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Symbolisme de la corne



Étymologie :


  • CORNE, subst. fém..

Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1120 « excroissance dure et pointue qui pousse sur la tête de certains mammifères » (ici d'un animal fabuleux d'aspect analogue) (Ph. de Thaun, Bestiaire, éd. E. Walberg, 763) ; 2. id. p. anal., du capricorne, signe du zodiaque (Id., Comput, 1787 ds T.-L.) ; 1330-32 d'un limaçon (G. de Digulleville, Vie humaine, 755-56 ds T.-L.) ; 3. ca 1341 instrument de mus. (G. de Machaut, Remède de Fortune, éd. E. Hoepffner, 3982) ; 4. xve s. plur. attribut des maris trompés (d'apr. FEW, t. 2, p. 1202 a) ; 5. 1559 corne d'abondance (Amyot, P. Aem., 55 ds Littré). B. 1. 1194-97 « chaque extrémité pointue d'une mitre » (Hélinant de Froidmont, Vers de la mort, éd. F. Wulff et E. Walberg, XIX, 11) ; 2. ca 1265 « chaque extrémité du croissant de la lune » (Brunet Latin, Trésor, éd. J. Carmody, I, 115, 29). C. Ca 1340 « substance dure constituée par ces cornes de mammifères » (Livre des métiers, dialogues fr. flam., E 4a ds T.-L.). Du lat. vulg. *corna, class. cornua, plur. de cornu (cor*), considéré comme fém. singulier.


Lire également la définition.

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Symbolisme :


Guénon, Le symbolisme des cornes
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Dans Symboles fondamentaux de la science sacré (Éditions Gallimard,1962) on trouve un article de René Guénon publié initialement dans les Études Traditionnelles, en novembre 1936 :

 

D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée, Robert Laffont 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


« La corne a le sens d'éminence, d'élévation. Son symbolisme est celui de la puissance. C'est d'ailleurs, d'une façon générale, celui des animaux qui la portent. Ce symbolisme est lié à Apollon-Karneios, à Dionysos ; il fut utilisé par Alexandre le Grand qui prit l'emblème d'Amon, le bélier, que le Livre des Morts égyptien nomme Seigneur des deux cornes. On le retrouve aussi dans le mythe chinois du terrible Tch'e yeou à la tête cornue, et que Houang-ti ne put vaincre qu'en soufflant dans une corne. Houang-ti utilisa le drapeau de son rival, portant son effigie cornue et détenant sa vertu, pour imposer son propre pouvoir. Les guerriers de divers pays (et notamment les Gaulois) ont porté des casques à cornes. La puissance des cornes n'est d'ailleurs pas seulement d'ordre temporel.

Les cornes de bélier, note Guénon, sont de caractère solaire, les cornes de taureau de caractère lunaire. Il est de fait que l'association de la lune et du taureau est bien connue des Sumériens et aussi des Hindous. Une inscription du Cambodge désigne la lune comme une corne parfaite et insiste sur l'aspect cornu du taureau de Çiva. Le Mahâbhârata parle de la corne de Çiva, car Çiva s'identifie à sa monture, Nandin.

Les cornes des bovidés sont l'emblème de la Magna Mater divine. Partout où elles apparaissent, dans les cultures néolithiques, soit dans l'iconographie, soit sur des idoles de forme bovidée, elles marquent la présence de la Grande Déesse de la fertilité (O. Menghin). Elles évoquent les prestiges de la force vitale, de la création périodique, de la vie inépuisable, de la fécondité. De là, elles sont venues à symboliser la majesté et les bienfaits du pouvoir royal. A l'instar de Dionysos, Alexandre le Grand fut représenté avec des cornes, pour symboliser sa puissance et son génie, qui l'apparentaient à la nature divine et qui devaient assurer la prospérité de son empire.

Si la corne relève le plus souvent d'un symbolisme lunaire, et donc féminin (corne du taureau), elle peut aussi devenir un vecteur symbolique solaire et mâle (corne du bélier). C'est ce qui explique qu'elle apparaisse souvent comme un symbole de la puissance virile et cet autre aspect du symbole concerne bien entendu aussi le cas d'Alexandre le Grand.

Marie Bonaparte note qu'en hébreu queren signifie à la fois corne, puissance, force ; de même en sanscrit linga et en latin cornu. La corne non seulement par sa force est suggestive de puissance, mais par sa fonction naturelle est image de l'arme puissante (en argot italien, le pénis s'appelle corno).

