Anne
La Limace
Étymologie :
LIMACE, subst. fém.
Étymol. et Hist. a) 1181-90 « limaçon à coquille » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Roach, 5946) ; b) 1538 « mollusque gastéropode, sans coquille » (Est.). Du lat. pop. *limacea (cf. esp. limaza, ital. du Nord lümasa), fém. de *limaceus (cf. lat. médiév. limatius, ixe s. et l'a. fr. limaz), du lat. class. limax, -macis « limace, escargot » (FEW t. 5, pp. 341b-342).
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.
*
Usages traditionnels :
Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) nous rassure :
Jamais en Savoie je n'ai vu employer, pour obtenir une séparation plus rapide et plus parfaite de la crème d'avec le lait le dégoutant procédé qui consiste à suspendre dans le lait une limace traversée par un fil !
*
*
Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Selon un usage très répandu en France, il faut frotter les verrues avec une limace. Un fois la friction opérée, on conseille dans le bocage vendéen de suspendre le mollusque dans un endroit aéré, en Anjou, de le piquer dans un arbrisseau épineux, dans le Loiret de l'enterrer, en Bretagne de l'embrocher sur une tige de céréale, dans l'Aisne, de le jeter dans un puits. dans tous les cas, lorsque la limace est desséchée, la verrue disparaît.
Introduite vivante dans l'oreille, une limace remédie à la surdité ; sa bave a le même pouvoir. Écrasée entre deux linges appliqués sur l'œil, l'animal fait passer un orgelet (Picardie). Contre un goître, il suffit de porter autour du cou pendant quinze jour un emplâtre composé de douze limaces rouges, mélangées à de la farine de fèves, des graines de lin, d'une décoction d'éponge de mer, de sarment de vigne et de lie de vin, le tout passé au four.
Sa tête contient en outre une pierre dite « pierre de limace », en réalité une concrétion ou une sorte de cartilage, qui, attachée au bras d'un malade, passait au XVIIIe siècle pour guérir un calcul rénal et soulager la fièvre. La « pierre de limace » était censée également
*
*
Selon http://limace023.canalblog.com/, on peut faire du symbolisme en maniant l'humour :
"Contrairement à l'escargot, qui jouit d'un haut prestige (gastronomique, économique, symbolique, littéraire, philosophique), la limace inspire une répulsion mêlée de dédain. Nous voulons réparer cette offense, c'est pourquoi ce site lui est dédié. Il révélera à son sujet d’étonnantes propriétés, étrangement méprisées.
Sur le plan gastronomique tout d'abord : pourquoi ne fait-on pas à la limace l'honneur de la manger ? Fondamentalement, il est absurde de se délecter de l'escargot et de rejeter le gout délicat de la limace. Celle-ci en effet recèle des qualités gustatives insoupçonnées. Certains objecteront que la taille de la limace, celle que l'on trouve dans les forêts françaises, supérieure à celle de son rival à coquille, la rend peu idoine à la dégustation, car il est impossible de la manger d'une seule bouchée. Outre que cet argument témoigne de la naturalisation fâcheuse d'une habitude alimentaire, aisément modifiable nous rétorquerons qu'il existe des variétés de limaces aux proportions réduites. En envisageant, par la vertu de ce contre-argument, une importation massive de petites limaces, il n'est pas question pour autant d'en faire une sorte de succédanée honteux de l'escargot, à la manière de la truite fumée. La limace est délicieuse et se marie à la perfection aux plus grands vins de Bourgogne. De hardis collaborateurs ont aussi découvert qu'elle se gobait merveilleusement bien. Par ailleurs, sur le plan diététique, la limace est un met équilibré, dont la teneur en collagène est bénéfique pour la peau. Cette parembole scientiste ne saurait faire oublier la dimension symbolique de la limace. Manger la limace, c'est avant tout manger un signifiant (1). En l'occurrence, la limace est porteuse de sens. Symbole de la désinvolture vulnérable, du refus de transiger sur son mode d'être, d'un mépris des biens matériels, d'un nomadisme décomplexé, d'une vie en marge de la frénésie capitaliste, la limace pourrait devenir l'emblème d'une génération. L'escargot au contraire serait le symbole sarkozyste du propriétaire. La limace est précaire et disponible, réceptive-passive. L'ingérer serait s'approprier ses propriétés symboliques. S'il est peu douteux qu'ingérer un Big Mac, c'est adhérer au "rêve américain" (qui n'est par ailleurs plus exclusivement territorialiste), manger une limace c'est faire siennes les valeurs alternatives qu'elle porte en elle. L'homme peut varier son symbolisme mais ne peut se passer de symbolisme. Jouons donc fiction contre fiction. Et profitons-en par la pour oublier l'odieuse entreprise de dénigrement pongien (lire "L'Escargot" dans Le Parti pris des choses), pénible pensum ou le futur nationalisme du poète montre ses prémisses dans l'exaltation d'un symbole franco-français au détriment de la limace. Opposition facile, forcée. (2)
Les ennemis du libéralisme expansif, de son mépris de la "dépense improductive", pourraient se réclamer de la limace. La promouvoir comme une condensation de valeurs allant à contre-courant. Visitez notre boutique en ligne. Vous pourrez y acheter divers objets siglés avec le logo de la LCR : briquets, stylos, T-shirts... Faites vous plaisir : les porter ostensiblement, c'est d'une part augmenter la visibilité de la limace, et aussi occasionner des discussions dans votre entourage. Nous conclurons en appelant tout lecteur sensible aux nombreuses qualités de la limace à œuvrer en sa faveur. A favoriser par tous les moyens sa réhabilitation et à la protéger des assauts de malveillance. Elle en a besoin.
