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Le Cornouiller


Étymologie :


  • CORNOUILLER, subst. masc.

Étymol. et Hist. Entre 1300 et 1320 corgnollier (Rentes de la prév. de Clerm., B.N. 4663, f°37 vods Gdf. Compl.) ; 1680 cornouiller (Rich.). Dér. de cornolle, v. cornouille ; suff. -ier*.


  • CORNOUILLE, subst. fém.

Étymol. et Hist. [1229-52 cornolles (J. de Garlande, ds Scheler, Lex., p. 77 ds DG)] ; 1re moitié xive s. cornoylle (Abavus, Vat. lat. 2748, 1726, éd. M. Roques, I, 136) ; 1538 cornoille (Est., s.v. cornus) ; 1680 cornouille (Rich.). Cornolle, dér. en -ŭlla du lat. cornum, v. corne « cornouille » (dès 1160-85 cornelles, Guill. d'Angleterre, éd. H. Wilmotte, 434, dér. en ĭcula) ; l mouillé est issu par l'intermédiaire du dér. (v. cornouiller) du contact du ll avec -ier (FEW t. 2, p. 1206 b).


Lire aussi la définition des noms cornouille et cornouiller pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Cornus sanguinea - Bois puant - Bois punais - Cornouiller femelle - Cornouiller sanguin - Olivier de Normandie - Puègne blanche - Sanguin - Sanguine -

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Botanique :






Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Villards dit que « dans certains endroits de l'Italie, on se sert pour les lampes, les soupes et les fritures, de l'huile que donne assez abondamment le fruit du cornouiller, Cornus L., appelé sanguin. » Cette huile n'est pas employée en Savoie.





Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite essence particulière :


Automne - Novembre.

CORNOUILLER SAUVAGE - DURÉE.


Le cornouiller ne s'élève guère qu'à la hauteur de dix-huit ou vingt pieds : il vit des siècles ; mais il est très lent à croitre ; on le voit fleurir au printemps ; cependant il ne cède qu'à l'hiver ses fruits d'un rouge éclatant. Les Grecs avaient consacré cet arbre à Apollon, sans doute parce que ce dieu présidait aux ouvrages d'esprit qui demandent beaucoup de temps et de réflexion. Charmant emblème qui apprenait à tous ceux qui voulaient cultiver les lettres, l'éloquence et la poésie, que, pour mériter la couronne de laurier, il fallait porter longtemps celle de la patience et de la méditation. Après que Romulus eut tracé l'enceinte de sa ville naissante, il lança son javelot sur le mont Palatin. Le bois de ce javelot était de cornouiller : il prit racine, s'éleva, produisit des branches, des feuilles, il devint arbre ; ce prodige fut regardé comme l'heureux présage de la force et de la durée de ce naissant empire.

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Cornouiller - Durée.

C’est un arbre à la végétation très lente et dont le bois a une grande durée, comme celui de tous les arbres qui croissent lentement.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Cornouiller - Durée - Dureté.

Cet arbrisseau de six à sept mètres de hauteur, est rameux et son bois est fort dur : on en fait d'excellents manches d'outils. Ses feuilles sont ovales et opposées ; les fleurs naissent avant les feuilles et forment de petites ombelles jaunes. Quant aux fruits, ils sont oblongs et d'un beau rouge à leur extrémité ; ils sont connus sous le nom de cornouilles et se mangent dans le Midi. Il y a aussi une autre espèce fort commune dans les bois et dans les haies que l'on appelle le cornouiller sanguin, à cause de la couleur de ses jeunes pousses ; les fleurs de cette variété sont blanches et les fruits noirs à leur maturité.

 

D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


« Le rituel des Féciaux (Tite-Live, 1, 32) prévoit que le prêtre romain, chargé de la déclaration de guerre à l'ennemi, se rendait à la frontière, portant une javeline armée de fer ou en cornouiller à la pointe durcie pour interpeller l'adversaire. Ce rite répond à une ancienne prescription magique, antérieure à l'introduction du fer. Comme le jet d'une arme sur le territoire étranger, le choix du cornouiller sanguin symbolisait la mort sanglante qui allait fondre sur les ennemis. En Extrême-Orient, au contraire, il représente la force vivante du sang et des influences bénéfiques. »

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Cornouiller a les caractéristiques suivantes :


Le genre Cornouiller renferme une trentaine d'espèces dont deux sont communes dans les zones tempérées de l'hémisphère Nord :

Le Cornouiller mâle (Cornus mas), grand arbrisseau à fleurs jaunes, très commun en Europe centrale, en Allemagne et dans l'est de la France. Ses fruits, en forme d'olive et d'un beau rouge sombre, sont comestibles.

Le Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), arbuste buissonneux à fleurs blanches, est fréquemment utilisé pour faire des haies. Son fruit globuleux, vert, puis noir, n'est pas comestible. Les jeunes rameaux sont d'un rouge luisant, d'où le nom; on les employait dans les campagnes pour faire des tuteurs, des liens ou des ouvrages de vannerie grossière.

