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Ocre




Étymologie :


  • OCRE, subst. fém. et adj.

Étymol. et Hist. 1. 1307-09 « colorant minéral naturel » (Mahaut, Comtesse d'Artois, éd. J.-M. Richard, p. 346) ; 2. 1859 adj. « qui a la couleur de l'ocre » (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, p. 31). Empr. au lat. ochra « sorte de terre jaune », empr. au gr. ω χ ρ α « id. », substantivation au fém. de l'adj. ω ̓ χ ρ ο ́ ς « d'un jaune pâle ».


Lire également la définition du nom ocre pour amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Selon Reynald Georges Boschiero, auteur du Nouveau Dictionnaire des Pierres utilisées en lithothérapie, Pour tout savoir sur les Pierres et les Énergies subtiles (Éditions Vivez Soleil 1994 et 2000, Éditions Ambre 2001),


Les couleurs tertiaires "sont des couleurs issues du mélange des trois couleurs primaires. Selon le dosage de chacune de ces couleurs elles varient du brun violacé à l'ocre jaune en passant par le marron rouge. Ces teintes sont si nuancées qu'il est difficile de leur attribuer une personnalité bien tranchée. Nous n'en dégagerons que des tendances qui, toutes, ont une certaine propension au raisonnable, à l'apaisement.


L'ocre (à dominante jaune ou verte) : Neutre, intermédiaire, c'est la couleur du sol, de l'humus en repos. L'ocre est la couleur de la gaieté contenue, peu expansive, du bonheur apprécié pour sa tranquillité, son calme. Posée et réfléchie, elle est raisonnable et de bons conseils.


Les pierres ocres : jaspe jaune - albâtre - paesine - œil de tigre."

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Symbolisme onirique :


Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


"Alors même qu'il inspire un discours apparemment dénué de cohérence, l'imaginaire conserve en toute circonstance une maîtrise absolue du vocabulaire d'images. A travers ses productions les plus désinvoltes, il cultive l'art de l'image juste. Un rêve présente vient des mots qui échappent à la compréhension, il ne contient jamais un terme superflu, une image insignifiante.

Le chercheur engagé sur les traces de la couleur ocre dans les scénarios de rêve éveillé ne pénétrera le sens du symbole qu'au prix d'une certaine persévérance. Il serait légitimement tenté d'interrompre ses investigations lorsqu'il s'aperçoit que l'ocre n'apparaît dans aucun rêve, autrement que par une simple évocation destinée à préciser la teinte d'un mur ou du sol. pourtant, s'il persévère, s'il observe attentivement le contenu de chacune des scènes dans lesquelles apparaît cette couleur, il aura la satisfaction de découvrir que celle-là signe des composantes tout à fait spécifiques de la problématique psychologique.

Le patient l'ignore parfois, l'ocre est une terre. L'inconscient le sait toujours ! L'ocre est ne argile, une composition chargée d'oxyde de fer, jaune à l'origine, virant au rouge après cuisson à haute température. L'ocre du rêve, dans huit cas sur dix, est la couleur d'un mur, d'une muraille, d'une construction. un mur de pierre au soleil couchant, un mur de brique, la muraille de terre entourant la ville du désert, sont les principales images entre lesquelles se répartissent les évocations oniriques de l'ocre.

L'ocre est une terre et parle du ciel. L'ocre est un mot et se déploie en contradictions nombreuses. L’ocre se fait mur parce que le mur sépare. L'ocre sépare, oppose. Il oppose le sacré au profane, l'intérieur et l'extérieur, l'intime et la relation, la sagesse et la performance. C'est à proximité de l'ocre qu'on relève le plus grand nombre de ces expressions qui révèlent une position inconfortable du rêveur par rapport aux valeurs du ciel et de la terre, au besoin de réalisation spirituelle et d'accomplissement temporel. "L'homme a saisi une coupe, un trophée... ou peut-être un calice...", "je vois un grand bâtiment en brique ocre, c'est une église... ou une usine ?", "derrière ce mur, c'est un château... ou une abbaye, je ne sais pas..."! Près de 75% des scénarios dans lesquels apparaît une touche d'ocre proposent des images porteuses de ce type d'ambivalence.

