Étymologie :
Étymol. et Hist. 1600 seringa (O. de Serres, Théâtre d'agric., 6e livre, chap. X, p. 509) ; 1652 seringat (Cl. Mollet, Théâtre de plans et jardinages, p. 171). Empr. au lat. des botanistes syringa (xve s. siringa, Alphita, éd. J.-L. M. Mowat, p. 172), du lat. syringa « seringue » (v. ce mot) n. donné à cet arbrisseau parce que son bois, vidé de la moelle, est utilisé par les enfants comme flûte ou seringue.
Lire également la définition du nom seringa afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Philadelphus coronarius ; Jasmin des poètes ; Seringa commun ;
Selon Pierre Delaveau, auteur d'un article intitulé "La métaphore dans la construction du vocabulaire médico-pharmaceutique" (paru In : Revue d'histoire de la pharmacie, 90ᵉ année, n°335, 2002. pp. 498-501) :
Le cas de seringue montre des métaphores anciennes : génitif de syrinx, syringos était, en grec, un roseau coupé et creusé, devenant la modeste flûte du berger, puis ce mot a servi à qualifier divers organes creux (trachée, bronches, fistules) et différents instruments médicaux à Rome. Au XVIe siècle, syringa fut détrôné par clystère, mais se réfugia dans le vocabulaire des jardiniers, jusqu'à ce que la petite pompe de Pravaz eût besoin d'être qualifiée. Faut-il rappeler aussi la filiation vers seringa, un arbuste aux tiges creuses ?
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Botanique :
Selon Jean-Louis Moret, auteur de l'article intitulé "Etymologie onomastique ou les noms de genres de la flore suisse dédiés à des personnes. Complément." (in : Bulletin du Cercle vaudois de botanique n°39 : pp. 103-108, 2010) :
Philadelphus L. (Sp. Pl. 1 : 470. – Linné 1753),
Saxifragaceae. Sans dédicace.
Le nom serait dédié à Ptolémée Philadelphe. Selon Le Maout et Decaisne (1855), le nom vient du grec φιλάδελφος, « qui aime ses frères », allusion aux fleurs rapprochées en corymbe. Selon Kanngiesser (1909), le nom a été donné en l’honneur du roi Ptolémée d’Egypte (mort en 246 av. J.-C.), qui portait aussi le nom de Philadelphe (Fournier 1946). Genaust (2005) partage cet avis. A partir de ce roi, la dynastie des Ptolémée aurait érigé un véritable culte familial dans lequel tous les frères et sœurs sont considérés comme des rois-dieux : depuis le mariage de Ptolémée II avec sa sœur Arsinoé II, plus de huit générations de mariages entre frères et sœurs ont été célébrées. La dernière de la lignée, Cléopâtre VII (69-30 av. J.-C.), épouse de ses frères Ptolémée XIII, puis Ptolémée XIV, a été l’amante de Marc Antoine et de César (Genaust 2005).
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Symbolisme :
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Seringa des jardins - Amour fraternel.
Cette plante fut consacrée à un roi d’Égypte en récompense de son grand amour pour son frère : d’où cette espèce s’appelle seringa philaclelphus.
Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
SERINGAT - AMOUR FRATERNEL.
Celui qui aime son frère demeure dans la lumière , et le scandale n'est point en lui . Mais celui qui haït son frère est dans les ténèbres, et il ne sait où il va parce que les ténèbres l'ont aveuglé. – I Jean 11, 10. 11.
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
SERINGA - AMOUR FRATERNEL.
Arbrisseau de la famille des myrtes, qui porte, au printemps, des fleurs blanches d'une odeur douce et pénétrante. Linné compare à des frères les étamines réunies à leur base.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Seringat - Mon cœur est pénétré de vos bontés.
Petit arbuste aux fleurs blanches répandant une odeur agréable, mais forte et pénétrante ; il est originaire d'Orient.
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Littérature :
Le Seringa
À Seringapatam
Qu’on batte le tam-tam,
Qu’on sonne la trompette,
C’est aujourd’hui la fête,
Fête des seringas
Et des rutabagas.
Honneur aux seringas,
Honte aux rutabagas.
Robert Desnos, "Le Seringa" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.
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Selon Thanh-Vân Ton-That, auteur de "Faune et flore proustiennes : métaphores et métamorphoses dans Sodome et Gomorrhe" (paru In : Littératures 43, automne 2000. pp. 143-152) :
La fleur odorante permet de détourner l’attention et de masquer la faute, notamment le seringa qui est d’autant plus pervers qu’il rappelle le réséda au symbolisme inquiétant, moins baudelairien qu’aurevillien. En effet, une fleur cache toujours un cadavre dont elle se nourrit et sur lequel elle s’épanouit : « je n’avais jamais oublié la manière fauve et presque amoureusement cruelle, dont la comtesse avait respiré et mangé les fleurs de son bouquet [...]-on a voulu mettre ces beaux résédas en pleine terre et l’on a trouvé dans la caisse, devinez quoi !... le cadavre d’un enfant qui avait vécu (1)..» . Ainsi Andrée avoue-telle au narrateur que celui-ci a failli surprendre ses ébats avec Albertine : « nous avions eu la même idée : faire semblant de craindre l’odeur du seringa, : que nous adorions au contraire. Vous rapportiez avec vous une longue branche de cet arbuste, ce qui me permit de détourner la tête et de cacher mon trouble (2) ».
Notes : 1) : J. Barbey d’Aurevilly, « Le Dessous de cartes d’une partie de whist », Les Diaboliques, Paris, Le Livre de Poche, 1 966, p. 275, p. 276.
2) : T. IV, Albertine disparue, p. 180.
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