Les graines renferment une grande quantité d'huile, d'une odeur repoussante, mais qu'on utilisait autrefois pour l'éclairage, la fabrication du savon, etc. L'écorce du Cornouiller sanguin sent très mauvais, d'où le nom populaire de bois punaise ou bois puant.


Pouvoirs : Réalisation des vœux ; Protection.


Utilisation magique : L'écorce « puante » du Cornouiller sanguin, séchée, broyée, et le plus souvent mêlée à un peu de sciure du même bois, entre dans les amulettes protectrices.

Pour qu'un vœu se réalise, il faut faire sept nœuds à un bas, glisser un fruit du Cornouiller mâle (une « cornouille » ou « corne ») dans chacun des sept nœuds, se nouer le bas autour de la taille, à même la peau, et aller vider sept chopes de bière brune à la taverne la plus éloignée de son domicile. Si au retour on marche encore assez droit, si on a relativement toute sa tête, et surtout si Madame ne vous fait pas de scène en rentrant, le vœu se réalisera. Mais si vous rentrez en tanguant comme une barque sur la houle, et si la hausfräu vous attend derrière la porte avec le rouleau à pâtisserie, vous pouvez dire adieu à votre souhait et enterrer les sept cornouilles au fond du jardin, car elles refuseraient de quitter le bas et deviendraient des varices sur les jambes de la patronne (Ergoldsbach, Bavière).

Certains guérisseurs croates et slovènes prétendaient guérir les maladies mentales en faisant porter à celui qui avait « l'esprit dérangé» un foulard imprégné de sève du Cornouiller mâle.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Le cornouiller sanguin, dont le bois rougit en vieillissant, est associé au sang. Chez les Romains, pour signifier une déclaration de guerre, un prêtre portait une javeline en cornouiller, symbolisant la mort sanglante des ennemis. Pour Virgile, le prince Polydore ayant été métamorphosé à sa mort en cornouiller, son sang coule de l'arbre dès qu'on en arrache une branche. en revanche, en Extrême-Orient, l'arbre symbolise , à l'image du sang, la vie et les influences bénéfiques. On prétendait encore à la fin du siècle dernier en Poitou que si l'on frappait des brebis avec des baguettes de cornouiller, elles attrapaient un coup de sang. Quelques superstitions européennes mettent en évidence l'influence nuisible de l'arbre : au sabbat, les sorciers fabriquaient un poison efficace avec son écorce, sa moelle et sa graine, mélangées à des crapauds. Au XVIe siècle, qui avait été mordu par un chien enragé contractait aussitôt la maladie s'il touchait du bois de cornouiller.

Cependant, le cornouiller peut être utilisé pour la composition de charmes de protection : son écorce réduite en poudre est à elle seule une amulette. Le cornouiller mâle, à fleurs jaunes et aux fruits rouge foncé, espèce commune à l'est de la France, à l'Allemagne et à l'Europe centrale, sert, lui, à la réalisation d'un vœu. Selon une superstition bavaroise :


Il fait faire sept nœuds à un bas, glisser un fruit mâle (une « cornouille » ou un « corne »), dans chacun des sept nœuds, se nouer le bas autour de la taille, à même la peau, et aller vider sept chope de bière brune à la taverne la plus éloignée de son domicile. Si au retour on marche encore assez droit, si on a relativement toute sa tête, et surtout si Madame ne vous fait pas de scène en rentrant; le vœu se réalisera. mais si vous rentrez en tanguant comme une barque sur la houle, et si la hausfraü vous attende derrière la porte avec le rouleau à pâtisserie, vous pouvez dire adieu à votre souhait et enterrer les sept cornouilles au fond du jardin, car elles refuseraient de quitter le bas et deviendraient des varices sur les jambes de la patronne.


Chez les Croates et les Slovènes, certains guérisseurs croyaient traiter les malades mentaux en leur faisant porter « un foulard imprégné de sève du cornouiller mâle ».

En Belgique, les feuilles rouges du cornouiller arrêtent les crises hématiques des vaches.

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Selon Annie Pazzogna, auteure de Totem, Animaux, arbres et pierres, mes frères, Enseignement des Indiens des Plaines, (Le Mercure Dauphinois, 2008, 2012, 2015), le cornouiller sanguin (Cornus sanguineum stolonifera) est appelé Cansasa par les Indiens Lakota.


"Cet arbuste à feuillage caduc que l'on rencontre dans les bois, les taillis ou au bord de l'eau peut atteindre trois à quatre mètres de hauteur. Il est appelé Dog Wood, "Bois de Chien" par les Lakota.


En hiver, dévêtu de sa parure, les rameaux rouge vif à plus foncés rappellent les artères, les veines. La ligne de vie ocre qui est tracée du museau à la pointe de la queue de Chien, avant qu'il ne soit sacrifié, évoque Cornouiller. Force vivante du sang et des influences bénéfiques, Cansasa est lié au Soleil, à la chaleur vitale, à la beauté et la générosité. Il est l'âme donc symbole de renaissance, de la vie / énergie qui ne peut disparaître.

En Europe, lorsqu'un placenta est enterré après une naissance, il est courant de planter Cornouiller sur ce double de l'enfant qui l'a alimenté pendant neuf mois.