L'observation est d'importance. Une analyse plus fine autorise pourtant à considérer qu'elle ne saisit qu'un phénomène résultant. Si la rêveuse ou le rêveur, auprès de l'ocre, émettent de telles images, qui tendent à rappeler les voies de la réalisation spirituelle, c'est qu'ils sont las du gaspillage de leurs énergies dans la poursuite de buts vains. Derrière un mur ocre, il y a presque toujours l'aveu d'une disposition exacerbée de compétition, de rivalité, d'envie. Le rouge-ocre, venu de la terre, affiche une ambition terrestre qui accapare l'élan vital au bénéfice de la volonté de puissance. L'ocre, dans le rêve, est souvent encadré par des commentaires qui l'apparentent au rouge-brun, au marron clair. Comme cette dernière couleur, l'ocre est lié aux nourritures.

Dans le groupe des rêveuses, la compétition prend souvent - sans qu'on puisse ériger cela en règle générale - la forme d'une revendication inconsciente du pénis. En ce qui concerne les rêveurs, la plupart des scénarios explicitent la rivalité œdipienne qui oppose le fils au père. L'abondance des références à l'intérieur et à l'extérieur donne à penser que l'ocre invite aussi au passage vers le centre de la psyché, lieu de révélation où se dissiperont bien des oppositions.

Le dixième scénario de Mathilde illustrera quelques-(unes des ébauches de traductions que nous avons proposées :

"... J'entends résonner un gong, très brillant et, aussitôt, je vois passer une caravane de cavaliers en tenue blanche, masqués, le visage à demi voilé... ce qui fait que je ne peux pas dire si ce sont des hommes ou des femmes... ils passent, en colonne, au galop. Il faut très chaud, ils sont très mystérieux... j'ai l'impression qu'ils emmènent quelqu'un en otage... une femme sûrement... je marche dans le sable sur les traces laissées par les chevaux. J'arrive devant une espèce de château-forteresse, strictement gardé par des sentinelles en armes, farouches. Les cavaliers sont entrés par la seule porte existante... c'est comme un château mais plutôt comme une muraille à l'intérieur de laquelle il y a probablement un village, toute une vie, toute une cité... mais je ne peux pas y pénétrer... on a l'impression que toute la vie est rassemblée à l'intérieur de ces murs... et je vois très bien le mur, la couleur marron-ocre... à l'extérieur, l n'y a aucune vie... je n'ai rencontré personne que les cavaliers... c'est le désert total.. le désert... c'est comme une ville close dans le désert et moi je n'ai pas le droit d'y entrer ! Et...là, ça me rappelle que j'ai vécu pendant tant d'années... et maintenant encore ! Je me rappelle 68... la Sorbonne... j'étais restée à l'extérieur... je ne pouvais plus entrer... et je voyais cette fille, avec qui j'ai toujours eu une relation de compétition, de rivalité très forte... elle était brillante, sûre d'elle, autant que j'étais timide... je la vois là, qui accaparait l'attention de tous les étudiants... je regardais ça avec un sentiment de haine, d'envie... Sentiments d'être toujours exclue... et là je retrouve tout à fait cette situation dans le désert, devant ce mur ocre..."

Dans cette séquence, la muraille ocre est ne représentation parfaite de l'état dramatique d'une psychologie figée par la référence constante à l'apparence. Les comportements édifiés pour répondre aux attentes supposées de l'extérieur, pour satisfaire la demande tyrannique d'un illusoire regard des autres maintiennent la personne hors de l'expérience du réel. Séparée de son authenticité intérieure, de ce centre où se trouve "rassemblée toute vie", elle évolue dans un désert. Le vingt-troisième scénario de Geneviève propose quelques lignes qui semblent faire écho aux paroles de Mathilde et qui montrent que l'ocre est la couleur de cette séparation entre les aspirations naturelles de l'être et le vide du paraître :

"... C'est un désert... égyptien je pense... ou au Maroc... là, je marche dans les dunes... il ne fait pas très beau... elles sont dan un très vaste espace... impression que je m'enfonce dans le sable... c'est difficile de marcher... j'y arrive, mais c'est difficile... je marche vers le haut de la dune, pour voir ce qu'il y a derrière, mais c'est absurde : il y aura d'autres dunes... ça veut dire que je n'ai pas de but... que je gaspille toute mon énergie à ça... [...] Là, j'ai pensé à un verger... à des fruits... un verger interdit, où je me faufilais, enfant... [...] Maintenant, je vois un chien... il m'entraîne vers un mur avec une prote, qui conduit vers un jardin très beau, avec ces tas de fleurs et de fruits... un jardin luxuriant, entouré de murs ocre... ils sont couleur de sable... y a juste un trou en ogive dans le mur, par de porte... impression que je peux y aller si je le veux..."