La Puissance vient s'unir à l'agressivité : Agni possède des cornes impérissables, aiguisées par Brahma lui-même, et toute corne finit par signifier puissance agressive du bien comme du mal... Dans cette conjonction des cornes animales et du chef politique ou religieux (chef iroquois, Alexandre, chamans sibériens, etc.) nous découvrons un procédé d'annexion de la puissance par appropriation magique des objets symboliques... La corne, le trophée... est exaltation et appropriation de la force. Le soldat romain victorieux ajoute un corniculum à son casque...

Soleil et lune, eau et feu apparaissent conjointement dans les croyances des Dogon bien qu'elles soient le plus souvent imprégnées d'un symbolisme lunaire, avec le mythe d'un bélier céleste, portant entre ses cornes une calebasse, qui n'est autre que la matrice solaire. Ses cornes, qui sont des testicules, servent à maintenir cette calebasse, qu'il féconde au moyen d'un pénis dressé sur son front, tandis qu'il urine les pluies et les brouillards qui descendent féconder la terre. Ce bélier se déplace sur la voûte céleste avant les orages, pendant la saison des pluies. C'est le bélier d'or, mais sa toison est faite de cuivre rouge, symbole de l'eau fécondante. Dans une variante du mythe, elle est faire de feuilles vertes – où l'on retrouve l'analogie symbolique des couleurs verte et rouge.

Suivant une légende peule, l'envergure des cornes noueuses du bouc mesure sa virilité.

Certains costumes chamaniques sibériens sont ornés de ramures, généralement de fer, imitant les ramures des cervidés. Ces attributs semblent jouer un rôle équivalent à celui des ailes du grand-duc qui ornent les costumes chamaniques altaïens et notamment chez les Toungouses, les Samoyèdes et les Lénisséens.

Dans les traditions juives et chrétiennes aussi, la corne symbolise la force et possède le sens de rayon de lumière, d'éclair. D'où le passage d'Habakuk (3, 4-5), parlant de la main de Dieu d'où jaillissent des éclairs (les cornes) :


Son éclat est pareil au jour,

des rayons jaillissent de ses mains.

C'est là que se cache sa force.


Quand Moïse descendit du Sinaï, son visage lançait des rayons (Exode, 34, 29, 35). Les termes rayons sont traduits au sens propre par cornes dans la Vulgate. C'est pourquoi les artistes du Moyen Âge représentèrent Moïse avec des cornes au sommet du visage. Ces deux cornes ont l'aspect du croissant lunaire. Les quatre cornes de l'autel des holocaustes placées dans le temple désignent les quatre directions de l'espace : c'est-à-dire l'étendue illimitée de la puissance de Dieu.

Dans les Psaumes, la corne symbolise la force de Dieu qui est la plus puissante défense de ceux qui l'invoquent :

Je m'abrite en lui mon rocher,

mon bouclier et ma corne de salut. (Psaumes 18, 4)


Elle peut symboliser aussi la force altière et agressive des arrogants, dont Yahvé rabat la prétention :


...Ne levez pas la corne,

ne levez pas si haut votre corne,

ne parlez pas en raidissant l'échine. (Psaumes, 75, 6)


Aux justes, au contraire, elle conférera la force

Je ferai germer une corne pour David (Psaumes, 132, 17)


Le mot corne est parfois employé pour désigner les branches transversales de la croix.

Dans les traditions celtiques, à deux ou trois reprises, les textes mythologiques ou épiques mentionnent un personnage Conganchnes à peau de corne, totalement invulnérable, sauf par la plante des pieds. La corne symboliserait ici, par sa dureté propre, une force défensive comme le bouclier.

Les cornes, dans l'analyse contemporaine, sont considérées aussi comme une image de divergence pouvant, à l'égal de la fourche, symboliser l'ambivalence et, à ce titre, des forces régressives : le diable est représenté avec des cornes et des sabots fourchus. Mais, en revanche, elles peuvent aussi être un symbole d'ouverture et d'initiation, par exemple dans le mythe du bélier à toison d'or. Carl Gustav Jung perçoit une autre ambivalence dans le symbolisme des cornes : elles représentent un principe actif et masculin par leur forme et par leur force de pénétration et un principe passif et féminin, par leur ouverture en forme de lyre et de réceptacle. En réunissant ces deux principes dans la constitution de sa personnalité, l'être humain, s'assumant intégralement, parvient à la maturité, à l'équilibre à l'harmonie intérieure, ce qui n'est pas sans rapport avec l'ambivalence solaire-lunaire ci-dessus évoquée.