Le collectif "LIMACE".
(1) La langue japonaise est riche en occurrences des phonèmes [limas]. Par exemple "orimasu" [olimas], lit. "je descends" (O limace !, permettant d’accéder à la transdescandence). "Shimarimasu" [shimalimas], "(les portes) se ferment" ("chie ma limace", en accord avec la symbolique freudienne du métro et sa plongée dans d'obscures voies souterraines). Une des formules de politesse les plus subtiles, servant à s'excuser en remerciant lors d'un service rendu, aussi minime soit-il, est "osoreirimasu" [osolei limas] ("au soleil, limace", resplendissante limace pentocrator). "Il y a" se dit "arimasu" [alimas] ("Ah, limace" : un certain "mono no aware", presque un haiku : vertige fixe).
En francais, [limas] s'entend "lis, masse!", injonction urgente pour retrouver l'ante-spectaculaire.
En franglais, nous entendons "lime ass", du verbe limer, et de "ass" (cul). Voila qui montre bien la violence latente de la limace, de son anomalie décroissante, prête à éroder, petit à petit, le fondement du système. La limace est bel et bien un défi au système, c'est "l'ennemi du dedans" dont parle Bataille. Voila pourquoi on l'a toujours exterminée, symboliquement et réellement.
(2) Il semble tout à fait aberrant que l'expression idiomatique "quelle limace !" ait un sens péjoratif."
*
*
Selon Diana Cooper, auteure du Guide des archanges dans le monde animal (édition originale 2007 ; traduction française : Éditions Contre-dires, 2018) :
Les limaces et les escargots sont des mollusques qui ont le même travail de service et la même mission d'âme. L'escargot porte une coquille et il doit produire du calcium pour la construire et la préserver ; donc il y en a moins que des limaces. Au niveau spirituel, la différence dans leur plan divin est due au fait que des expériences étaient en cours pour voir comment les variations par rapport ) la limace de base se produiraient sur Terre.
Apparemment, les escargots peuvent dormir pendant trois ans sans se réveiller. Cela suggère qu'ils se transposent dans un état altéré où ils se connectent à la lumière supérieure qui les nourrit.
Je sais que j'ai déjà partagé cette histoire, mais cela m'a vraiment impressionnée. Quand j'ai commencé à poser des questions sur les limaces et les escargots, mon guide Kumeka m'a dit qu'ils s'incarnaient à l'origine pour manger toutes les feuilles mortes sous les arbres et les buissons. Ils rendaient volontiers ce service depuis plusierus siècles, jusqu'à ce que les humains commencent à planter des laitues juteuses et d'autres plantes délicieuses qui sont tellement plus savoureuses que les vielles feuilles fanées. Kumeka a dit qu'ils savaient qu'ils ne devaient pas manger de laitue, de la même manière que je sais que je ne devrais pas manger de laitue, de la même manière que je sais que je ne devrais pas manger de chocolat, mais ils ne peuvent pas s'en empêcher ! Depuis que j'ai entendu cette histoire, je considère toutes les limaces et les escargots de mon jardin avec plus de bienveillance. Comment puis-je leur en vouloir de faire ce que je fais moi-même ?
*
*
*
Littérature :
Jacqueline Kelen, auteure de Un Chemin d'ambroisie, Amour, religion et chausse-trappes (Éditions de La Table ronde, 2010), nous rapporte la grâce d'un instant en compagnie d'une limace :
"J'ai acheté sur le marché un petit bouquet de muguet et, de retour chez moi, j'emplis un vase d'eau fraîche et commence à égaliser les tiges de muguet après avoir coupé la ficelle qui les liait. C'est alors que je découvre une petite limace blonde, nichée au cœur des tiges. Elle est sur ma paume, que faire ? Je vois ses petites antennes, d'un beau noir luisant, qui se développent, palpent, sentent. Qu'elle est mignonne, cette petite limace à tête noire et à corps svelte et blond ! Elle est de ma famille, je veux dire de la famille des êtres "à antennes" et des êtres discrets. Je ne peux ni la jeter dans une poubelle, ni demeurer indifférente tant elle est gracieuse et inoffensive.
Je prends un bout de fane de radis, la dépose dessus, puis, avec elle dans ma paume, je descends les cinq étages. Dans le jardin voisin, je choisis un endroit un peu humide, ombragé et feuillu pour la libérer. Et je lui souhaite bonne chance.
*
*
*