Cette porte en ogive confère au jardin la tonalité religieuse de l'espace intérieur. Anne-Marie, dans son troisième rêve, sent la terre se dérober sous ses pieds... elle descend profondément, le long d'une porte de pilier en spirale, très effilé, jusqu'à un espace intérieur, un péristyle joliment décoré, entouré de vide. Là va se jouer une scène très explicite à travers laquelle Anne-marie donne à voir son désir impérieux d'être un garçon. Pour reconnaître sa vérité intime, découverte salvatrice, il fallait atteindre ce lieu profond. La description que fait la rêveuse de son cheminement est édifiante :

"... Je descends... je descends, le long de cette espèce de pilier... ça glisse ... c'est comme si ce mur était fait de brique ocre... c'est assez joli... je descends... je traverse des salles, des grottes... Je suis arrivée dans un péri style entouré d'une galerie, avec des arches... tout est en mosaïque dans les tons beige et ocre et en marron très clair... ce sont des dessins magnifiques, abstraits. ça ne représente rien mais, en même temps, ça a un sens, très fort... c'est un endroit intérieur, magnifique, ocre..."

Dans la marge de son compte-rendu de séance, Anne-Marie a écrit cette note : "Je me demande toujours si la nécessité intérieure sera assez forte pour me pousser à approfondir, tout en ressentant l'insatisfaction de rester en superficie..."

Rêveurs et rêveuses offrent des dizaines d'illustrations où se mêlent, autour de l'ocre, l'attachement aux valeurs du paraître, du besoin d'être reconnu, applaudi et l'émergence de celles de l'être réel, de l'épanouissement dans l'authenticité. Le besoin d'exister pour les autres, qui s'exaspère en rêveries de performances, en rivalités, en compétitions et qui se révèle sous le signe de l'ocre, n'est peut-être, pour la plupart des rêveurs mais aussi des rêveuses, que l'expression d'une même frustration : celle d'un regard valorisant du père. Les multiples formes par lesquelles se manifeste le désir d'être supérieur ne sont que les extériorisations personnalisées de ce manque fondamental.

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Quoi qu'il en soit, l'ocre du rêve se tient toujours à la frontière entre l'extérieur, le monde de l'apparence, les valeurs de la comparaison, la recherche de conformité et l'intérieur, l'authenticité de l'être, le naturel. L'ocre est sur le mur, sur l'édifice, sur la construction. La lumière ocre, dans l'onirisme, a des propriétés révélatrices comparables à celle des rayons ultraviolets en physique. Sous cet éclairage, le monde construit, édifié, apparaît soudain pour ce qu'il est : un ensemble privé de fondations, un vide, un rien, un désert. Mais l'ocre est guide. Il dévoile aussi la proximité du centre de la psyché, de ces valeurs intimes qui composent la plus inébranlable des réalités.

Dans la lumière ocre s'épanouit un paradoxe : le religieux, c'est-à-dire ce qui relie chacun à lui-même, à l'autre, aux autres, au monde, au divin, part de l'intérieur. Là, le religieux atteint la profondeur du sacré. Les réseaux de convenances, tissés d'apparences et de rivalités, si denses soient-ils, si solidement raisonnés, s'évanouissent dans cette lumière.

Quand apparaît l'ocre dans un scénario, le praticien peut être assuré qu'il assiste à l'un des épisodes décisifs de la dynamique d'évolution. Il doit porter son interrogation sur la nature de l'ambition exacerbée par laquelle le patient épuisait jusqu'alors ses énergies. Celui-là est prêt à reconnaître le vrai visage de sa puissance, celui qui prend les traits de l'authenticité."

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