La corne d'abondance : dans les traditions gréco-romaines, elle est un symbole de la fécondité et du bonheur. Remplie de grains et de fruits, l'ouverture en haut et non en bas comme dans l'art moderne, elle est l'emblème de nombreuses divinités : Bacchus, Cérès, les Fleuves, l'Abondance, la Constance, la Fortune, etc. C'est Jupiter (Zeus) qui , ayant brisé en jouant la corne de la chèvre qui l'allaitait, l'offrit à sa nourrice Amalthée, en lui promettant que cette corne se remplirait à l'avenir de tous les fruits qu'elle désirerait. La corne d'abondance symbolise la profusion gratuite des dons divins.

Suivant une autre légende, mais la valeur symbolique reste la même, la corne d'abondance serait une corne du fleuve Achéloos. C'était le plus grand fleuve de Grèce, fils d'Océan et de Téthys, la divinité de la mer ; lui-même était l'aîné de plus de 3 000 fleuves et le père d'innombrables sources. Comme tous les fleuves, il avait le pouvoir de se métamorphoser dans les formes qu'il désirait. Lors d'un combat qui l'opposa à Héraclès (Hercule) pour la possession de la belle Déjanire, il se transforma en taureau, mais Héraclès lui ayant brisé une corne, il se déclara vaincu. En échange de cette corne qu'il réclama à Héraclès, il lui offrit une corne de la chèvre Amalthée qu'il détenait. La corne d'abondance serait, ou celle d'Achéloos, le dieu-fleuve, qu'une nymphe aurait ramassée et remplie des fruits les plus délicieux, ou celle de la chèvre qui allaita Zeus. Selon la version adoptée, l'abondance viendrait de l'eau ou du ciel. Mais n'est-ce pas le ciel, par ses pluies, qui alimente les fleuves ?

Dans la nuit des temps, la corne d'abondance est devenue l'attribut, plutôt que le symbole, de la libéralité, de la félicité publique, de l'occasion fortunée, de la diligence et de la prudence qui sont aux sources de l'abondance, de l'espérance et de la charité, de l'automne-saison des fruits, de l'équité et de l'hospitalité. »

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Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) :


LES CORNES : Alors que l'ivoire, provenant des défenses de l'éléphant — qui sont les dents incisives de l'animal —-, très connu et très employé par les Anciens, était pris par eux pour ce qu'il est en réalité, c'est-à-dire une production organique, on considérait les diverses cornes ou excroissances épidermiques poussant sur la tête de certains mammifères comme faisant partie du règne minéral.


La corne de rhinocéros : Le rhinocéros d'Asie n'a qu'une corne conique un peu recourbée en arrière, placée au milieu du crâne et d'une longueur d'environ soixante centimètres. Les espèces africaines en ont deux situées l'une derrière l'autre, la corne antérieure étant plus grande que la postérieure.

En Orient, la poudre de corne de rhinocéros a, depuis des temps immémoriaux, la réputation d'un puissant aphrodisiaque. Aussi ces cornes valent-elles fort cher. Leur trafic s'est même étendu à l'Occident.


La corne de cerf : Orphée, dans l'un de ses poèmes sur les pierres, en parle en ces termes : « Lorsque tu auras entre les mains de la corne admirable de cerf, ne manque pas de t'approcher des Dieux immortels. Le cœur des immortels est réjoui quand ils voient cette œuvre merveilleuse de la nature produite par la tête du cerf. Ce n'est pas en effet une pierre mais quelque chose qui lui ressemble. Si tu es chauve, elle te fera croître les cheveux. Car, en la pilant dans de l'huile et en te frottant tous les jours les tempes avec ce mélange, tu sentiras des poils nouveaux naître aux endroits où tu étais chauve. Si, pour la première fois, jeune homme toi-même, tu conduis à ton lit nuptial une jeune épouse, aie cette pierre pour témoin de ton bonheur : et alors un lien indissoluble d'amitié vous liera l'un à l'autre pour toute la vie. »

D'anciens Lapidaires prétendent que, calcinée et délayée dans du vin puis appliquée sur les gencives, elle consolide les dents branlantes ; qu'après avoir été calcinée et lavée, elle guérit la dysenterie, les maux de ventre et les crachements de sang et aussi que, mêlée au lait de femme, elle enlève les granulations de l'œil.


