surréaliste, un assemblage géométrique des plus saisissants. Les coquilles ressemblent à des globes oculaires en porcelaine !


Cerise sur le gâteau, le sommet de leur colimaçon s'agrémente d'une petite pupille bleue « zieutant » les alentours ! Ainsi agencés en damier, les yeux-coquilles regardent ensemble dans la même direction...


L'écume des vagues gicle sur leur surface bombée, roule en larmes d'or mousseux aussitôt absorbées par le sable. Un rouleau violent bouleverse mon œuvre artistique !


En lisière de plage pullulent des centaines de pagures miteux, petits bernard-l'ermite, squattant des coquilles d'occasion, celles de gastéropodes morts ou de confrères ayant niché dedans ! Avec la marée montante, la « clique des coquilles » s'éparpille.


Au gré des déferlantes !

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