Par sa couleur sang / feu, il porte le Souffle et figure au nombre des plantes qui font partie du mélange kinnikinnik fumé dans la Pipe Sacrée, dont le bol de catlinite incarne la force de vie. Objet de la cristallisation du Créateur, il représente le Divin et notre Mère la Terre. La Pipe accouplée contient l'Univers en son entièreté.

Appelé aussi Red Osier, Cornouiller Sanguin a été souvent confondu avec Saule Rouge dont l'âcreté a de quoi rendre le teint vert au plus intrépide des fumeurs.

Cansasa se mélange, toujours en parts égales aux feuilles pourpres de Sumac (rhus glabra) pour sa vigueur, de Buis (buxus sempervirens) à petites feuilles ovales pour son calme, de Busserole (arctostaphylos uva ursi) et bien d'autres plantes séchées et hachées, toujours multiples de deux.

A la froide saison, les branches sont dépouillées de leur écorce rouge. Le liber, lui, est gratté et séché afin d'être incorporé en parts égales au tabac. Cansasa neutraliserait sa nocivité.

Pale Dog Wood est une variété dont les rameaux sont verts aux proéminences rougeâtres. Cet arbuste posséderait l'odeur des excréments de Chien, lorsque gratté. Il est en principe utilisé lors des cérémonies de nuit : Yuwipi, Olowanpi, quand la présence de Chien est requise.

Les bouchers européens se servaient autrefois des rameaux droits et drus de Cornouiller pour faire des brochettes.

Les petites fleurs en bouquets blancs de Cornouiller au printemps, se transforment à l'automne, en grappes de baies bleu noir qui sont amères et purgatives. Elles sont prisées par les oiseaux."

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Selon Pierre Leutaghi, auteur d'un article intitulé "Aux frontières (culturelles) du comestible" (Éditions Presses Universitaires de France | « Ethnologie française », 2004/3, Vol. 34 | pages 485 à 494) :

[...]

La situation des cornouilles du cornouiller mâle, drupes rouges en forme d’olive, est quelque peu analogue, mais la frontière des appréciations contradictoires semble traverser plus ou moins la France d’ouest en est. On mange ces excellents fruits à confiture en Bourgogne calcaire et dans l’Est, tandis que les régions méridionales les rejettent, en ignorent même souvent le nom. Présent dans une bonne partie du territoire du chêne pubescent, le cornouiller mâle n’est pas inconnu des sociétés paysannes ; son bois très dur et compact est mis à contribution partout pour les manches d’outils ; mais l’aire d’usage de ce matériau ne correspond nullement à celle de la consommation des fruits.

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


CORNOUILLER. — On connaît l’épisode de Polydore dans Virgile. Le cornouiller est l’arbre dans lequel se transforme le jeune prince Polydore, après sa mort. Lorsqu’on détache une branche de cet arbre, il en coule du sang. C’est le sang de Polydore, auquel l’auri sacra fames avait enlevé la vie avec les richesses. Il est curieux d’apprendre qu’en Toscane, on appelle aussi sanguine le faux cornouiller, et très intéressant d’observer que, dans un conte populaire toscan de très ancienne date111, le frère tué pour une plume de paon est changé en un faux cornouiller. Ce conte est une variante évidente de la légende virgilienne, mais avec un cachet mythologique qui ne permet point de le considérer comme un simple développement postérieur. Je ne puis pas, en outre, oublier l’impression étrange, mystérieuse, profonde que produisit sur moi un fragment de chanson, avec un air monotone et indéfinissable par lequel le conteur s’interrompait tout à coup pour imiter la lamentation du jeune frère tué qui, par la flûte magique tirée du faux cornouiller, trahissait le secret de sa mort et je serais tenté de reporter directement ce conte à sa première source orientale. — Pour construire le fameux cheval de bois, les Grecs, au siège de Troye, coupèrent sur le mont Ida plusieurs cornouillers, dans un bois consacré à Apollon, appelé Karneios, ce qui provoqua l’indignation du dieu ; en expiation de ce sacrilège, les Hellènes instituèrent la fête dite Karneia. On prétend aussi que le javelot lancé par Romulus sur le mont Palatin était en cornouiller. Sous cet aspect, le cornouiller deviendrait une espèce d’arbre anthropogonique.

[...]

SANGUINE. — Nom italien de la cornus sanguinea, le cornouiller sauvage ; cf. Cornouiller ; en Lombardie, à cause du poison, ou sang, ou suc qu’on en tire, on l’appelle arbre des sorcières.

 

Dans Arbres filles et garçons fleurs, Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs (Éditions du Seuil, février 2017) de Françoise Frontisi-Ducroux, raconte qu'un


"autre prodige d'arbre et saignant et parlant [autre que l'histoire du micocoulier], est raconté par Virgile, Énéide, III, 30 s. : Énée essaie d'arracher des cornouillers et des myrtes. Ils proviennent des javelots qui avaient transpercé Polydore, le plus jeune fils de Priam, trahi par son hôte ; cf l'Hécube d'Euripide. Ces javelots redevenus les arbustes dont ils étaient faits versent un sang noir et donnent la parole au mort enterré par-dessous."

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