L'aide-mémoire de pharmacie d'Eusèbe Ferrand (édition de 1891), déjà cité, indique plusieurs préparations ayant pour base la corne de cerf et encore en usage à son époque, telles : la corne de cerf râpée servant à composer des gelées adoucissantes, l'huile volatile et l'esprit volatil de corne de cerf « qui sont, dit-il, des antispasmodiques puissants mais répugnants. A l'extérieur, on les a employés comme topiques dans la gangrène, la teigne, etc. ».


La corne de licorne : Autrefois, des cornes de licornes étaient conservées dans les trésors des cathédrales et des abbayes.

Cet animal fabuleux qu'est la licorne symbolise la puissance et la pureté, aussi sa corne avait-elle les vertus merveilleuses d'un antidote universel.

En réalité, ces longues cornes, pointues à l'extrémité et torsadées en spirales, dont certains exemplaires ont près de deux mètres de haut, sont des défenses de narvals (Monondon monoceros, Linné). Ces animaux sont des cétacés — c'est-à-dire des mammifères marins — de 4 à 6 mètres de long qui hantent les mers entre le 70e et le 80e degrés de latitude Nord. C'est le mâle qui possède, insérée sur le maxillaire supérieur, cet appendice défensif qui n'est pas une corne au sens anatomique du terme mais une dent. Il s'agit en effet d'une des incisives qui a pris un développement considérable. La dent qui lui correspond de l'autre côté de la mâchoire est à peine développée. Les narvals se servent surtout de leurs « cornes » pour transpercer les animaux qui les attaquent.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Symboles de puissance (comme celles que portent certains animaux vigoureux, bœuf, taureau, bélier, rhinocéros, bouc, etc.), les cornes ornaient le front du dieu égyptien Amon et de Jupiter ; Alexandre le Grand fut également représenté avec des cornes tout comme, au Moyen Âge, Moïse. En même temps, en tant que symboles de l'ambivalence et des forces régressives, elles devinrent la caractéristique du diable et des démons (ils les perdent en cas de désobéissance), après avoir été celle des satyres et surtout du dieu pan à la puissance sexuelle légendaire. Signalons que certains considèrent la corne come une forme phallique.

Les cornes dans la mesure où elles « forment des pointes, véritables paratonnerres destinés à faciliter l'écoulement du fluide pernicieux », protègent activement du diable. Celles des animaux, notamment des bovidés, sont efficaces : toutefois, les Anglo-Saxons considèrent qu'il est maléfique d'en conserver chez soi. La corne, en nacre, en corail, ou en argent, très populaire en Italie, éloigne le mauvais œil. faire les cornes avec ses doigts (en pointant l'index et l'auriculaire sur les autres objets repliés) équivaut à jeter un sort. Cependant, si ce geste dirigé vers le haut est le signe de reconnaissance des sorciers, ves le sol, il agit comme contre-sort, car il permet d'u diriger les forces malignes où elles n'ont plus d'effet. En présence d'individus suscitant la défiance, il est recommandé de faire discrètement les cornes derrière son dos. Croiser en même temps les jambes renforce leur pouvoir conjuratoire. La représentation d'une main cornue protège également de la sorcellerie.

Des cornes du diable (index et majeur étendus sur la main droite repliée) pointées vers le bas oblige, dit-on, le démon à retourner en enfer mais dirigées en l'air consacre le succès de Satan ; faire ce geste dans son dos attire la chance. Les cornes du diable seraient l'origine du fameux « V comme Victoire » rendu célèbre par Winston Churchill.

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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000), le symbolisme de la couronne et celui de la corne se rassemblent :


"Très tôt dans l'histoire des hommes chasseurs et guerriers, elles ont symbolisé la puissance, la victoire, la gloire, le triomphe sur l'animal, d'abord, dont l'homme, en le tuant dans un combat loyal où il s’identifiait à lui, s'emparait de sa puissance, de son instinct primordial dont notre ancêtre savait, mieux que nous, qu'il le reliait intimement aux grandes forces de a nature. Ainsi, traditionnellement, les grands chasseurs des temps anciens avaient un profond respect pour l'animal qu'ils traquaient pour sa viande et sa fourrure, et dont ils utilisaient les cornes, mais aussi souvent les griffes et les dents comme trophées. A ce point qu'ils prononçaient des prières ou des incantations après les avoir tués, pour vanter leur bravoure, leur force, leur beauté et les remercier de leur avoir donné nourriture et chaleur. Ce faisant, ils s'accordaient une espèce de protection divine contre l'esprit de l'animal. Car nos ancêtres et, plus près de nous, les Indiens d'Amérique du Nord ou les tribus d'Afrique noire, ne doutaient pas de l'existence et du pouvoir de l'esprit de l'animal ni de sa capacité à se venger, ici-bas ou dans l'au-delà, si on ne lui rendait pas grâce, si on ne se montrait pas humble devant lui et respectueux de sa loi.

Ainsi, les cornes de l'aurochs, du taureau, du buffle, du bison, du bélier, du cerf, du bouc, du rhinocéros, etc. formèrent les premières couronnes. Nous l'avons vu à propos de la lettre "a", dont le symbole à l'origine était celui d'une tête de taureau puis d'homme couronné. C'est ainsi que, sans doute à cause de leurs formes, les cornes de ces animaux furent aussi des attributs parfaits de la Lune et du Soleil, les deux grands maîtres de la nuit et du jour. Amon-Rê, le dieu des dieux, la grande divinité solaire d’Égypte, fut souvent représenté avec une couronne composée de deux cornes de bélier, à l'intérieur desquelles se trouvait le disque solaire. La déesse Hathor, ancienne déesse du ciel de l’Égypte antique avant de devenir celle de l'amour, portait, elle aussi, une coiffe de cornes enserrant un disque solaire. Plus tard, si le Diable lui-même fut représenté avec des cornes, et si celles-ci suffisaient à le symboliser, c'était pour souligner sa puissance. Mais il s'agissait d'une puissance illégitime, usurpée. La couronne du roi, quant à elle, était l'attribut de la puissance légitime, d'un pouvoir supérieur, à lui conféré, qui à l'origine devait être aussi bien d'ordre divin que temporel.

Toutefois, force est de constater que si la paire de cornes est, pourrait-on dire, l'ancêtre de la couronne, et un symbole du pouvoir accordé à l'homme par les dieux ou qu'il a obtenu lui-même grâce à ses mérites ou ses exploits, la corne, quant à elle, possède une signification symbolique plus subtile, plus ambiguë aussi. En effet, elle est en analogie avec la Lune, dont elle rappelle le croissant. Mais simultanément, elle est aussi un symbole phallique puissant. C'est cette ambiguïté qui transparaît chez la licorne, animal unicorne mythique à la fois masculin et féminin. En cela, la corne figure l'androgyne, l'être primordial dont l'origine remonte à la nuit des temps.

C'est aussi, bien sûr, la fameuse corne d'abondance, l'attribut de Fortuna, la déesse de la chance, divinité romaine qui s'inspire en réalité de la légende mythique grecque de l'enfance de Zeus, le futur dieu suprême de l'Olympe, et plus précisément d'Amalthée, sa nourrice, une chèvre.

Ce conte mythique relate comment, en jouant, Zeus brisa une des cornes de la chèvre Amalthée et comment, pour se faire pardonner, il lui en fit cadeau en lui promettant que, désormais, elle se remplirait éternellement de tous les fruits de la terre au fur et à mesure que la déesse-chèvre-nourrice divine y puiserait. C'est ainsi que la Corne d'Amalthée devint la Corne d'abondance.

Enfin, signalons que la corne fut aussi, sans doute, un des ancêtres des instruments à vent. mais peut-être en faisait-on plus souvent usage pour avertir ou transmettre des informations de village à village, que pour jouer de la musique.

Dans vos rêves, selon qu'une corne apparaît seule ou par paire, l'interprétation que vous pourrez en faire sera différente. Comme nous l'avons vu, une corne a une connotation symbolique sexuelle à la fois masculine et féminine. mais si l'on se réfère à la licorne, elle est plus souvent un symbole phallique, tandis que les cornes du cerf renvoient à un symbole féminin. En revanche, deux cornes indiquent un pouvoir, une puissance dans n domaine particulier ou qui nous est propre, lequel est souvent révélé par l'animal à qui ces cornes appartiennent. enfin, la couronne est un signe de victoire, de réussite contenue grâce à ses mérites, ses efforts, l'annonce d'une reconnaissance de ses qualités ou, plus simplement, de sa personne."

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Symbolisme celte :

Selon Sabine Heinz, auteur des Symboles des Celtes (1997 ; traduction française Guy Trédaniel Éditeur : 1998),


"La corne est un symbole éloquent, qui était tout aussi important pour d'autres peuples comme les Germains et les Vikings. Cet élément naturel que l'on trouve chez les animaux réunit les principes masculin et féminin ainsi que les idées correspondantes de nature indomptée, de force de frappe, de combat, de capacité de reproduction ainsi que de fécondité. La corne d'abondance contient les cadeaux de la déesse-mère. Différents animaux peuvent donc porter des cornes (serpents, oiseaux aquatiques, porcs) ou encore avoir une corne supplémentaire, comme c'est parfois le cas du taureau.

Les dieux et les humains se parent aussi de cornes ; les humains en mettent par exemple sur leur casques. Certaines formes de corne se terminent en boules. Il s'agit peut-être de pommes qui ôtent à l'animal son caractère dangereux, mais pas sa force, et qui le placent ainsi au service de créatures non-animales.

Le fait qu'on boive dans des cornes fait de celles-ci un symbole de renaissance ; on reprend ses esprits. De l'époque de Hallstatt jusqu'au haut Moyen Âge, les cornes à boire assurent le prestige à leur propriétaire. Comme toute prise de nourriture, boire dans une corne peut être une cérémonie pour laquelle on doit respecter certaines règles. Si la personne qui distribue la viande a un statut officiel auprès du souverain, l'ordre dans lequel les invités boivent dans la corne est bien déterminé.

Pour Llud, la corne a une fonction supplémentaire : elle est utilisée comme mégaphone pour qu'un peuple belliqueux, le second des trois fléaux, ne puise pas entendre certaines paroles. Les cornes font également partie des objets de guerre ; elles peuvent sonner le début de la bataille ou donner des indications acoustiques pendant l'affrontement. Fergus se sert de la corne comme piège.


Comme d'autres objets qui apportent le salut, la corne à boire peut aussi entraîner le malheur.

Dans The Pursuit of Dermat (Diarmaid) and Grania (en français La Poursuite de Dermat et Grania), on raconte ce qui suit :


Après la mort de sa femme, Finn partit en chercher une autre. Ses amis lui conseillèrent de choisir Grania, la fille du roi Cormac à Tara ; elle était, disait-on, la plus belle, la plus érudite et la plus noble d'Irlande. Il était certain que chaque femme souhaitait devenir l'épouse de Finn. A Tara, on organisa donc une fête en son honneur. Ce n'est que par les druides que Grania apprit la raison de la visite de Finn ; elle s'en réjouit peu, car Finn était plus âgé que son père. Elle aurait préféré l'un des jeunes guerriers qui l'accompagnaient. Elle se fit donc présenter les hommes de Finn. Lorsqu'elle regarda le jeune Dermat dans les yeux, un ardent amour naquit. Elle fit venir sa servante et lui demanda de lui apporter sa somptueuse corne à boire. Grania la remplit et ordonna à sa servante de l'apporter à Finn pour qu'il boive à sa santé. Finn, apparemment très honoré, en avala une grosse gorgée et donna ensuite la corne au roi qui, après avoir bu, la remit à la reine. Le fils du roi et tous les autres à qui Grania le demandait burent également. Peu après, ils tombèrent tous dans un profond sommeil semblable à la mort. Elle put enfin aller rejoindre Dermat et lui demander de l'épouser. Il lui donna volontiers son accord et tous deux prirent la fuite pour échapper à Finn.


Lors du combat de Kulhwch pour obtenir la main d'Olwen, il faut que le héros vole la corne de Gwlgawd von Gododddin, qui est échanson pendant la beuverie précédant la bataille des Bretons du Nord contre les Anglo-Saxons.

Il est possible que le diable vienne des dieux ou des humains représentés avec des cornes, qui avaient entre autres une grande force de destruction.

Aujourd'hui encore, la corne (à boire) est populaire au Pays de galles, par l'intermédiaire de l'Eisteddfod. Il s'agit du plus grand festival littéraire et culturel d'Europe qui a lieu chaque année pendant la première semaine d'août et dont on retrouve la trace jusqu'en 1176, à Aberteifi, où eut lieu le concours des bardes. L'événement le plus traditionnel et le plus marquant est la cérémonie au cours de laquelle on couronne le meilleur barde. Pendant la fête, on remet la corne au premier druide en signe de bienvenue. Mais le lien avec la tradition littéraire n'est documenté que depuis l'ère victorienne."

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